Si vous continuez d'être ainsi toute pâle Dans notre air étouffant, Si je vous vois entrer dans mon ombre fatale, Moi vieillard, vous enfant ;
Si je vois de nos jours se confondre la chaîne, Moi qui sur mes genoux Vous contemple, et qui veux la mort pour moi prochaine, Et lointaine pour vous ;
Si vos mains sont toujours diaphanes et frêles, Si, dans vôtre berceau, Tremblante, vous avez l'air d'attendre des ailes Comme un petit oiseau ;
Si vous ne semblez pas prendre sur notre terre Racine pour longtemps, Si vous laissez errer, Jeanne, en notre mystère Vos doux yeux mécontents ;
Si je ne vous vois pas gaie et rose et très forte, Si, triste, vous rêvez, Si vous ne fermez pas derrière vous la porte Par où vous arrivez ;
Si je ne vous vois pas comme une belle femme Marcher, vous bien porter, Rire, et si vous semblez être une petite âme Qui ne veut pas rester,
Je croirai qu'en ce monde où le suaire au lange Parfois peut confiner, Vous venez pour partir, et que vous êtes l'ange Chargé de m'emmener.