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Un scrupule qui m'a l'air sot comme un péché

Argumente.


Dieu vit au sein d'un cœur caché,

Non d'un esprit épars, en milliers de pages,

En millions de mots hardis comme des pages,

A tous les vents du ciel ou plutôt de l'enfer,

Et d'un scandale tel, précisément tout fier.

Il faut, pour plaire à Dieu, pour apaiser sa droite,

Suivre le long sentier, gravir la pente étroite,

Sans un soupir de trop, fût-il mélodieux,

Sans un geste au surplus, même agréable aux yeux,

Laisser à d'autres l'art et la littérature

Et ne vivre que juste à même la nature

Tu pratiquais jadis et naguère ces us

Content de reposer à l'ombre de Jésus

Y pansant de vin, d'huile de lin tes blessures

Et maintenant, ingrat à la Croix, tu t'assures

En la gloire profane et le renom païen,

Comme si iout cela n'était pas trois fois rien,

Comme si tel beau vers, telle phrase sonore,

Chantait mieux qu'un grillon, brillait plus qu'un fulgore

Va, risque ton salut, ton salut racheté

Un temps, par une vie autre, c'est vérité,

Que celle de tes ans primes, enfance molle,

Age pubère fou, jeunesse molle et folle

Risque ton âme, objet de tes soins d'autrefois

Pour quels triomphes vains sur quels banals pavois ?

Malheureux !


Je réponds avec raison, je pense :

Je n'attends, je ne veux pas d'autre récompense

A ce mien grand effort d'écrire de mon mieux

Que l'amitié du jeune et l'estime du vieux

Lettrés qui sont au fond les seules belles âmes,

Car où prendre un public en ces foules infâmes

D'idioterie en haut et folles par en bas ?

Où, - le trouver ou pas, le mériter ou pas,

Le conserver ou pas ! - l'assentiment d'un être

Simple, naïf et bon, sans même le connaître

Que par ce seul lien comme immatériel,

C'est tout mon attentat au seul devoir réel,

Essentiel gagner le ciel par les mérites,

Et je doute, Jésus pieux, que tu t'irrites

Pour quelque doux rimeur chantant ta gloire ou bien

Étalant ses péchés au pilori chrétien ;

Tu ne suscites pas l'aspic et la couleuvre

Contre un poème ou contre un poète. Ton œuvre,

Consolant les ennuis de ce morne séjour

Par un concert de foi, d'espérance et d'amour ;

Puis ne me fis-tu pas, avec le don de vivre,

Le don aussi, sans quoi je meurs ! de faire un livre,

Une œuvre où s'attestât toute ma quantité,

Toute, bien mal, la force et l'orgueil révolta

Des sens et leur colère encore qui sont la même

Luxure au fond et bien la faiblesse suprême,

Et la mysticité, l'amour d'aller au ciel

Par le seul graduel du juste graduel,

Douceur et charité, seule toute-puissance.

Tu m'as donné ce don, et par reconnaissance

J'en use librement, qu'on me blâme, tant pis.

Quant à quêter les voix, quant à tâter les pis

De dame Renommée, à ses heures marâtre,

Fi !


Mais, pour en finir, leur foyer ou son âtre

Souffrent-ils de mon cas ? Quelle poutre en votre œil,

Quelle paille en votre œil de ce fait ? De quel deuil,

De quel scandale, vers ou proses, sont-ils cause

Dont cela vaille un peu la peine qu'on en cause ?
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