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marriegegirl Jun 2014
Fait

: La Californie est un endroit magnifique pour se marier fou .Donc voyager à Palm Desert pour une affaire élégante à la



Ironwood Country Club .orné de jolies fleurs de ARTISAN événement .Floral .Décor ?Meilleure idée jamais .Comme il est de passer la journée s'est terminée dans la galerie capturé par Kate Prix .Parce que si quelque chose va faire entièrement votre mardi robe de mariée courte .c'est cette affaire complexe .Voir tous ici .\u003cp\u003eColorsSeasonsFallSettingsChurchCountry ClubStylesCasual Elegance
de la mariée .Après avoir été né et a grandi à Seattle .j'ai toujours pensé que je finirais par se marier là un jour .mais après Cory a proposé .le concept d'un mariage à destination devenu très attrayant .J'ai immédiatement pensé à Palm Desert serait l'emplacement de destination parfaite parce que ma famille a été partagerai le temps entre là et Seattle pour les 10 dernières années .Il est assez **** pour profiter du soleil de la Californie à l'automne .mais pas si **** que la planification et Voyage serait trop difficile .Il est l'évasion parfaite .

Dès le début .Cory et moi étions sûrs de deux choses : nous voulions Kate Prix que notre photographe et musique en direct pendant l'heure du cocktail .On nous a présenté Michael Tiernan .un musicien incroyable et DJ qui fait appris comment effectuer une chanson de Dave Matthews pour notre première danse .Il a complété le tout en effectuant Jimmy Buffet et Tom Petty pour les père -fille et mère - fils danses .C'était exactement ce que Cory et moi avions prévu .mais en mieux!

Ironwood Country Club est un lieu étonnant pour notre mariage .Non seulement le club absolument magnifique .mais leur personnel de l'événement a dépassé toutes nos attentes .s'assurer que tout s'est bien passé .La journée s'est déroulée sans accroc.Nous avons loué la鈥 淭il鈥Oui filles pour notre jour de coordination et ils ont fait un travail fabuleux et fait en sorte que la seule chose Cory et moi avons eu à se concentrer sur l'autre était sur ​​notre journée spéciale .Notre fleuriste était Joey lors d'événements Artisan .Je savais que je pouvais lui faire confiance pour prendre le peu de vision que j'ai eue et créer des arrangements de l'église ainsi que de belles pièces du centre d'accueil robes demoiselles d honneur qui a brillé tout au long de la nuit .

Nous n'aurions jamais pensé que notre mariage se révélerait être si belle .détendue .et qui aime s'amuser .Nous savons que nous avons notre photographe incroyable .musicien .coordinateurs et fleuriste à remercier pour cela .C'était vraiment le jour le plus inoubliable de notre vie .et le sera toujours.

Photographie : Kate Prix Photographie robe de mariée courte | Floral Design : ARTISAN événement .Floral .Décor | Robe de mariée : Claire Pettibone | Cérémonie : Sacred Heart Church | Réception: Ironwood Country Club | DJ : Michael Tiernan | calligraphie .invitations .cartes de nom : La Happy | Coordination : Les filles Oui | Dress Shop : La théorie robeARTISAN événement .Floral .Le décor est un membre de notre Little Black Book .Découvrez comment les membres sont choisis en visitant notre page de FAQ .ARTISAN événement floralDécor ... voir le

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EM Jun 2014
les deux filles se tenaient maintenant debout face a face. elles avaient l'air plus calmées mais ça en était pas le cas. une atmosphère inconfortable régnait dans la chambre et rien ne se fessait entendre appart les gouttelettes de pluie qui frôlaient furieusement les vitres des fenêtres. plusieurs minutes se passaient lourdement en silence.
"je suis folle amoureuse de lui!" hurla enfin Neira
Esra garda le silence, elle ne préférait pas répondre et n'avait rien a dire en tout cas. elle étais mal à l'aise avec le fait qu'une autre était amoureuse de lui. lui. cet homme impardonnable. elle reçoit presque chaque semaine une histoire le concernant; une histoire qui lui fessait douter de leur relation de plus en plus, une histoire qui fessait diminuer son respect pour lui de plus en plus. cet homme qu'elle a cru être différent c'est avérait similaire aux autres cons si'il n'était pas encore pire. "je n'ai jamais su les choisir" se dit-elle. elle regarda Neira qui avais les yeux larmoyants avec pitié. "pauvre petite" pensa-elle. elle ressentait une certaine culpabilité pour cette situations. si elle n'avait pas bourrer son nez dans les affaires des autre, elle ne serait pas la en ce moment, elle n'aurait pas su cette histoire et elle n'aurait pas briser le cœur de cette fille. oui elle aurait préféré ne pas savoir. un proverbe anglais disait que ce que nous ne savons pas ne nous fait pas mal; et elle y croie forment. elle était sur qu'il y'avait encore plein de choses et de drame sur lui qu'elle ne savait pas et elle en était satisfaite, parce qu’elle savait qu'elle ne pourrais jamais s’éloigner de lui quelque soit ce qu'elle découvre sur lui et que savoir de nouvelle histoire pareils sur lui ne lui donnerait rien appart une autre déchirure au cœur sans avoir la force de le quitter. les paroles de neira la sorti de ses pensées "mon cœur est grand, disait cette dernière. plus grande que tu ne puisse imaginer, je ne veux causer des problèmes a personne et j'ai compris que tu l'aime alors je vais vous laisser tranquille." elle attendit une réaction ou une parole de la part d'Esra mais celle ci la regardait avec un détacher sans dire un mot, comme si elle n'avait rien dit. elle supporta son regard pour quelque moment puis sortis brusquement sans rien dire non plus. Esra resta toute seule. elle se posa nonchalamment sur le canapé le plus proche. elle était contente que l'autre soit partie. elle se rappela d'un film qu'elle a vu qui racontait l'histoire d'un garçon qui au qu'on croirait au début être la victime d'une fille sans pitié qui lui a briser le cœur mais qui s'est avérait a la fin être le contraire une histoire compliqué qui a montré a Esra comment les apparence sont trompeuse. au début elle voulait juste parler a cette fille pour lui dire de s’éloigne de lui parce qu'elle l’ennuyer, elle croyait que c'était une gamine qui se collait a lui comme les autres mais après toute une autre histoire a exploser.. mais elle aime encore autant. elle allume une cigarette et prends son portable pour composer son numéro, mais elle n'as pas eu le courage de l'appeler, tant pis. elle se leva et pris la bouteille de whisky mise sur la table  puis monta au toit et s'assis au bord du bâtiment. elle n'avait pas peur, elle ne sentait rien elle pensait juste qu'elle s'est trouver beaucoup trop de fois dans une situation pareils avec une douleur pareils a cause de lui et elle ne savait pas quoi en faire. elle resta ainsi un long temps assise sur le bord du toit le paquet de cigarettes a sa droite, la bouteille et le portable a sa gauche tanto elle buvait, tantot elle fumait en regardant le coucher du soleil et les larmes coulait a flots de ses yeux sans qu'elle ne rends même compte. soudainement elle entendis un voix qu'elle distinguerait entre mille.
"Esra." disait la voix d'un calme insupportable. c'était lui. sa présence la rendait heureuse et attristé en même temps elle se tourna vers lui sans répondre alors il ajouta "qu'est ce que tu fais? viens." elle se leva et allait vers  lui. il souria. elle fondut dans ses bras. "pourquoi me fais tu ça? pourquoi? je ne le mérite pas et tu le sais." il ne répondis pas. la nuit se passa trés douce pour Esra entre ses bras, il lui a tout fait oublier par une simple enlaçade et elle a su ce qu'elle allait faire, elle allait faire la même chose que toujours, elle allait le pardonner et continuer a l'aimer en attendant qu'il fasse de meme. parce que l'amour ne vous laisse pas de choix.
LoReLy Feb 2014
Il est la première fois quand tu me regarde
Et je peux voir que tu cherche pas à cacher!
Je lis dans tes yeux que te souhaite une vie en deux
Mais l'univers est contre nous...

Nous sommes heureux avec notre petit échange de regards
Chaque toucher nous réconforte et nous echanter
Et comme ça, nous avons les moments les plus doux!
Nous savons que nous aimons, mais nous avons peur de cette amour...
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le Peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d'or traînant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
Que cela l'empoignait au front, comme cela !
" Or tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les boeufs vers les sillons des autres :
Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
Sur des chapelets clairs grenés de pièces d'or
Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor
Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache
Nous fouaillaient. - Hébétés comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus ; nous allions, nous allions,
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissé dans cette terre noire
Un peu de notre chair.., nous avions un pourboire :
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit ;
Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit. ...
" Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
C'est entre nous. J'admets que tu me contredises.
Or n'est-ce pas joyeux de voir au mois de juin
Dans les granges entrer des voitures de foin
Énormes ? De sentir l'odeur de ce qui pousse,
Des vergers quand il pleut un peu, de l'herbe rousse ?
De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain,
De penser que cela prépare bien du pain ?...
Oh ! plus fort, on irait, au fourneau qui s'allume,
Chanter joyeusement en martelant l'enclume,
Si l'on était certain de pouvoir prendre un peu,
Étant homme, à la fin ! de ce que donne Dieu !
- Mais voilà, c'est toujours la même vieille histoire !

