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À M. Plasschaert.

Qui, en m'expédiant un ouvrage de sa façon, indiquait :
À l'auteur de La Feuille... en Europe.


Auteur aimable autant qu'utile,
Votre livre m'est parvenu ;
À votre but, à votre style,
Ma raison vous a reconnu.

Vos vers pleins de délicatesse
Pour mon goût n'ont pas moins de prix
On n'écrit pas mieux à Paris,
Mais on y met mieux mon adresse.

En Europe, où partout je vois
Que les saints traités s'exécutent,
Suis-je connu même des rois,
Des bons rois qui me persécutent ?

De m'y chercher qui prendrait soin,
Sur la foi de votre apostille,
Chercherait bien moins qu'une aiguille,
Et dans quelle botte de foin !

Jouet du sort impitoyable,
Au fait, je n'ai ni feu ni lieu ;
Je suis à la grâce de Dieu :
Qui m'écrira, m'écrive au diable !

Écrit à La Haye, en 1818.
Écoutez. Une femme au profil décharné,
Maigre, blême, portant un enfant étonné,
Est là qui se lamente au milieu de la rue.
La foule, pour l'entendre, autour d'elle se rue.
Elle accuse quelqu'un, une autre femme, ou bien
Son mari. Ses enfants ont faim. Elle n'a rien ;
Pas d'argent ; pas de pain ; à peine un lit de paille.
L'homme est au cabaret pendant qu'elle travaille.
Elle pleure, et s'en va. Quand ce spectre a passé,
Ô penseurs, au milieu de ce groupe amassé,
Qui vient de voir le fond d'un cœur qui se déchire,
Qu'entendez-vous toujours ? Un long éclat de rire.

Cette fille au doux front a cru peut-être, un jour,
Avoir droit au bonheur, à la joie, à l'amour.
Mais elle est seule, elle est sans parents, pauvre fille !
Seule ! - n'importe ! elle a du courage, une aiguille,
Elle travaille, et peut gagner dans son réduit,
En travaillant le jour, en travaillant la nuit,
Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile.
Le soir, elle regarde en rêvant quelque étoile,
Et chante au bord du toit tant que dure l'été.
Mais l'hiver vient. Il fait bien froid, en vérité,
Dans ce logis mal clos tout en haut de la rampe ;
Les jours sont courts, il faut allumer une lampe ;
L'huile est chère, le bois est cher, le pain est cher.
Ô jeunesse ! printemps ! aube ! en proie à l'hiver !
La faim passe bientôt sa griffe sous la porte,
Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte
Les meubles, prend enfin quelque humble bague d'or ;
Tout est vendu ! L'enfant travaille et lutte encor ;
Elle est honnête ; mais elle a, quand elle veille,
La misère, démon, qui lui parle à l'oreille.
L'ouvrage manque, hélas ! cela se voit souvent.
Que devenir ! Un jour, ô jour sombre ! elle vend
La pauvre croix d'honneur de son vieux père, et pleure ;
Elle tousse, elle a froid. Il faut donc qu'elle meure !
A dix-sept ans ! grand Dieu ! mais que faire ?... - Voilà
Ce qui fait qu'un matin la douce fille alla
Droit au gouffre, et qu'enfin, à présent, ce qui monte
À son front, ce n'est plus la pudeur, c'est la honte.
Hélas, et maintenant, deuil et pleurs éternels !
C'est fini. Les enfants, ces innocents cruels,
La suivent dans la rue avec des cris de joie.
Malheureuse ! elle traîne une robe de soie,
Elle chante, elle rit... ah ! pauvre âme aux abois !
Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souffle qui courbe un homme et qui brise une femme,
Lui dit quand elle vient : « C'est toi ? Va-t-en, infâme ! »

Un homme s'est fait riche en vendant à faux poids ;
La loi le fait juré. L'hiver, dans les temps froids ;
Un pauvre a pris un pain pour nourrir sa famille.
Regardez cette salle où le peuple fourmille ;
Ce riche y vient juger ce pauvre. Écoutez bien.
C'est juste, puisque l'un a tout et l'autre rien.
Ce juge, - ce marchand, - fâché de perdre une heure,
Jette un regard distrait sur cet homme qui pleure,
L'envoie au bagne, et part pour sa maison des champs.
Tous s'en vont en disant : « C'est bien ! » bons et méchants ;
Et rien ne reste là qu'un Christ pensif et pâle,
Levant les bras au ciel dans le fond de la salle.

Un homme de génie apparaît. Il est doux,
Il est fort, il est grand ; il est utile à tous ;
Comme l'aube au-dessus de l'océan qui roule,
Il dore d'un rayon tous les fronts de la foule ;
Il luit ; le jour qu'il jette est un jour éclatant ;
Il apporte une idée au siècle qui l'attend ;
Il fait son œuvre ; il veut des choses nécessaires,
Agrandir les esprits, amoindrir les misères ;
Heureux, dans ses travaux dont les cieux sont témoins,
Si l'on pense un peu plus, si l'on souffre un peu moins !
Il vient. - Certe, on le va couronner ! - On le hue !
Scribes, savants, rhéteurs, les salons, la cohue,
Ceux qui n'ignorent rien, ceux qui doutent de tout,
Ceux qui flattent le roi, ceux qui flattent l'égout,
Tous hurlent à la fois et font un bruit sinistre.
Si c'est un orateur ou si c'est un ministre,
On le siffle. Si c'est un poète, il entend
Ce chœur : « Absurde ! faux ! monstrueux ! révoltant ! »
Lui, cependant, tandis qu'on bave sur sa palme,
Debout, les bras croisés, le front levé, l'œil calme,
Il contemple, serein, l'idéal et le beau ;
Il rêve ; et, par moments, il secoue un flambeau
Qui, sous ses pieds, dans l'ombre, éblouissant la haine,
Éclaire tout à coup le fond de l'âme humaine ;
Ou, ministre, il prodigue et ses nuits et ses jours ;
Orateur, il entasse efforts, travaux, discours ;
Il marche, il lutte ! Hélas ! l'injure ardente et triste,
À chaque pas qu'il fait, se transforme et persiste.
Nul abri. Ce serait un ennemi public,
Un monstre fabuleux, dragon ou basilic,
Qu'il serait moins traqué de toutes les manières,
Moins entouré de gens armés de grosses pierres,
Moins haï ! -- Pour eux tous et pour ceux qui viendront,
Il va semant la gloire, il recueille l'affront.
Le progrès est son but, le bien est sa boussole ;
Pilote, sur l'avant du navire il s'isole ;
Tout marin, pour dompter les vents et les courants,
Met tour à tour le cap sur des points différents,
Et, pour mieux arriver, dévie en apparence ;
Il fait de même ; aussi blâme et cris ; l'ignorance
Sait tout, dénonce tout ; il allait vers le nord,
Il avait tort ; il va vers le sud, il a tort ;
Si le temps devient noir, que de rage et de joie !
Cependant, sous le faix sa tête à la fin ploie,
L'âge vient, il couvait un mal profond et lent,
Il meurt. L'envie alors, ce démon vigilant,
Accourt, le reconnaît, lui ferme la paupière,
Prend soin de la clouer de ses mains dans la bière,
Se penche, écoute, épie en cette sombre nuit
S'il est vraiment bien mort, s'il ne fait pas de bruit,
S'il ne peut plus savoir de quel nom on le nomme,
Et, s'essuyant les yeux, dit : « C'était un grand homme ! »

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
« Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, saint, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Le pesant chariot porte une énorme pierre ;
Le limonier, suant du mors à la croupière,
Tire, et le roulier fouette, et le pavé glissant
Monte, et le cheval triste à le poitrail en sang.
Il tire, traîne, geint, tire encore et s'arrête ;
Le fouet noir tourbillonne au-dessus de sa tête ;
C'est lundi ; l'homme hier buvait aux Porcherons
Un vin plein de fureur, de cris et de jurons ;
Oh ! quelle est donc la loi formidable qui livre
L'être à l'être, et la bête effarée à l'homme ivre !
L'animal éperdu ne peut plus faire un pas ;
Il sent l'ombre sur lui peser ; il ne sait pas,
Sous le bloc qui l'écrase et le fouet qui l'assomme,
Ce que lui veut la pierre et ce que lui veut l'homme.
Et le roulier n'est plus qu'un orage de coups
Tombant sur ce forçat qui traîne des licous,
Qui souffre et ne connaît ni repos ni dimanche.
Si la corde se casse, il frappe avec le pié ;
Et le cheval, tremblant, hagard, estropié,
Baisse son cou lugubre et sa tête égarée ;
On entend, sous les coups de la botte ferrée,
Sonner le ventre nu du pauvre être muet !
Il râle ; tout à l'heure encore il remuait ;
Mais il ne bouge plus, et sa force est finie ;
Et les coups furieux pleuvent ; son agonie
Tente un dernier effort ; son pied fait un écart,
Il tombe, et le voilà brisé sous le brancard ;
Et, dans l'ombre, pendant que son bourreau redouble,
Il regarde quelqu'un de sa prunelle trouble ;
Et l'on voit lentement s'éteindre, humble et terni,
Son œil plein des stupeurs sombres de l'infini,
Où luit vaguement l'âme effrayante des choses.
Hélas !

Cet avocat plaide toutes les causes ;
Il rit des généreux qui désirent savoir
Si blanc n'a pas raison, avant de dire noir ;
Calme, en sa conscience il met ce qu'il rencontre,
Ou le sac d'argent Pour, ou le sac d'argent Contre ;
Le sac pèse pour lui ce que la cause vaut.
Embusqué, plume au poing, dans un journal dévot,
Comme un bandit tuerait, cet écrivain diffame.
La foule hait cet homme et proscrit cette femme ;
Ils sont maudits. Quel est leur crime ? Ils ont aimé.
L'opinion rampante accable l'opprimé,
Et, chatte aux pieds des forts, pour le faible est tigresse.
De l'inventeur mourant le parasite engraisse.
Le monde parle, assure, affirme, jure, ment,
Triche, et rit d'escroquer la dupe Dévouement.
Le puissant resplendit et du destin se joue ;
Derrière lui, tandis qu'il marche et fait la roue,
Sa fiente épanouie engendre son flatteur.
Les nains sont dédaigneux de toute leur hauteur.
Ô hideux coins de rue où le chiffonnier morne
Va, tenant à la main sa lanterne de corne,
Vos tas d'ordures sont moins noirs que les vivants !
Qui, des vents ou des cœurs, est le plus sûr ? Les vents.
Cet homme ne croit rien et fait semblant de croire ;
Il a l'œil clair, le front gracieux, l'âme noire ;
Il se courbe ; il sera votre maître demain.

Tu casses des cailloux, vieillard, sur le chemin ;
Ton feutre humble et troué s'ouvre à l'air qui le mouille ;
Sous la pluie et le temps ton crâne nu se rouille ;
Le chaud est ton tyran, le froid est ton bourreau ;
Ton vieux corps grelottant tremble sous ton sarrau ;
Ta cahute, au niveau du fossé de la route,
Offre son toit de mousse à la chèvre qui broute ;
Tu gagnes dans ton jour juste assez de pain noir
Pour manger le matin et pour jeûner le soir ;
Et, fantôme suspect devant qui l'on recule,
Regardé de travers quand vient le crépuscule,
Pauvre au point d'alarmer les allants et venants,
Frère sombre et pensif des arbres frissonnants,
Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage ;
Autrefois, homme alors dans la force de l'âge,
Quand tu vis que l'Europe implacable venait,
Et menaçait Paris et notre aube qui naît,
Et, mer d'hommes, roulait vers la France effarée,
Et le Russe et le *** sur la terre sacrée
Se ruer, et le nord revomir Attila,
Tu te levas, tu pris ta fourche ; en ces temps-là,
Tu fus, devant les rois qui tenaient la campagne,
Un des grands paysans de la grande Champagne.
C'est bien. Mais, vois, là-bas, le long du vert sillon,
Une calèche arrive, et, comme un tourbillon,
Dans la poudre du soir qu'à ton front tu secoues,
Mêle l'éclair du fouet au tonnerre des roues.
Un homme y dort. Vieillard, chapeau bas ! Ce passant
Fit sa fortune à l'heure où tu versais ton sang ;
Il jouait à la baisse, et montait à mesure
Que notre chute était plus profonde et plus sûre ;
Il fallait un vautour à nos morts ; il le fut ;
Il fit, travailleur âpre et toujours à l'affût,
Suer à nos malheurs des châteaux et des rentes ;
Moscou remplit ses prés de meules odorantes ;
Pour lui, Leipsick payait des chiens et des valets,
Et la Bérésina charriait un palais ;
Pour lui, pour que cet homme ait des fleurs, des charmilles,
Des parcs dans Paris même ouvrant leurs larges grilles,
Des jardins où l'on voit le cygne errer sur l'eau,
Un million joyeux sortit de Waterloo ;
Si bien que du désastre il a fait sa victoire,
Et que, pour la manger, et la tordre, et la boire,
Ce Shaylock, avec le sabre de Blucher,
A coupé sur la France une livre de chair.
Or, de vous deux, c'est toi qu'on hait, lui qu'on vénère ;
Vieillard, tu n'es qu'un gueux, et ce millionnaire,
C'est l'honnête homme. Allons, debout, et chapeau bas !

