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Il faut laisser maisons et vergers et jardins,
Vaisselles et vaisseaux que l'artisan burine,
Et chanter son obseque en la façon du Cygne,
Qui chante son trespas sur les bors Maeandrins.


C'est fait j'ay devidé le cours de mes destins,
J'ay vescu, j'ay rendu mon nom assez insigne,
Ma plume vole au ciel pour estre quelque signe
**** des appas mondains qui trompent les plus fins.


Heureux qui ne fut onc, plus heureux qui retourne
En rien comme il estoit, plus heureux qui sejourne
D'homme fait nouvel ange aupres de Jesuchrist,


Laissant pourrir ça bas sa despouille de boüe
Dont le sort, la fortune, et le destin se joüe,
Franc des liens du corps pour n'estre qu'un esprit.
On lit dans les Annales de la propagation de la Foi :
« Une lettre de Hong-Kong (Chine), en date du 24 juillet
1832, nous annonce que M. Bonnard, missionnaire du
Tong-King, a été décapité pour la foi, le 1er mai dernier. »
Ce nouveau martyr était né dans le diocèse de Lyon et
appartenait à la Société des Missions étrangères. Il était
parti pour le Tong-King en 1849. »

I.

Ô saint prêtre ! grande âme ! oh ! je tombe à genoux !
Jeune, il avait encor de longs jours parmi nous,
Il n'en a pas compté le nombre ;
Il était à cet âge où le bonheur fleurit ;
Il a considéré la croix de Jésus-Christ
Toute rayonnante dans l'ombre.

Il a dit : - « C'est le Dieu de progrès et d'amour.
Jésus, qui voit ton front croit voir le front du jour.
Christ sourit à qui le repousse.
Puisqu'il est mort pour nous, je veux mourir pour lui ;
Dans son tombeau, dont j'ai la pierre pour appui,
Il m'appelle d'une voix douce.

« Sa doctrine est le ciel entr'ouvert ; par la main,
Comme un père l'enfant, il tient le genre humain ;
Par lui nous vivons et nous sommes ;
Au chevet des geôliers dormant dans leurs maisons,
Il dérobe les clefs de toutes les prisons
Et met en liberté les hommes.

« Or il est, **** de nous, une autre humanité
Qui ne le connaît point, et dans l'iniquité
Rampe enchaînée, et souffre et tombe ;
Ils font pour trouver Dieu de ténébreux efforts ;
Ils s'agitent en vain ; ils sont comme des morts
Qui tâtent le mur de leur tombe.

« Sans loi, sans but, sans guide, ils errent ici-bas.
Ils sont méchants, étant ignorants ; ils n'ont pas
Leur part de la grande conquête.
J'irai. Pour les sauver je quitte le saint lieu.
Ô mes frères, je viens vous apporter mon Dieu,
Je viens vous apporter ma tête ! » -

Prêtre, il s'est souvenu, calme en nos jours troublés,
De la parole dite aux apôtres : - Allez,  
Bravez les bûchers et les claies ! -
Et de l'adieu du Christ au suprême moment :
- Ô vivant, aimez-vous ! aimez. En vous aimant,
Frères, vous fermerez mes plaies. -

Il s'est dit qu'il est bon d'éclairer dans leur nuit
Ces peuples égarés **** du progrès qui luit,
Dont l'âme est couverte de voiles ;
Puis il s'en est allé, dans les vents, dans les flots,
Vers les noirs chevalets et les sanglants billots,
Les yeux fixés sur les étoiles.

II.

Ceux vers qui cet apôtre allait, l'ont égorgé.

III.

Oh ! tandis que là-bas, hélas ! chez ces barbares,
S'étale l'échafaud de tes membres chargé,
Que le bourreau, rangeant ses glaives et ses barres,
Frotte au gibet son ongle où ton sang s'est figé ;

Ciel ! tandis que les chiens dans ce sang viennent boire,
Et que la mouche horrible, essaim au vol joyeux,
Comme dans une ruche entre en ta bouche noire
Et bourdonne au soleil dans les trous de tes yeux ;

Tandis qu'échevelée, et sans voix, sans paupières,
Ta tête blême est là sur un infâme pieu,
Livrée aux vils affronts, meurtrie à coups de pierres,
Ici, derrière toi, martyr, on vend ton Dieu !

Ce Dieu qui n'est qu'à toi, martyr, on te le vole !
On le livre à Mandrin, ce Dieu pour qui tu meurs !
Des hommes, comme toi revêtus de l'étole,
Pour être cardinaux, pour être sénateurs,

Des prêtres, pour avoir des palais, des carrosses,
Et des jardins l'été riant sous le ciel bleu,
Pour argenter leur mitre et pour dorer leurs crosses,
Pour boire de bon vin, assis près d'un bon feu,

Au forban dont la main dans le meurtre est trempée,
Au larron chargé d'or qui paye et qui sourit,
Grand Dieu ! retourne-toi vers nous, tête coupée !
Ils vendent Jésus-Christ ! ils vendent Jésus-Christ !

Ils livrent au bandit, pour quelques sacs sordides,
L'évangile, la loi, l'autel épouvanté,
Et la justice aux yeux sévères et candides,
Et l'étoile du coeur humain, la vérité !

Les bons jetés, vivants, au bagne, ou morts, aux fleuves,
L'homme juste proscrit par Cartouche Sylla,
L'innocent égorgé, le deuil sacré des veuves,
Les pleurs de l'orphelin, ils vendent tout cela !

Tout ! la foi, le serment que Dieu tient sous sa garde,
Le saint temple où, mourant, tu dis :Introïbo,
Ils livrent tout ! pudeur, vertu ! - martyr, regarde,
Rouvre tes yeux qu'emplit la lueur du tombeau ; -

Ils vendent l'arche auguste où l'hostie étincelle !
Ils vendent Christ, te dis-je ! et ses membres liés !
Ils vendent la sueur qui sur son front ruisselle,
Et les clous de ses mains, et les clous de ses pieds !

Ils vendent au brigand qui chez lui les attire
Le grand crucifié sur les hommes penché ;
Ils vendent sa parole, ils vendent son martyre,
Et ton martyre à toi par-dessus le marché !

Tant pour les coups de fouet qu'il reçut à la porte !
César ! tant pour l'amen, tant pour l'alléluia !
Tant pour la pierre où vint heurter sa tête morte !
Tant pour le drap rougi que sa barbe essuya !

Ils vendent ses genoux meurtris, sa palme verte,
Sa plaie au flanc, son oeil tout baigné d'infini,
Ses pleurs, son agonie, et sa bouche entrouverte,
Et le cri qu'il poussa : Lamma Sabacthani !

Ils vendent le sépulcre ! ils vendent les ténèbres !
Les séraphins chantant au seuil profond des cieux,
Et la mère debout sous l'arbre aux bras funèbres,
Qui, sentant là son fils, ne levait pas les yeux !

Oui, ces évêques, oui, ces marchands, oui, ces prêtres
A l'histrion du crime, assouvi, couronné,
A ce Néron repu qui rit parmi les traîtres,
Un pied sur Thraséas, un coude sur Phryné,

Au voleur qui tua les lois à coups de crosse,
Au pirate empereur Napoléon dernier,
Ivre deux fois, immonde encor plus que féroce,
Pourceau dans le cloaque et loup dans le charnier,

Ils vendent, ô martyr, le Dieu pensif et pâle
Qui, debout sur la terre et sous le firmament,
Triste et nous souriant dans notre nuit fatale,
Sur le noir Golgotha saigne éternellement !

Du 5 au 8 novembre 1852, à Jersey
Écoutez. Une femme au profil décharné,
Maigre, blême, portant un enfant étonné,
Est là qui se lamente au milieu de la rue.
La foule, pour l'entendre, autour d'elle se rue.
Elle accuse quelqu'un, une autre femme, ou bien
Son mari. Ses enfants ont faim. Elle n'a rien ;
Pas d'argent ; pas de pain ; à peine un lit de paille.
L'homme est au cabaret pendant qu'elle travaille.
Elle pleure, et s'en va. Quand ce spectre a passé,
Ô penseurs, au milieu de ce groupe amassé,
Qui vient de voir le fond d'un cœur qui se déchire,
Qu'entendez-vous toujours ? Un long éclat de rire.