" Mais je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire,
Quand j'ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau,
Qu'un homme vienne là, dague sur le manteau,
Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ;
Que l'on arrive encor quand ce serait la guerre,
Me prendre mon garçon comme cela, chez moi !
- Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
Tu me dirais : Je veux !... - Tu vois bien, c'est stupide.
Tu crois que j'aime voir ta baraque splendide,
Tes officiers dorés, tes mille chenapans,
Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons :
Ils ont rempli ton nid de l'odeur de nos filles
Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles,
Et nous dirons : C'est bien : les pauvres à genoux !
Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous !
Et tu te soûleras, tu feras belle fête.
- Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête !

" Non. Ces saletés-là datent de nos papas !
Oh ! Le Peuple n'est plus une putain. Trois pas
Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.
Cette bête suait du sang à chaque pierre
Et c'était dégoûtant, la Bastille debout
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !

- Citoyen ! citoyen ! c'était le passé sombre
Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour !
Nous avions quelque chose au coeur comme l'amour.
Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.
Et, comme des chevaux, en soufflant des narines
Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là...
Nous marchions au soleil, front haut, - comme cela, -
Dans Paris ! On venait devant nos vestes sales.
Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles,
Sire, nous étions soûls de terribles espoirs :
Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,
Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,
Les piques à la main ; nous n'eûmes pas de haine,
- Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux !

" Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous !
Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
Et ces maudits s'en vont, foule toujours accrue
De sombres revenants, aux portes des richards.
Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :
Et je vais dans Paris, noir marteau sur l'épaule,
Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !
- Puis, tu peux y compter tu te feras des frais
Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
Et, tout bas, les malins ! se disent : " Qu'ils sont sots ! "
Pour mitonner des lois, coller de petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,
S'amuser à couper proprement quelques tailles.
Puis se boucher le nez quand nous marchons près d'eux,
- Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux ! -
Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes...,
C'est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !... "
Il le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges :
L'Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela !
" C'est la Crapule,
Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule :
- Puisqu'ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
Je suis un forgeron : ma femme est avec eux,
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
- On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J'ai trois petits. Je suis crapule. - Je connais
Des vieilles qui s'en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille :
C'est la crapule. - Un homme était à la Bastille,
Un autre était forçat : et tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens :
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur l'ait mal, allez ! C'est terrible, et c'est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez !
Crapule. - Là-dedans sont des filles, infâmes ,
Parce que, - vous saviez que c'est faible, les femmes, -
Messeigneurs de la cour, - que ça veut toujours bien, -
Vous avez craché sur l'âme, comme rien !
Vos belles, aujourd'hui, sont là. C'est la crapule.

" Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front...
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes !
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l'on voudra savoir,
Où l'Homme forgera du matin jusqu'au soir
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,
Où, lentement vainqueur il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval !
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal,
Plus ! - Ce qu'on ne sait pas, c'est peut-être terrible :
Nous saurons ! - Nos marteaux en main, passons au crible
Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l'auguste sourire
D'une femme qu'on aime avec un noble amour :
Et l'on travaillerait fièrement tout le jour
Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Et l'on se sentirait très heureux ; et personne,
Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
On aurait un fusil au-dessus du foyer...

" Oh ! mais l'air est tout plein d'une odeur de bataille !
Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Il reste des mouchards et des accapareurs.
Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l'heure
Je parlais de devoir calme, d'une demeure...
Regarde donc le ciel ! - C'est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Regarde donc le ciel ! - Je rentre dans la foule,
Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés :
- Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés
- Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussent leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n'est-ce pas, vous tous ? - Merde à ces chiens-là ! "

- Il reprit son marteau sur l'épaule.
La foule
Près de cet homme-là se sentait l'âme soûle,
Et, dans la grande cour dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l'immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse,
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !
J'étais seul, l'autre soir, au Théâtre Français,
Ou presque seul ; l'auteur n'avait pas grand succès.
Ce n'était que Molière, et nous savons de reste
Que ce grand maladroit, qui fit un jour Alceste,
Ignora le bel art de chatouiller l'esprit
Et de servir à point un dénoûment bien cuit.
Grâce à Dieu, nos auteurs ont changé de méthode,
Et nous aimons bien mieux quelque drame à la mode
Où l'intrigue, enlacée et roulée en feston,
Tourne comme un rébus autour d'un mirliton.
J'écoutais cependant cette simple harmonie,
Et comme le bon sens fait parler le génie.
J'admirais quel amour pour l'âpre vérité
Eut cet homme si fier en sa naïveté,
Quel grand et vrai savoir des choses de ce monde,
Quelle mâle gaieté, si triste et si profonde
Que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer !
Et je me demandais : Est-ce assez d'admirer ?
Est-ce assez de venir, un soir, par aventure,
D'entendre au fond de l'âme un cri de la nature,
D'essuyer une larme, et de partir ainsi,
Quoi qu'on fasse d'ailleurs, sans en prendre souci ?
Enfoncé que j'étais dans cette rêverie,
Çà et là, toutefois, lorgnant la galerie,
Je vis que, devant moi, se balançait gaiement
Sous une tresse noire un cou svelte et charmant ;
Et, voyant cet ébène enchâssé dans l'ivoire,
Un vers d'André Chénier chanta dans ma mémoire,
Un vers presque inconnu, refrain inachevé,
Frais comme le hasard, moins écrit que rêvé.
J'osai m'en souvenir, même devant Molière ;
Sa grande ombre, à coup sûr, ne s'en offensa pas ;
Et, tout en écoutant, je murmurais tout bas,
Regardant cette enfant, qui ne s'en doutait guère :
" Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat."

Puis je songeais encore (ainsi va la pensée)
Que l'antique franchise, à ce point délaissée,
Avec notre finesse et notre esprit moqueur,
Ferait croire, après tout, que nous manquons de coeur ;
Que c'était une triste et honteuse misère
Que cette solitude à l'entour de Molière,
Et qu'il est pourtant temps, comme dit la chanson,
De sortir de ce siècle ou d'en avoir raison ;
Car à quoi comparer cette scène embourbée,
Et l'effroyable honte où la muse est tombée ?
La lâcheté nous bride, et les sots vont disant
Que, sous ce vieux soleil, tout est fait à présent ;
Comme si les travers de la famille humaine
Ne rajeunissaient pas chaque an, chaque semaine.
Notre siècle a ses moeurs, partant, sa vérité ;
Celui qui l'ose dire est toujours écouté.

Ah ! j'oserais parler, si je croyais bien dire,
J'oserais ramasser le fouet de la satire,
Et l'habiller de noir, cet homme aux rubans verts,
Qui se fâchait jadis pour quelques mauvais vers.
S'il rentrait aujourd'hui dans Paris, la grand'ville,
Il y trouverait mieux pour émouvoir sa bile
Qu'une méchante femme et qu'un méchant sonnet ;
Nous avons autre chose à mettre au cabinet.
Ô notre maître à tous, si ta tombe est fermée,
Laisse-moi dans ta cendre, un instant ranimée,
Trouver une étincelle, et je vais t'imiter !
J'en aurai fait assez si je puis le tenter.
Apprends-moi de quel ton, dans ta bouche hardie,
Parlait la vérité, ta seule passion,
Et, pour me faire entendre, à défaut du génie,
J'en aurai le courage et l'indignation !

Ainsi je caressais une folle chimère.
Devant moi cependant, à côté de sa mère,
L'enfant restait toujours, et le cou svelte et blanc
Sous les longs cheveux noirs se berçait mollement.
Le spectacle fini, la charmante inconnue
Se leva. Le beau cou, l'épaule à demi nue,
Se voilèrent ; la main glissa dans le manchon ;
Et, lorsque je la vis au seuil de sa maison
S'enfuir, je m'aperçus que je l'avais suivie.
Hélas ! mon cher ami, c'est là toute ma vie.
Pendant que mon esprit cherchait sa volonté,
Mon corps savait la sienne et suivait la beauté ;
Et, quand je m'éveillai de cette rêverie,
Il ne m'en restait plus que l'image chérie :
" Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat. "
Fable V, Livre II.


Plus galant que sensé, Colin voulut jadis
Réunir dans son champ l'agréable à l'utile,
Et cultiver les fleurs au milieu des épis,
Rien n'était, à son gré, plus sage et plus facile.

Parmi les blés, dans la saison,
Il va donc semant à foison
Bluets, coquelicots, et mainte fleur pareille
Qu'on voit égayer nos guérets,
Quand Flore, en passant chez Cérès,
A laissé pencher sa corbeille.
Dans peu, se disait-il, que mon champ sera beau !
Avant l'ample récolte au moissonneur promise,
Que de bouquets pour Suzette, pour Lise,
Pour les fillettes du hameau !
Partant que de baisers ! oui, cadeau pour cadeau ;
Ou rien pour rien, c'est ma devise.

Le doux printemps paraît enfin :
Le bluet naît avec la rose.
En mai, le bonheur de Colin
Faisait envie à maint voisin ;
En août ce fut tout autre chose.
Tandis qu'il n'était pas d'endroits
Où la moisson ne fût certaine ;
Que les trésors de Beauce au **** doraient la plaine,
Et que le laboureur n'avait plus d'autre peine
Que celle de trouver ses greniers trop étroits ;
Trop **** désabusé de ses projets futiles,
D'un œil obscurci par les pleurs,
Colin, dans ses sillons stérilement fertiles,
Cherche en vain les épis étouffés sous les fleurs.