Les carrefours sont pleins de chocs et de combats.
Les multitudes vont et viennent dans les rues.
Foules ! sillons creusés par ces mornes charrues :
Nuit, douleur, deuil ! champ triste où souvent a germé
Un épi qui fait peur à ceux qui l'ont semé !
Vie et mort ! onde où l'hydre à l'infini s'enlace !
Peuple océan jetant l'écume populace !
Là sont tous les chaos et toutes les grandeurs ;
Là, fauve, avec ses maux, ses horreurs, ses laideurs,
Ses larves, désespoirs, haines, désirs, souffrances,
Qu'on distingue à travers de vagues transparences,
Ses rudes appétits, redoutables aimants,
Ses prostitutions, ses avilissements,
Et la fatalité des mœurs imperdables,
La misère épaissit ses couches formidables.
Les malheureux sont là, dans le malheur reclus.
L'indigence, flux noir, l'ignorance, reflux,
Montent, marée affreuse, et parmi les décombres,
Roulent l'obscur filet des pénalités sombres.
Le besoin fuit le mal qui le tente et le suit,
Et l'homme cherche l'homme à tâtons ; il fait nuit ;
Les petits enfants nus tendent leurs mains funèbres ;
Le crime, antre béant, s'ouvre dans ces ténèbres ;
Le vent secoue et pousse, en ses froids tourbillons,
Les âmes en lambeaux dans les corps en haillons :
Pas de cœur où ne croisse une aveugle chimère.
Qui grince des dents ? L'homme. Et qui pleure ? La mère.
Qui sanglote ? La vierge aux yeux hagards et doux.
Qui dit : « J'ai froid ? » L'aïeule. Et qui dit : « J'ai faim ? » Tous !
Et le fond est horreur, et la surface est joie.
Au-dessus de la faim, le festin qui flamboie,
Et sur le pâle amas des cris et des douleurs,
Les chansons et le rire et les chapeaux de fleurs !
Ceux-là sont les heureux. Ils n'ont qu'une pensée :
A quel néant jeter la journée insensée ?
Chiens, voitures, chevaux ! cendre au reflet vermeil !
Poussière dont les grains semblent d'or au soleil !
Leur vie est aux plaisirs sans fin, sans but, sans trêve,
Et se passe à tâcher d'oublier dans un rêve
L'enfer au-dessous d'eux et le ciel au-dessus.
Quand on voile Lazare, on efface Jésus.
Ils ne regardent pas dans les ombres moroses.
Ils n'admettent que l'air tout parfumé de roses,
La volupté, l'orgueil, l'ivresse et le laquais
Ce spectre galonné du pauvre, à leurs banquets.
Les fleurs couvrent les seins et débordent des vases.
Le bal, tout frissonnant de souffles et d'extases,
Rayonne, étourdissant ce qui s'évanouit ;
Éden étrange fait de lumière et de nuit.
Les lustres aux plafonds laissent pendre leurs flammes,
Et semblent la racine ardente et pleine d'âmes
De quelque arbre céleste épanoui plus haut.
Noir paradis dansant sur l'immense cachot !
Ils savourent, ravis, l'éblouissement sombre
Des beautés, des splendeurs, des quadrilles sans nombre,
Des couples, des amours, des yeux bleus, des yeux noirs.
Les valses, visions, passent dans les miroirs.
Parfois, comme aux forêts la fuite des cavales,
Les galops effrénés courent ; par intervalles,
Le bal reprend haleine ; on s'interrompt, on fuit,
On erre, deux à deux, sous les arbres sans bruit ;
Puis, folle, et rappelant les ombres éloignées,
La musique, jetant les notes à poignées,
Revient, et les regards s'allument, et l'archet,
Bondissant, ressaisit la foule qui marchait.
Ô délire ! et d'encens et de bruit enivrées,
L'heure emporte en riant les rapides soirées,
Et les nuits et les jours, feuilles mortes des cieux.
D'autres, toute la nuit, roulent les dés joyeux,
Ou bien, âpre, et mêlant les cartes qu'ils caressent,
Où des spectres riants ou sanglants apparaissent,
Leur soif de l'or, penchée autour d'un tapis vert,
Jusqu'à ce qu'au volet le jour bâille entr'ouvert,
Poursuit le pharaon, le lansquenet ou l'hombre ;
Et, pendant qu'on gémit et qu'on frémit dans l'ombre,
Pendant que le
Paul d'Aubin Mar 2017
« Des Hommes prophétiques en face de leurs époques face à la souffrance causée par les périodes de réaction et de reflux »

(Relation d’une conférence donnée le 13 janvier 1940 à Toulouse par Silvio Trentin sur le principal Poète romantique Italien Giacomo Leopardi)

Prélude à une commémoration

C'est à la bibliothèque interuniversitaire de l’Université de Toulouse-Capitole alors que je me plongeais avec ferveur dans la lecture des ouvrages sur les « fuorusciti » (appellation donnée aux exilés politiques Italiens) que je découvris un opuscule de 118 pages, issue d'une conférence prononcée à Toulouse, le 13 janvier 1940 devant le « Cercle des intellectuels Républicains espagnols » par Silvio Trentin. Cette conférence fut prononcée avec la gorge nouée, devant un public d'intellectuels espagnols et catalans, la plupart exilés depuis 1939, et quelques-uns de leurs amis toulousains non mobilisés.
L'intense gravité du moment ne les empêchait pas de partager une ferveur commune ce haut moment de culture la culture Européenne intitulée par Silvio Trentin : « D’un poète qui nous permettra de retrouver l'Italie Giacomo Leopardi »
L'émotion fut grande pour moi car cet ouvrage me parut comme le frêle esquif rescapé d'un temps de défaites, de souffrances, rendu perceptible par le crépitement des balles de mitrailleuses, des explosions d’obus s'abattant sur des soldats républicains écrasés par la supériorité des armes et condamnés à la défaite par le mol et lâche abandon des diplomaties. Silvio Trentin avait gravé dans sa mémoire des images récentes qui n'avaient rien à envier aux tableaux grimaçants de nouveaux Goya. Il avait tant vu d'images d'avions larguant leurs bombes sur les populations terrifiées et embraser les charniers de Guernica. Il venait de voir passer les longues files de civils, toujours harassés, souvent blessés, emportant leurs rares biens ainsi que les soldats vaincus mais fiers de «la Retirada ». Il venait de visiter ces soldats dont parmi eux bon nombre de ses amis de combat, parqués sommairement dans des camps d'infortune.
Ces Catalans et Espagnols, qui s'étaient battus jusqu'au bout des privations et des souffrances endurées, étaient comme écrasés par le sentiment d'avoir été laissés presque seuls à lutter contre les fascismes, unis et comme pétrifiés par un destin d'injustice et d'amertume.
Mais ces premiers déchainements impunis d'injustices et de violences avaient comme ouverts la porte aux «trois furies» de la mythologie grecque et une semaine exactement après la conclusion du pacte de non-agression germano-soviétique, signé le 23 août 1939, par Molotov et Ribbentrop, les troupes allemandes se jetaient, dès le 1er septembre, sur la Pologne qu'elles écrasaient sous le nombre des stukas et des chars, en raison ce que le Général de Gaulle nomma ultérieurement « une force mécanique supérieure».
Une armée héroïque, mais bien moins puissante, était défaite. Et il ne nous en reste en guise de témoignage dérisoire que les images du cinéaste Andrei Wajda, nous montrant de jeunes cavaliers munis de lances se rendant au combat, à cheval, à la fin de cet été 1939, images d'une fallacieuse et vénéneuse beauté. Staline rendu avide par ce festin de peuples attaqua la Finlande, un mois après, le 30 septembre 1940, après s'être partagé, avec l'Allemagne hitlérienne, une partie de la Pologne. Depuis lors la « drôle de guerre » semblait en suspension, attendant pétrifiée dans rien faire les actes suivants de la tragédie européenne.

- Qu'est ce qui pouvait amener Silvio Trentin en ces jours de tragédie, à sacrifier à l'exercice d'une conférence donnée sur un poète italien né en 1798, plus d'un siècle avant ce nouvel embrasement de l'Europe qui mourut, si jeune, à trente-neuf ans ?
- Comment se fait-il que le juriste antifasciste exilé et le libraire militant devenu toulousain d'adoption, plus habitué à porter son éloquence reconnue dans les meetings organisés à Toulouse en soutien au Front à s'exprimer devant un cercle prestigieux de lettrés, comme pour magnifier la poésie même parmi ses sœurs et frères d'armes et de malheurs partagés ?
I °) L’opposition de tempéraments de Silvio Trentin et Giacomo Leopardi
L'intérêt porté par Silvio Trentin aux textes de Percy Shelley et au geste héroïco-romantique du poète Lauro de Bosis qui dépeignit dans son dernier texte le choix de sa mort héroïque pourrait nous laisser penser que le choix, en 1940, de Giacomo Leopardi comme sujet de médiation, s'inscrivait aussi dans une filiation romantique. Certes il y a bien entre ces deux personnalités si différentes que sont Giacomo Leopardi et Silvio Trentin une même imprégnation romantique. Le critique littéraire hors pair que fut Sainte-Beuve ne s'y est pourtant pas trompé. Dans l'un des premiers portraits faits en France de Leopardi, en 1844, dans la ***** des deux Mondes, Sainte-Beuve considère comme Leopardi comme un « Ancien » : (...) Brutus comme le dernier des anciens, mais c'est bien lui qui l'est. Il est triste comme un Ancien venu trop **** (...) Leopardi était né pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de la Rome libre. »
Giacomo Leopardi vit au moment du plein essor du romantisme qui apparaît comme une réaction contre le formalisme de la pâle copie de l'Antique, de la sécheresse de la seule raison et de l'occultation de la sensibilité frémissante de la nature et des êtres. Mais s'il partage pleinement les obsessions des écrivains et poètes contemporains romantiques pour les héros solitaires, les lieux déserts, les femmes inaccessibles et la mort, Leopardi, rejette l'idée du salut par la religion et tout ce qui lui apparaît comme lié à l'esprit de réaction en se plaignant amèrement du caractère étroitement provincial et borné de ce qu'il nomme « l’aborrito e inabitabile Recanati ». En fait, la synthèse de Giacomo Leopardi est bien différente des conceptions d'un moyen âge idéalisé des romantiques. Elle s'efforce de dépasser le simple rationalisme à l'optimisme naïf, mais ne renie jamais l'aspiration aux « Lumières » qui correspond pour lui à sa passion tumultueuse pour les sciences. Il s'efforce, toutefois, comme par deux ponts dressés au travers de l'abime qui séparent les cultures et les passions de siècles si différents, de relier les idéaux des Antiques que sont le courage civique et la vertu avec les feux de la connaissance que viennent d'attiser les encyclopédistes. A cet effort de confluence des vertus des langues antiques et des sciences nouvelles se mêle une recherche constante de la lucidité qui le tient toujours comme oscillant sur les chemins escarpés de désillusions et aussi du rejet des espoirs fallacieux dans de nouvelles espérances d'un salut terrestre.
De même Silvio Trentin, de par sa haute formation juridique et son engagement constant dans les tragédies et péripéties quotidienne du militantisme, est **** du secours de la religion et de toute forme d'idéalisation du passé. Silvio Trentin reste pleinement un homme de progrès et d'idéal socialiste fortement teinté d'esprit libertaire pris à revers par la barbarie d'un siècle qui s'ouvre par la première guerre mondiale et la lutte inexpiable engagée entre la réaction des fascismes contre l'esprit des Lumières.
Mais, au-delà d'un parcours de vie très éloigné et d'un pessimisme historique premier et presque fondateur chez Leopardi qui l'oppose à l'obstination civique et démocratique de Silvio Trentin qui va jusqu'à prôner une utopie sociétale fondée sur l'autonomie, deux sentiments forts et des aspirations communes les font se rejoindre.

II °) Le même partage des désillusions et de la douleur :
Ce qui relie les existences si différentes de Giacomo Leopardi et de Silvio Trentin c'est une même expérience existentielle de la désillusion et de la douleur. Elle plonge ses racines chez Giacomo Leopardi dans une vie tronquée et comme recroquevillée par la maladie et un sentiment d'enfermement. Chez Silvio Trentin, c'est l'expérience historique même de la première moitié du vingtième siècle dont il est un des acteurs engagés qui provoque, non pas la désillusion, mais le constat lucide d'un terrible reflux historique qui culmine jusqu'à la chute de Mussolini et d'Hilter. A partir de retour dans sa patrie, le 4 septembre 1943, Silvio Trentin débute une période de cinq jours de vie intense et fiévreuse emplie de liberté et de bonheur, avant de devoir replonger dans la clandestinité, en raison de la prise de contrôle du Nord et du centre de l'Italie par l'armée allemande et ses alliés fascistes. Bien entendu il n'y a rien de comparable en horreur entre le sentiment d'un reflux des illusions causé par l'échec historique de la Révolution française et de son héritier infidèle l'Empire et le climat de réaction qui suit le congrès de Vienne et la violence implacable qui se déchaine en Europe en réaction à la tragédie de la première mondiale et à la Révolution bolchevique.


III °) Le partage de la souffrance par deux Esprits dissemblables :
Silvio Trentin retrace bien le climat commun des deux périodes : « Son œuvre se situe bien (...) dans cette Europe de la deuxième décade du XIXe siècle qui voit s'éteindre les dernières flammèches de la Grand Révolution et s'écrouler, dans un fracas de ruines, la folle aventure tentée par Bonaparte et se dresser impitoyablement sur son corps, à l'aide des baïonnettes et des potences, les solides piliers que la Sainte Alliance vient d'établir à Vienne. »
C'est donc durant deux périodes de reflux qu'ont vécu Giacomo Leopardi et Silvio Trentin avec pour effet d'entrainer la diffusion d'un grand pessimisme historique surtout parmi celles et ceux dont le tempérament et le métier est de penser et de décrire leur époque. Silvio Trentin a vu démocratie être progressivement étouffée, de 1922 à 1924, puis à partir de 1926, être brutalement écrasée en Italie. En 1933, il assisté à l'accession au gouvernement d'****** et à l'installation rapide d'un pouvoir impitoyable ouvrant des camps de concentration pour ses opposants et mettant en œuvre un antisémitisme d'Etat qui va basculer dans l'horreur. Il a personnellement observé, puis secouru, les républicains espagnols et catalans si peu aidés qu'ils ont fini par ployer sous les armes des dictatures fascistes, lesquelles ne ménagèrent jamais leurs appuis, argent, et armes et à leur allié Franco et à la « vieille Espagne ». Il a dû assurer personnellement la pénible tâche d'honorer ses amis tués, comme l'avocat républicain, Mario Angeloni, le socialiste Fernando de Rosa, son camarade de « Giustizia e Libertà », Libero Battistelli. Il a assisté à l'assassinat en France même de l'économiste Carlo Rosselli qui était son ami et qu'il estimait entre tous.

IV °) Sur le caractère de refuge ultime de la Poésie :
Silvio Trentin laisse percer la sensibilité et l'esprit d'un être sensible face aux inévitables limites des arts et techniques mises au service de l'émancipation humaine. A chaque époque pèsent sur les êtres humains les plus généreux les limites inévitables de toute création bridée par les préjugés, les égoïsmes et les peurs. Alors la poésie vient offrir à celles et ceux qui en souffrent le plus, une consolation et leur offre un univers largement ouvert à la magie créatrice des mots ou il n'est d'autres bornes que celles de la liberté et la créativité. C'est ce qui nous permet de comprendre qu'au temps où l'Espagne brulait et ou l'Europe se préparait à vivre l'une des époques les plus sombres de l'humanité, la fragile cohorte des poètes, tels Rafael Alberti, Juan Ramon Jiménez, Federico Garcia Lorca et Antonio Machado s'engagea comme les ruisseaux vont à la mer, aux côtés des peuples et des classes opprimées. Parmi les plus nobles et les plus valeureux des politiques, ceux qui ne se satisfont pas des effets de tribune ou des honneurs précaires, la poésie leur devient parfois indispensable ainsi que formule Silvio Trentin :
« [...] si la poésie est utile aux peuples libres, [...] elle est, en quelque sorte, indispensable — ainsi que l'oxygène aux êtres que menace l'asphyxie — aux peuples pour qui la liberté est encore un bien à conquérir] « [...] La poésie s'adresse aussi "à ceux parmi les hommes [...] qui ont fait l'expérience cruelle de la déception et de la douleur».
Le 16 03 2017 écrit par Paul Arrighi
LJW Jul 2014
The Top Ten Epigrams of All Time

In the depths of winter, I finally learned that within me there lay an invincible summer.—Albert Camus

It is better to light a candle than curse the darkness.—Eleanor Roosevelt

If you can't be a good example, you'll just have to be a horrible warning.—Catherine the Great

If life were fair, Elvis would be alive and his impersonators would be dead.—Johnny Carson

Some cause happiness wherever they go; others whenever they go.—Oscar Wilde

To err is human, but it feels divine.—Mae West

An eye for an eye leaves the whole world blind.—Mohandas Gandhi

For most of history, Anonymous was a woman.—Virginia Woolf

I'm not offended by dumb blonde jokes because I'm not dumb, and also I'm not blonde.—Dolly Parton

He does not believe, who does not live according to his belief.—Sigmund Freud



In April 2014 A Poet’s Glossary by Academy Chancellor Edward Hirsch was published. As Hirsch writes in the preface, “this book—one person’s work, a poet’s glossary—has grown, as if naturally, out of my lifelong interest in poetry, my curiosity about its vocabulary, its forms and genres, its histories and traditions, its classical, romantic, and modern movements, its various outlying groups, its small devices and large mysteries—how it works.” Each week we will feature a term and its definition from Hirsch’s new book.

epigram: From the Greek epigramma, “to write upon.” An epigram is a short, witty poem or pointed saying. Ambrose Bierce defined it in The Devil’s Diction­ary (1881–1911) as “a short, sharp saying in prose and verse.” In Hellenistic Greece (third century B.C.E.), the epigram developed from an inscription carved in a stone monument or onto an object, such as a vase, into a literary genre in its own right. It may have developed out of the proverb. The Greek Anthology (tenth century, fourteenth century) is filled with more than fifteen hundred epigrams of all sorts, including pungent lyrics on the pleasures of wine, women, boys, and song.