Cette fille au doux front a cru peut-être, un jour,
Avoir droit au bonheur, à la joie, à l'amour.
Mais elle est seule, elle est sans parents, pauvre fille !
Seule ! - n'importe ! elle a du courage, une aiguille,
Elle travaille, et peut gagner dans son réduit,
En travaillant le jour, en travaillant la nuit,
Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile.
Le soir, elle regarde en rêvant quelque étoile,
Et chante au bord du toit tant que dure l'été.
Mais l'hiver vient. Il fait bien froid, en vérité,
Dans ce logis mal clos tout en haut de la rampe ;
Les jours sont courts, il faut allumer une lampe ;
L'huile est chère, le bois est cher, le pain est cher.
Ô jeunesse ! printemps ! aube ! en proie à l'hiver !
La faim passe bientôt sa griffe sous la porte,
Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte
Les meubles, prend enfin quelque humble bague d'or ;
Tout est vendu ! L'enfant travaille et lutte encor ;
Elle est honnête ; mais elle a, quand elle veille,
La misère, démon, qui lui parle à l'oreille.
L'ouvrage manque, hélas ! cela se voit souvent.
Que devenir ! Un jour, ô jour sombre ! elle vend
La pauvre croix d'honneur de son vieux père, et pleure ;
Elle tousse, elle a froid. Il faut donc qu'elle meure !
A dix-sept ans ! grand Dieu ! mais que faire ?... - Voilà
Ce qui fait qu'un matin la douce fille alla
Droit au gouffre, et qu'enfin, à présent, ce qui monte
À son front, ce n'est plus la pudeur, c'est la honte.
Hélas, et maintenant, deuil et pleurs éternels !
C'est fini. Les enfants, ces innocents cruels,
La suivent dans la rue avec des cris de joie.
Malheureuse ! elle traîne une robe de soie,
Elle chante, elle rit... ah ! pauvre âme aux abois !
Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souffle qui courbe un homme et qui brise une femme,
Lui dit quand elle vient : « C'est toi ? Va-t-en, infâme ! »

Un homme s'est fait riche en vendant à faux poids ;
La loi le fait juré. L'hiver, dans les temps froids ;
Un pauvre a pris un pain pour nourrir sa famille.
Regardez cette salle où le peuple fourmille ;
Ce riche y vient juger ce pauvre. Écoutez bien.
C'est juste, puisque l'un a tout et l'autre rien.
Ce juge, - ce marchand, - fâché de perdre une heure,
Jette un regard distrait sur cet homme qui pleure,
L'envoie au bagne, et part pour sa maison des champs.
Tous s'en vont en disant : « C'est bien ! » bons et méchants ;
Et rien ne reste là qu'un Christ pensif et pâle,
Levant les bras au ciel dans le fond de la salle.

Un homme de génie apparaît. Il est doux,
Il est fort, il est grand ; il est utile à tous ;
Comme l'aube au-dessus de l'océan qui roule,
Il dore d'un rayon tous les fronts de la foule ;
Il luit ; le jour qu'il jette est un jour éclatant ;
Il apporte une idée au siècle qui l'attend ;
Il fait son œuvre ; il veut des choses nécessaires,
Agrandir les esprits, amoindrir les misères ;
Heureux, dans ses travaux dont les cieux sont témoins,
Si l'on pense un peu plus, si l'on souffre un peu moins !
Il vient. - Certe, on le va couronner ! - On le hue !
Scribes, savants, rhéteurs, les salons, la cohue,
Ceux qui n'ignorent rien, ceux qui doutent de tout,
Ceux qui flattent le roi, ceux qui flattent l'égout,
Tous hurlent à la fois et font un bruit sinistre.
Si c'est un orateur ou si c'est un ministre,
On le siffle. Si c'est un poète, il entend
Ce chœur : « Absurde ! faux ! monstrueux ! révoltant ! »
Lui, cependant, tandis qu'on bave sur sa palme,
Debout, les bras croisés, le front levé, l'œil calme,
Il contemple, serein, l'idéal et le beau ;
Il rêve ; et, par moments, il secoue un flambeau
Qui, sous ses pieds, dans l'ombre, éblouissant la haine,
Éclaire tout à coup le fond de l'âme humaine ;
Ou, ministre, il prodigue et ses nuits et ses jours ;
Orateur, il entasse efforts, travaux, discours ;
Il marche, il lutte ! Hélas ! l'injure ardente et triste,
À chaque pas qu'il fait, se transforme et persiste.
Nul abri. Ce serait un ennemi public,
Un monstre fabuleux, dragon ou basilic,
Qu'il serait moins traqué de toutes les manières,
Moins entouré de gens armés de grosses pierres,
Moins haï ! -- Pour eux tous et pour ceux qui viendront,
Il va semant la gloire, il recueille l'affront.
Le progrès est son but, le bien est sa boussole ;
Pilote, sur l'avant du navire il s'isole ;
Tout marin, pour dompter les vents et les courants,
Met tour à tour le cap sur des points différents,
Et, pour mieux arriver, dévie en apparence ;
Il fait de même ; aussi blâme et cris ; l'ignorance
Sait tout, dénonce tout ; il allait vers le nord,
Il avait tort ; il va vers le sud, il a tort ;
Si le temps devient noir, que de rage et de joie !
Cependant, sous le faix sa tête à la fin ploie,
L'âge vient, il couvait un mal profond et lent,
Il meurt. L'envie alors, ce démon vigilant,
Accourt, le reconnaît, lui ferme la paupière,
Prend soin de la clouer de ses mains dans la bière,
Se penche, écoute, épie en cette sombre nuit
S'il est vraiment bien mort, s'il ne fait pas de bruit,
S'il ne peut plus savoir de quel nom on le nomme,
Et, s'essuyant les yeux, dit : « C'était un grand homme ! »

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
« Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, saint, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Le pesant chariot porte une énorme pierre ;
Le limonier, suant du mors à la croupière,
Tire, et le roulier fouette, et le pavé glissant
Monte, et le cheval triste à le poitrail en sang.
Il tire, traîne, geint, tire encore et s'arrête ;
Le fouet noir tourbillonne au-dessus de sa tête ;
C'est lundi ; l'homme hier buvait aux Porcherons
Un vin plein de fureur, de cris et de jurons ;
Oh ! quelle est donc la loi formidable qui livre
L'être à l'être, et la bête effarée à l'homme ivre !
L'animal éperdu ne peut plus faire un pas ;
Il sent l'ombre sur lui peser ; il ne sait pas,
Sous le bloc qui l'écrase et le fouet qui l'assomme,
Ce que lui veut la pierre et ce que lui veut l'homme.
Et le roulier n'est plus qu'un orage de coups
Tombant sur ce forçat qui traîne des licous,
Qui souffre et ne connaît ni repos ni dimanche.
Si la corde se casse, il frappe avec le pié ;
Et le cheval, tremblant, hagard, estropié,
Baisse son cou lugubre et sa tête égarée ;
On entend, sous les coups de la botte ferrée,
Sonner le ventre nu du pauvre être muet !
Il râle ; tout à l'heure encore il remuait ;
Mais il ne bouge plus, et sa force est finie ;
Et les coups furieux pleuvent ; son agonie
Tente un dernier effort ; son pied fait un écart,
Il tombe, et le voilà brisé sous le brancard ;
Et, dans l'ombre, pendant que son bourreau redouble,
Il regarde quelqu'un de sa prunelle trouble ;
Et l'on voit lentement s'éteindre, humble et terni,
Son œil plein des stupeurs sombres de l'infini,
Où luit vaguement l'âme effrayante des choses.
Hélas !

Cet avocat plaide toutes les causes ;
Il rit des généreux qui désirent savoir
Si blanc n'a pas raison, avant de dire noir ;
Calme, en sa conscience il met ce qu'il rencontre,
Ou le sac d'argent Pour, ou le sac d'argent Contre ;
Le sac pèse pour lui ce que la cause vaut.
Embusqué, plume au poing, dans un journal dévot,
Comme un bandit tuerait, cet écrivain diffame.
La foule hait cet homme et proscrit cette femme ;
Ils sont maudits. Quel est leur crime ? Ils ont aimé.
L'opinion rampante accable l'opprimé,
Et, chatte aux pieds des forts, pour le faible est tigresse.
De l'inventeur mourant le parasite engraisse.
Le monde parle, assure, affirme, jure, ment,
Triche, et rit d'escroquer la dupe Dévouement.
Le puissant resplendit et du destin se joue ;
Derrière lui, tandis qu'il marche et fait la roue,
Sa fiente épanouie engendre son flatteur.
Les nains sont dédaigneux de toute leur hauteur.
Ô hideux coins de rue où le chiffonnier morne
Va, tenant à la main sa lanterne de corne,
Vos tas d'ordures sont moins noirs que les vivants !
Qui, des vents ou des cœurs, est le plus sûr ? Les vents.
Cet homme ne croit rien et fait semblant de croire ;
Il a l'œil clair, le front gracieux, l'âme noire ;
Il se courbe ; il sera votre maître demain.