Vous qui dans ses travaux guidez la faible enfance,
Ceci vous regarde, je crois ;
Chez vous, on apprend à la fois
Le latin, la musique, et l'algèbre, et la danse.
C'est trop. Heureusement savons-nous, mes amis,
Que le Rollin du jour n'est pas de cet avis.
Enseigner moins, mais mieux, oui, tel est son système
Colin, vous dit-il sagement,
Ne cultivons que le froment,
Le bluet viendra de lui-même.
I.

C'était une humble église au cintre surbaissé,
L'église où nous entrâmes,
Où depuis trois cents ans avaient déjà passé
Et pleuré bien des âmes.

Elle était triste et calme à la chute du jour,
L'église où nous entrâmes ;
L'autel sans serviteur, comme un cœur sans amour,
Avait éteint ses flammes.

Les antiennes du soir, dont autrefois saint Paul
Réglait les chants fidèles,
Sur les stalles du chœur d'où s'élance leur vol
Avaient ployé leurs ailes.

L'ardent musicien qui sur tous à pleins bords
Verse la sympathie,
L'homme-esprit n'était plus dans l'orgue, vaste corps
Dont l'âme était partie.

La main n'était plus là, qui, vivante et jetant
Le bruit par tous les pores,
Tout à l'heure pressait le clavier palpitant,
Plein de notes sonores,

Et les faisait jaillir sous son doigt souverain
Qui se crispe et s'allonge,
Et ruisseler le long des grands tubes d'airain
Comme l'eau d'une éponge.

L'orgue majestueux se taisait gravement
Dans la nef solitaire ;
L'orgue, le seul concert, le seul gémissement
Qui mêle aux cieux la terre !

La seule voix qui puisse, avec le flot dormant
Et les forêts bénies,
Murmurer ici-bas quelque commencement
Des choses infinies !

L'église s'endormait à l'heure où tu t'endors,
Ô sereine nature !
À peine, quelque lampe au fond des corridors
Étoilait l'ombre obscure.

À peine on entendait flotter quelque soupir,
Quelque basse parole,
Comme en une forêt qui vient de s'assoupir
Un dernier oiseau vole ;

Hélas ! et l'on sentait, de moment en moment,
Sous cette voûte sombre,
Quelque chose de grand, de saint et de charmant
S'évanouir dans l'ombre !

Elle était triste et calme à la chute du jour
L'église où nous entrâmes ;
L'autel sans serviteur, comme un cœur sans amour,
Avait éteint ses flammes.

Votre front se pencha, morne et tremblant alors,
Comme une nef qui sombre,
Tandis qu'on entendait dans la ville au dehors
Passer des voix sans nombre.

II.

Et ces voix qui passaient disaient joyeusement
« Bonheur ! gaîté ! délices !
À nous les coupes d'or pleines d'un vin charmant !
À d'autres les calices !

Jouissons ! l'heure est courte et tout fuit promptement
L'urne est vite remplie !
Le nœud de l'âme au corps, hélas ! à tout moment
Dans l'ombre se délie !

Tirons de chaque objet ce qu'il a de meilleur,
La chaleur de la flamme,
Le vin du raisin mûr, le parfum de la fleur,
Et l'amour de la femme !

Épuisons tout ! Usons du printemps enchanté
Jusqu'au dernier zéphire,
Du jour jusqu'au dernier rayon, de la beauté
Jusqu'au dernier sourire !

Allons jusqu'à la fin de tout, en bien vivant,
D'ivresses en ivresses,
Une chose qui meurt, mes amis, a souvent
De charmantes caresses !

Dans le vin que je bois, ce que j'aime le mieux
C'est la dernière goutte.
L'enivrante saveur du breuvage joyeux
Souvent s'y cache toute !

Sur chaque volupté pourquoi nous hâter tous,
Sans plonger dans son onde,
Pour voir si quelque perle ignorée avant nous
N'est pas sous l'eau profonde ?

Que sert de n'effleurer qu'à peine ce qu'on tient,
Quand on a les mains pleines,
Et de vivre essoufflé comme un enfant qui vient
De courir dans les plaines ?

Jouissons à loisir ! Du loisir tout renaît !
Le bonheur nous convie !
Faisons, comme un tison qu'on heurte au dur chenet,
Étinceler la vie !

N'imitons pas ce fou que l'ennui tient aux fers,
Qui pleure et qui s'admire.
Toujours les plus beaux fruits d'ici-bas sont offerts
Aux belles dents du rire !

Les plus tristes d'ailleurs, comme nous qui rions,
Souillent parfois leur âme.
Pour fondre ces grands cœurs il suffit des rayons
De l'or ou de la femme.

Ils tombent comme nous, malgré leur fol orgueil
Et leur vaine amertume ;
Les flots les plus hautains, dès que vient un écueil,
S'écroulent en écume !

Vivons donc ! et buvons, du soir jusqu'au matin,
Pour l'oubli de nous-même,
Et déployons gaîment la nappe du festin,
Linceul du chagrin blême !

L'ombre attachée aux pas du beau plaisir vermeil,
C'est la tristesse sombre.
Marchons les yeux toujours tournés vers le soleil ;
Nous ne verrons pas l'ombre !

Qu'importe le malheur, le deuil, le désespoir,
Que projettent nos joies,
Et que derrière nous quelque chose de noir
Se traîne sur nos voies !

Nous ne le savons pas. - Arrière les douleurs,
Et les regrets moroses !
Faut-il donc, en fanant des couronnes de fleurs,
Avoir pitié des roses ?

Les vrais biens dans ce monde, - et l'autre est importun !
C'est tout ce qui nous fête,
Tout ce qui met un chant, un rayon, un parfum,
Autour de notre tête !

Ce n'est jamais demain, c'est toujours aujourd'hui !
C'est la joie et le rire !
C'est un sein éclatant peut-être plein d'ennui,
Qu'on baise et qui soupire !

C'est l'orgie opulente, enviée au-dehors,
Contente, épanouie,
Qui rit, et qui chancelle, et qui boit à pleins bords,
De flambeaux éblouie ! »

III.

Et tandis que ces voix, que tout semblait grossir,
Voix d'une ville entière,
Disaient : Santé, bonheur, joie, orgueil et plaisir !
Votre œil disait : Prière !

IV.

Elles parlaient tout haut et vous parliez tout bas
- « Dieu qui m'avez fait naître,
Vous m'avez réservée ici pour des combats
Dont je tremble, ô mon maître !

Ayez pitié ! - L'esquif où chancellent mes pas
Est sans voile et sans rames.
Comme pour les enfants, pourquoi n'avez-vous pas
Des anges pour les femmes ?

Je sais que tous nos jours ne sont rien, Dieu tonnant,
Devant vos jours sans nombre.
Vous seul êtes réel, palpable et rayonnant ;
Tout le reste est de l'ombre.

Je le sais. Mais cette ombre où nos cœurs sont flottants,
J'y demande ma route.
Quelqu'un répondra-t-il ? Je prie, et puis j'attends !
J'appelle, et puis j'écoute !

Nul ne vient. Seulement par instants, sous mes pas,
Je sens d'affreuses trames.
Comme pour les enfants, pourquoi n'avez-vous pas
Des anges pour les femmes ?

Seigneur ! autour de moi, ni le foyer joyeux,
Ni la famille douce,
Ni l'orgueilleux palais qui touche presque aux cieux,
Ni le nid dans la mousse,

Ni le fanal pieux qui montre le chemin,
Ni pitié, ni tendresse,
Hélas ! ni l'amitié qui nous serre la main,
Ni l'amour qui la presse,

Seigneur, autour de moi rien n'est resté debout !
Je pleure et je végète,
Oubliée au milieu des ruines de tout,
Comme ce qu'on rejette !

Pourtant je n'ai rien fait à ce monde d'airain,
Vous le savez vous-même.
Toutes mes actions passent le front serein
Devant votre œil suprême.

Jusqu'à ce que le pauvre en ait pris la moitié,
Tout ce que j'ai me pèse.
Personne ne me plaint. Moi, de tous j'ai pitié.
Moi, je souffre et j'apaise !

Jamais de votre haine ou de votre faveur
Je n'ai dit : Que m'importe !
J'ai toujours au passant que je voyais rêveur
Enseigné votre porte.

Vous le savez. - Pourtant mes pleurs que vous voyez,
Seigneur, qui les essuie ?
Tout se rompt sous ma main, tout tremble sous mes pieds,
Tout coule où je m'appuie.

Ma vie est sans bonheur, mon berceau fut sans jeux.
Cette loi, c'est la vôtre !
Tous les rayons de jour de mon ciel orageux
S'en vont l'un après l'autre.

Je n'ai plus même, hélas ! le flux et le reflux
Des clartés et des ombres.
Mon esprit chaque jour descend de plus en plus
Parmi les rêves sombres.

On dit que sur les cœurs, pleins de trouble et d'effroi,
Votre grâce s'épanche.
Soutenez-moi, Seigneur ! Seigneur, soutenez-moi,
Car je sens que tout penche ! »

V.

Et moi, je contemplais celle qui priait Dieu
Dans l'enceinte sacrée,
La trouvant grave et douce et digne du saint lieu,
Cette belle éplorée.