Ernst Robert Curtius writes in European Literature and the Latin Middle Ages (1953): “No poetic form is so favorable to playing with pointed and sur­prising ideas as epigram—for which reason seventeenth- and eighteenth-century Germany called it ‘Sinngedicht.’ This development of the epigram necessarily resulted after the genre ceased to be bound by its original defi­nition (an inscription for the dead, for sacrificial offerings, etc.).” Curtius relates the interest in epigrams to the development of the “conceit” as an aesthetic concept.

Samuel Taylor Coleridge defined the epigram in epigrammatic form (1802):

What is an epigram? A dwarfish whole;
Its body brevity and wit its soul.

The pithiness, wit, irony, and sometimes harsh tone of the English epigram derive from the Roman poets, especially Martial, known for his caustic short poems, as in 1.32 (85–86 B.C.E.): “Sabinus, I don’t like you. You know why? / Sabinus, I don’t like you. That is why.”

The epigram is brief and pointed. It has no particular form, though it often employs a rhymed couplet or quatrain, which can stand alone or serve as part of a longer work. Here is Alexander Pope’s “Epigram from the French” (1732):

Sir, I admit your general rule,
That every poet is a fool:
But you yourself may serve to show it,
That every fool is not a poet.

Geoffrey Hartman points out that there are two diverging traditions of the epigram. These were classified by J. C. Scaliger as mel and fel (Poetics Libri Septem, 1561), which have been interpreted as sweet and sour, sugar and salt, naïve and pointed. Thus Robert Hayman, echoing Horace’s idea that poetry should be both “dulce et utile,” sweet and useful, writes in Quodlibets (1628):

Short epigrams relish both sweet and sour,
Like fritters of sour apples and sweet flour.

The “vinegar” of the epigram was often contrasted with the “honey” of the sonnet, especially the Petrarchan sonnet, though the Shakespearean sonnet, with its pointed final couplet, also combined the sweet with the sour. “By a natural development,” Hartman writes, “since epigram and sonnet were not all that distinct, the pointed style often became the honeyed style raised to a higher power, to preciousness. A new opposition is frequently found, not between sugared and salty, but between pointed (precious, over­written) and plain.”

The sometimes sweet, sometimes sour, and sometimes sweet-and-sour epigram has been employed by contemporary American formalists, such as Howard Nemerov, X. J. Kennedy, and especially J. V. Cunningham. Here is a two-line poem that Cunningham translated in 1950 from the Welsh epi­grammatist John Owen (1.32, 1606):

Life flows to death as rivers to the sea,
And life is fresh and death is salt to me.

Excerpted from A Poet’s Glossary by Edward Hirsch. Copyright © 2014 by Edward Hirsch. Used by permission of Houghton Mifflin Harcourt Publishing Company. All rights reserved.



collected in
collection
A Poet’s Glossary
Each week we feature a new term from Academy Chancellor Edward Hirsch’...
Fable III, Livre III.


Tu fais un fort mauvais métier,
Quoiqu'il soit des plus à la mode,
Disait à cet insecte inutile, incommode,
Plat surtout, qui, parfois, nous oblige à veiller,
Le ver industrieux que nourrit le mûrier.
Pour toi, mordre est une habitude,
Et tourmenter est un plaisir ;
J'en conclus, non sans certitude,
Que tu n'es pas né pour vieillir.
On te déteste ; à chaque phrase,
Petits et grands, chacun le dit ;
Si l'on te nomme, on te maudit ;
Si l'on te rencontre, on t'écrase.
M'en croiras-tu ? Renonce à tes goûts malfaisants.
Tu fus nuisible, sois utile.
Comme les dieux, l'homme est facile ;
On l'adoucit par des présents.
Songes-y bien, l'or que je file,
Celui que l'abeille distille,
De tes persécuteurs a fait nos complaisants :
À l'œuvre donc ! - Vraiment, c'est parler comme un livre !
Dit la fille des nuits ; et ceux à qui le ciel
Donna l'art de produire ou la soie ou le miel,
N'ont pas d'avis meilleur à suivre ;
Mais nous, à qui Dieu départit
Moins de talent que d'appétit
Si nous ne mordons, comment vivre ?
Paul d'Aubin Apr 2016
Éloge de Monsieur de Montaigne

(Dédié à Jean-Pierre)

Toi seigneur de Montaigne, au si beau nom d'Eyquem
que nul amateur de Bordeaux ne saurait négliger.
Tu fus l'ami de La Boétie et un sage joyeux,
Tu vécus en ton château, dont l'une des tours rondes,
contenait une bibliothèque fournie.
Toi, qui faisait cultiver ce vin de Bordeaux,
qui sied au palais et plait tant aux anglais.
Cher Montaigne ayant étudié à Bordeaux,
au collège de Guyenne,
Tu vécus en un temps empoisonné
par les guerres de religion et ses sombres fureurs.
Temps affreux ou l'homme égorgeait l'homme,
qui ne partageait pas sa même lecture de la  Bible.
Et dire que nous avions cru, ces temps-là, révolus !
C'est peut-être ce qui te poussa à choisir l'école stoïcienne,
Bien que par ton tempérament et ta vie.
Tu fus beaucoup plus proche des bonheurs de Lucrèce.
Tu fus, un long temps, magistrat au Parlement de Bordeaux,
bien que les chicaneries du Droit t'eussent vite lassées,
et plus encore, la cruauté de ses modes de preuve.
et cet acharnement infini des plaideurs,
à n'en jamais finir, à faire rebondir les procès
que tant d’énergie vaine te semblait pure perte.
Mais tu voulais être utile et l'égoïsme étroit de l' «otium»,
choquait ta conscience.
Tu eus un ami cher, Prince de Liberté et de distinction,
Etienne de la Boétie, qui réfléchit avec profondeur,
sur les racines de la tyrannie en nos propres faiblesses.
Et de cette amitié, en recherchant les causes,
Tu conclus et répondit ainsi :
«Parce que c’était lui, parce que c’était moi»
Révélant ainsi que la quintessence du bonheur de  vivre
luit au cœur  de cette amitié dont nous sommes,
à la fois, le réceptacle et l’offrande.
Cher Michel de Montaigne, je voulais,
te saluer ici et te faire savoir en quelle estime
Je te tiens avec  tes «Essais» d’une bienveillante sagesse
Qui font songer aux meilleurs vins mûris en barriques de chêne
Et à ces cognacs qui éveillent l’Esprit et les sens,
Même lorsque l’hiver nous pèse et nous engourdit
Je voulais aussi te dire que de ton surnom
J’ai nommé Jean-Pierre qui te ressemble si fort
Et apporte une douce ironie à mes passions tumultueuses.
Paul Arrighi
I


Que ces vallons déserts, que ces vastes prairies

Où j'allais promener mes tristes rêveries,

Que ces rivages frais, que ces bois, que ces champs,

Que tout prenne une voix et retrouve des chants

Et porte jusqu'au sein de Ta Toute Puissance

Un hymne de bonheur et de reconnaissance !

Celle, qui dans un chaste et pur embrassement,

A reçu mon amour et mon premier serment,

Celle à qui j'ai juré de consacrer ma vie

Par d'injustes parents m'avait été ravie ;

Ils avaient repoussé mes pleurs, et les ingrats

Avaient osé venir l'arracher de mes bras ;

Et jaloux de m'ôter la dernière espérance

Qui pût me soutenir et calmer ma souffrance,

Un message trompeur nous avait informés

Que sur un bord lointain ses yeux s'étaient fermés.

Celui qui fut aimé, celui qui put connaître

Ce bonheur enivrant de confondre son être,

De vivre dans un autre, et de ne plus avoir

Que son cœur pour sentir, et que ses yeux pour voir,

Celui-là pourra seul deviner et comprendre

Ce qu'une voix humaine est impuissante à rendre ;

Celui-là saura seul tout ce que peut souffrir

Un homme, et supporter de tourments sans mourir.

Mais la main qui sur moi s'était appesantie

Semble de mes malheurs s'être enfin repentie.

Leur cœur s'est attendri, soit qu'un pouvoir caché,

Que sais-je ? Ou que la voix du remords l'ait touché.

Celle que je pleurais, que je croyais perdue,

Elle vit ! elle vient ! et va m'être rendue !

Ne demandez donc plus, amis, pourquoi je veux

Qu'on mêle ces boutons de fleurs dans mes cheveux.

Non ! Je n'ai point souffert et mes douleurs passées

En cet heureux instant sont toutes effacées ;

Que sont tous mes malheurs, que sont tous mes ennuis.

Et ces rêves de deuil qui tourmentaient mes nuits ?

Et moi ! J'osais du ciel accuser la colère !

Je reconnais enfin sa bonté tutélaire.

Et je bénis ces maux d'un jour qui m'ont appris

Que mes yeux ne devaient la revoir qu'à ce prix !


II


Quel bonheur est le mien ! Pourtant - ces deux années

Changent bien des projets et bien des destinées ;

- Je ne puis me celer, à parler franchement,

Que ce retour me gêne un peu, dans ce moment.

Certes, le souvenir de notre amour passé

N'est pas un seul instant sorti de ma pensée ;

Mais enfin je ne sais comment cela s'est fait :

Invité cet hiver aux bals chez le préfet.

J'ai vu sa fille aînée, et par étourderie

Risqué de temps en temps quelque galanterie :

Je convins aux parents, et fus bientôt admis

Dans cette intimité qu'on réserve aux amis.

J'y venais tous les soirs, je faisais la lecture,

Je présentais la main pour monter en voiture ;

Dans nos réunions en petit comité,

Toujours près de la fille, assis à son côté.

Je me rendais utile à tout, j'étais son page.

Et quand elle chantait, je lui tournais la page.

Enfin, accoutumé chaque jour à la voir.

60 Que sais-je ? J'ai rendu, sans m'en apercevoir,

Et bien innocemment, des soins, que je soupçonne

N'être pas dédaignés de la jeune personne :

Si bien que je ne sais trop comment m'arranger :

On jase, et les parents pourront bien exiger

Que j'ôte ce prétexte à la rumeur publique,

Et, quelque beau matin, vouloir que je m'explique.

C'est ma faute, après tout, je me suis trop pressé,

Et, comme un débutant, je me suis avancé.

Mais, d'un autre côté, comment prévoir… ? N'importe,

Mes serments sont sacrés, et mon amour l'emporte,

J'irai demain trouver le père, et s'il vous plaît,-

Je lui raconterai la chose comme elle est.

- C'est bien ! - Mais que va-t-on penser, que va-t-on dire ?

Le monde est si méchant, et si prompt à médire !

- Je le brave ! et s'il faut, je verserai mon sang...

Oui : mais toujours est-il que c'est embarrassant.


III


Comme tout ici-bas se flétrit et s'altère,

Et comme les malheurs changent un caractère !

J'ai cherché vainement, et n'ai point retrouvé

Cette aimable candeur qui m'avait captivé.

Celle que j'avais vue autrefois si craintive.

Dont la voix résonnait si douce et si plaintive,

Hautaine, au parler bref, et parfois emporté,

A rejeté bien **** cette timidité.

A moi, qui n'ai vécu, n'ai souffert que pour elle.

Est-ce qu'elle n'a pas déjà cherché querelle ?

Jetant sur le passé des regards curieux,

Elle m'a demandé d'un air impérieux

Si, pendant tout ce temps que j'ai passé **** d'elle.

Mon cœur à sa mémoire était resté fidèle :

Et de quel droit, bon Dieu ? Nous n'étions point liés.

Et nous aurions très bien pu nous être oubliés !

J'avais juré, promis ! - Qu'est-ce que cela prouve ?

Tous les jours, en amour, on jure ; et lorsqu'on trouve

Quelque distraction, on laisse rarement

Perdre l'occasion de trahir son serment :

Il n'est pas défendu d'avoir un cœur sensible,

Et ce n'est point du "tout un crime irrémissible.

Et puis d'ailleurs, après ce que j'ai découvert.

Entre nous, soyons franc, parlons à cœur ouvert :

J'en avais fait mon deuil, et la pauvre exilée

S'est bien de son côté quelque peu consolée ;

Et si je persistais à demander sa main.

C'était par conscience, et par respect humain ;

Je m'étais étourdi. Mais elle a, la première.

Fait ouvrir, par bonheur, mes yeux à la lumière,

Et certes, j'aime mieux encore, à beaucoup près,

Qu'elle se soit ainsi montrée avant qu'après.

Car enfin, rien n'est fait, au moins, et le notaire

N'a point à nos serments prêté son ministère.

- Mais quels emportements ! quels pleurs ! car elle croit

Exiger une dette et réclamer un droit.

Or il faut en finir : quoi qu'elle dise ou fasse,

J'en ai pris mon parti ; j'irai lui dire en face,

- Quoi ? - Que son caractère est à n'y pas tenir.

- Elle avait bien besoin aussi de revenir !

Nous étions si bien tous, quand son humeur altière

Vint troubler le repos d'une famille entière !

On nous la disait morte ; et je croirais aussi

Qu'il vaudrait beaucoup mieux que cela fût ainsi.
C'est le moment crépusculaire.
J'admire, assis sous un portail,
Ce reste de jour dont s'éclaire
La dernière heure du travail.

Dans les terres, de nuit baignées,
Je contemple, ému, les haillons
D'un vieillard qui jette à poignées
La moisson future aux sillons.

Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
On sent à quel point il doit croire
À la fuite utile des jours.

Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au ****,
Rouvre sa main, et recommence,
Et je médite, obscur témoin,

Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.
Nat Lipstadt Nov 2021
“A poet's qualifications include common sense, knowledge of character, adherence to high ideals, combination of the dulce with the utile, intellectual superiority, appreciation of the noble history and lofty mission of poetry, and above all a willingness to listen to and profit by impartial criticism.”


Ars Poeti a (ll. 295–476).[10]
I.

Retournons à l'école, ô mon vieux Juvénal.
Homme d'ivoire et d'or, descends du tribunal
Où depuis deux mille ans tes vers superbes tonnent.
Il paraît, vois-tu bien, ces choses nous étonnent,
Mais c'est la vérité selon monsieur Riancey,
Que lorsqu'un peu de temps sur le sang a passé,
Après un an ou deux, c'est une découverte,
Quoi qu'en disent les morts avec leur bouche verte,
Le meurtre n'est plus meurtre et le vol n'est plus vol.
Monsieur Veuillot, qui tient d'Ignace et d'Auriol,
Nous l'affirme, quand l'heure a tourné sur l'horloge,
De notre entendement ceci fait peu l'éloge,
Pourvu qu'à Notre-Dame on brûle de l'encens
Et que l'abonné vienne aux journaux bien pensants,
Il paraît que, sortant de son hideux suaire,
Joyeux, en panthéon changeant son ossuaire,
Dans l'opération par monsieur Fould aidé,
Par les juges lavé, par les filles fardé,
Ô miracle ! entouré de croyants et d'apôtres,
En dépit des rêveurs, en dépit de nous autres
Noirs poètes bourrus qui n'y comprenons rien,
Le mal prend tout à coup la figure du bien.

II.