Tu casses des cailloux, vieillard, sur le chemin ;
Ton feutre humble et troué s'ouvre à l'air qui le mouille ;
Sous la pluie et le temps ton crâne nu se rouille ;
Le chaud est ton tyran, le froid est ton bourreau ;
Ton vieux corps grelottant tremble sous ton sarrau ;
Ta cahute, au niveau du fossé de la route,
Offre son toit de mousse à la chèvre qui broute ;
Tu gagnes dans ton jour juste assez de pain noir
Pour manger le matin et pour jeûner le soir ;
Et, fantôme suspect devant qui l'on recule,
Regardé de travers quand vient le crépuscule,
Pauvre au point d'alarmer les allants et venants,
Frère sombre et pensif des arbres frissonnants,
Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage ;
Autrefois, homme alors dans la force de l'âge,
Quand tu vis que l'Europe implacable venait,
Et menaçait Paris et notre aube qui naît,
Et, mer d'hommes, roulait vers la France effarée,
Et le Russe et le *** sur la terre sacrée
Se ruer, et le nord revomir Attila,
Tu te levas, tu pris ta fourche ; en ces temps-là,
Tu fus, devant les rois qui tenaient la campagne,
Un des grands paysans de la grande Champagne.
C'est bien. Mais, vois, là-bas, le long du vert sillon,
Une calèche arrive, et, comme un tourbillon,
Dans la poudre du soir qu'à ton front tu secoues,
Mêle l'éclair du fouet au tonnerre des roues.
Un homme y dort. Vieillard, chapeau bas ! Ce passant
Fit sa fortune à l'heure où tu versais ton sang ;
Il jouait à la baisse, et montait à mesure
Que notre chute était plus profonde et plus sûre ;
Il fallait un vautour à nos morts ; il le fut ;
Il fit, travailleur âpre et toujours à l'affût,
Suer à nos malheurs des châteaux et des rentes ;
Moscou remplit ses prés de meules odorantes ;
Pour lui, Leipsick payait des chiens et des valets,
Et la Bérésina charriait un palais ;
Pour lui, pour que cet homme ait des fleurs, des charmilles,
Des parcs dans Paris même ouvrant leurs larges grilles,
Des jardins où l'on voit le cygne errer sur l'eau,
Un million joyeux sortit de Waterloo ;
Si bien que du désastre il a fait sa victoire,
Et que, pour la manger, et la tordre, et la boire,
Ce Shaylock, avec le sabre de Blucher,
A coupé sur la France une livre de chair.
Or, de vous deux, c'est toi qu'on hait, lui qu'on vénère ;
Vieillard, tu n'es qu'un gueux, et ce millionnaire,
C'est l'honnête homme. Allons, debout, et chapeau bas !

Les carrefours sont pleins de chocs et de combats.
Les multitudes vont et viennent dans les rues.
Foules ! sillons creusés par ces mornes charrues :
Nuit, douleur, deuil ! champ triste où souvent a germé
Un épi qui fait peur à ceux qui l'ont semé !
Vie et mort ! onde où l'hydre à l'infini s'enlace !
Peuple océan jetant l'écume populace !
Là sont tous les chaos et toutes les grandeurs ;
Là, fauve, avec ses maux, ses horreurs, ses laideurs,
Ses larves, désespoirs, haines, désirs, souffrances,
Qu'on distingue à travers de vagues transparences,
Ses rudes appétits, redoutables aimants,
Ses prostitutions, ses avilissements,
Et la fatalité des mœurs imperdables,
La misère épaissit ses couches formidables.
Les malheureux sont là, dans le malheur reclus.
L'indigence, flux noir, l'ignorance, reflux,
Montent, marée affreuse, et parmi les décombres,
Roulent l'obscur filet des pénalités sombres.
Le besoin fuit le mal qui le tente et le suit,
Et l'homme cherche l'homme à tâtons ; il fait nuit ;
Les petits enfants nus tendent leurs mains funèbres ;
Le crime, antre béant, s'ouvre dans ces ténèbres ;
Le vent secoue et pousse, en ses froids tourbillons,
Les âmes en lambeaux dans les corps en haillons :
Pas de cœur où ne croisse une aveugle chimère.
Qui grince des dents ? L'homme. Et qui pleure ? La mère.
Qui sanglote ? La vierge aux yeux hagards et doux.
Qui dit : « J'ai froid ? » L'aïeule. Et qui dit : « J'ai faim ? » Tous !
Et le fond est horreur, et la surface est joie.
Au-dessus de la faim, le festin qui flamboie,
Et sur le pâle amas des cris et des douleurs,
Les chansons et le rire et les chapeaux de fleurs !
Ceux-là sont les heureux. Ils n'ont qu'une pensée :
A quel néant jeter la journée insensée ?
Chiens, voitures, chevaux ! cendre au reflet vermeil !
Poussière dont les grains semblent d'or au soleil !
Leur vie est aux plaisirs sans fin, sans but, sans trêve,
Et se passe à tâcher d'oublier dans un rêve
L'enfer au-dessous d'eux et le ciel au-dessus.
Quand on voile Lazare, on efface Jésus.
Ils ne regardent pas dans les ombres moroses.
Ils n'admettent que l'air tout parfumé de roses,
La volupté, l'orgueil, l'ivresse et le laquais
Ce spectre galonné du pauvre, à leurs banquets.
Les fleurs couvrent les seins et débordent des vases.
Le bal, tout frissonnant de souffles et d'extases,
Rayonne, étourdissant ce qui s'évanouit ;
Éden étrange fait de lumière et de nuit.
Les lustres aux plafonds laissent pendre leurs flammes,
Et semblent la racine ardente et pleine d'âmes
De quelque arbre céleste épanoui plus haut.
Noir paradis dansant sur l'immense cachot !
Ils savourent, ravis, l'éblouissement sombre
Des beautés, des splendeurs, des quadrilles sans nombre,
Des couples, des amours, des yeux bleus, des yeux noirs.
Les valses, visions, passent dans les miroirs.
Parfois, comme aux forêts la fuite des cavales,
Les galops effrénés courent ; par intervalles,
Le bal reprend haleine ; on s'interrompt, on fuit,
On erre, deux à deux, sous les arbres sans bruit ;
Puis, folle, et rappelant les ombres éloignées,
La musique, jetant les notes à poignées,
Revient, et les regards s'allument, et l'archet,
Bondissant, ressaisit la foule qui marchait.
Ô délire ! et d'encens et de bruit enivrées,
L'heure emporte en riant les rapides soirées,
Et les nuits et les jours, feuilles mortes des cieux.
D'autres, toute la nuit, roulent les dés joyeux,
Ou bien, âpre, et mêlant les cartes qu'ils caressent,
Où des spectres riants ou sanglants apparaissent,
Leur soif de l'or, penchée autour d'un tapis vert,
Jusqu'à ce qu'au volet le jour bâille entr'ouvert,
Poursuit le pharaon, le lansquenet ou l'hombre ;
Et, pendant qu'on gémit et qu'on frémit dans l'ombre,
Pendant que le
Victor Marques Sep 2013
Saudade de meus avós

Procuro uma justificação plausível,
Para tanto amor que recebi.
Indago nas profundezas do universo,
Escuto conselhos sábios nunca dum homem só,
Amor eterno a meus avós.