Et je lui dis, tâchant de ne pas la troubler,
La pauvre enfant qui pleure,
Si par hasard dans l'ombre elle entendait parler
Quelque autre voix meilleure,

Car au déclin des ans comme au matin des jours,
Joie, extase ou martyre,
Un autel que rencontre une femme a toujours
Quelque chose à lui dire !

VI.

« Ô madame ! pourquoi ce chagrin qui vous suit,
Pourquoi pleurer encore,
Vous, femme au cœur charmant, sombre comme la nuit,
Douce comme l'aurore ?

Qu'importe que la vie, inégale ici-bas
Pour l'homme et pour la femme,
Se dérobe et soit prête à rompre sous vos pas ?
N'avez-vous pas votre âme ?

Votre âme qui bientôt fuira peut-être ailleurs
Vers les régions pures,
Et vous emportera plus **** que nos douleurs,
Plus **** que nos murmures !

Soyez comme l'oiseau, posé pour un instant
Sur des rameaux trop frêles,
Qui sent ployer la branche et qui chante pourtant,
Sachant qu'il a des ailes ! »

Octobre 18...
Paul d'Aubin Sep 2016
«Lorsque s’en vient le soir…» ( When the evening is falling down)


Les soirs du presqu’automne, sont nimbés de cette magnificence de la Nature qui sourds et qui mâture. C’est un temps particulièrement propice pour la méditation et l’éveil.
Il est bel et bon de se réfugier aux côtés du tronc d´un grand arbre  ou de respirer sur son balcon, au soir d’une journée ardente et brûlante de chaleur et de penser aux destinées des êtres que nous avons aimés, que nous aimons et aussi à celles et ceux qui viendront après nous, si nous savons leur faire une place et agissons pour ne pas laisser trop saccager notre «commune Planète» que nous avons seulement reçu «en indivis».
Il faut parfois faire «silence en soi» pour mieux comprendre les attentes et les rêves des autres, forcément différents des nôtres, ce qui est cependant une vraie chance. Je me plais à imaginer la beauté vive des jours de la fin de l’été décliner, bien trop vite, et je pense au caractère prométhéen de nombre des projets humains : philosophiques, politiques et même scientifiques en me disant :

«Pourvu que nous ne passions pas à côté de l’essentiel ?»

c’est à dire, de ce sourire tranquille du Monde, de sa beauté cosmique qui nous trouble et nous déchire,  nous   dévoilant  ces infinis en perpétuel chaos, que nous ne connaîtrons jamais complètement, mais qui nous incitent à penser, à rechercher et à entreprendre et suscitent  ce besoin de créer des civilisations plus «Humaines » et mieux «Humanistes », tirant les être vers le haut plutôt que de les rabaisser et de se perdre dans des  attitudes de «fermeture » ou pire de mépris, en exaspérant leurs peurs et la nôtre.
Vous conviendrez que le lent raccourcissement des journées nous offre cette joie simple, goûter la fin du jour en pensant déjà au nouveau jour qui se lèvera demain et nous offrira, à son tour, la magnificence de ses couleurs, de ses opportunités, des moments de si doux bonheurs et de plaisirs pensifs.

Paul Arrighi
"Nilus nil " a écrit Hérodote
Sans le Nil l'Egypte n 'est rien.
Mais même si je ne suis pas pharaon
Porté par un éléphant de guerre
Escorté de chattes et d'ichneumons
Feulant tels des sphinx dans la fange
Je bois aux eaux noires d'Isis
Je bois aux sept bras de son delta
Je bois son ***** chaude
Je bois son or baptismal
Je me tatoue de ses crues tumultueuses
Je suis ivre de ses dix-huit coudées et dix-huit doigts
Je ne suis rien sans ses eaux noires, ses méandres
Qui grossissent au solstice d'été
Et alors pendant cent jours
Je m'abreuve de ses eaux tortueuses
Et je m'épanche de toutes ses embouchures
Je bois aux sept pis du ventre de la vache
Longs de plusieurs milliers d'orgyes égyptiennes.
Je tète jusqu'à plus soif
Je tète sa bouche pélusienne
Je tète sa bouche tanitique
Je tète sa bouche mandésienne
Je tète sa bouche phanitique
Je tète sa bouche sébennytique
Je tète sa bouche bolbitine
Je tète sa bouche canopique
Je suis Thoutmôsis réincarné
Et je sculpte mes savons d'humus.
Onctueux comme crème
Sensuels comme parfum
Je taille dans la boue le buste de Néfertiti
Je sculpte la fille de Typhaïa la Jouisseuse
La chienne en rut du harem
Je sculpte la catin du Nil
La fille lascive du Aulète,
La fille nue des Lagides
Je sculpte Isis et ses ailes déployées,
Je sculpte Aphrodite Anadycmène
Je sculpte Cléopatre la Septième
Je sculpte, je taille, je moule, je peins
Et ce faisant je frotte le dos de Palmolive
De ma muse qui m'abreuve
En fredonnant un cantique antique
De l'eau de son bain de mousse nilotique.
Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne !
Ô mère au coeur profond, mère, vous avez beau
Laisser la porte ouverte afin qu'elle revienne,
Cette pierre là-bas dans l'herbe est un tombeau !

La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ;
Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t'envolas.
Est-ce donc que là-haut dans l'ombre elles s'appellent,
Qu'elles s'en vont ainsi l'une après l'autre, hélas ?

Enfant qui rayonnais, qui chassais la tristesse,
Que ta mère jadis berçait de sa chanson,
Qui d'abord la charmas avec ta petitesse
Et plus **** lui remplis de clarté l'horizon,

Voilà donc que tu dors sous cette pierre grise !
Voilà que tu n'es plus, ayant à peine été !
L'astre attire le lys, et te voilà reprise,
Ô vierge, par l'azur, cette virginité !

Te voilà remontée au firmament sublime,
Échappée aux grands cieux comme la grive aux bois,
Et, flamme, aile, hymne, odeur, replongée à l'abîme
Des rayons, des amours, des parfums et des voix !

Nous ne t'entendrons plus rire en notre nuit noire.
Nous voyons seulement, comme pour nous bénir,
Errer dans notre ciel et dans notre mémoire
Ta figure, nuage, et ton nom, souvenir !

Pressentais-tu déjà ton sombre épithalame ?
Marchant sur notre monde à pas silencieux,
De tous les idéals tu composais ton âme,
Comme si tu faisais un bouquet pour les cieux !

En te voyant si calme et toute lumineuse,
Les coeurs les plus saignants ne haïssaient plus rien.
Tu passais parmi nous comme Ruth la glaneuse,
Et, comme Ruth l'épi, tu ramassais le bien.

La nature, ô front pur, versait sur toi sa grâce,
L'aurore sa candeur, et les champs leur bonté ;
Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe,
Toute cette douceur dans toute ta beauté !

Chaste, elle paraissait ne pas être autre chose
Que la forme qui sort des cieux éblouissants ;
Et de tous les rosiers elle semblait la rose,
Et de tous les amours elle semblait l'encens.

Ceux qui n'ont pas connu cette charmante fille
Ne peuvent pas savoir ce qu'était ce regard
Transparent comme l'eau qui s'égaie et qui brille
Quand l'étoile surgit sur l'océan hagard.

Elle était simple, franche, humble, naïve et bonne ;
Chantant à demi-voix son chant d'illusion,
Ayant je ne sais quoi dans toute sa personne
De vague et de lointain comme la vision.

On sentait qu'elle avait peu de temps sur la terre,
Qu'elle n'apparaissait que pour s'évanouir,
Et qu'elle acceptait peu sa vie involontaire ;
Et la tombe semblait par moments l'éblouir.

Elle a passé dans l'ombre où l'homme se résigne ;
Le vent sombre soufflait ; elle a passé sans bruit,
Belle, candide, ainsi qu'une plume de cygne
Qui reste blanche, même en traversant la nuit !

Elle s'en est allée à l'aube qui se lève,
Lueur dans le matin, vertu dans le ciel bleu,
Bouche qui n'a connu que le baiser du rêve,
Ame qui n'a dormi que dans le lit de Dieu !

Nous voici maintenant en proie aux deuils sans bornes,
Mère, à genoux tous deux sur des cercueils sacrés,
Regardant à jamais dans les ténèbres mornes
La disparition des êtres adorés !

Croire qu'ils resteraient ! quel songe ! Dieu les presse.
Même quand leurs bras blancs sont autour de nos cous,
Un vent du ciel profond fait frissonner sans cesse
Ces fantômes charmants que nous croyons à nous.

Ils sont là, près de nous, jouant sur notre route ;
Ils ne dédaignent pas notre soleil obscur,
Et derrière eux, et sans que leur candeur s'en doute,
Leurs ailes font parfois de l'ombre sur le mur.

Ils viennent sous nos toits ; avec nous ils demeurent ;
Nous leur disons : Ma fille, ou : Mon fils ; ils sont doux,
Riants, joyeux, nous font une caresse, et meurent.
Ô mère, ce sont là les anges, voyez-vous !

C'est une volonté du sort, pour nous sévère,
Qu'ils rentrent vite au ciel resté pour eux ouvert ;
Et qu'avant d'avoir mis leur lèvre à notre verre,
Avant d'avoir rien fait et d'avoir rien souffert,

Ils partent radieux ; et qu'ignorant l'envie,
L'erreur, l'orgueil, le mal, la haine, la douleur,
Tous ces êtres bénis s'envolent de la vie
A l'âge où la prunelle innocente est en fleur !