Il est l'appui de l'ordre ; il est bon catholique
Il signe hardiment - prospérité publique.
La trahison s'habille en général français
L'archevêque ébloui bénit le dieu Succès
C'était crime jeudi, mais c'est haut fait dimanche.
Du pourpoint Probité l'on retourne la manche.
Tout est dit. La vertu tombe dans l'arriéré.
L'honneur est un vieux fou dans sa cave muré.
Ô grand penseur de bronze, en nos dures cervelles
Faisons entrer un peu ces morales nouvelles,
Lorsque sur la Grand'Combe ou sur le blanc de zinc
On a revendu vingt ce qu'on a payé cinq,
Sache qu'un guet-apens par où nous triomphâmes
Est juste, honnête et bon. Tout au rebours des femmes,
Sache qu'en vieillissant le crime devient beau.
Il plane cygne après s'être envolé corbeau.
Oui, tout cadavre utile exhale une odeur d'ambre.
Que vient-on nous parler d'un crime de décembre
Quand nous sommes en juin ! l'herbe a poussé dessus.
Toute la question, la voici : fils, tissus,
Cotons et sucres bruts prospèrent ; le temps passe.
Le parjure difforme et la trahison basse
En avançant en âge ont la propriété
De perdre leur bassesse et leur difformité
Et l'assassinat louche et tout souillé de lange
Change son front de spectre en un visage d'ange.

III.

Et comme en même temps, dans ce travail normal,
La vertu devient faute et le bien devient mal,
Apprends que, quand Saturne a soufflé sur leur rôle,
Néron est un sauveur et Spartacus un drôle.
La raison obstinée a beau faire du bruit ;
La justice, ombre pâle, a beau, dans notre nuit,
Murmurer comme un souffle à toutes les oreilles ;
On laisse dans leur coin bougonner ces deux vieilles.
Narcisse gazetier lapide Scévola.
Accoutumons nos yeux à ces lumières-là
Qui font qu'on aperçoit tout sous un nouvel angle,
Et qu'on voit Malesherbe en regardant Delangle.
Sachons dire : Lebœuf est grand, Persil est beau
Et laissons la pudeur au fond du lavabo.

IV.

Le bon, le sûr, le vrai, c'est l'or dans notre caisse.
L'homme est extravagant qui, lorsque tout s'affaisse,
Proteste seul debout dans une nation,
Et porte à bras tendu son indignation.
Que diable ! il faut pourtant vivre de l'air des rues,
Et ne pas s'entêter aux choses disparues.
Quoi ! tout meurt ici-bas, l'aigle comme le ver,
Le charançon périt sous la neige l'hiver,
Quoi ! le Pont-Neuf fléchit lorsque les eaux sont grosses,
Quoi ! mon coude est troué, quoi ! je perce mes chausses,
Quoi ! mon feutre était neuf et s'est usé depuis,
Et la vérité, maître, aurait, dans son vieux puits,
Cette prétention rare d'être éternelle !
De ne pas se mouiller quand il pleut, d'être belle
À jamais, d'être reine en n'ayant pas le sou,
Et de ne pas mourir quand on lui tord le cou !
Allons donc ! Citoyens, c'est au fait qu'il faut croire.

V.

Sur ce, les charlatans prêchent leur auditoire
D'idiots, de mouchards, de grecs, de philistins,
Et de gens pleins d'esprit détroussant les crétins
La Bourse rit ; la hausse offre aux badauds ses prismes ;
La douce hypocrisie éclate en aphorismes ;
C'est bien, nous gagnons gros et nous sommes contents
Et ce sont, Juvénal, les maximes du temps.
Quelque sous-diacre, éclos dans je ne sais quel bouge,
Trouva ces vérités en balayant Montrouge,
Si bien qu'aujourd'hui fiers et rois des temps nouveaux,
Messieurs les aigrefins et messieurs les dévots
Déclarent, s'éclairant aux lueurs de leur cierge,
Jeanne d'Arc courtisane et Messaline vierge.

Voilà ce que curés, évêques, talapoins,
Au nom du Dieu vivant, démontrent en trois points,
Et ce que le filou qui fouille dans ma poche
Prouve par A plus B, par Argout plus Baroche.

VI.

Maître ! voilà-t-il pas de quoi nous indigner ?
À quoi bon s'exclamer ? à quoi bon trépigner ?
Nous avons l'habitude, en songeurs que nous sommes,
De contempler les nains bien moins que les grands hommes
Même toi satirique, et moi tribun amer,
Nous regardons en haut, le bourgeois dit : en l'air ;
C'est notre infirmité. Nous fuyons la rencontre
Des sots et des méchants. Quand le Dombidau montre
Son crâne et que le Fould avance son menton,
J'aime mieux Jacques Coeur, tu préfères Caton
La gloire des héros, des sages que Dieu crée,
Est notre vision éternelle et sacrée ;
Eblouis, l'œil noyé des clartés de l'azur,
Nous passons notre vie à voir dans l'éther pur
Resplendir les géants, penseurs ou capitaines
Nous regardons, au bruit des fanfares lointaines,
Au-dessus de ce monde où l'ombre règne encor,
Mêlant dans les rayons leurs vagues poitrails d'or,
Une foule de chars voler dans les nuées.
Aussi l'essaim des gueux et des prostituées,
Quand il se heurte à nous, blesse nos yeux pensifs.
Soit. Mais réfléchissons. Soyons moins exclusifs.
Je hais les cœurs abjects, et toi, tu t'en défies ;
Mais laissons-les en paix dans leurs philosophies.

VII.

Et puis, même en dehors de tout ceci, vraiment,
Peut-on blâmer l'instinct et le tempérament ?
Ne doit-on pas se faire aux natures des êtres ?
La fange a ses amants et l'ordure a ses prêtres ;
De la cité bourbier le vice est citoyen ;
Où l'un se trouve mal, l'autre se trouve bien ;
J'en atteste Minos et j'en fais juge Eaque,
Le paradis du porc, n'est-ce pas le cloaque ?
Voyons, en quoi, réponds, génie âpre et subtil,
Cela nous touche-t-il et nous regarde-t-il,
Quand l'homme du serment dans le meurtre patauge,
Quand monsieur Beauharnais fait du pouvoir une auge,
Si quelque évêque arrive et chante alleluia,
Si Saint-Arnaud bénit la main qui le paya,
Si tel ou tel bourgeois le célèbre et le loue,
S'il est des estomacs qui digèrent la boue ?
Quoi ! quand la France tremble au vent des trahisons,
Stupéfaits et naïfs, nous nous ébahissons
Si Parieu vient manger des glands sous ce grand chêne !
Nous trouvons surprenant que l'eau coule à la Seine,
Nous trouvons merveilleux que Troplong soit Scapin,
Nous trouvons inouï que Dupin soit Dupin !

VIII.

Un vieux penchant humain mène à la turpitude.
L'opprobre est un logis, un centre, une habitude,
Un toit, un oreiller, un lit tiède et charmant,
Un bon manteau bien ample où l'on est chaudement.
L'opprobre est le milieu respirable aux immondes.
Quoi ! nous nous étonnons d'ouïr dans les deux mondes
Les dupes faisant chœur avec les chenapans,
Les gredins, les niais vanter ce guet-apens !
Mais ce sont là les lois de la mère nature.
C'est de l'antique instinct l'éternelle aventure.
Par le point qui séduit ses appétits flattés
Chaque bête se plaît aux monstruosités.
Quoi ! ce crime est hideux ! quoi ! ce crime est stupide !
N'est-il plus d'animaux pour l'admirer ? Le vide
S'est-il fait ? N'est-il plus d'êtres vils et rampants ?
N'est-il plus de chacals ? n'est-il plus de serpents ?
Quoi ! les baudets ont-ils pris tout à coup des ailes,
Et se sont-ils enfuis aux voûtes éternelles ?
De la création l'âne a-t-il disparu ?
Quand Cyrus, Annibal, César, montaient à cru
Cet effrayant cheval qu'on appelle la gloire,
Quand, ailés, effarés de joie et de victoire,
Ils passaient flamboyants au fond des cieux vermeils,
Les aigles leur craient : vous êtes nos pareils !
Les aigles leur criaient : vous portez le tonnerre !
Aujourd'hui les hiboux acclament Lacenaire.
Eh bien ! je trouve bon que cela soit ainsi.
J'applaudis les hiboux et je leur dis : merci.
La sottise se mêle à ce concert sinistre,
Tant mieux. Dans sa gazette, ô Juvénal, tel cuistre
Déclare, avec messieurs d'Arras et de Beauvais,
Mandrin très bon, et dit l'honnête homme mauvais,
Foule aux pieds les héros et vante les infâmes,
C'est tout simple ; et, vraiment, nous serions bonnes âmes
De nous émerveiller lorsque nous entendons
Les Veuillots aux lauriers préférer les chardons !

IX.

Donc laissons aboyer la conscience humaine
Comme un chien qui s'agite et qui tire sa chaîne.
Guerre aux justes proscrits ! gloire aux coquins fêtés !
Et faisons bonne mine à ces réalités.
Acceptons cet empire unique et véritable.
Saluons sans broncher Trestaillon connétable,
Mingrat grand aumônier, Bosco grand électeur ;
Et ne nous fâchons pas s'il advient qu'un rhéteur,
Un homme du sénat, un homme du conclave,
Un eunuque, un cagot, un sophiste, un esclave,
Esprit sauteur prenant la phrase pour tremplin,
Après avoir chanté César de grandeur plein,
Et ses perfections et ses mansuétudes,
Insulte les bannis jetés aux solitudes,
Ces brigands qu'a vaincus Tibère Amphitryon.
Vois-tu, c'est un talent de plus dans l'histrion ;
C'est de l'art de flatter le plus exquis peut-être ;
On chatouille moins bien Henri huit, le bon maître,
En louant Henri huit qu'en déchirant Morus.
Les dictateurs d'esprit, bourrés d'éloges crus,
Sont friands, dans leur gloire et dans leurs arrogances,
De ces raffinements et de ces élégances.
Poète, c'est ainsi que les despotes sont.
Le pouvoir, les honneurs sont plus doux quand ils ont
Sur l'échafaud du juste une fenêtre ouverte.
Les exilés, pleurant près de la mer déserte,
Les sages torturés, les martyrs expirants
Sont l'assaisonnement du bonheur des tyrans.
Juvénal, Juvénal, mon vieux lion classique,
Notre vin de Champagne et ton vin de Massique,
Les festins, les palais, et le luxe effréné,
L'adhésion du prêtre et l'amour de Phryné,
Les triomphes, l'orgueil, les respects, les caresses,
Toutes les voluptés et toutes les ivresses
Dont s'abreuvait Séjan, dont se gorgeait Rufin,
Sont meilleures à boire, ont un goût bien plus fin,
Si l'on n'est pas un sot à cervelle exiguë,
Dans la coupe où Socrate hier but la ciguë !