Caminhadas por entre giestas sedutoras,
Rebanhos que alguém guardou.
Hinos ritmados que alguém sabe cantar,
Chilrear dos que sabem amar…

Rochas que se expõem ao vento,
Fustigam meu pensamento.
Chuva que regas vinhas, olivais e belos jardins,
Quimeras e o meu jasmim.
Tempos dum amor natural e medonho,
Folhas secas de Outono,
Inércia dum amor infinito que sempre vou ter,
Saudade de meus avós e do seu viver…

Victor Marques
Marie-Lyne Mar 2018
Ce que j'ai ressenti quand j'ai écouté ses chansons

True sorry
Sa musique t'envahit
Te coupe le souffle
Rien que des sentiments graves, étouffantes
Il te prend par la main
Et t'étrangle soudainement
Il te caresse dans ta gifle
Il est avec toi
et t'abandonne quand tu le désires le plus
Il est là
Sur des vibrations sonores hors norme
Ce qu'il fait t'exaspère
te rend malade
Il ment sans même rougir
L'improbable c'est lui
L'horizon , les jardins vivent dans
ses imaginations
mais il aime me montrer ses démons

Nomade Slang
Je me balade dans tes pensées
Je veille sur tes routines plates
Ton âme danse dans cet espace
Je te voix heureux mais effrayé de
ce monde et ne montrant que ta tristesse

Essentielles
La mer, le vent chaud
les gens qui passent
Tout est familier
Tu revoit ta jeunesse
A l'aise dans un coin
Ce que tu es ne te ressemble plus
marriegegirl Jun 2014
Le Regency Conference Center

Le Regency Conference Center à O'Fallon offre des options de mariage à la fois intérieure et extérieure, de robe bustier ceremonie sorte que si la pluie devient un problème, vous n'aurez pas à vous inquiéter. Le centre se trouve sur les rives d'un lac de 6 hectares qui comprend fontaines. Une pergola extérieure sert de lieu de cérémonie et le Garden Piazza détient réceptions ou sert de salle d'attente avant le début du mariage. Nourriture à l'extérieur, à l'exception d'un gâteau de mariage, est interdite, mais le centre dispose d'une facilité de restauration avec un menu complet à partir de laquelle choisir. Inclus avec le forfait mariage robes de mariée couleur du centre est l'éclairage de la tête et table gâteau, découpage du gâteau et le service et une fête de mariage dressing. Le Larimore Plantation House

La Plantation House Larimore à St. Louis est l'un des plus grands plantations dans le Midwest. Cet établissement historique est inscrit sur le registre national des lieux historiques. Soit organiser votre cérémonie en plein air dans le jardin ou dans la chapelle de mariage historique, puis la tête à l'extérieur pour la réception. Il ya des sièges pouvant accueillir jusqu'à 250 invités. L'un des co-propriétaires de la plantation sert de coordonnateur de mariage pour aider les parties à la personnalisation de l'événement. Le Missouri Botanical Garden

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Paul d'Aubin Jul 2016
Haute Chaleur sur Toulouse.

Cet été que nous avions
Tant attendu, tant espéré,
Pestant contre les giboulées
Qui éternisaient le printemps.
Ces pluies continuelles,
Donnant du vert aux jardins et balcons,
Et tant d'humidité sournoise,
Mais peu propices aux joies des places et des rues.
Et puis soudain, le si lourde chaleur
S'est installé sans crier garde
Avec ses manières de «sirocco»,
Comme un grand coup de poing
Qui terrasse les êtres.
L'air est devenu rare et l'ambiance des terrasses plombée.
Ma chienne s'est réfugiée sous les lits.
Et nos corps ont du mal à s'adapter
A ces flamboiements de chaleur
A ce fond de l'air qui crépite sans cigale.
A cette lourdeur du temps qui ´nous assomme.
A ce manque d'air qui nous fait désirer
La fraîcheur vivifiante,
Des montagnes et du bord de mer.
Les tuiles semblent remises au four
Et les tuiles se fendent sous la chaleur.
C'est un temps de sabbats de sorcières,
Et de chaudrons bouillants.
Et l'on s'en veut d'avoir tant appelé
A la venue de cet assommoir de l'été,
Qui tient désormais Toulouse.
Prisonnière dans ses serres,
Chacune Murmurant et gémissant,
A la venue l'orage qui nous trempera d'eaux,
Versées à grosse gouttes.
L'irruption de l'été a Toulouse
Se fait d'un coup et impose sa force
Les habitants qui le peuvent, fuient
Dans les Pyrénées,
Ou vers les bords de mer.
Cette période est dure aux personnes âgées et aux malades.
Sauf pour les "Happy Few" qui possèdent,
Villas, jardins touffus et piscines.
L'été Toulousain est un maître impérieux
Qui impose ses tempos et ses rythmes.

Paul Arrighi
Paul d'Aubin Nov 2016
Automnes de Luchon

Phébus s'était lové sur le val de Luchon,
Les arbres rougeoyaient comme sous le pinceau,
D'un Van Gogh qui aurait amené la Provence,
Dans les vertes Montagnes des Pyrénées centrales
Non **** de l'Aneto et très près du Vénasque.
Mais tout ce verdoiement laissait place à l'automne.
Avec ses rougeoiements, ses mauves et ses dorés.
Et les fins cheveux roux donnés par des buissons.
La nature semblait avoir changé d'atours.
Pour nous faire oublier l'été et ses douces torpeurs.
Les Erables, les Tulipiers et les Cerisier sauvages se parent,
D'atours d'or ou de rouge sang,
Comme pour les noces des feuilles et de la lune.
Oui, les derniers rayons sont toujours les plus beaux !
Dans les futaies et les clairières pourpres.
Et l’automne tendre a  ce goût de châtaignes,
Grillées dans les jardins ou embaumaient  les roses.
Et de flambées heureuses et de baisers brûlants.
La montagne est si belle que l'on voudrait figer.
Ces splendeurs éphémères et suspendre le temps.
Afin de contempler toujours ces beautés vives
De la ville Coquette et du val arboré.
Les jardins de «la Pique» faisaient belle figure,
Si près de la rivière aux eaux vivifiantes.
Et l'ancien Casino nous donnait à songer,
Aux beautés d'autrefois alanguies, sous la soie,
Dans les bals bien réglés parés d'un luxe doux
Ou il faisait parfois bon savoir jeter bas,
Les fausses les convenances pour le beau Cupidon.
Aujourd'hui; riantes et bronzées, les belles
Sont sportives, parcourent la Montagne.
Et viennent au «vapo» pour bien se délasser.
Oh; Reine d'autrefois, toujours ville de charmes.
Tes automnes suggèrent des rêves de bonheur,
De vies épanouies et de soins pour les êtres.
Ou il est reposant de venir t'admirer.
Parmi tes fleurs, les arbres et ton air vivifiant.

Paul Arrighi
Marian Jan 2014
~-English-~

Winter Again

The bitter air stings my face
And I can see my breath;
Only the birds of Winter remain,
The others have flown South.

Flowers remain asleep,
As the Arctic winds rage.
The only green trees
Are those mighty firs.

Snow and ice have
Rained upon the gardens.
Autumn shades are gone,
Winter has taken the lead.

Winter is such a joy,
When snowflakes kiss your cheeks;
And cling to your hair,—
Oh how I love Winter!

The lake is frozen in ice
And trees are bent over in snow.
At night the wolves howl to the moon
Complaining of the cold.

Silence and long dark months,
And waiting for Spring to dawn.
Slowly daylight lengthens,
And the air grows warmer.

Then on one day,
I ventured outside.
I saw Spring had arrived,
And Winter had flown away.


Timothy and Marian


~-French-~

Hiver à nouveau

L'air amer pique mon visage
Et je peux voir mon souffle ;
Seuls les oiseaux de l'hiver restent,
Les autres ont volé vers le sud.

Fleurs restent endormis,
Comme la rage des vents arctiques.
Les arbres verts uniquement
Sont celles des sapins puissants.

Neige et glace peuvent
Fit pleuvoir sur les jardins.
Nuances de l'automne ont disparu,
Hiver a pris les devants.

L'hiver est une telle joie,
Quand les flocons de neige embrassent tes joues ;
Et s'accrochent à vos cheveux, —
Oh comme j'aime hiver !

Le lac est gelé dans la glace
Et les arbres sont repliées dans la neige.
Dans la nuit, les loups hurlent à la lune
Se plaindre du froid.

Silence et mois longue et sombres,
Et en attente de printemps à l'aube.
Lentement la lumière du jour s'allonge,
Et l'air devient plus chaud.

Puis sur un jour,
Je me hasardai à l'extérieur.
J'ai vu le que printemps était arrivé,
Et l'hiver était envolé.


Timothy et Marian


~-Russian-~

Зима снова

Горького воздуха укусы мое лицо
И я могу видеть мое дыхание;
Осталось только птиц зимой,
Другие летали Юг.

Цветы остаются спит,
Как арктические ветры ярости.
Только зеленые деревья
Это те могучие ели.

Снег и лед
Дождь на сады.
Осенние оттенки ушли,
Зима взяла на себя инициативу.

Зима-это такая радость,
Когда снежинки поцеловать ваши щеки;
И цепляются за ваши волосы, —
Ох как я люблю зимой!

Озеро замерзает в лед
И деревья наклонился в снегу.
Ночью волки воют на Луну
Жаловаться на холод.

Тишина и длинные темные месяцы,
И ждет весны до рассвета.
Медленно летнее удлиняет,
И воздух теплее.

Затем на один день,
Я решился снаружи.
Я увидел, что пришла весна,
И зимой улетел прочь.


