Prie encor pour tous ceux qui passent Sur cette terre des vivants ! Pour ceux dont les sentiers s'effacent À tous les flots, à tous les vents ! Pour l'insensé qui met sa joie Dans l'éclat d'un manteau de soie, Dans la vitesse d'un cheval ! Pour quiconque souffre et travaille, Qu'il s'en revienne ou qu'il s'en aille, Qu'il fasse le bien ou le mal !
Pour celui que le plaisir souille D'embrassements jusqu'au matin, Qui prend l'heure où l'on s'agenouille Pour sa danse et pour son festin, Qui fait hurler l'orgie infâme Au même instant du soir où l'âme Répète son hymne assidu, Et, quand la prière est éteinte, Poursuit, comme s'il avait crainte Que Dieu ne l'ait pas entendu !
Enfant ! pour les vierges voilées ! Pour le prisonnier dans sa tour ! Pour les femmes échevelées Qui vendent le doux nom d'amour ! Pour l'esprit qui rêve et médite ! Pour l'impie à la voix maudite Qui blasphème la sainte loi ! - Car la prière est infinie ! Car tu crois pour celui qui nie ! Car l'enfance tient lieu de foi !
Prie aussi pour ceux que recouvre La pierre du tombeau dormant, Noir précipice qui s'entrouvre Sous notre foule à tout moment ! Toutes ces âmes en disgrâce Ont besoin qu'on les débarrasse De la vieille rouille du corps. Souffrent-elles moins pour se taire ? Enfant ! regardons sous la terre ! Il faut avoir pitié des morts !