Jersey, le 5 février 1853.
Une poulette jeune et sans expérience,
En trottant, cloquetant, grattant,
Se trouva, je ne sais comment,
Fort **** du poulailler, berceau de son enfance.
Elle s'en aperçut qu'il était déjà ****.
Comme elle y retournait, voici qu'un vieux renard
A ses yeux troublés se présente.
La pauvre poulette tremblante
Recommanda son âme à Dieu.
Mais le renard, s'approchant d'elle,
Lui dit : hélas ! Mademoiselle,
Votre frayeur m'étonne peu ;
C'est la faute de mes confrères,
Gens de sac et de corde, infâmes ravisseurs,
Dont les appétits sanguinaires
Ont rempli la terre d'horreurs.
Je ne puis les changer, mais du moins je travaille
A préserver par mes conseils
L'innocente et faible volaille
Des attentats de mes pareils.
Je ne me trouve heureux qu'en me rendant utile ;
Et j'allais de ce pas jusques dans votre asile
Pour avertir vos soeurs qu'il court un mauvais bruit,
C'est qu'un certain renard méchant autant qu'habile
Doit vous attaquer cette nuit.
Je viens veiller pour vous. La crédule innocente
Vers le poulailler le conduit :
A peine est-il dans ce réduit,
Qu'il tue, étrangle, égorge, et sa griffe sanglante
Entasse les mourants sur la terre étendus,
Comme fit Diomède au quartier de Rhésus.
Il croqua tout, grandes, petites,
Coqs, poulets et chapons ; tout périt sous ses dents.
La pire espèce de méchants
Est celle des vieux hypocrites.
Nat Lipstadt Jan 2023
502 Bad Gateway
(a work in process)
~~~

poetry
is to be found easiest, lying fatal-fetal amidst
the sewage of the blessed daily profane~mundane,
enslaved within the tyranny of everyday indignities,
encrusted within the indignities of diurnal tyrannies,
in the catch basin of sew-aged treatment  pools,
living as a perpetual unpublished draft,
locked behind Five Hundred and Two
Bad Gateways,
Emma Lazarus-yearning
to be free…

502 is an even number, the internet sages confirm,
equitably distributed with no regard to
pronouns,
disrespectful of any age, all creepy~seedy known gods,
equally unconcerned by the laws of **** poetica,
succinctly informing you to f*k off  with the elegant
sparseness of technical brevity,
a la vie moderne boulder,
repeatedly *****-fussy pushing back on you,
as we push a poem uphill

<?>

The road to good poetic intentions is human-paved;
a utile fact,  so continue to insure-shod be thy feet,
when shedding writings of poesy, lest the hot asphalt of
low inspiration yet get the better of ye…or the gates
or the bad gateways,
502 in their number, lock you out,
and carry the day, have their way, and
fracture well honed words
into bits & pieces of letters, scraps of scrap,
“pebbles and ******* and broken matches and bits of glass”^

that all the king's servers and all the king's technicians couldn’t put together again coherently, your words but conscripts in a
vast wasteland of eternal drafts^^

      <?>

well you know this story, that one that has being asking
you to writ it/get rid of it/tell it finally,
a couple of times daily,
that poem, this be that one,
an amorality tale of rejections,
a precision guided
error message,
a HIMARS missive miserly
missilery projectile
rife with hidden %#&”postulations,
of the “what’s wrong with me”
garden variety

think of life as a series of serious, independently linked moments, cherish-able, composting  usurping cursing phrases
distinctly worthy
of re-sharing unto the befouled upper atmosphere,
directly communicating the texture of your experience^^^

Ah Goodbye
Hello Poetry,
rejection is thy middle fingered name!*

this befouled poem
was
begun: many years ago
completed: Jan 4, 2023 @2:11AM
^James Joyce’s words
^Tevye
^^^ unknamed professor
Fable II, Livre V.


Je suis un peu badaud, je n'en disconviens pas.
Tout m'amuse ; depuis ces batteurs d'entrechats,
Depuis ces brillants automates,
Dont Gardel fait mouvoir et les pieds et les bras,
Jusqu'à ceux dont un fil règle et soutient les pas,
Jusqu'aux Vestris à quatre pattes,
Qui la queue en trompette, et le museau crotté,
En jupe, en frac, en froc, en toque, en mitre, en casque,
La plume sur l'oreille, ou la brette au côté,
Modestes toutefois sous l'habit qui les masque,
Moins fiers que nous de leurs surnoms,
Quêtent si gaîment les suffrages
Des musards de tous les cantons
Et des enfants de tous les âges.
L'argent leur vient aussi. Peut-on payer trop bien
L'art, le bel art de Terpsichore ?
Art unique ! art utile au singe, à l'homme, au chien.
Comme il vous fait valoir un sot, une pécore !
C'est le clinquant qui les décore,
Et fait quelque chose de rien.
La critique, en dépit de mon goût et du vôtre,
Traite pourtant, lecteur, cet art tout comme un autre.
Quels succès sous sa dent ne sont pas expiés ?
Qui n'en est pas victime en est le tributaire.
Le grand Vestris, le grand Voltaire,
Par sa morsure estropiés,
Prouvent qu'il faut qu'on se résigne
Et qu'enfin le génie à cette dent maligne
Est soumis de la tète aux pieds.
De cette vérité, que je ne crois pas neuve,
Quelques roquets tantôt m'offraient encor la preuve.
Tandis qu'au son du flageolet,
Au bruit du tambourin, sautillant en cadence,
Ces pauvres martyrs de la danse
Formaient sous ma fenêtre un fort joli ballet,
Un mâtin, cette fois ce n'était pas un homme,
Un mâtin, qui debout n'a jamais fait un pas,
Campé sur son derrière, aboyait, Dieu sait comme,
Après ceux qui savaient ce qu'il ne savait pas,
Après ceux, et c'est là le plaisant de l'affaire,
Après ceux qui faisaient ce qu'il ne peut pas faire.
Quoique mauvais danseur, en mes propos divers,
Pour la danse, en tout temps, j'ai montré force estime.
En douter serait un vrai crime ;
J'en atteste ces petits vers.
Mais que sert mon exemple à ce vaste univers ?

Je n'en crois donc pas moins le sens de cette fable
Au commun des mortels tout-à-fait applicable.
Chiens et gens qui dansez, retenez bien ceci :
L'ignorant est jaloux et l'impuissant aussi.
Fable V, Livre II.


Plus galant que sensé, Colin voulut jadis
Réunir dans son champ l'agréable à l'utile,
Et cultiver les fleurs au milieu des épis,
Rien n'était, à son gré, plus sage et plus facile.

Parmi les blés, dans la saison,
Il va donc semant à foison
Bluets, coquelicots, et mainte fleur pareille
Qu'on voit égayer nos guérets,
Quand Flore, en passant chez Cérès,
A laissé pencher sa corbeille.
Dans peu, se disait-il, que mon champ sera beau !
Avant l'ample récolte au moissonneur promise,
Que de bouquets pour Suzette, pour Lise,
Pour les fillettes du hameau !
Partant que de baisers ! oui, cadeau pour cadeau ;
Ou rien pour rien, c'est ma devise.

Le doux printemps paraît enfin :
Le bluet naît avec la rose.
En mai, le bonheur de Colin
Faisait envie à maint voisin ;
En août ce fut tout autre chose.
Tandis qu'il n'était pas d'endroits
Où la moisson ne fût certaine ;
Que les trésors de Beauce au **** doraient la plaine,
Et que le laboureur n'avait plus d'autre peine
Que celle de trouver ses greniers trop étroits ;
Trop **** désabusé de ses projets futiles,
D'un œil obscurci par les pleurs,
Colin, dans ses sillons stérilement fertiles,
Cherche en vain les épis étouffés sous les fleurs.

Vous qui dans ses travaux guidez la faible enfance,
Ceci vous regarde, je crois ;
Chez vous, on apprend à la fois
Le latin, la musique, et l'algèbre, et la danse.
C'est trop. Heureusement savons-nous, mes amis,
Que le Rollin du jour n'est pas de cet avis.
Enseigner moins, mais mieux, oui, tel est son système
Colin, vous dit-il sagement,
Ne cultivons que le froment,
Le bluet viendra de lui-même.
Fable XVII, Livre V.


Polichinelle, à toi nous voilà revenus.
J'y reviens volontiers, c'est un ami d'enfance ;
Garçon d'esprit d'ailleurs, dans son extravagance,
Fertile en mots profonds, des badauds retenus ;
Garçon d'humeur toujours égale,
Non pas comme un quidam que nous avons connu,
Du matin jusqu'au soir plus mauvais que la gale ;
Mais toujours avenant, mais partout bien venu,
Trinquant avec qui le régale,
Et point fier, quoique parvenu.
Rien n'est indifférent dans un homme aussi rare.
Sachez donc, mes amis, quelle ingénuité
En son accoutrement, qui vous paraît bizarre,
Lui fait joindre aux galons, dont le riche se pare,
Les sabots de la pauvreté.
La fortune en tout temps ne lui fut pas prospère.
Il eut un bûcheron pour père ;
Bon homme, en qui l'amour paternel décroissait
Juste dans la mesure où son fils grandissait ;
Et qui disait parfois : « Je crois, Dieu me pardonne,
Que j'aimais mieux l'enfant quand il était petit.
Dieu fait bien ce qu'il fait ; mais d'où vient qu'il me donne
Un fils de si bon appétit ? »
Il est vrai que ce fils, encore à la lisière,
Si j'en crois un voisin qui l'a vu de ses yeux,
Coûtait plus à lui seul que sa famille entière,
Ne faisait rien qui vaille, et n'en mangeait que mieux.
Sur la nature enfin l'avarice l'emporte.
L'indigent est cruel comme l'ambitieux.
Lassé d'une charge aussi forte,
Le bon père, un beau jour, met son fils à la porte.
Voilà Polichinelle à la grâce de Dieu ;
Ce qui, dans le siècle où nous sommes,
Veut dire abandonné des hommes,
Et n'ayant pain, ni feu, ni lieu.
Il ne lui reste rien au monde,
Que deux chemises sans jabots,
Une panse un peu large, une échine un peu ronde,
Un vieil habit et des sabots.
Au surplus, ne sachant rien faire,
Sinon boire et manger, talent assez commun ;
Il apprit vingt métiers, mais il n'en sait pas un :
Comment sortira-t-il d'affaire ?
Il y pense en pleurant. Cet heureux don des pleurs,
Qui dans le cœur d'autrui fait passer nos douleurs,
Bien qu'au cerf rarement l'épreuve en soit utile,
A servi quelquefois l'homme et le crocodile.
Il a sauvé Sinon, je l'ai lu dans Virgile ;
Il sauva notre ami : non pas qu'en larmoyant
Il ait produit l'effet que je viens de décrire,
Au contraire ; on pleurait peut-être en le voyant,
Mais c'était à force de rire.
Cet effet singulier lui tint lieu de talent
Près du sieur Brioché, si fameux dans l'histoire.
« Voilà, dit ce grand homme, un paillasse excellent
Pour mon théâtre de la Foire.
En place de mon grimacier,
Dont le public paraît ne plus se soucier,
Si j'engageais ce bon apôtre ? »
Polichinelle accepte ; il faut gagner son pain.
Hélas ! il serait mort de faim
S'il avait pleuré comme un autre.
Il débute ; en dehors d'abord il se montra,
Et puis en dedans il entra.
Or vous savez, messieurs, mesdames,
Dans son métier s'il prospéra,
S'il fut charmant dans l'opéra,
S'il fut excellent dans les drames.
Auprès de Melpomène il perdit son procès ;
Mais il fit sa fortune en faisant la culbute.
Que d'acteurs contre sa chute
Voudraient changer leurs succès !
Dans son heureux caractère
Rentré pour n'en plus sortir,
Grâce à l'argent des sots qu'il a su divertir,
Il est capitaliste, il est propriétaire.
C'est presque un seigneur, vraiment !
Au reste, employant gaîment
Le bien que gaîment il gagne,
Il a maison de ville et maison de campagne,
Et, ce point-là surtout ne doit pas être omis,
Bonne table pour ses amis.
Aussi, comme il en a ! Bravant mode et coutume,
Chacun sait qu'à sa guise il s'est fait un costume
Où, sans être obligé de se déboutonner,
Il boit, mange et rit tout à l'aise.
Cet habit vaut le nôtre , il l'a fait galonner.
En jabot de dentelle il a changé sa fraise.
Mais quand tout devrait l'inviter
A quitter les sabots, il veut, ne vous déplaise,
Il veut ne les jamais quitter.
La raison qu'il en donne au reste est fort honnête.
« Souvent les parvenus se sont trop oubliés ;
Quand l'orgueil me porte à la tête,
Dit-il, je regarde à mes pieds.
Ils me rappellent tout ; mes parents, leur misère,
La détresse où j'étais quand Brioché me prit. »
« - Polichinelle, en tout le sort te soit prospère !
C'est le fait d'un bon cœur, comme d'un bon esprit
De ne point rougir de son père. »
Amis, accueillez-moi, j'arrive dans la vie.

Dépensons l'existence au gré de notre envie :

Vivre, c'est être libre, et pouvoir à loisir

Abandonner son âme à l'attrait du plaisir ;

C'est chanter, s'enivrer des cieux, des bois, de l'onde,

Ou, parmi les tilleuls, suivre une vierge blonde !

- C'est bien là le discours d'un enfant. Écoutez :

Vous avez de l'esprit. - Trop bon. - Et méritez

Qu'un ami plus mûr vienne, en cette circonstance,

D'un utile conseil vous prêter l'assistance.

Il ne faut pas se faire illusion ici ;

Avant d'être poète, et de livrer ainsi

Votre âme à tout le feu de l'ardeur qui l'emporte.

Avez-vous de l'argent ? - Que sais-je ?et que m'importe ?

- Il importe beaucoup ; et c'est précisément

Ce qu'il faut, avant tout, considérer. - Vraiment ?

- S'il fut des jours heureux, où la voix des poètes

Enchaînait à son gré les nations muettes,

Ces jours-là ne sont plus, et depuis bien longtemps :

Est-ce un bien, est-ce un mal, je l'ignore, et n'entends

Que vous prouver un fait, et vous faire comprendre

Que si le monde est tel, tel il faut bien le prendre.

Le poète n'est plus l'enfant des immortels,

A qui l'homme à genoux élevait des autels ;

Ce culte d'un autre âge est perdu dans le nôtre,

Et c'est tout simplement un homme comme un autre.

Si donc vous n'avez rien, travaillez pour avoir ;

Embrassez un état : le tout est de savoir

Choisir, et sans jamais regarder en arrière,

D'un pas ferme et hardi poursuivre sa carrière.

- Et ce monde idéal que je me figurais !

Et ces accents lointains du cor dans les forêts !

Et ce bel avenir, et ces chants d'innocence !

Et ces rêves dorés de mon adolescence !

Et ces lacs, et ces mers, et ces champs émaillés,

Et ces grands peupliers, et ces fleurs ! - Travaillez.

Apprenez donc un peu, jeune homme, à vous connaître :

Vous croyez que l'on n'a que la peine de naître,

Et qu'on est ici-bas pour dormir, se lever,

Passer, les bras croisés, tout le jour à rêver ;

C'est ainsi qu'on se perd, c'est ainsi qu'on végète :

Pauvre, inutile à tous, le monde vous rejette :

Contre la faim, le froid, on lutte, on se débat

Quelque temps, et l'on va mourir sur un grabat.

Ce tableau n'est pas ***, ce discours n'est pas tendre.

C'est vrai ; mais j'ai voulu vous faire bien entendre,

Par amitié pour vous, et dans votre intérêt,

Où votre poésie un jour vous conduirait.


Cet homme avait raison, au fait : j'ai dû me taire.

Je me croyais poète, et me voici notaire.

J'ai suivi ses conseils, et j'ai, sans m'effrayer,

Subi le lourd fardeau d'une charge à payer.

Je dois être content : c'est un très bel office ;

C'est magnifique, à part même le bénéfice.

On a bonne maison, on reçoit les jeudis ;

On a des clercs, qu'on loge en haut, dans un taudis.

Il est vrai que l'état n'est pas fort poétique.

Et rien n'est positif comme l'acte authentique.

Mais il faut pourtant bien se faire une raison,

Et tous ces contes bleus ne sont plus de saison :

Il faut que le notaire, homme d'exactitude,

D'un travail assidu se fasse l'habitude ;

Va, malheureux ! et si quelquefois il advient

Qu'un riant souvenir d'enfance vous revient,

Si vous vous rappelez que la voix des génies

Vous berçait, tout petit, de vagues harmonies ;

Si, poursuivant encor un bonheur qu'il rêva.

L'esprit vers d'autres temps veut se retourner : Va !

Est-ce avec tout cela qu'on mène son affaire ?

N'as-tu pas ce matin un testament à faire ?

Le client est fort mal, et serait en état,

Si tu tardais encor, de mourir intestat.


Mais j'ai trente-deux ans accomplis ; à mon âge

Il faut songer pourtant à se mettre en ménage ;

Il faut faire une fin, tôt ou ****. Dans le temps.

J'y songeais bien aussi, quand j'avais dix-huit ans.

Je voyais chaque nuit, de la voûte étoilée,

Descendre sur ma couche une vierge voilée ;

Je la sentais, craintive, et cédant à mes vœux.

D'un souffle caressant effleurer mes cheveux ;