*Тимоти и Мэриан
This is a Dad and Daughter collaboration. Hope you enjoy!
If so, then we may well do more. :)
© Timothy 9 January, 2014.
© Marian 9 January, 2014.
Victor Marques Jan 2015
O Odor da flor

Estou sempre á espera de seu odor,
Tão bela é a singela flor,
Parece que se entranha na nossa vida,
Cheiras a regresso e despedida.

Teu encanto a todos consome,
Parece seres mulher sem nome,
As abelhas te escolhem para em ti poisar,
Eu não me canso de te contemplar.

Enfeitas casas, jardins, as pradarias,
És flor para tantas tristezas e alegrias.
Podes ser evento, ou notícia,
Teu odor me purifica.

Victor Marques
flor, odor, notícia
À MADEMOISELLE LOUISE B.

I.

- Ainsi donc rien de grand, rien de saint, rien de pur,
Rien qui soit digne, ô ciel ! de ton regret d'azur !
Rien qui puisse anoblir le vil siècle où nous sommes,
Ne sortira du cœur de l'homme enfant des hommes !
Homme ! esprit enfoui sous les besoins du corps !
Ainsi, jouir ; descendre à tâtons chez les morts ;
Être à tout ce qui rampe, à tout ce qui s'envole,
A l'intérêt sordide, à la vanité folle ;
Ne rien savoir - qu'emplir, sans souci du devoir,
Une charte de mots ou d'écus un comptoir ;
Ne jamais regarder les voûtes étoilées ;
Rire du dévouement et des vertus voilées ;
Voilà ta vie, hélas ! et tu n'as, nuit et jour,
Pour espoir et pour but, pour culte et pour amour,
Qu'une immonde monnaie aux carrefours traînée
Et qui te laisse aux mains sa rouille empoissonnée !
Et tu ne comprends pas que ton destin, à toi,
C'est de penser ! c'est d'être un mage et d'être un roi ;
C'est d'être un alchimiste alimentant la flamme
Sous ce sombre alambic que tu nommes ton âme,
Et de faire passer par ce creuset de feu
La nature et le monde, et d'en extraire Dieu !

Quoi ! la brute a sa sphère et l'éléments sa règle !
L'onde est au cormoran et la neige est à l'aigle.
Tout a sa région, sa fonction, son but.
L'écume de la mer n'est pas un vain rebut ;
Le flot sait ce qu'il fait ; le vent sait qui le pousse ;
Comme un temple où toujours veille une clarté douce,
L'étoile obéissante éclaire le ciel bleu ;
Le lys s'épanouit pour la gloire de Dieu ;
Chaque matin, vibrant comme une sainte lyre,
L'oiseau chante ce nom que l'aube nous fait lire.
Quoi ! l'être est plein d'amour, le monde est plein de foi
Toute chose ici-bas suit gravement sa loi,
Et ne sait obéir, dans sa fierté divine,
L'oiseau qu'à son instinct, l'arbre qu'à sa racine !
Quoi ! l'énorme océan qui monte vers son bord,
Quoi ! l'hirondelle au sud et l'aimant vers le nord
La graine ailée allant au **** choisir sa place,
Le nuage entassé sur les îles de glace,
Qui, des cieux tout à coup traversant la hauteur,
Croule au souffle d'avril du pôle à l'équateur,
Le glacier qui descend du haut des cimes blanches,
La sève qui s'épand dans les fibres des branches,
Tous les objets créés, vers un but sérieux,
Les rayons dans les airs, les globes dans les cieux,
Les fleuves à travers les rochers et les herbes,
Vont sans se détourner de leurs chemins superbes !
L'homme a seul dévié ! - Quoi ! tout dans l'univers,
Tous les êtres, les monts, les forêts, les prés verts,
Le jour dorant le ciel, l'eau lavant les ravines,
Ont encore, comme au jour où de ses mains divines
Jéhova sur Adam imprima sa grandeur,
Toute leur innocence et toute leur candeur !
L'homme seul est tombé !- Fait dans l'auguste empire
Pour être le meilleur, il en devient le pire,
Lui qui devait fleurir comme l'arbre choisi,
Il n'est plus qu'un tronc vil au branchage noirci,
Que l'âge déracine et que le vice effeuille,
Dont les rameaux n'ont pas de fruit que Dieu recueille,
Où jamais sans péril nous ne nous appuyons,
Où la société greffe les passions !
Chute immense ! il ignore et nie, ô providence !
Tandis qu'autour de lui la création pense !

Ô honte ! en proie aux sens dont le joug l'asservit,
L'homme végète auprès de la chose qui vit !

II.

Comme je m'écriais ainsi, vous m'entendîtes ;
Et vous, dont l'âme brille en tout ce que vous dites,
Vous tournâtes alors vers moi paisiblement
Votre sourire triste, ineffable et calmant :

- L'humanité se lève, elle chancelle encore,
Et, le front baigné d'ombre, elle va vers l'aurore.
Tout l'homme sur la terre a deux faces, le bien
Et le mal. Blâmer tout, c'est ne comprendre rien.
Les âmes des humains d'or et de plomb sont faites.
L'esprit du sage est grave, et sur toutes les têtes
Ne jette pas sa foudre au hasard en éclats.
Pour le siècle où l'on vit - comme on y souffre, hélas ! -
On est toujours injuste, et tout y paraît crime.
Notre époque insultée a son côté sublime.
Vous l'avez dit vous-même, ô poète irrité ! -

Dans votre chambre, asile illustre et respecté,
C'est ainsi que, sereine et simple, vous parlâtes.
Votre front, au reflet des damas écarlates,
Rayonnait, et pour moi, dans cet instant profond,
Votre regard levé fit un ciel du plafond.

L'accent de la raison, auguste et pacifique,
L'équité, la pitié, la bonté séraphique,
L'oubli des torts d'autrui, cet oubli vertueux
Qui rend à leur insu les fronts majestueux,
Donnaient à vos discours, pleins de clartés si belles,
La tranquille grandeur des choses naturelles,
Et par moments semblaient mêler à votre voix
Ce chant doux et voilé qu'on entend dans les bois.

III.

Pourquoi devant mes yeux revenez-vous sans cesse,
Ô jours de mon enfance et de mon allégresse ?
Qui donc toujours vous rouvre en nos cœurs presque éteints
Ô lumineuse fleur des souvenirs lointains ?

Oh ! que j'étais heureux ! oh ! que j'étais candide !
En classe, un banc de chêne, usé, lustré, splendide,
Une table, un pupitre, un lourd encrier noir,
Une lampe, humble sœur de l'étoile du soir,
M'accueillaient gravement et doucement. Mon maître,
Comme je vous l'ai dit souvent, était un prêtre
A l'accent calme et bon, au regard réchauffant,
Naïf comme un savant, malin comme un enfant,
Qui m'embrassait, disant, car un éloge excite :
- Quoiqu'il n'ait que neuf ans, il explique Tacite. -
Puis près d'Eugène, esprit qu'hélas ! Dieu submergea,
Je travaillais dans l'ombre, - et je songeais déjà.

Tandis que j'écrivais, - sans peur, mais sans système,
Versant le barbarisme à grands flots sur le thème,
Inventant les auteurs de sens inattendus,
Le dos courbé, le front touchant presque au Gradus, -
Je croyais, car toujours l'esprit de l'enfant veille,
Ouïr confusément, tout près de mon oreille,
Les mots grecs et latins, bavards et familiers,
Barbouillés d'encre, et gais comme des écoliers,
Chuchoter, comme font les oiseaux dans une aire,
Entre les noirs feuillets du lourd dictionnaire.
Bruits plus doux que le bruit d'un essaim qui s'enfuit,
Souffles plus étouffés qu'un soupir de la nuit,
Qui faisaient par instants, sous les fermoirs de cuivre,
Frissonner vaguement les pages du vieux livre !

Le devoir fait, légers comme de jeunes daims,
Nous fuyions à travers les immenses jardins,
Éclatant à la fois en cent propos contraires.
Moi, d'un pas inégal je suivais mes grands frères ;
Et les astres sereins s'allumaient dans les cieux,
Et les mouches volaient dans l'air silencieux,
Et le doux rossignol, chantant dans l'ombre obscure,
Enseignait la musique à toute la nature,
Tandis qu'enfant jaseur aux gestes étourdis,
Jetant partout mes yeux ingénus et hardis
D'où jaillissait la joie en vives étincelles,
Je portais sous mon bras, noués par trois ficelles,
Horace et les festins, Virgile et les forêts,
Tout l'Olympe, Thésée, Hercule, et toi Cérès,
La cruelle Junon, Lerne et l'hydre enflammée,
Et le vaste lion de la roche Némée.