Nous qui sommes démons ou qui sommes apôtres,
Nous devons travailler, attendre, préparer ;
Pensifs, nous expions pour nous-même ou pour d'autres ;
Notre chair doit saigner, nos yeux doivent pleurer.

Eux, ils sont l'air qui fuit, l'oiseau qui ne se pose
Qu'un instant, le soupir qui vole, avril vermeil
Qui brille et passe ; ils sont le parfum de la rose
Qui va rejoindre aux cieux le rayon du soleil !

Ils ont ce grand dégoût mystérieux de l'âme
Pour notre chair coupable et pour notre destin ;
Ils ont, êtres rêveurs qu'un autre azur réclame,
Je ne sais quelle soif de mourir le matin !

Ils sont l'étoile d'or se couchant dans l'aurore,
Mourant pour nous, naissant pour l'autre firmament ;
Car la mort, quand un astre en son sein vient éclore,
Continue, au delà, l'épanouissement !

Oui, mère, ce sont là les élus du mystère,
Les envoyés divins, les ailés, les vainqueurs,
A qui Dieu n'a permis que d'effleurer la terre
Pour faire un peu de joie à quelques pauvres coeurs.

Comme l'ange à Jacob, comme Jésus à Pierre,
Ils viennent jusqu'à nous qui **** d'eux étouffons,
Beaux, purs, et chacun d'eux portant sous sa paupière
La sereine clarté des paradis profonds.

Puis, quand ils ont, pieux, baisé toutes nos plaies,
Pansé notre douleur, azuré nos raisons,
Et fait luire un moment l'aube à travers nos claies,
Et chanté la chanson du ciel dam nos maisons,

Ils retournent là-haut parler à Dieu des hommes,
Et, pour lui faire voir quel est notre chemin,
Tout ce que nous souffrons et tout ce que nous sommes,
S'en vont avec un peu de terre dans la main.

Ils s'en vont ; c'est tantôt l'éclair qui les emporte,
Tantôt un mal plus fort que nos soins superflus.
Alors, nous, pâles, froids, l'oeil fixé sur la porte,
Nous ne savons plus rien, sinon qu'ils ne sont plus.

Nous disons : - A quoi bon l'âtre sans étincelles ?
A quoi bon la maison où ne sont plus leurs pas ?
A quoi bon la ramée où ne sont plus les ailes ?
Qui donc attendons-nous s'ils ne reviendront pas ?

Ils sont partis, pareils au bruit qui sort des lyres.
Et nous restons là, seuls, près du gouffre où tout fuit,
Tristes ; et la lueur de leurs charmants sourires
Parfois nous apparaît vaguement dans la nuit.

Car ils sont revenus, et c'est là le mystère ;
Nous entendons quelqu'un flotter, un souffle errer,
Des robes effleurer notre seuil solitaire,
Et cela fait alors que nous pouvons pleurer.

Nous sentons frissonner leurs cheveux dans notre ombre ;
Nous sentons, lorsqu'ayant la lassitude en nous,
Nous nous levons après quelque prière sombre,
Leurs blanches mains toucher doucement nos genoux.

Ils nous disent tout bas de leur voix la plus tendre :
"Mon père, encore un peu ! ma mère, encore un jour !
"M'entends-tu ? je suis là, je reste pour t'attendre
"Sur l'échelon d'en bas de l'échelle d'amour.

"Je t'attends pour pouvoir nous en aller ensemble.
"Cette vie est amère, et tu vas en sortir.
"Pauvre coeur, ne crains rien, Dieu vit ! la mort rassemble.
"Tu redeviendras ange ayant été martyr."

Oh ! quand donc viendrez-vous ? Vous retrouver, c'est naître.
Quand verrons-nous, ainsi qu'un idéal flambeau,
La douce étoile mort, rayonnante, apparaître
A ce noir horizon qu'on nomme le tombeau ?

Quand nous en irons-nous où vous êtes, colombes !
Où sont les enfants morts et les printemps enfuis,
Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes,
Et toutes les clartés dont nous sommes les nuits ?

Vers ce grand ciel clément où sont tous les dictames,
Les aimés, les absents, les êtres purs et doux,
Les baisers des esprits et les regards des âmes,
Quand nous en irons-nous ? quand nous en irons-nous ?

Quand nous en irons-nous où sont l'aube et la foudre ?
Quand verrons-nous, déjà libres, hommes encor,
Notre chair ténébreuse en rayons se dissoudre,
Et nos pieds faits de nuit éclore en ailes d'or ?

Quand nous enfuirons-nous dans la joie infinie
Où les hymnes vivants sont des anges voilés,
Où l'on voit, à travers l'azur de l'harmonie,
La strophe bleue errer sur les luths étoilés ?

Quand viendrez-vous chercher notre humble coeur qui sombre ?
Quand nous reprendrez-vous à ce monde charnel,
Pour nous bercer ensemble aux profondeurs de l'ombre,
Sous l'éblouissement du regard éternel ?
Toutes sortes d'enfants, blonds, lumineux, vermeils,
Dont le bleu paradis visite les sommeils
Quand leurs yeux sont fermés la nuit dans les alcôves,
Sont là, groupés devant la cage aux bêtes fauves ;
Ils regardent.

Ils ont sous les yeux l'élément,
Le gouffre, le serpent tordu comme un tourment,
L'affreux dragon, l'onagre inepte, la panthère,
Le chacal abhorré des spectres, qu'il déterre,
Le gorille, fantôme et tigre, et ces bandits,
Les loups, et les grands lynx qui tutoyaient jadis
Les prophètes sacrés accoudés sur des bibles ;
Et, pendant que ce tas de prisonniers terribles
Gronde, l'un vil forçat, l'autre arrogant proscrit,
Que fait le groupe rose et charmant ? Il sourit.

L'abîme est là qui gronde et les enfants sourient.

Ils admirent. Les voix épouvantables crient
Tandis que cet essaim de fronts pleins de rayons,
Presque ailé, nous émeut comme si nous voyions
L'aube s'épanouir dans une géorgique,
Tandis que ces enfants chantent, un bruit tragique
Va, chargé de colère et de rébellions
Du cachot des vautours au bagne des lions.

Et le sourire frais des enfants continue.

Devant cette douceur suprême, humble, ingénue,
Obstinée, on s'étonne, et l'esprit stupéfait
Songe, comme aux vieux temps d'Orphée et de Japhet,
Et l'on se sent glisser dans la spirale obscure
Du vertige, où tombaient Job, Thalès, Épicure,
Où l'on cherche à tâtons quelqu'un, ténébreux puits
Où l'âme dit : Réponds ! où Dieu dit : Je ne puis !

Oh ! si la conjecture antique était fondée,
Si le rêve inquiet des mages de Chaldée,
L'hypothèse qu'Hermès et Pythagore font,
Si ce songe farouche était le vrai profond ;
La bête parmi nous, si c'était là Tantale !
Si la réalité redoutable et fatale
C'était ceci : les loups, les boas, les mammons
Masques sombres, cachant d'invisibles démons !
Oh ! ces êtres affreux dont l'ombre est le repaire,
Ces crânes aplatis de tigre et de vipère,
Ces vils fronts écrasés par le talon divin,
L'ours, rêveur noir, le singe, effroyable sylvain,
Ces rictus convulsifs, ces faces insensées,
Ces stupides instincts menaçant nos pensées,
Ceux-ci pleins de l'horreur nocturne des forêts,
Ceux-là, fuyants aspects, flottants, confus, secrets,
Sur qui la mer répand ses moires et ses nacres,
Ces larves, ces passants des bois, ces simulacres,
Ces vivants dans la tombe animale engloutis,
Ces fantômes ayant pour loi les appétits,
Ciel bleu ! s'il était vrai que c'est là ce qu'on nomme
Les damnés, expiant d'anciens crimes chez l'homme,
Qui, sortis d'une vie antérieure, ayant
Dans les yeux la terreur d'un passé foudroyant,
Viennent, balbutiant d'épouvante et de haine,
Dire au milieu de nous les mots de la géhenne,
Et qui tâchent en vain d'exprimer leur tourment
A notre verbe avec le sourd rugissement ;
Tas de forçats qui grince et gronde, aboie et beugle ;
Muets hurlants qu'éclaire un flamboiement aveugle ;
Oh ! s'ils étaient là. nus sous le destin de fer,
Méditant vaguement sur l'éternel enfer ;
Si ces mornes vaincus de la nature immense
Se croyaient à jamais bannis de la clémence ;
S'ils voyaient les soleils s'éteindre par degrés,
Et s'ils n'étaient plus rien que des désespérés ;
Oh ! dans l'accablement sans fond, quand tout se brise,
Quand tout s'en va, refuse et fuit, quelle surprise,
Pour ces êtres méchants et tremblants à la fois,
D'entendre tout à coup venir ces jeunes voix !
Quelqu'un est là ! Qui donc ? On parle ! ô noir problème !
Une blancheur paraît sur la muraille blême
Où chancelle l'obscure et morne vision.
Le léviathan voit accourir l'alcyon !
Quoi ! le déluge voit arriver la colombe !
La clarté des berceaux filtre à travers la tombe
Et pénètre d'un jour clément les condamnés !
Les spectres ne sont point haïs des nouveau-nés !
Quoi ! l'araignée immense ouvre ses sombres toiles !
Quel rayon qu'un regard d'enfant, saintes étoiles !
Mais puisqu'on peut entrer, on peut donc s'en aller !
Tout n'est donc pas fini ! L'azur vient nous parler !
Le ciel est plus céleste en ces douces prunelles !
C'est quand Dieu, pour venir des voûtes éternelles
Jusqu'à la terre, triste et funeste milieu,
Passe à travers l'enfant qu'il est tout à fait Dieu !
Quoi ! le plafond difforme aurait une fenêtre !
On verrait l'impossible espérance renaître !
Quoi ! l'on pourrait ne plus mordre, ne plus grincer !
Nous représentons-nous ce qui peut se passer
Dans les craintifs cerveaux des bêtes formidables ?
De la lumière au bas des gouffres insondables !
Une intervention de visages divins !
La torsion du mal dans les brûlants ravins
De l'enfer misérable est soudain apaisée
Par d'innocents regards purs comme la rosée !
Quoi ! l'on voit des yeux luire et l'on entend des pas !
Est-ce que nous savons s'ils ne se mettent pas,
Ces monstres, à songer, sitôt la nuit venue,
S'appelant, stupéfaits de cette aube inconnue
Qui se lève sur l'âpre et sévère horizon ?
Du pardon vénérable ils ont le saint frisson ;
Il leur semble sentir que les chaînes les quittent ;
Les échevèlements des crinières méditent ;
L'enfer, cette ruine, est moins trouble et moins noir ;
Et l'oeil presque attendri de ces captifs croit voir
Dans un pur demi-jour qu'un ciel lointain azure
Grandir l'ombre d'un temple au seuil de la masure.
Quoi ! l'enfer finirait ! l'ombre entendrait raison !
Ô clémence ! ô lueur dans l'énorme prison !
On ne sait quelle attente émeut ces cœurs étranges.