Et cette vision que j'avais tant rêvée.

Sur la terre, une fois, je l'avais retrouvée.

Oh ! qui me les rendra ces rapides instants,

Et ces illusions d'un amour de vingt ans !

L'automne à la campagne, et ses longues soirées,

Les mères, dans un coin du salon retirées,

Ces regards pleins de feu, ces gestes si connus,

Et ces airs si touchants que j'ai tous retenus ?

Tout à coup une voix d'en haut l'a rappelée :

Cette vie est si triste ! elle s'en est allée ;

Elle a fermé les yeux, sans crainte, sans remords ;

Mais pensent-ils encore à nous ceux qui sont morts ?


Il s'agit bien ici d'un amour platonique !

Me voici marié : ma femme est fille unique ;

Son père est épicier-droguiste retiré,

Et riche, qui plus est : je le trouve à mon gré.

Il n'est correspondant d'aucune académie.

C'est vrai ; mais il est rond, et plein de bonhomie :

Et puis j'aime ma femme, et je crois en effet,

En demandant sa main, avoir sagement fait.

Est-il un sort plus doux, et plus digne d'envie ?

On passe, au coin du feu, tranquillement sa vie :

On boit, on mange, on dort, et l'on voit arriver

Des enfants qu'il faut mettre en nourrice, élever,

Puis établir enfin : puis viennent les années,

Les rides au visage et les couleurs fanées,

Puis les maux, puis la goutte. On vit comme cela

Cinquante ou soixante ans, et puis on meurt. Voilà.
Marco Bo Nov 2018
under this scratch of sky to us assigned
I do not want to be useful
I want to be close to you.....

not telling you what you do not remember or do not know
but gather the threads that tie our words
dispersed in infinite space
and knot them one by one,
the words
so to weave a net

a safety net on which we may let us go,
fall
with all our thoughts
before it's late

of other possible goodness
I do not know
................
sotto questo graffio di cielo a noi assegnato
io non voglio esserti utile
voglio esserti vicino.....

non dirti cosa non ricordi o non sai
ma raccogliere i fili a cui sono legate le nostre parole

disperse nello spazio infinito
e annodarle una ad una, le parole
così da tessere una rete

una rete di protezione sulla quale lasciarci andare
cadere
con tutti i nostri pensieri
prima che sia tardi

di altro bene possibile
non so

inútil

bajo este rasguño del cielo a nosotros asignado
no quiero ser util
yo quiero estar cerca de ti.....

no decirte lo que no recuerdas o no sabes
en cambio recoger los hilos donde estàn atadas nuestras palabras
dispersas en el espacio infinito
y atarlas una por una,
las palabras
para tejer una red

una red de seguridad en la que podemos dejarnos ir,
caer
con todos nuestros pensamientos
antes de que sea tarde

de otra posible bondad
no sé

................

inutile

sous cette égratignure du ciel pour nous assigné
Je ne veux pas être utile
Je veux être près de toi.....

ne pas vous dire ce que vous ne rappelez ou ne savez pas
mais rassembler les fils qui lient tous nos mots
dispersés dans un espace infini
et les nouer un par un,
les mots
ainsi tisser un filet

un filet de sécurité sur lequel nous pouvons nous laisser aller,
tomber
avec toutes nos pensées
avant qu'il soit ****

d'autre bonté possible
Je ne sais pas
Ottar Jun 2014
The sound of your silent voice,
speaks loud from the page,
after all it is a real choice,
to fake and rage
on the road,
at the machine,
not required to be unrequited,
step closer and let me goad you
to get angry,
with what is said,
how words alive were made dead,
so they fall victim to gravity, depravity
then slip into the malaise,
of a hundred thousand other words,
and a thousand thousand poets who like birds
take flight, *****,
after they have written rhymed verse or worse,
prose,
it matters not,
none of this matters, it is rot,
crumbling from my fingers and onto a keyboard,
washing up on beaches around the world, the seashores,
what are poems for,
what poets do you adore,
when you read their words,
you see their hands, stained
with pitch black ink,
liken their one utile hand to a squid
gripping a pen, twisted tentacles,
that reach out a grab your heart and
your head, but how, most of them are dead,
or should be,
oh to be a modern poet,
write some words on paper with lines,
add a treble clef and you'll do fine,
if it is hard,
find a bard,
he will string the words, with
thread attach the notes, measure
what you said on a scale,
add it all up and there you have music theory,
explained by a math murderer
Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,
Et sa brume et ses toits sont bien **** de mes yeux ;
Maintenant que je suis sous les branches des arbres,
Et que je puis songer à la beauté des cieux ;

Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure
Je sors, pâle et vainqueur,
Et que je sens la paix de la grande nature
Qui m'entre dans le cœur ;

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Emu par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;

Maintenant, ô mon Dieu ! que j'ai ce calme sombre
De pouvoir désormais
Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l'ombre
Elle dort pour jamais ;

Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles,
Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté,
Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,
Je reprends ma raison devant l'immensité ;

Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ;
Je vous porte, apaisé,
Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire
Que vous avez brisé ;

Je viens à vous, Seigneur ! confessant que vous êtes
Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant !
Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,
Et que l'homme n'est rien qu'un jonc qui tremble au vent ;

Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme
Ouvre le firmament ;
Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement ;

Je conviens à genoux que vous seul, père auguste,
Possédez l'infini, le réel, l'absolu ;
Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est juste
Que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l'a voulu !

Je ne résiste plus à tout ce qui m'arrive
Par votre volonté.
L'âme de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,
Roule à l'éternité.

Nous ne voyons jamais qu'un seul côté des choses ;
L'autre plonge en la nuit d'un mystère effrayant.
L'homme subit le joug sans connaître les causes.
Tout ce qu'il voit est court, inutile et fuyant.

Vous faites revenir toujours la solitude
Autour de tous ses pas.
Vous n'avez pas voulu qu'il eût la certitude
Ni la joie ici-bas !

Dès qu'il possède un bien, le sort le lui retire.
Rien ne lui fut donné, dans ses rapides jours,
Pour qu'il s'en puisse faire une demeure, et dire :
C'est ici ma maison, mon champ et mes amours !

Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient ;
Il vieillit sans soutiens.
Puisque ces choses sont, c'est qu'il faut qu'elles soient ;
J'en conviens, j'en conviens !

Le monde est sombre, ô Dieu ! l'immuable harmonie
Se compose des pleurs aussi bien que des chants ;
L'homme n'est qu'un atome en cette ombre infinie,
Nuit où montent les bons, où tombent les méchants.

Je sais que vous avez bien autre chose à faire
Que de nous plaindre tous,
Et qu'un enfant qui meurt, désespoir de sa mère,
Ne vous fait rien, à vous !

Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,
Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum ;
Que la création est une grande roue
Qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu'un ;

Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent,
Passent sous le ciel bleu ;
Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent ;
Je le sais, ô mon Dieu !

Dans vos cieux, au-delà de la sphère des nues,
Au fond de cet azur immobile et dormant,
Peut-être faites-vous des choses inconnues
Où la douleur de l'homme entre comme élément.

Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre
Que des êtres charmants
S'en aillent, emportés par le tourbillon sombre
Des noirs événements.

Nos destins ténébreux vont sous des lois immenses
Que rien ne déconcerte et que rien n'attendrit.
Vous ne pouvez avoir de subites clémences
Qui dérangent le monde, ô Dieu, tranquille esprit !

Je vous supplie, ô Dieu ! de regarder mon âme,
Et de considérer
Qu'humble comme un enfant et doux comme une femme,
Je viens vous adorer !

Considérez encor que j'avais, dès l'aurore,
Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté,
Expliquant la nature à l'homme qui l'ignore,
Eclairant toute chose avec votre clarté ;

Que j'avais, affrontant la haine et la colère,
Fait ma tâche ici-bas,
Que je ne pouvais pas m'attendre à ce salaire,
Que je ne pouvais pas

Prévoir que, vous aussi, sur ma tête qui ploie
Vous appesantiriez votre bras triomphant,
Et que, vous qui voyiez comme j'ai peu de joie,
Vous me reprendriez si vite mon enfant !

Qu'une âme ainsi frappée à se plaindre est sujette,
Que j'ai pu blasphémer,
Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jette
Une pierre à la mer !

Considérez qu'on doute, ô mon Dieu ! quand on souffre,
Que l'œil qui pleure trop finit par s'aveugler,
Qu'un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,
Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler,

Et qu'il ne se peut pas que l'homme, lorsqu'il sombre
Dans les afflictions,
Ait présente à l'esprit la sérénité sombre
Des constellations !

Aujourd'hui, moi qui fus faible comme une mère,
Je me courbe à vos pieds devant vos cieux ouverts.
Je me sens éclairé dans ma douleur amère
Par un meilleur regard jeté sur l'univers.

Seigneur, je reconnais que l'homme est en délire
S'il ose murmurer ;
Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,
Mais laissez-moi pleurer !

Hélas ! laissez les pleurs couler de ma paupière,
Puisque vous avez fait les hommes pour cela !
Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre
Et dire à mon enfant : Sens-tu que je suis là ?

Laissez-moi lui parler, incliné sur ses restes,
Le soir, quand tout se tait,
Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux célestes,
Cet ange m'écoutait !

Hélas ! vers le passé tournant un œil d'envie,
Sans que rien ici-bas puisse m'en consoler,
Je regarde toujours ce moment de ma vie
Où je l'ai vue ouvrir son aile et s'envoler !

Je verrai cet instant jusqu'à ce que je meure,
L'instant, pleurs superflus !
Où je criai : L'enfant que j'avais tout à l'heure,
Quoi donc ! je ne l'ai plus !

Ne vous irritez pas que je sois de la sorte,
Ô mon Dieu ! cette plaie a si longtemps saigné !
L'angoisse dans mon âme est toujours la plus forte,
Et mon cœur est soumis, mais n'est pas résigné.

Ne vous irritez pas ! fronts que le deuil réclame,
Mortels sujets aux pleurs,
Il nous est malaisé de retirer notre âme
De ces grandes douleurs.

Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires,
Seigneur ; quand on a vu dans sa vie, un matin,
Au milieu des ennuis, des peines, des misères,
Et de l'ombre que fait sur nous notre destin,

Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,
Petit être joyeux,
Si beau, qu'on a cru voir s'ouvrir à son entrée
Une porte des cieux ;

Quand on a vu, seize ans, de cet autre soi-même
Croître la grâce aimable et la douce raison,
Lorsqu'on a reconnu que cet enfant qu'on aime
Fait le jour dans notre âme et dans notre maison,

Que c'est la seule joie ici-bas qui persiste
De tout ce qu'on rêva,
Considérez que c'est une chose bien triste
De le voir qui s'en va !
J'aime le souvenir de ces époques nues,
Dont Phoebus se plaisait à dorer les statues.
Alors l'homme et la femme en leur agilité
Jouissaient sans mensonge et sans anxiété,
Et, le ciel amoureux leur caressant l'échine,
Exerçaient la santé de leur noble machine.
Cybèle alors, fertile en produits généreux,
Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux,
Mais, louve au coeur gonflé de tendresses communes,
Abreuvait l'univers à ses tétines brunes.
L'homme, élégant, robuste et fort, avait le droit
D'être fier des beautés qui le nommaient leur roi ;
Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures,
Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures !

Le Poète aujourd'hui, quand il veut concevoir
Ces natives grandeurs, aux lieux où se font voir
La nudité de l'homme et celle de la femme,
Sent un froid ténébreux envelopper son âme
Devant ce noir tableau plein d'épouvantement.
Ô monstruosités pleurant leur vêtement !
Ô ridicules troncs ! torses dignes des masques !
Ô pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques,
Que le dieu de l'Utile, implacable et serein,
Enfants, emmaillota dans ses langes d'airain !
Et vous, femmes, hélas ! pâles comme des cierges,
Que ronge et que nourrit la débauche, et vous, vierges,
Du vice maternel traînant l'hérédité
Et toutes les hideurs de la fécondité !

Nous avons, il est vrai, nations corrompues,
Aux peuples anciens des beautés inconnues :
Des visages rongés par les chancres du coeur,
Et comme qui dirait des beautés de langueur ;
Mais ces inventions de nos muses tardives
N'empêcheront jamais les races maladives
De rendre à la jeunesse un hommage profonde,
- A la sainte jeunesse, à l'air simple, au doux front,
A l'oeil limpide et clair ainsi qu'une eau courante,
Et qui va répandant sur tout, insouciante
Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs,
Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs !
« De grâce, apprenez-moi comment l'on fait fortune,
Demandait à son père un jeune ambitieux.
- Il est, dit le vieillard, un chemin glorieux :
C'est de se rendre utile à la cause commune,
De prodiguer ses jours, ses veilles, ses talents,
Au service de la patrie.
- Oh ! trop pénible est cette vie ;
Je veux des moyens moins brillants.
- Il en est de plus sûrs, l'intrigue... - Elle est trop vile ;
Sans vice et sans travail je voudrais m'enrichir.
- Eh bien ! sois un simple imbécile,
J'en ai vu beaucoup réussir. »
Fable I, Livre I.


L'olive, aux champs, n'est pas ce qu'elle est sur la table ;
Le premier qui, sur l'arbre, essaya d'en goûter,
Fit une mine épouvantable ;
Au feu voulut faire jeter
Le tronc qui produisait un fruit si détestable.
Mieux vaut le cultiver, lui dit la Déité
Qui faisait ce présent à l'Attique fertile ;
Plus qu'on ne croit, son fruit peut devenir utile,
S'il se trouve chez vous un homme assez habile
Pour corriger sa crudité.
Minerve avait raison ; le fruit que l'on dédaigne,
Par un fort habile homme à la fin ramassé,
Dans l'eau propice où l'art le baigne,
De ses défauts un jour se voit débarrassé.
Il n'est, depuis, ami de bonne chère
Qui n'en veuille en mille ragoûts ;
Et grâce à l'apprêt qui tempère
L'âpreté de son caractère,
Ni trop douce, ni trop amère,
L'olive est devenue un mets de tous les goûts.
Cet apprêt que l'habile artiste
Fit subir au fruit rebuté,
Est celui que le fabuliste
Doit donner à la vérité.
« Vraiment, notre siècle est étrangement délicat. S'imagine-t-il donc que la
cendre des bûchers soit totalement éteinte ? qu'il n'en soit pas resté le plus
petit tison pour allumer une seule torche ? Les insensés ! en nous appelant
jésuites, ils croient nous couvrir d'opprobre ! Mais ces jésuites leur réservent
la censure, un bâillon et du feu... Et, un jour, ils seront les maîtres de leurs maîtres... »

(Le Père ROOTHAAN, général des Jésuites, à la conférence de CHIÉRI.)


Ils ont dit : « Nous serons les vainqueurs et les maîtres.
Soldats par la tactique et par la robe prêtres,
Nous détruirons progrès, lois, vertus, droits, talents.
Nous nous ferons un fort avec tous ces décombres,
Et pour nous y garder, comme des dogues sombres,
Nous démusèlerons les préjugés hurlants.

« Oui, l'échafaud est bon ; la guerre est nécessaire ;