Mais, lorsque j'arrivais chez ma mère, souvent,
Grâce au hasard taquin qui joue avec l'enfant,
J'avais de grands chagrins et de grandes colères.
Je ne retrouvais plus, près des ifs séculaires,
Le beau petit jardin par moi-même arrangé.
Un gros chien en passant avait tout ravagé.
Ou quelqu'un dans ma chambre avait ouvert mes cages,
Et mes oiseaux étaient partis pour les bocages,
Et, joyeux, s'en étaient allés de fleur en fleur
Chercher la liberté bien ****, - ou l'oiseleur.
Ciel ! alors j'accourais, rouge, éperdu, rapide,
Maudissant le grand chien, le jardinier stupide,
Et l'infâme oiseleur et son hideux lacet,
Furieux ! - D'un regard ma mère m'apaisait.

IV.

Aujourd'hui, ce n'est pas pour une cage vide,
Pour des oiseaux jetés à l'oiseleur avide,
Pour un dogue aboyant lâché parmi les fleurs,
Que mon courroux s'émeut. Non, les petits malheurs
Exaspèrent l'enfant ; mais, comme en une église,
Dans les grandes douleurs l'homme se tranquillise.
Après l'ardent chagrin, au jour brûlant pareil,
Le repos vient au cœur comme aux yeux le sommeil.
De nos maux, chiffres noirs, la sagesse est la somme.
En l'éprouvant toujours, Dieu semble dire à l'homme :
- Fais passer ton esprit à travers le malheur ;
Comme le grain du crible, il sortira meilleur. -
J'ai vécu, j'ai souffert, je juge et je m'apaise.
Ou si parfois encor la colère mauvaise
Fait pencher dans mon âme avec son doigt vainqueur
La balance où je pèse et le monde et mon cœur ;
Si, n'ouvrant qu'un seul œil, je condamne et je blâme,
Avec quelques mots purs, vous, sainte et noble femme,
Vous ramenez ma voix qui s'irrite et s'aigrit
Au calme sur lequel j'ai posé mon esprit ;
Je sens sous vos rayons mes tempêtes se taire ;
Et vous faites pour l'homme incliné, triste, austère,
Ce que faisait jadis pour l'enfant doux et beau
Ma mère, ce grand cœur qui dort dans le tombeau !

V.

Écoutez à présent. - Dans ma raison qui tremble,
Parfois l'une après l'autre et quelquefois ensemble,
Trois voix, trois grandes voix murmurent.

L'une dit :
- « Courrouce-toi, poète. Oui, l'enfer applaudit
Tout ce que cette époque ébauche, crée ou tente.
Reste indigné. Ce siècle est une impure tente
Où l'homme appelle à lui, voyant le soir venu,
La volupté, la chair, le vice infâme et nu.
La vérité, qui fit jadis resplendir Rome,
Est toujours dans le ciel ; l'amour n'est plus dans l'homme.
« Tout rayon jaillissant trouve tout œil fermé.
Oh ! ne repousse pas la muse au bras armé
Qui visitait jadis comme une austère amie,
Ces deux sombres géants, Amos et Jérémie !
Les hommes sont ingrats, méchants, menteurs, jaloux.
Le crime est dans plusieurs, la vanité dans tous ;
Car, selon le rameau dont ils ont bu la sève,
Ils tiennent, quelques-uns de Caïn, et tous d'Ève.

« Seigneur ! ta croix chancelle et le respect s'en va.
La prière décroît. Jéhova ! Jéhova !
On va parlant tout haut de toi-même en ton temple.
Le livre était la loi, le prêtre était l'exemple ;
Livre et prêtre sont morts. Et la foi maintenant,
Cette braise allumée à ton foyer tonnant,
Qui, marquant pour ton Christ ceux qu'il préfère aux autres,
Jadis purifiait la lèvre des apôtres,
N'est qu'un charbon éteint dont les petits enfants
Souillent ton mur avec des rires triomphants ! » -

L'autre voix dit : - « Pardonne ! aime ! Dieu qu'on révère,
Dieu pour l'homme indulgent ne sera point sévère.
Respecte la fourmi non moins que le lion.
Rêveur ! rien n'est petit dans la création.
De l'être universel l'atome se compose ;
Dieu vit un peu dans tout, et rien n'est peu de chose.
Cultive en toi l'amour, la pitié, les regrets.
Si le sort te contraint d'examiner de près
L'homme souvent frivole, aveugle et téméraire,
Tempère l'œil du juge avec les pleurs du frère.
Et que tout ici-bas, l'air, la fleur, le gazon ;
Le groupe heureux qui joue au seuil de ta maison ;
Un mendiant assis à côté d'une gerbe ;
Un oiseau qui regarde une mouche dans l'herbe ;
Les vieux livres du quai, feuilletés par le vent,
D'où l'esprit des anciens, subtil, libre et vivant,
S'envole, et, souffle errant, se mêle à tes pensées ;
La contemplation de ces femmes froissées
Qui vivent dans les pleurs comme l'algue dans l'eau ;
L'homme, ce spectateur ; le monde, ce tableau ;
Que cet ensemble auguste où l'insensé se blase
Tourne de plus en plus ta vie et ton extase
Vers l'œil mystérieux qui nous regarde tous,
Invisible veilleur ! témoin intime et doux !
Principe ! but ! milieu ! clarté ! chaleur ! dictame !
Secret de toute chose entrevu par toute l'âme !
« N'allume aucun enfer au tison d'aucun feu.
N'aggrave aucun fardeau. Démontre l'âme et Dieu,
L'impérissable esprit, la tombe irrévocable ;
Et rends douce à nos fronts, que souvent elle accable,
La grande main qui grave en signes immortels
JAMAIS ! sur les tombeaux ; TOUJOURS ! sur les autels. »

La troisième voix dit : - « Aimer ? haïr ? qu'importe !
Qu'on chante ou qu'on maudisse, et qu'on entre ou qu'on sorte,
Le mal, le bien, la mort, les vices, les faux dieux,
Qu'est-ce que tout cela fait au ciel radieux ?
La végétation, vivante, aveugle et sombre,
En couvre-t-elle moins de feuillages sans nombre,
D'arbres et de lichens, d'herbe et de goëmons,
Les prés, les champs, les eaux, les rochers et les monts ?
L'onde est-elle moins bleue et le bois moins sonore ?
L'air promène-t-il moins, dans l'ombre et dans l'aurore,
Sur les clairs horizons, sur les flots décevants,
Ces nuages heureux qui vont aux quatre vents ?
Le soleil qui sourit aux fleurs dans les campagnes,
Aux rois dans les palais, aux forçats dans les bagnes,
Perd-il, dans la splendeur dont il est revêtu,
Un rayon quand la terre oublie une vertu ?
Non, Pan n'a pas besoin qu'on le prie et qu'on l'aime.
Ô sagesse ! esprit pur ! sérénité suprême !
Zeus ! Irmensul ! Wishnou ! Jupiter ! Jéhova !
Dieu que cherchait Socrate et que Jésus trouva !
Unique Dieu ! vrai Dieu ! seul mystère ! seule âme !
Toi qui, laissant tomber ce que la mort réclame,
Fis les cieux infinis pour les temps éternels !
Toi qui mis dans l'éther plein de bruits solennels,
Tente dont ton haleine émeut les sombres toiles,
Des millions d'oiseaux, des millions d'étoiles !
Que te font, ô Très-Haut ! les hommes insensés,
Vers la nuit au hasard l'un par l'autre poussés,
Fantômes dont jamais tes yeux ne se souviennent,
Devant ta face immense ombres qui vont et viennent ! »

VI.

Dans ma retraite obscure où, sous mon rideau vert,
Luit comme un œil ami maint vieux livre entrouvert,
Où ma bible sourit dans l'ombre à mon Virgile,
J'écoute ces trois voix. Si mon cerveau fragile
S'étonne, je persiste ; et, sans peur, sans effroi,
Je les laisse accomplir ce qu'elles font en moi.
Car les hommes, troublés de ces métamorphoses,
Composent leur sagesse avec trop peu de choses.
Tous ont la déraison de voir la Vérité
Chacun de sa fenêtre et rien que d'un côté,
Sans qu'aucun d'eux, tenté par ce rocher sublime,
Aille en faire le tour et monte sur sa cime.
Et de ce triple aspect des choses d'ici-bas,
De ce triple conseil que l'homme n'entend pas,
Pour mon cœur où Dieu vit, où la haine s'émousse,
Sort une bienveillance universelle et douce
Qui dore comme une aube et d'avance attendrit
Le vers qu'à moitié fait j'emporte en mon esprit
Pour l'achever aux champs avec l'odeur des plaines
Et l'ombre du nuage et le bruit des fontaines !