Quelle promesse au fond du sourire des anges !
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le Peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d'or traînant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
Que cela l'empoignait au front, comme cela !
" Or tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les boeufs vers les sillons des autres :
Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
Sur des chapelets clairs grenés de pièces d'or
Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor
Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache
Nous fouaillaient. - Hébétés comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus ; nous allions, nous allions,
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissé dans cette terre noire
Un peu de notre chair.., nous avions un pourboire :
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit ;
Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit. ...
" Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
C'est entre nous. J'admets que tu me contredises.
Or n'est-ce pas joyeux de voir au mois de juin
Dans les granges entrer des voitures de foin
Énormes ? De sentir l'odeur de ce qui pousse,
Des vergers quand il pleut un peu, de l'herbe rousse ?
De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain,
De penser que cela prépare bien du pain ?...
Oh ! plus fort, on irait, au fourneau qui s'allume,
Chanter joyeusement en martelant l'enclume,
Si l'on était certain de pouvoir prendre un peu,
Étant homme, à la fin ! de ce que donne Dieu !
- Mais voilà, c'est toujours la même vieille histoire !

" Mais je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire,
Quand j'ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau,
Qu'un homme vienne là, dague sur le manteau,
Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ;
Que l'on arrive encor quand ce serait la guerre,
Me prendre mon garçon comme cela, chez moi !
- Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
Tu me dirais : Je veux !... - Tu vois bien, c'est stupide.
Tu crois que j'aime voir ta baraque splendide,
Tes officiers dorés, tes mille chenapans,
Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons :
Ils ont rempli ton nid de l'odeur de nos filles
Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles,
Et nous dirons : C'est bien : les pauvres à genoux !
Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous !
Et tu te soûleras, tu feras belle fête.
- Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête !

" Non. Ces saletés-là datent de nos papas !
Oh ! Le Peuple n'est plus une putain. Trois pas
Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.
Cette bête suait du sang à chaque pierre
Et c'était dégoûtant, la Bastille debout
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !

- Citoyen ! citoyen ! c'était le passé sombre
Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour !
Nous avions quelque chose au coeur comme l'amour.
Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.
Et, comme des chevaux, en soufflant des narines
Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là...
Nous marchions au soleil, front haut, - comme cela, -
Dans Paris ! On venait devant nos vestes sales.
Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles,
Sire, nous étions soûls de terribles espoirs :
Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,
Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,
Les piques à la main ; nous n'eûmes pas de haine,
- Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux !

" Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous !
Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
Et ces maudits s'en vont, foule toujours accrue
De sombres revenants, aux portes des richards.
Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :
Et je vais dans Paris, noir marteau sur l'épaule,
Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !
- Puis, tu peux y compter tu te feras des frais
Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
Et, tout bas, les malins ! se disent : " Qu'ils sont sots ! "
Pour mitonner des lois, coller de petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,
S'amuser à couper proprement quelques tailles.
Puis se boucher le nez quand nous marchons près d'eux,
- Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux ! -
Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes...,
C'est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !... "
Il le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges :
L'Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela !
" C'est la Crapule,
Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule :
- Puisqu'ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
Je suis un forgeron : ma femme est avec eux,
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
- On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J'ai trois petits. Je suis crapule. - Je connais
Des vieilles qui s'en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille :
C'est la crapule. - Un homme était à la Bastille,
Un autre était forçat : et tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens :
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur l'ait mal, allez ! C'est terrible, et c'est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez !
Crapule. - Là-dedans sont des filles, infâmes ,
Parce que, - vous saviez que c'est faible, les femmes, -
Messeigneurs de la cour, - que ça veut toujours bien, -
Vous avez craché sur l'âme, comme rien !
Vos belles, aujourd'hui, sont là. C'est la crapule.

" Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front...
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes !
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l'on voudra savoir,
Où l'Homme forgera du matin jusqu'au soir
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,
Où, lentement vainqueur il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval !
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal,
Plus ! - Ce qu'on ne sait pas, c'est peut-être terrible :
Nous saurons ! - Nos marteaux en main, passons au crible
Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l'auguste sourire
D'une femme qu'on aime avec un noble amour :
Et l'on travaillerait fièrement tout le jour
Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Et l'on se sentirait très heureux ; et personne,
Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
On aurait un fusil au-dessus du foyer...

" Oh ! mais l'air est tout plein d'une odeur de bataille !
Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Il reste des mouchards et des accapareurs.
Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l'heure
Je parlais de devoir calme, d'une demeure...
Regarde donc le ciel ! - C'est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Regarde donc le ciel ! - Je rentre dans la foule,
Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés :
- Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés
- Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussent leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n'est-ce pas, vous tous ? - Merde à ces chiens-là ! "

- Il reprit son marteau sur l'épaule.
La foule
Près de cet homme-là se sentait l'âme soûle,
Et, dans la grande cour dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l'immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse,
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !
La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
A nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s'enfuit :
- Aujourd'hui, date fatidique,
Vendredi, treize, nous avons,
Malgré tout ce que nous savons,
Mené le train d'un hérétique ;

Nous avons blasphémé Jésus,
Des Dieux le plus incontestable !
Comme un parasite à la table
De quelque monstrueux Crésus,
Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons
Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau
Le faible qu'à tort on méprise ;
Salué l'énorme Bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière
Avec grande dévotion,
Et de la putréfaction
Béni la blafarde lumière ;

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire,
Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,
Dont la gloire est de déployer
L'ivresse des choses funèbres,
Bu sans soif et mangé sans faim !...
- Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres !
Oui, duc, nous sommes beaux, et nous avons l'amour
Dans les yeux, et l'esprit sur le front ! Un beau jour,
Car il faut bien que tout, même le mal, finisse,
Bref, après avoir eu la fièvre et la jaunisse,
Après avoir aimé fort peu, beaucoup haï,
Après avoir menti, trompé, triché, trahi,
Fait rage ; après un tas de choses mal agies,
Nuits au tripot, brelans, lansquenets, tabagies,
Nous crevons. Vils faquins que l'orgueil étouffait !
Et nous ne savons plus ce que nous avons fait
De notre âme, l'ayant derrière nous semée
Au hasard, dans cette ombre et dans cette fumée.
L'homme, fausse monnaie, écu sinistre et noir,
Et que Satan changeur souvent cloue au comptoir,
Sequin que la mort garde en paiement de l'orgie,
Est du néant que Dieu marque à son effigie.
VIII.

Voilà ce qu'on a vu ! l'histoire le raconte,
Et lorsqu'elle a fini pleure, rouge de honte.

Quand se réveillera la grande nation,
Quand viendra le moment de l'expiation,
Glaive des jours sanglants, oh ! ne sors pas de l'ombre !
Non ! non ! il n'est pas vrai qu'en plus d'une âme sombre,
Pour châtier ce traître et cet homme de nuit,
A cette heure, ô douleur, ta nécessité luit !
Souvenirs où l'esprit grave et pensif s'arrête !
Gendarmes, sabre nu, conduisant la charrette,
Roulements des tambours, peuple criant : frappons !
Foule encombrant les toits, les seuils, les quais, les ponts,
Grèves des temps passés, mornes places publiques
Où l'on entrevoyait des triangles obliques,
Oh ! ne revenez pas, lugubres visions !
Ciel ! nous allions en paix devant nous, nous faisions
Chacun notre travail dans le siècle où nous sommes,
Le poète chantait l'oeuvre immense des hommes,
La tribune parlait avec sa grande voix,
On brisait échafauds, trônes, carcans, pavois,
Chaque jour décroissaient la haine et la souffrance,
Le genre humain suivait le progrès saint, la France
Marchait devant, avec sa flamme sur le front ;
Ces hommes sont venus ! lui, ce vivant affront,
Lui, ce bandit qu'on lave avec l'huile du sacre,
Ils sont venus, portant le deuil et le massacre,
Le meurtre, les linceuls, le fer, le sang, le feu,
Ils ont semé cela sur l'avenir. Grand Dieu !