Acceptez l'ignorance, acceptez la misère ;
L'enfer attend l'orgueil du tribun triomphant ;
L'homme parvient à l'ange en passant par la buse.
Notre gouvernement fait de force et de ruse
Bâillonnera le père, abrutira l'enfant.

« Notre parole, hostile au siècle qui s'écoule,
Tombera de la chaire en flocons sur la foule
Elle refroidira les cœurs irrésolus,
Y glacera tout germe utile ou salutaire,
Et puis elle y fondra comme la neige à terre,
Et qui la cherchera ne la trouvera plus.

« Seulement un froid sombre aura saisi les âmes ;
Seulement nous aurons tué toutes les flammes
Et si quelqu'un leur crie, à ces français d'alors
Sauvez la liberté pour qui luttaient vos pères !
Ils riront, ces français sortis de nos repaires,
De la liberté morte et de leurs pères morts.

« Prêtres, nous écrirons sur un drapeau qui brille
- Ordre, Religion, Propriété, Famille. -
Et si quelque bandit, corse, juif ou payen,
Vient nous aider avec le parjure à la bouche,
Le sabre aux dents, la torche au poing, sanglant, farouche
Volant et massacrant, nous lui dirons : c'est bien !

« Vainqueurs, fortifiés aux lieux inabordables,
Nous vivrons arrogants, vénérés, formidables.
Que nous importe au fond Christ, Mahomet, Mithra !
Régner est notre but, notre moyen proscrire.
Si jamais ici-bas on entend notre rire,
Le fond obscur du cœur de l'homme tremblera.

« Nous garrotterons l'âme au fond d'une caverne.
Nations, l'idéal du peuple qu'on gouverne,
C'est le moine d'Espagne ou le fellah du Nil.
À bas l'esprit ! à bas le droit ! vive l'épée !
Qu'est-ce que la pensée ? une chienne échappée.
Mettons Jean-Jacques au bagne et Voltaire au chenil.

« Si l'esprit se débat, toujours nous l'étouffâmes.
Nous parlerons tout bas à l'oreille des femmes.
Nous aurons les pontons, l'Afrique, le Spielberg.
Les vieux bûchers sont morts, nous les ferons revivre
N'y pouvant jeter l'homme, on y jette le livre ;
À défaut de Jean Huss, nous brûlons Gutenberg.

« Et quant à la raison, qui prétend juger Rome,
Flambeau qu'allume Dieu sous le crâne de l'homme,
Dont s'éclairait Socrate et qui guidait Jésus,
Nous, pareils au voleur qui se glisse et qui rampe,
Et commence en entrant par éteindre la lampe,
En arrière et furtifs, nous soufflerons dessus.

« Alors dans l'âme humaine obscurité profonde.
Sur le néant des cœurs le vrai pouvoir se fonde.
Tout ce que nous voudrons, nous le ferons sans bruit.
Pas un souffle de voix, pas un battement d'aile
Ne remuera dans l'ombre, et notre citadelle
Sera comme une tour plus noire que la nuit.

« Nous régnerons. La tourbe obéit comme l'onde.
Nous serons tout-puissants, nous régirons le monde
Nous posséderons tout, force, gloire et bonheur ;
Et nous ne craindrons rien, n'ayant ni foi ni règles...  »
- Quand vous habiteriez la montagne des aigles,
Je vous arracherais de là, dit le Seigneur !

Le 8 novembre 1852, à Jersey
NC Apr 2019
Bien des gens ont mis leurs sentiments en mots pour soulager leur cœur trop lourd.
Il me semble alors utile de le faire maintenant parce que traîner mon corps est un supplice.
Je te sens m’éviter, sachant très bien ce qui s’est passé, mais refusant de prendre ta part de responsabilité.
Nous étions deux.
Tu m’as dit que c’était compliqué.
J’ai tout accepté en étant sous l’effet de l’étincelle du moment que tu m’avais offert.
Tu exprimais tes remords tout en continuant ce que nous avions commencé.
Tout est flou à présent.
Un instant tu était l’ami qui pouvait me faire sourire même lorsque le ciel me tombait sur la tête et en une fraction de seconde, tu balayais cette relation du revers de la main.
« Je n’aurais pas dû faire ça » tu m’as dit.
Et pourtant tu l’as fait.
Je ne crois pas à l’effet de l’alcool.
Étais-je simplement le fruit d’une impulsion ou juste une autre de plus?
J’ai mal.
Je t’ai donné l’occasion de m’expliquer et tu t’entêtes à éviter de me répondre clairement.
Je ne peux plus manger.
Tout me tente et me dégoûte à la fois.
Je ne regrette pas que tu aies été le premier.
C’était à la limite romantique.
Cependant, je ne peux l’oublier, la scène repasse sans cesse.
Je ne peux pas nier que je rêve d’un autre moment comme celui-là avec toi.
Je n’aurais pas pu imaginer un first kiss plus parfait.
Oui, il m’a surpris, mais je pense qu’il le fallait.
Tu es tellement attentionné, tu ne sais pas la valeur que tu as.
Tu as su me transmettre ta confiance et ta joie.
Tu as rendu mes 18 ans inoubliables.
Passer mes mains dans tes cheveux, danser avec incohérence au gré d’une musique qui faisait vibrer de l’intérieur et t’embrasser avec un peu trop de vigueur.
Je ne pourrai jamais te dire à quel point tu es une personne hors du commun.
J’ai presque honte de mes sentiments parce que je sais que pour toi, l’amitié est le seul fil qui nous relie.
Il faut que ça sorte pour que j’aille mieux.
Je me trouve si extravagante d’en faire toute une histoire pour de frivoles embrassades de bar, mais il y a de quoi se poser des questions.
Je ne sais pas si tu aura le courage de tout lire.
Dans mon fort intérieur je sens que j’éprouve quelque chose pour toi. C’est indéniable.
J’ai passé des heures à scruter à la loupe ce que j’en pensais.
Sans l’ombre d’un doute, ce n’est pas l’amitié qui me fait vivre.

P.S. La fille qui rentra un jour au bar pour en ressortir comme une femme.
S’il te plaît, dis-moi que tu m’aimes
Fable IV, Livre V.


Mes bons amis, je dois en convenir,
Je n'imaginais pas qu'un mort pût revenir ;
Que bien empaqueté, soit dans cette humble bière
Des humains du commun la retraite dernière,
Soit dans ce lourd cercueil dont le plomb protecteur
Plus longtemps au néant dispute un sénateur,
Au grand air un défunt pût jamais reparaître ;
Et par aucun motif, si pressant qu'il puisse être,
Se reproduire aux yeux des badauds effrayés,
À ses vieux ennemis venir tirer les pieds,
Sommer ses héritiers de tenir leurs promesses,
Et forcer ces ingrats à lui payer des messes.
Un curé de notre canton,
Qui, s'il n'est esprit fort, est du moins esprit sage,
Deux fois par semaine, au sermon,
L'affirme cependant aux gens de son village.
« Or ça, lui dis-je un jour, plaisant hors de saison,
Tantôt vous commenciez un somme,
Ou bien vous perdez la raison. »
« - La raison, répond le bonhomme,
Laquelle à mon avis doit régner en tout lieu,
« Même en chaire, enseigne qu'à Dieu
« Au monde il n'est rien d'impossible.
« - Aucune vérité n'est pour moi plus sensible.
« - Vous reconnaissez, frère, en accordant ce point,
« Qu'à mon petit troupeau je n'en impose point,
« En lui disant que Dieu, mécontent qu'on se livre
« À de pernicieux penchants,
« Peut laisser les défunts lutiner les méchants,
« Afin de leur apprendre à vivre.
« - Bien ! et vous le prouvez ? - Appuyant quelquefois
« Ce dogme édifiant d'un pieux stratagème,
« Vers le soir, dans la grange ou sur les bords du bois,
« Je le prouve en faisant le revenant moi-même.
« Tantôt vêtu de blanc, tantôt vêtu de noir,
« J'ai vingt fois relancé jusque dans son manoir
« Tel maraud qui, déjà coupable au fond de l'âme,
« Et pendable un moment plus ****,
« Convoitait du voisin le fromage ou le lard,
« Ou bien la vache, ou bien la femme.
« Changeant, suivant le cas, et de forme et de ton,
« Assisté du vicaire et surtout du bâton,
« Ainsi dans ma paroisse exorcisant le crime,
« Régénérant les mœurs, je fais payer la dîme,
« Donne un père à l'enfant qui n'en aurait pas eu ;
« Et quand au cabaret dimanche on s'est battu,
« Mettant l'apothicaire aux frais du bras qui blesse,
« Je fais faire ici par faiblesse
« Ce qu'on n'eût pas fait par vertu.
« Osez-vous m'en blâmer ? - Moi, curé, je le jure,
« De tout mon cœur je vous absous ;
« Et qui plus est je me résous
« À tolérer parfois quelque utile imposture.
« Par un vil intérêt vers le mal entraîné,
« Au bien si rarement quand l'homme est ramené
« Par le noble amour du bien même,
« En employant l'erreur qu'il aime
« Dominons le penchant dont il est dominé.
« Sans trop examiner si la chose est croyable,
« De la chose qu'on croit tirons utilité.
« Un préjugé sublime, une erreur pitoyable
« Peut tourner au profit de la société ;
« Il est bon que Rollet tremble en rêvant au diable,
« Et César en pensant à la postérité. »
Fable VI, Livre V.


Quelques brochets jetés dans nos étangs
N'y sont pas tout-à-fait nuisibles.
Craints des poissons de tous les rangs,
Mais au fretin lui seul terribles,
S'ils vivent des petits, ils font vivre les grands.
Des avortons, sans cesse, engloutissant la tourbe,
Ils accroissent d'autant la part des gros mangeurs ;
Et de plus à ces bons nageurs
Ne laissent pas le temps de croupir dans la bourbe.
Il faut dire la vérité :
La critique est utile, et sa sévérité
Dont notre apologue est l'emblème,
Peut avoir au Parnasse un salutaire effet ;
Mais encor, pour cela, faut-il que le brochet
Ne soit pas du fretin lui-même.
Aidons-nous mutuellement,
La charge des malheurs en sera plus légère ;
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine.
Pour la persuader aux peuples de la Chine,
Il leur contait le trait suivant.

Dans une ville de l'Asie
Il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au Ciel de terminer leur vie ;
Mais leurs cris étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique,
Couché sur un grabat dans la place publique,
Souffrait sans être plaint : il en souffrait bien plus.
L'aveugle, à qui tout pouvait nuire,
Etait sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour, il arriva
Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue,
Près du malade se trouva ;
Il entendit ses cris, son âme en fut émue.
Il n'est tel que les malheureux
Pour se plaindre les uns les autres.
" J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres :
Unissons-les, mon frère, ils seront moins affreux.
- Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère,
Que je ne puis faire un seul pas ;
Vous-même vous n'y voyez pas :
A quoi nous servirait d'unir notre misère ?
- A quoi ? répond l'aveugle ; écoutez. A nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire :
J'ai des jambes, et vous des yeux.
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide :
Vos yeux dirigeront mes pas mal assurés ;
Mes jambes, à leur tour, iront où vous voudrez.
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi. "
Ne le tourmentez pas, il souffre. Il est celui
Sur qui, jusqu'à ce jour, pas un rayon n'a lui ;
Oh ! ne confondez pas l'esclave avec le maître !
Et, quand vous le voyez dans vos rangs apparaître,
Humble et calme, et s'asseoir la tête dans ses mains,
Ayant peut-être en lui l'esprit des vieux Romains
Dont il vous dit les noms, dont il vous lit les livres,
Écoliers, frais enfants de joie et d'aurore ivres,
Ne le tourmentez pas ! soyez doux, soyez bons.
Tous nous portons la vie et tous nous nous courbons
Mais lui, c'est le flambeau qui la nuit se consomme ;
L'ombre le tient captif, et ce pâle jeune homme,
Enfermé plus que vous, plus que vous enchaîné,
Votre frère, écoliers, et votre frère aîné,
Destin tronqué, matin noyé dans les ténèbres,
Ayant l'ennui sans fin devant ses yeux funèbres,
Indigent, chancelant, et cependant vainqueur,
Sans oiseaux dans son ciel, sans amours dans son cœur,
A l'heure du plein jour, attend que l'aube naisse,
Enfance, ayez pitié de la sombre jeunesse !

Apprenez à connaître, enfants qu'attend l'effort,
Les inégalités des âmes et du sort ;
Respectez-le deux fois, dans le deuil qui le mine,
Puisque de deux sommets, enfant, il vous domine,
Puisqu'il est le plus pauvre et qu'il est le plus grand.
Songez que, triste, en butte au souci dévorant,
A travers ses douleurs, ce fils de la chaumière
Vous verse la raison, le savoir, la lumière,
Et qu'il vous donne l'or, et qu'il n'a pas de pain.
Oh ! dans la longue salle aux tables de sapin,
Enfants, faites silence à la lueur des lampes !
Voyez, la morne angoisse a fait blêmir ses tempes :
Songez qu'il saigne, hélas ! sous ses pauvres habits.
L'herbe que mord la dent cruelle des brebis,
C'est lui ; vous riez, vous, et vous lui rongez l'âme.
Songez qu'il agonise, amer, sans air, sans flamme ;
Que sa colère dit : « Plaignez-moi ; » que ses pleurs
Ne peuvent pas couler devant vos yeux railleurs !
Aux heures du travail votre ennui le dévore,
Aux heures du plaisir vous le rongez encore ;
Sa pensée, arrachée et froissée, est à vous,
Et, pareille au papier qu'on distribue à tous,
Page blanche d'abord, devient lentement noire.
Vous feuilletez son cœur, vous videz sa mémoire ;
Vos mains, jetant chacune un bruit, un trouble, un mot,
Et raturant l'idée en lui dès qu'elle éclôt,
Toutes en même temps dans son esprit écrivent.
Si des rêves, parfois, jusqu'à son front arrivent,
Vous répandez votre encre à flots sur cet azur ;
Vos plumes, tas d'oiseaux hideux au vol obscur,
De leurs mille becs noirs lui fouillent la cervelle.
Le nuage d'ennui passe et se renouvelle.
Dormir, il ne le peut ; penser, il ne le peut.
Chaque enfant est un fil dont son cœur sent le nœud.
Oui, s'il veut songer, fuir, oublier, franchir l'ombre,
Laisser voler son âme aux chimères sans nombre,
Ces écoliers joueurs, vifs, légers et doux, aimants,
Pèsent sur lui, de l'aube au soir, à tous moments,
Et le font retomber des voûtes immortelles ;
Et tous ces papillons sont le plomb de ses ailes.
Saint et grave martyr changeant de chevalet,
Crucifié par vous, bourreaux charmants, il est
Votre souffre-douleurs et votre souffre-joies ;
Ses nuits sont vos hochets et ces jours sont vos proies,
Il porte sur son front votre essaim orageux ;
Il a toujours vos bruits, vos rires et vos jeux,
Tourbillonnant sur lui comme une âpre tempête.
Hélas ! il est le deuil dont vous êtes la fête ;
Hélas ! il est le cri dont vous êtes le chant.

Et, qui sait ? sans rien dire, austère, et se cachant
De sa bonne action comme d'une mauvaise,
Ce pauvre être qui rêve accoudé sur sa chaise,
Mal nourri, mal vêtu, qu'un mendiant plaindrait,
Peut-être a des parents qu'il soutient en secret,
Et fait de ses labeurs, de sa faim, de ses veilles,
Des siècles dont sa voix vous traduit les merveilles,
Et de cette sueur qui coule sur sa chair,
Des rubans au printemps, un peu de feu l'hiver,
Pour quelque jeune sœur ou quelque vieille mère ;
Changeant en goutte d'eau la sombre larme amère ;
De sorte que, vivant à son ombre sans bruit,
Une colombe vient la boire dans la nuit !
Songez que pour cette œuvre, enfants, il se dévoue,
Brûle ses yeux, meurtrit son cœur, tourne la roue,
Traîne la chaîne ! Hélas, pour lui, pour son destin,
Pour ses espoirs perdus à l'horizon lointain,
Pour ses vœux, pour son âme aux fers, pour sa prunelle,
Votre cage d'un jour est prison éternelle !
Songez que c'est sur lui que marchent tous vos pas !
Songez qu'il ne rit pas, songez qu'il ne vit pas !
L'avenir, cet avril plein de fleurs, vous convie ;
Vous vous envolerez demain en pleine vie ;
Vous sortirez de l'ombre, il restera. Pour lui,
Demain sera muet et sourd comme aujourd'hui ;
Demain, même en juillet, sera toujours décembre,
Toujours l'étroit préau, toujours la pauvre chambre,
Toujours le ciel glacé, gris, blafard, pluvieux ;
Et, quand vous serez grands, enfants, il sera vieux.
Et, si quelque heureux vent ne souffle et ne l'emporte,
Toujours il sera là, seul sous la sombre porte,
Gardant les beaux enfants sous ce mur redouté,
Ayant tout de leur peine et rien de leur gaîté.
Oh ! que votre pensée aime, console, encense
Ce sublime forçat du bagne d'innocence !
Pesez ce qu'il prodigue avec ce qu'il reçoit.
Oh ! qu'il se transfigure à vos yeux, et qu'il soit
Celui qui vous grandit, celui qui vous élève,
Qui donne à vos raisons les deux tranchants du glaive,
Art et science, afin qu'en marchant au tombeau,