Avril 1840.
Victor Marques Feb 2015
Primavera que acordas vinhedos adormecidos

     Hoje fiz uma promessa a mim mesmo que seria escrever para ti: Primavera! Desde menino que me encantas, me envolves, me rejuvenesces…Sim, és tu Primavera que me acordas de sonos bem ou mal dormidos. Com os crescer dos dias parece que tudo cresce de uma forma descontrolada e um infindável colorido permanece aos olhos de quem te acolhe e enaltece.
    Sim, só poderias ser tu a bendizer todas as rosas campestres que por ti anseiam para comunicar e nos fazer sentir odores, por vezes já esquecidos. Os jardins se enfeitam com violetas, lírios, hortênsias. Os charcos ficam mais esverdeados e alegres, pois as rãs têm mais tempo para cantar.
    Primavera abençoada que acordas vinhedos durienses adormecidos, que aqueces rio Douro e Tua.  Amendoeiras em flor brancas e puras que acolhem abelhas que procuram alimento param se saciar. Nos campos é imensa a alegria de semear sementes que servirão de alimento para tantos seres que não compreendem o poder de nascimento contínuo que existe em todas as Primaveras. Parece que tudo está com disposição de despertar…
      Parece que tudo ressuscita, que tudo nasce, que tudo vive com maior apego e sintonia com o Deus Criador. Por tudo isto queria também eu ser uma Primavera excelsa e porque não celestial aos olhos de quem nunca teve ou sentiu uma Primavera.
    Victor Marques
primavera,despertar
marriegegirl Jul 2014
Ça a été une semaine de l'absurde jolis traits .mais puis-je vous laisser sur un petit secret ?Nous aurions enregistré un des meilleurs pour la fin.Judy Pak .Loli événements et Matthew Ree sont que quelques-uns des grands noms derrière ce printemps swoonfest .et vous pouvez visiter la galerie complète pour beaucoup.beaucoup plus .Vendredi heureux .mes enfants !xoxo\u003cp\u003ePartager cette superbe galerie ColorsSeasonsSpringSettingsGardenStylesRomantic de Lauren de Loli événements .Bien que brève .printemps à New York est toujours rajeunissant et passionnant .Tout semble plus lumineux .plus heureux et tout plein de vie .Ce tournage a capturé exactement cela avec une parfaite dose de glamour et de fantaisie .Les beaux motifs des jardins d'Old Westbury était une évidence comme toile de fond .Tout y est luxuriante .réfléchi et tout simplement magnifique .Notre objectif en tant que fournisseurs de mariage de luxe était de capturer une certaine beauté grave tout en s'amusant et profiter du moment .Il est si facile de se laisser prendre et d'oublier de faire une pause et de prendre dans votre environnement .Cette séance est consacrée à créer un peu d' esprit d'aventure et un besoin de juste prendre une profonde respiration lente .

Photographie : Judy Pak | Photographie : Matthew Ree | Floral Design : Tashi et Bobo | Robe : Jenny Packham | gâteau : Ana Parzych | Coiffeur : Seonghee Park | Bridal Boutique : Gabriella New York | Location de robe : petite robe empruntée |postiches : Emily Riggs | Maquillage : Seunghyn robes demoiselles d honneur Seo de KAKABOKA | Props / table : Caverne de coquelicots et Posies | Styling / Set de table design: Loli Evénements | mariage Lieu: Old Westbury Gardens

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Ne manquez pas les remises de cette semaine .

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Paul d'Aubin Apr 2014
Couchers  de Soleil sur la Comtale
ou un vaisseau sur la ville

Il est en Toulouse, le soir
comme un vaste vaisseau fantôme
Jetant sa proue sur le canal
et filant droit sur le cap Saint-Sernin,
c'est la Comtale en son écrin.
Comme une  enchanteresse de couleurs,
mêlée d'ocre du soir et d'orange soleil
peignant les voiles de ce vaisseau.

La luminosité en terrasse
en fait un bel observatoire
de la palette des nuages,
des jeux infinis du soleil
et des sourires de la lune
qui scintillent sur Saint Sernin,
font resplendir les grands grues
de l'ancienne Toulouse, réveillée de son sommeil.

Quand le vent d'autan  souffle fort,
comme un orchestre laissé seul
sans partition et sans baguette,
«La Comtale» frémit sous le choc
et ce noble vaisseau de pierres
voit ses terrasses dévastées,
par les outils de jardinage
et les plantes taillées menues.

Mais chère et haute nef, «La Comtale»,
tu n’es jamais toi-même que lorsque le soleil luit
et fait rougeoyer les briques ocres,
transforme tes terrasses en jardins étagées
à l’ombre des stores tirés
des plantes aromatiques et des cactées
qui parfument de menthe, de poivre et de miel
nos thés glacés et limonades sirotées avec joie.

Paul d’Aubin (Paul Arrighi), Toulouse
(02 avril 2014)
IL semblait grelotter, car la bise était dure.
C'était, sous un amas de rameaux sans verdure,
Une pauvre statue, au dos noir, au pied vert,
Un vieux faune isolé dans le vieux parc désert,
Qui, de son front penché touchant aux branches d'arbre,
Se perdait à mi-corps dans sa gaine de marbre.

Il était là, pensif, à la terre lié,
Et, comme toute chose immobile, - oublié !

Des arbres l'entouraient, fouettés d'un vent de glace,
Et comme lui vieillis à cette même place ;
Des marronniers géants, sans feuilles, sans oiseaux
Sous leurs tailles brouillés en ténébreux réseaux,
Pâle, il apparaissait, et la terre était brune.
Une âpre nuit d'hiver, sans étoile et sans lune,
Tombait à larges pans dans le brouillard diffus.
D'autres arbres plus **** croisaient leurs sombres fûts ;
Plus **** d'autre encore, estompés par l'espace,
Poussaient dans le ciel gris où le vent du soir passe
Mille petits rameaux noirs, tordus et mêlés,
Et se posaient partout, l'un par l'autre voilés,
Sur l'horizon, perdu dans les vapeurs informes,
Comme un grand troupeau roux de hérissons énormes.

Rien de plus. Ce vieux faune, un ciel morne, un bois noir.

Peut-être dans la brume au **** pouvait-on voir
Quelque longue terrasse aux verdâtres assises,
Ou, près d'un grand bassin, des nymphes indécises,
Honteuses à bon droit dans ce parc aboli,
Autrefois des regards, maintenant de l'oubli.

Le vieux faune riait. - Dans leurs ombres douteuses
Laissant le bassin triste et les nymphes honteuses,
Le vieux faune riait, c'est à lui que je vins ;
Ému, car sans pitié tous ces sculpteurs divins
Condamnent pour jamais, contents qu'on les admire,
Les nymphes à la honte et les faunes au rire.

Moi, j'ai toujours pitié du pauvre marbre obscur.
De l'homme moins souvent, parce qu'il est plus dur.