Et maintenant, pitié, voici que tu tressailles
A ces mots effrayants - vengeance ! représailles !

Et moi, proscrit qui saigne aux ronces des chemins,
Triste, je rêve et j'ai mon front dans mes deux mains,
Et je sens, par instants, d'une aile hérissée,
Dans les jours qui viendront s'enfoncer ma pensée !
Géante aux chastes yeux, à l'ardente action,
Que jamais on ne voie, ô Révolution,
Devant ton fier visage où la colère brille,
L'Humanité, tremblante et te criant : ma fille !
Et, couvrant de son corps même les scélérats,
Se traîner à tes pieds en se tordant les bras !
Ah ! tu respecteras cette douleur amère,
Et tu t'arrêteras, Vierge, devant la Mère !

Ô travailleur robuste, ouvrier demi-nu,
Moissonneur envoyé par Dieu même, et venu
Pour faucher en un jour dix siècles de misère,
Sans peur, sans pitié, vrai, formidable et sincère,
Egal par la stature au colosse romain,
Toi qui vainquis l'Europe et qui pris dans ta main
Les rois, et les brisas les uns contre les autres,
Né pour clore les temps d'où sortirent les nôtres,
Toi qui par la terreur sauvas la liberté,
Toi qui portes ce nom sombre : Nécessité !
Dans l'Histoire où tu luis comme en une fournaise,
Reste seul à jamais, Titan quatre-vingt-treize !
Rien d'aussi grand que toi ne viendrait après toi.

D'ailleurs, né d'un régime où dominait l'effroi,
Ton éducation sur ta tête affranchie
Pesait, et, malgré toi, fils de la monarchie,
Nourri d'enseignements et d'exemples mauvais,
Comme elle tu versas le sang ; tu ne savais
Que ce qu'elle t'avait appris : le mal, la peine,
La loi de mort mêlée avec la loi de haine ;
Et, jetant bas tyrans, parlements, rois, Capets,
Tu te levais contre eux et comme eux tu frappais.

Nous, grâce à toi, géant qui gagnas notre cause,
Fils de la liberté, nous savons autre chose.
Ce que la France veut pour toujours désormais,
C'est l'amour rayonnant sur ses calmes sommets,
La loi sainte du Christ, la fraternité pure.
Ce grand mot est écrit dans toute la nature :
Aimez-vous ! aimez-vous ! - Soyons frères ; ayons
L'oeil fixé sur l'Idée, ange aux divins rayons.
L'Idée à qui tout cède et qui toujours éclaire
Prouve sa sainteté même dans sa colère.
Elle laisse toujours les principes debout.
Etre vainqueurs, c'est peu, mais rester grands, c'est tout.
Quand nous tiendrons ce traître, abject, frissonnant, blême
Affirmons le progrès dans le châtiment même.
La honte, et non la mort. - Peuples, couvrons d'oubli
L'affreux passé des rois, pour toujours aboli,
Supplices, couperets, billots, gibets, tortures !
Hâtons l'heure promise aux nations futures,
Où, calme et souriant aux bons, même aux ingrats,
La concorde, serrant les hommes dans ses bras,
Penchera sur nous tous sa tête vénérable !
Oh ! qu'il ne soit pas dit que, pour ce misérable,
Le monde en son chemin sublime a reculé !
Que Jésus et Voltaire auront en vain parlé !
Qu'il n'est pas vrai qu'après tant d'efforts et de peine,
Notre époque ait enfin sacré la vie humaine,
Hélas ! et qu'il suffit d'un moment indigné
Pour perdre le trésor par les siècles gagné !
On peut être sévère et de sang économe.
Oh ! qu'il ne soit pas dit qu'à cause de cet homme
La guillotine au noir panier, qu'avec dégoût
Février avait prise et jetée à l'égout,
S'est réveillée avec les bourreaux dans leurs bouges,
A ressaisi sa hache entre ses deux bras rouges,
Et, dressant son poteau dans les tombes scellé,
Sinistre, a reparu sous le ciel étoilé !

Du 16 au 22 novembre 1852, à Jersey
Prince, les assassins consacrent ta puissance.
Ils forcent Dieu lui-même à nous montrer sa main.
Par droit d'élection tu régnais sur la France ;
La balle et le poignard te font un droit divin.

De ceux dont le hasard couronna la naissance,
Nous en savons plusieurs qui sont sacrés en vain.
Toi, tu l'es par le peuple et par la Providence ;
Souris au parricide et poursuis ton chemin.

Mais sois prudent, Philippe, et songe à la patrie,
Ta pensée est son bien, ton corps son bouclier ;
Sur toi, comme sur elle, il est temps de veiller.

Ferme un immense abîme et conserve ta vie.
Défendons-nous ensemble, et laissons-nous le temps
De vieillir, toi pour nous, et nous pour tes enfants.
Ces vers, je les dédie aux amis inconnus,
À vous, les étrangers en qui je sens des proches,
Rivaux de ceux que j'aime et qui m'aiment le plus,
Frères envers qui seuls mon coeur est sans reproches
Et dont les coeurs au mien sont librement venus.

Comme on voit les ramiers sevrés de leurs volières
Rapporter sans faillir, par les cieux infinis,
Un cher message aux mains qui leur sont familières,
Nos poèmes parfois nous reviennent bénis,
Chauds d'un accueil lointain d'âmes hospitalières.

Et quel triomphe alors ! Quelle félicité
Orgueilleuse, mais tendre et pure, nous inonde,
Quand répond à nos voix leur écho suscité,
Par delà le vulgaire, en l'invisible monde
Où les fiers et les doux se sont fait leur cité !

Et nous la méritons, cette ivresse suprême,
Car si l'humanité tolère encor nos chants,
C'est que notre élégie est son propre poème,
Et que seuls nous savons, sur des rythmes touchants,
En lui parlant de nous lui parler d'elle-même.

Parfois un vers, complice intime, vient rouvrir
Quelque plaie où le feu désire qu'on l'attise ;
Parfois un mot, le nom de ce qui fait souffrir,
Tombe comme une larme à la place précise
Où le coeur méconnu l'attendait pour guérir.

Peut-être un de mes vers est-il venu vous rendre
Dans un éclair brûlant vos chagrins tout entiers,
Ou, par le seul vrai mot qui se faisait attendre,
Vous ai-je dit le nom de ce que vous sentiez,
Sans vous nommer les yeux où j'avais dû l'apprendre.

Vous qui n'aurez cherché dans mon propre tourment
Que la sainte beauté de la douleur humaine,
Qui, pour la profondeur de mes soupirs m'aimant,
Sans avoir à descendre où j'ai conçu ma peine,
Les aurez entendus dans le ciel seulement ;

Vous qui m'aurez donné le pardon sans le blâme,
N'ayant connu mes torts que par mon repentir,
Mes terrestres amours que par leur pure flamme,
Pour qui je me fais juste et noble sans mentir,
Dans un rêve où la vie est plus conforme à l'âme !

Chers passants, ne prenez de moi-même qu'un peu,
Le peu qui vous a plu parce qu'il vous ressemble ;
Mais de nous rencontrer ne formons point le voeu :
Le vrai de l'amitié, c'est de sentir ensemble ;
Le reste en est fragile, épargnons-nous l'adieu.
Fable XIII, Livre I.


Un lièvre avait son gîte auprès de la tanière
D'un maussade et vieux hérisson.
Chacun, de son côté, vivait à sa manière,
À l'abri du même buisson,
Quand une taupe y vint creuser sa taupinière.
Entre les gens de certaine façon,
Nous savons tous qu'il est d'usage
Que le dernier venu dans tout le voisinage
Promène sa personne, ou tout au moins son nom.
En habit de velours, notre taupe au plus vite,
Fait donc au lièvre sa visite.
Après la révérence, après maint compliment,
(Ceux des bêtes, dit-on, ressemblent fort aux nôtres)
Après avoir parlé de soi fort longuement,
On parla tant soit peu des autres,
Et du voisin conséquemment.
Quel esprit ! dit la taupe ; y peut-on rien comprendre ?
Est-il rien de moins amusant ?
Est-il rien de moins complaisant ?
Savez-vous par quel bout le prendre ?
Il vit toujours triste et caché ;
Une sombre humeur le dévore ;
Il blesse quand il est fâché,
Et quand il joue il blesse encore ;
Et c'est pourtant chez lui que je cours de ce pas !
Madame, dit le lièvre, assurément badine.
- Et le bon ton, voisin ! - Et le bon sens, voisine,
M'assure que vous n'irez pas.
Plains et fuis, nous dit-il, ces personnes chagrines
Qu'on ne peut aborder avec sécurité,
Et qui, même dans la gaîté,
Ne quittent jamais leurs épines.
Virginie Jul 2017
L'amour c'est :
l'équilibre entre l'égoïsme et l'altruisme.