Vous viviez pour le vrai, vous luttiez pour le beau !
Oh ! qu'il vous soit sacré dans cette tâche auguste
De conduire à l'utile, au sage, au grand, au juste,
Vos âmes en tumulte à qui le ciel sourit !
Quand les cœurs sont troupeau, le berger est esprit.

Et, pendant qu'il est là, triste, et que dans la classe
Un chuchotement vague endort son âme lasse,
Oh ! des poètes purs entr'ouverts sur vos bancs,
Qu'il sorte, dans le bruit confus des soirs tombants,
Qu'il sorte de Platon, qu'il sorte d'Euripide,
Et de Virgile, cygne errant du vers limpide,
Et d'Eschyle, lion du drame monstrueux,
Et d'Horace et d'Homère à demi dans les cieux,
Qu'il sorte, pour sa tête aux saints travaux baissée,
Pour l'humble défricheur de la jeune pensée,
Qu'il sorte, pour ce front qui se penche et se fend
Sur ce sillon humain qu'on appelle l'enfant,
De tous ces livres pleins de hautes harmonies,
La bénédiction sereine des génies !

Juin 1842.
Soxna la Donna Jul 2020
Some people get used to free services
They can be your friends or your acquaintances.
When you are too kind and helpful.
These fools think you will be there doing that forever.
When comes that one day you can't help them,
They will tell you:" You are never there" and ****...
I call them "favour abusers".
Pay attention, this is common when you are too utile.
Remember that your time is precious, you are not obligated to respond to their demands.
Or feel guilty to not have time.
Plus it is for free !!!
This is not a poem.
Un gentil écureuil était le camarade,
Le tendre ami d'un beau danois.
Un jour qu'ils voyageaient comme Oreste et Pylade,
La nuit les surprit dans un bois.
En ce lieu point d'auberge ; ils eurent de la peine
À trouver où se bien coucher.
Enfin le chien se mit dans le creux d'un vieux chêne,
Et l'écureuil plus haut grimpa pour se nicher.
Vers minuit, c'est l'heure des crimes,
Longtemps après que nos amis
En se disant bon soir se furent endormis,
Voici qu'un vieux renard affamé de victimes
Arrive au pied de l'arbre, et, levant le museau,
Voit l'écureuil sur un rameau.
Il le mange des yeux, humecte de sa langue
Ses lèvres qui de sang brûlent de s'abreuver ;
Mais jusqu'à l'écureuil il ne peut arriver :
Il faut donc par une harangue
L'engager à descendre ; et voici son discours :
Ami, pardonnez, je vous prie,
Si de votre sommeil j'ose troubler le cours :
Mais le pieux transport dont mon âme est remplie
Ne peut se contenir ; je suis votre cousin
Germain :
Votre mère était sœur de feu mon digne père.
Cet honnête homme, hélas ! à son heure dernière,
M'a tant recommandé de chercher son neveu
Pour lui donner moitié du peu
Qu'il m'a laissé de bien ! Venez donc, mon cher frère,
Venez, par un embrassement,
Combler le doux plaisir que mon âme ressent.
Si je pouvais monter jusqu'aux lieux où vous êtes,
Oh ! J'y serais déjà, soyez-en bien certain.
Les écureuils ne sont pas bêtes,
Et le mien était fort malin ;
Il reconnaît le patelin,
Et répond d'un ton doux : je meurs d'impatience
De vous embrasser, mon cousin ;
Je descends : mais, pour mieux lier la connaissance,
Je veux vous présenter mon plus fidèle ami,
Un parent qui prit soin de nourrir mon enfance ;
Il dort dans ce trou-là : frappez un peu ; je pense
Que vous serez charmé de le connaître aussi.
Aussitôt maître renard frappe,
Croyant en manger deux : mais le fidèle chien
S'élance de l'arbre, le happe,
Et vous l'étrangle bel et bien.
Ceci prouve deux points : d'abord, qu'il est utile
Dans la douce amitié de placer son bonheur ;
Puis, qu'avec de l'esprit il est souvent facile
Au piège qu'il nous tend de surprendre un trompeur.
Fable VII, Livre IV.


- Tandis qu'en vain cet arbre utile
Attend l'eau dont il a besoin,
Pourquoi prenez-vous tant de soin
De cet arbre ingrat et stérile ?
- Mon ami, c'est qu'il vient de ****.
Je ne veux plus lire de lettre,
Sauf les lettres que le facteur
Sera chargé de me remettre,
Comme après tout on est le maître
De lire tel ou tel auteur.

Écoutez bien, gens de la ville :
Montrer, avec ou sans motif,
Lettre quelconque... est bien futile.
Lettre toute autre est chose... utile
Rarement portée à l'actif.

Que le Duc d'Aumale s'en foute,
Il ne vaut pas un sous-préfet ;
Et... si j'eusse été... sur ma route,
Le Général... Mignonne, écoute,
Je sais fort ce que j'aurais fait.

Ce n'est rien moins qu'une merveille,
On le peut, sans se déranger.
C'est le secret de ma bouteille.
Je pourrais le dire à l'oreille
Du beau Général Boulanger.

Vous qui devinez tout, Madame,
Ne divulguez rien, s'il vous plaît,
Sinon, je vous écris : infâme !
Et si vous tirez votre lame,
Je vous avance... mon valet.

Hé ! là ! ce que je viens de dire,
Ma mignonne, c'était en l'air :
On ne te voit jamais écrire.
Moi, je chante et ne veut que rire :
Il me semble que c'est très clair.

Je me dis avec insistance :
Je n'attacherai plus de prix,
Ni la plus petite importance,
Qu'à ma propre correspondance,
Si je me suis bien, bien compris.

Lettres laides ou Lettres belles,
J'y suis doucement résigné,
Je n'en lirai pas de nouvelles,
Je ne lirai plus même celles
De Madame de Sévigné.

Et si cette admirable Brune
Me trouvait vilain garnement,
Elle n'a, pour que j'en lise une,
Par le facteur Rayon-de-Lune
Qu'à me l'adresser, simplement.
Deux chats qui descendaient du fameux Rodilard,
Et dignes tous les deux de leur noble origine,
Différaient d'embonpoint : l'un était gras à lard,
C'était l'aîné ; sous son hermine
D'un chanoine il avait la mine,
Tant il était dodu, potelé, frais et beau :
Le cadet n'avait que la peau
Collée à sa tranchante échine.
Cependant ce cadet, du matin jusqu'au soir,
De la cave à la gouttière
Trottait, courait, il fallait voir,
Sans en faire meilleure chère.
Enfin, un jour, au désespoir,
Il tint ce discours à son frère :
Explique-moi par quel moyen,
Passant ta vie à ne rien faire,
Moi travaillant toujours, on te nourrit si bien,
Et moi si mal. La chose est claire,
Lui répondit l'aîné : tu cours tout le logis
Pour manger rarement quelque maigre souris...
- N'est-ce pas mon devoir ? - D'accord, cela peut être :
Mais moi je reste auprès du maître ;
Je sais l'amuser par mes tours.
Admis à ses repas sans qu'il me réprimande,
Je prends de bons morceaux, et puis je les demande
En faisant patte de velours,
Tandis que toi, pauvre imbécile,
Tu ne sais rien que le servir,
Va, le secret de réussir,
C'est d'être adroit, non d'être utile.
Un bonhomme de mes parents,
Que j'ai connu dans mon jeune âge,
Se faisait adorer de tout son voisinage ;
Consulté, vénéré des petits et des grands,
Il vivait dans sa terre en véritable sage.
Il n'avait pas beaucoup d'écus,
Mais cependant assez pour vivre dans l'aisance ;
En revanche force vertus,
Du sens, de l'esprit par-dessus,
Et cette aménité que donne l'innocence.
Quand un pauvre venait le voir,
S'il avait de l'argent, il donnait des pistoles ;
Et s'in n'en avait point, du moins par ses paroles
Il lui rendait un peu de courage et d'espoir.
Il raccommodait les familles,
Corrigeait doucement les jeunes étourdis,
Riait avec les jeunes filles,
Et leur trouvait de bons maris.
Indulgent aux défauts des autres,
Il répétait souvent : n'avons-nous pas les nôtres ?
Ceux-ci sont nés boiteux, ceux-là sont nés bossus,
L'un un peu moins, l'autre un peu plus :
La nature de cent manières
Voulut nous affliger : marchons ensemble en paix ;
Le chemin est assez mauvais
Sans nous jeter encor des pierres.
Or il arriva certain jour
Que notre bon vieillard trouva dans une tour
Un trésor caché sous la terre.
D'abord il n'y voit qu'un moyen
De pouvoir faire plus de bien ;
Il le prend, l'emporte et le serre.
Puis, en réfléchissant, le voilà qui se dit :
Cet or que j 'ai trouvé ferait plus de profit
Si j'en augmentais mon domaine ;
J'aurais plus de vassaux, je serais plus puissant.
Je peux mieux faire encor : dans la ville prochaine
Achetons une charge, et soyons président.
Président ! Cela vaut la peine.
Je n'ai pas fait mon droit ; mais, avec mon argent,
On m'en dispensera, puisque cela s'achète.
Tandis qu'il rêve et qu'il projette,
Sa servante vient l'avertir
Que les jeunes gens du village
Dans la cour du château sont à se divertir.
Le dimanche, c'était l'usage,
Le seigneur se plaisait à danser avec eux.
Oh ! Ma foi, répond-il, j'ai bien d'autres affaires ;
Que l'on danse sans moi. L'esprit plein de chimères,
Il s'enferme tout seul pour se tourmenter mieux.
Ensuite il va joindre à sa somme
Un petit sac d'argent, reste du mois dernier.
Dans l'instant arrive un pauvre homme
Qui tout en pleurs vient le prier
De vouloir lui prêter vingt écus pour sa taille :
Le collecteur, dit-il, va me mettre en prison,
Et n'a laissé dans ma maison
Que six enfants sur de la paille.
Notre nouveau Crésus lui répond durement
Qu'il n'est point en argent comptant.
Le pauvre malheureux le regarde, soupire,
Et s'en retourne sans mot dire.
Mais il n'était pas ****, que notre bon seigneur
Retrouve tout-à-coup son cœur ;
Il court au paysan, l'embrasse,
De cent écus lui fait don,
Et lui demande encor pardon.
Ensuite il fait crier que sur la grande place
Le village assemblé se rende dans l'instant.
On obéit : notre bonhomme
Arrive avec toute sa somme,
En un seul monceau la répand.
Mes amis, leur dit-il, vous voyez cet argent :
Depuis qu'il m'appartient, je ne suis plus le même,
Mon âme est endurcie et la voix du malheur
N'arrive plus jusqu'à mon cœur.
Mes enfants, sauvez-moi de ce péril extrême ;
Prenez et partagez ce dangereux métal ;
Emportez votre part chacun dans votre asile ;
Entre tous divisé, cet or peut être utile ;
Réuni chez un seul, il ne fait que du mal.
Soyons contents du nécessaire
Sans jamais souhaiter de trésors superflus :
Il faut les redouter autant que la misère,
Comme elle ils chassent les vertus.
Manuel John Nov 2019
You have tried to find love. You have searched in the most
utile of places, thirsting for a sip. You have asked your
lover what lies between her thighs
maybe you could find
some love there. She’d say rosé… she always does; the
older it is, the drier it gets. And now, you have drunk so
much rosé
practically all day, or every other Thursday
night till you have grown weary of its taste. But you
have heard that love lasts forever_ a lingering heartthrob , not a recurring hiccup from too much wine_Yes, you have
heard tales of a fairy tailing princesses until true love is
found. Yet, you remain here-loveless, loveless
and
loveless again. Maybe if you looked for love less, just
maybe you would find it, maybe it would find you. Maybe…eventually
Six ans étaient écoulés, et la septième année
Etait presque entière en ses pas retournée,
Quand **** d'affection, de désir et d'amour,
En pure liberté je passais tout le jour,
Et franc de tout souci qui les âmes dévore,
Je dormais dès le soir jusqu'au point de l'Aurore ;
Car seul maître de moi, j'allais, plein de loisir,
Où le pied me portait, conduit de mon désir,
Ayant toujours les mains pour me servir de guide
Aristote ou Platon, ou le docte Euripide,
Mes bons hôtes muets qui ne fâchent jamais ;
Ainsi que je les prends, ainsi je les remets ;
Ô douce compagnie et utile et honnête !
Un autre en caquetant m'étourdirait la tête.

Puis, du livre ennuyé, je regardais les fleurs,
Feuilles, tiges, rameaux, espèces et couleurs,
Et l'entrecoupement de leurs formes diverses,
Peintes de cent façons, jaunes, rouges et perses,
Ne me pouvant saouler, ainsi qu'en un tableau,
D'admirer la Nature, et ce qu'elle a de beau ;
Et de dire, en parlant aux fleurettes écloses :
« Celui est presque Dieu qui connaît toutes choses. »
Eloigné du vulgaire, et **** des courtisans,
De fraude et de malice impudents artisans,
Tantôt j'errais seul par les forets sauvages,
Sur les bords enjonchés des peints rivages,
Tantôt par les rochers reculés et déserts,
Tantôt par les taillis, verte maison des cerfs.

J'aimais le cours suivi d'une longue rivière,
Et voir onde sur onde allonger sa carrière,
Et flot à l'autre flot en roulant s'attacher ;
Et, pendu sur le bord, me plaisait d'y pêcher,
Etant plus réjoui d'une chasse muette
Troubler des écailles la demeure secrète,
Tirer avec la ligne, en tremblant emporté,
Le crédule poisson pris à l'hameçon amorcé,
Qu'un grand Prince n'est aise ayant pris à la chasse
Un cerf, qu'en haletant tout un jour il pourchasse,
Heureux, si vous eussiez, d'un mutuel émoi,
Pris l'appât amoureux aussi bien comme moi,
Que tout seul j'avalais, quand par trop désireux
Mon âme en vos yeux bu le poison amoureux.

Puis alors que Vesper vient embrunir nos yeux,
Attaché dans le Ciel je contemple les Cieux,
En qui Dieu nous écrit en notes non obscures
Les sorts et les destins de toutes créatures.
Car lui, en dédaignant (comme font les humains)
D'avoir encre et papier et plume entre les mains,
Par les astres du Ciel, qui sont ses caractères,
Les choses nous prédit et bonnes et contraires ;
Mais les hommes, chargez de terre et du trépas,
Méprisent tels écrits, et ne le lisent pas.

Or, le plus de mon bien pour décevoir ma peine,
C'est de boire à longs traits les eaux de la fontaine
Qui de votre beau nom se brave, et, en courant
Par les prés, vos honneurs va toujours murmurant,
Et la Reine se dit des eaux de la contrée ;
Tant vaut le gentil soin d'une Muse sacrée,
Qui peut vaincre la Mort et les sorts inconstants,
Sinon pour tout jamais, au moins pour un longtemps.

Là, couché dessus l'herbe, en mes discours je pense
Que pour aimer beaucoup, j'ai peu de récompense,
Et que mettre son cœur aux Dames si avant,
C'est vouloir peindre en l'onde et arrêter le vent ;
M'assurant toutefois, qu'alors que le vieil âge
Aura comme un sorcier changé votre visage,
Et lorsque vos cheveux deviendront argentés,
Et que vos yeux, d'Amour, ne seront plus hantés,
Que toujours vous aurez, si quelque soin vous touche,
En l'esprit mes écrits, mon nom en votre bouche.

Maintenant que voici l'an septième venir,
Ne pensez plus, Hélène, en vos lacs me tenir ;
La raison m'en délivre et votre rigueur dure ;
Puis, il faut que mon âge obéisse à nature.
Harriz Sierra Nov 2019
You tried to find love, you've searched it in the utmost utile places,
You tricked everyone but yourself, lying to them these days..
it keeps bothering you everynight without any traces,
smiling towards the cold air with your smiling-frowned face.


You hate me, your love for me
is gone now..
you always knew when to point out,
You want to erase me, If I only
knew how..
you already knew what I was about..


My heart is telling me this is something real,
and I just can't ignore it..
It's shouting your name
repeatedly in thrill,
while I'm still shattered in
pieces of ****.


I revealed myself and I was lessened,
You took me in place..
Protected me from things that wanted
me to be threatened,
because you saw that I've
lost my ways..


I love you with all my might,
The sky is a graveyard of stars,
all beautiful things that makes
you so bright,
even if you're already full of scars..
Sonnet.


Si peu d'œuvres pour tant de fatigue et d'ennui !
De stériles soucis notre journée est pleine :
Leur meute sans pitié nous chasse à perdre haleine,
Nous pousse, nous dévore, et l'heure utile a fui...

« Demain ! J'irai demain voir ce pauvre chez lui,
Demain je reprendrai ce livre ouvert à peine,
Demain je te dirai, mon âme, où je te mène,
Demain je serai juste et fort... pas aujourd'hui. »

Aujourd'hui, que de soins, de pas et de visites !
Oh ! L'implacable essaim des devoirs parasites
Qui pullulent autour de nos tasses de thé !

Ainsi chôment le cœur, la pensée et le livre,
Et, pendant qu'on se tue à différer de vivre,
Le vrai devoir dans l'ombre attend la volonté.

— The End —