Mais qu'est ce que j'en sais ?
Qu'est-ce que nous en savons ?

Parlez nous d'amour.
Un rhinocéros jeune et fort
Disait un jour au dromadaire :
Expliquez-moi, s'il vous plaît, mon cher frère,
D'où peut venir pour nous l'injustice du sort.
L'homme, cet animal puissant par son adresse,
Vous recherche avec soin, vous loge, vous chérit,
De son pain même vous nourrit,
Et croit augmenter sa richesse
En multipliant votre espèce.
Je sais bien que sur votre dos
Vous portez ses enfants, sa femme, ses fardeaux ;
Que vous êtes léger, doux, sobre, infatigable ;
J'en conviens franchement : mais le rhinocéros
Des mêmes vertus est capable.
Je crois même, soit dit sans vous mettre en courroux,
Que tout l'avantage est pour nous :
Notre corne et notre cuirasse
Dans les combats pourraient servir ;
Et cependant l'homme nous chasse,
Nous méprise, nous hait, et nous force à le fuir.
Ami, répond le dromadaire,
De notre sort ne soyez point jaloux ;
C'est peu de servir l'homme, il faut encor lui plaire.
Vous êtes étonné qu'il nous préfère à vous :
Mais de cette faveur voici tout le mystère,
Nous savons plier les genoux.
Elle prend un miroir, s'y regarde, le jette avec horreur, souffle
Son flambeau, et tombe à genoux auprès de son lit.
Oh ! je suis monstrueuse et les autres sont belles !
Cette bosse ! ô mon Dieu !...

Elle cache son visage dans ses mains et laisse tomber sa tête sur le lit.
Elle s'endort.

UNE VOIX.

C'est là que sont tes ailes !
La chambre s'emplit d'une lumière vague. - Elle dort toujours.
Au fond une forme ailée apparaît dans un nimbe de rayons.

Écoute-moi : je suis ton fiancé des cieux.
Tu portes sur ton dos le sac mystérieux,
Tu portes sur ton dos l'oeuf divin de la tombe ;
Sous ce poids bienheureux ton corps chancelle et tombe,
Et le regard humain a cette infirmité
De voir dans ta splendeur une difformité.
Ta gloire dans le ciel est ton fardeau sur terre.
Tu pleures. Mais pour nous, les voyants du mystère,
Qui savons ce que Dieu met dans l'humanité,
De ton épaule sombre il sort une clarté.
Etre qui fais pitié même aux prostituées,
Ô femme en proie au rire, à l'affront, aux huées,
Sur qui semble à jamais s'être accroupi Smarra,
A ta mort ton épaule informe s'ouvrira,
Car la chair s'ouvre alors pour laisser passer l'âme,
Ô femme, et l'on verra de cette bosse infâme,
Moquée et vile, horrible à tout être vivant,
Sortir deux ailes d'ange immenses, que le vent
Gonflera dans les cieux comme il gonfle des voiles,
Et qui se déploieront toutes pleines d'étoiles !
Oui, Lise, écoute-moi. Nous autres nous voyons
L'ange à travers le monstre, et je vois tes rayons !
Du songe où ta laideur rampe, se cache et pleure,
Oui, de ce songe affreux que tu fais à cette heure,
Tu t'éveilleras belle au-delà de tes voeux !
Tu flotteras, voilée avec tes longs cheveux
Et dans la nudité céleste de la tombe,
Et tu resteras femme en devenant colombe.
Tu percevras, dans l'ombre et dans l'immensité,
Un sombre hymne d'amour montant vers ta beauté ;
Les hommes à leur tour te paraîtront difformes ;
Tu verras sur leurs dos leurs fautes, poids énormes ;
Les fleurs éclaireront ton corps divin et beau,
Car leur parfum devient clarté dans le tombeau ;
Les astres t'offriront leur rose épanouie.
Tu prendras pour miroir, de toi-même éblouie,
Ce grand ciel qui te semble aujourd'hui plein de deuil ;
Ailée et frissonnante au bord de ton cercueil,
Comme l'oiseau qui tremble au penchant des ravines,
Tu sentiras frémir dans les brises divines
Ton corps fait de splendeur ; ton sein blanc, ton front pur,
Et tu t'envoleras dans le profond azur !

Le 8 mars 1854.
Marco Bo Aug 2018
presso queste dimenticate periferie del mondo
siamo piccoli fili
a volte ci annodiamo
è allora che sappiamo
di valere qualcosa
come alba e tramonto
e tutte le sfumature di luce
dall'inizio alla fine

......................

in these forgotten suburbs of the world
we are small threads
sometimes we get tangled up
that's when we know
we are worth something
like sunrise and sunset
and all the shades of light
from beginning to end

...........................

en estos suburbios olvidados del mundo
somos pequeños hilos
a veces nos enredamos
ahí es cuando sabemos
que valemos algo
como  amanecer y atardecer
y todos los matices de luz
de principio a fin
.................

dans ces banlieues oubliées du monde
nous sommes de petits fils
parfois nous embrouillons
il est alors que nous savons
que nous valons quelque chose
comme aube y coucher de soleil
et toutes les nuances de lumière
du début à fin
Puisque ce monde existe, il sied qu'on le tolère.
Sachons considérer les êtres sans colère.
Cet homme est le bourgeois du siècle où nous vivons.
Autrefois il vendait des suifs et des savons,
Maintenant il est riche ; il a prés, bois, vignobles.
Il déteste le peuple, il n'aime pas les nobles ;
Étant fils d'un portier, il trouve en ce temps-ci
Inutile qu'on soit fils des Montmorency.
Il est sévère. Il est vertueux. Il est membre,
Ayant de bons tapis sous les pieds en décembre,
Du grand parti de l'ordre et des honnêtes gens.
Il hait les amoureux et les intelligents ;
Il fait un peu l'aumône, il fait un peu l'usure ;
Il dit du progrès saint, de la liberté pure,
Du droit des nations : je ne veux pas de ça !
Il a ce gros bon sens du cher Sancho Pança
Qui laisserait mourir à l'hôpital Cervantes ;
Il admire Boileau, caresse les servantes,
Et crie, après avoir chiffonné Jeanneton,
À l'immoralité du roman feuilleton.
À la messe où sans faute il va chaque dimanche,
Il porte sous son bras Jésus doré sur tranche,
La crèche, le calvaire et le Dies illa.
- Non qu'entre nous je croie à ces bêtises-là,
Nous dit-il. - S'il y va, cela tient à sa gloire,
C'est que le peuple vil croira, le voyant croire,
C'est qu'il faut abrutir ces gens, car ils ont faim,
C'est qu'un bon Dieu quelconque est nécessaire enfin.
Là-dessus, rangez-vous, le suisse frappe, il entre,
Il étale au banc d'œuvre un majestueux ventre,
Fier de sentir qu'il prend, dans sa dévotion,
Le peuple en laisse et Dieu sous sa protection.
Marco Bo Oct 2018
under this forgotten suburban sky
learning to live it takes a whole life
explaining about it yet we don't know,
alone we walk
....................
sotto questo dimenticato cielo di periferia
per imparare a vivere ci vuole una vita intera
spiegare ancora non sappiamo,
da soli camminiamo
..........
bajo este olvidado cielo suburbano
aprender a vivir requiere una vida entera
explicar todavia no sabemos,
solo, caminamos
..............
sous ce oublié ciel de banlieue
pour apprendre à vivre, toute vie est nécessaire
expliquer encore ne savons
seul nous marchons
Dans ces bois qu'un nuage dore,
Que l'ombre est lente à s'endormir !
Ce n'est pas le soir, c'est l'aurore,
Qui gaîment nous semble s'enfuir ;
Car nous savons qu'elle va revenir. -
Ainsi, laissant l'espoir éclore
Meurt doucement le souvenir.
Quand le paysan sème, et qu'il creuse la terre,
Il ne voit que son grain, ses bœufs et son sillon.
- La nature en silence accomplit le mystère, -
Couché sur sa charrue, il attend sa moisson.

Quand sa femme, en rentrant le soir, à sa chaumière,
Lui dit : « Je suis enceinte », - il attend son enfant.
Quand il voit que la mort va saisir son vieux père,
Il s'assoit sur le pied de la couche, et l'attend.

Que savons-nous de plus ?... et la sagesse humaine,
Qu'a-t-elle découvert de plus dans son domaine ?
Sur ce large univers elle a, dit-on, marché ;
Et voilà cinq mille ans qu'elle a toujours cherché !
Frank Robichaud Dec 2018
Une lumière ouvert de Dieux
Accueillera cet homme sous peu
Son esprit devenu guéri
I'll montera au paradis



Grand-Père reste dans nos coeurs
Nous savons que tu n'as plus peur
Donne nous l'espoir
Pour surivre se temps noir



Tu étais ici, en vie
Aidant tes enfants, même avec ta maladie
Tu formais la paix
Partout ou tu passais



Maitenant, tu ne souffres plus
Tu t'es battu et on aurait cru
Qu'un jour tu serais de retour
Restant ici pour toujours



Ceux-ci sont nos derniers mots
Nous te manquerons en gros
C'est dur de dire salut
L'orsqu'on t'aime de plus en plus

— The End —