Et, sans froisser d'un mot son oreille blessée,
Car le marbre entend bien la voix de la pensée,
Je lui dis : - Vous étiez du beau siècle amoureux.
Sylvain, qu'avez-vous vu quand vous étiez heureux ?
Vous étiez de la cour ? Vous assistiez aux fêtes ?
C'est pour vous divertir que ces nymphes sont faites.
C'est pour vous, dans ces bois, que de savantes mains
Ont mêlé les dieux grecs et les césars romains,
Et, dans les claires eaux mirant les vases rares,
Tordu tout ce jardin en dédales bizarres.
Quand vous étiez heureux, qu'avez-vous vu, Sylvain ?
Contez-moi les secrets de ce passé trop vain,
De ce passé charmant, plein de flammes discrètes,
Où parmi les grands rois croissaient les grands poètes.
Que de frais souvenirs dont encor vous riez !
Parlez-moi, beau Sylvain, comme vous parleriez
A l'arbre, au vent qui souffle, à l'herbe non foulée.
D'un bout à l'autre bout de cette épaisse allée,
Avez-vous quelquefois, moqueur antique et grec,
Quand près de vous passait avec le beau Lautrec
Marguerite aux yeux doux, la reine béarnaise,
Lancé votre œil oblique à l'Hercule Farnèse ?
Seul sous votre antre vert de feuillage mouillé,
Ô Sylvain complaisant, avez-vous conseillé,
Vous tournant vers chacun du côté qui l'attire,
Racan comme berger, Regnier comme satyre ?
Avez-vous vu parfois, sur ce banc, vers midi,
Suer Vincent de Paul à façonner Gondi ?
Faune ! avez-vous suivi de ce regard étrange
Anne avec Buckingham, Louis avec Fontange,
Et se retournaient-ils, la rougeur sur le front,
En vous entendant rire au coin du bois profond ?
Étiez-vous consulté sur le thyrse ou le lierre,
Lorsqu'en un grand ballet de forme singulière
La cour du dieu Phœbus ou la cour du dieu Pan
Du nom d'Amaryllis enivraient Montespan ?
Fuyant des courtisans les oreilles de pierre,
La Fontaine vint-il, les pleurs dans la paupière,
De ses nymphes de Vaux vous conter les regrets ?
Que vous disait Boileau, que vous disait Segrais,
A vous, faune lettré qui jadis dans l'églogue
Aviez avec Virgile un charmant dialogue,
Et qui faisiez sauter, sur le gazon naissant,
Le lourd spondée au pas du dactyle dansant ?
Avez-vous vu jouer les beautés dans les herbes,
Chevreuse aux yeux noyés, Thiange aux airs superbes ?
Vous ont-elles parfois de leur groupe vermeil
Entouré follement, si bien que le soleil
Découpait tout à coup, en perçant quelque nue,
Votre profil lascif sur leur gorge ingénue ?
Votre arbre a-t-il reçu sous son abri serein
L'écarlate linceul du pâle Mazarin ?
Avez-vous eu l'honneur de voir rêver Molière ?
Vous a-t-il quelquefois, d'une voix familière,
Vous jetant brusquement un vers mélodieux,
Tutoyé, comme on fait entre les demi-dieux ?
En revenant un soir du fond des avenues,
Ce penseur, qui, voyant les âmes toutes nues,
Ne pouvait avoir peur de votre nudité,
À l'homme en son esprit vous a-t-il confronté ?
Et vous a-t-il trouvé, vous le spectre cynique,
Moins triste, moins méchant, moins froid, moins ironique,
Alors qu'il comparait, s'arrêtant en chemin,
Votre rire de marbre à notre rire humain ? -

Ainsi je lui parlais sous l'épaisse ramure.
Il ne répondit pas même par un murmure.
J'écoutais, incliné sur le marbre glacé,
Mais je n'entendis rien remuer du passé.
La blafarde lueur du jour qui se retire
Blanchissait vaguement l'immobile satyre,
Muet à ma parole et sourd à ma pitié.
À le voir là, sinistre, et sortant à moitié
De son fourreau noirci par l'humide feuillée,
On eût dit la poignée en torse ciselée
D'un vieux glaive rouillé qu'on laisse dans l'étui.

Je secouai la tête et m'éloignai de lui.
Alors des buissons noirs, des branches desséchées
Comme des sœurs en deuil sur sa tête penchées,
Et des antres secrets dispersés dans les bois,
Il me sembla soudain qu'il sortait une voix,
Qui dans mon âme obscure et vaguement sonore
Éveillait un écho comme au fond d'une amphore.

- Ô poète imprudent, que fais-tu ? laisse en paix
Les faunes délaissés sous les arbres épais !
Poète ! ignores-tu qu'il est toujours impie
D'aller, aux lieux déserts où dort l'ombre assoupie,
Secouer, par l'amour fussiez-vous entraînés,
Cette mousse qui pend aux siècles ruinés,
Et troubler, du vain bruit de vos voix indiscrètes,
Le souvenir des morts dans ses sombres retraites ! -

Alors dans les jardins sous la brume enfouis
Je m'enfonçai, rêvant aux jours évanouis,
Tandis que les rameaux s'emplissaient de mystère,
Et que derrière moi le faune solitaire,
Hiéroglyphe obscur d'un antique alphabet,
Continuait de rire à la nuit qui tombait.

J'allais, et contemplant d'un regard triste encore
Tous ces doux souvenirs, beauté, printemps, aurore,
Dans l'air et sous mes pieds épars, mêlés, flottants,
Feuilles de l'autre été, femmes de l'autre temps,
J'entrevoyais au ****, sous les branchages sombres,
Des marbres dans le bois, dans le passé des ombres !

Le 19 mars 1837.
Vauvenargues dit que dans les jardins publics il est des allées hantées principalement par l'ambition déçue, par les inventeurs malheureux, par les gloires avortées, par les cœurs brisés, par toutes ces âmes tumultueuses et fermées, en qui grondent encore les derniers soupirs d'un orage, et qui reculent **** du regard insolent des joyeux et des oisifs. Ces retraites ombreuses sont les rendez-vous des éclopés de la vie.

C'est surtout vers ces lieux que le poète et le philosophe aiment diriger leurs avides conjectures. Il y a là une pâture certaine. Car s'il est une place qu'ils dédaignent de visiter, comme je l'insinuais tout à l'heure, c'est surtout la joie des riches. Cette turbulence dans le vide n'a rien qui les attire. Au contraire, ils se sentent irrésistiblement entraînés vers tout ce qui est faible, ruiné, contristé, orphelin.

Un œil expérimenté ne s'y trompe jamais. Dans ces traits rigides ou abattus, dans ces yeux caves et ternes, ou brillants des derniers éclairs de la lutte, dans ces rides profondes et nombreuses, dans ces démarches si lentes ou si saccadées, il déchiffre tout de suite les innombrables légendes de l'amour trompé, du dévouement méconnu, des efforts non récompensés, de la faim et du froid humblement, silencieusement supportés.

Avez-vous quelquefois aperçu des veuves sur ces bancs solitaires, des veuves pauvres ? Qu'elles soient en deuil ou non, il est facile de les reconnaître. D'ailleurs il y a toujours dans le deuil du pauvre quelque chose qui manque, une absence d'harmonie qui le rend plus navrant. Il est contraint de lésiner sur sa douleur. Le riche porte la sienne au grand complet.

Quelle est la veuve la plus triste et la plus attristante, celle qui traîne à sa main un bambin avec qui elle ne peut pas partager sa rêverie, ou celle qui est tout à fait seule ? Je ne sais... Il m'est arrivé une fois de suivre pendant de longues heures une vieille affligée de cette espèce ; celle-là roide, droite, sous un petit châle usé, portait dans tout son être une fierté de stoïcienne.

Elle était évidemment condamnée, par une absolue solitude, à des habitudes de vieux célibataire, et le caractère masculin de ses mœurs ajoutait un piquant mystérieux à leur austérité. Je ne sais dans quel misérable café et de quelle façon elle déjeuna. Je la suivis au cabinet de lecture ; et je l'épiai longtemps pendant qu'elle cherchait dans les gazettes, avec des yeux actifs, jadis brûlés par les larmes, des nouvelles d'un intérêt puissant et personnel.

Enfin, dans l'après-midi, sous un ciel d'automne charmant, un de ces ciels d'où descendent en foule les regrets et les souvenirs, elle s'assit à l'écart dans un jardin, pour entendre, **** de la foule, un de ces concerts dont la musique des régiments gratifie le peuple parisien.

C'était sans doute là la petite débauche de cette vieille innocente (ou de cette vieille purifiée), la consolation bien gagnée d'une de ces lourdes journées sans ami, sans causerie, sans joie, sans confident, que Dieu laissait tomber sur elle, depuis bien des ans peut-être ! trois cent soixante-cinq fois par an.

Une autre encore :

Je ne puis jamais m'empêcher de jeter un regard, sinon universellement sympathique, au moins curieux, sur la foule de parias qui se pressent autour de l'enceinte d'un concert public. L'orchestre jette à travers la nuit des chants de fête, de triomphe ou de volupté. Les robes traînent en miroitant ; les regards se croisent ; les oisifs, fatigués de n'avoir rien fait, se dandinent, feignant de déguster indolemment la musique. Ici rien que de riche, d'heureux ; rien qui ne respire et n'inspire l'insouciance et le plaisir de se laisser vivre ; rien, excepté l'aspect de cette tourbe qui s'appuie là-bas sur la barrière extérieure, attrapant gratis, au gré du vent, un lambeau de musique, et regardant l'étincelante fournaise intérieure.

C'est toujours chose intéressante que ce reflet de la joie du riche au fond de l'œil du pauvre. Mais ce jour-là, à travers ce peuple vêtu de blouses et d'indienne, j'aperçus un être dont la noblesse faisait un éclatant contraste avec toute la trivialité environnante.

C'était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air, que je n'ai pas souvenir d'avoir vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beautés du passé. Un parfum de hautaine vertu émanait de toute sa personne. Son visage, triste et amaigri, était en parfaite accordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. Elle aussi, comme la plèbe à laquelle elle s'était mêlée et qu'elle ne voyait pas, elle regardait le monde lumineux avec un œil profond, et elle écoutait en hochant doucement la tête.

Singulière vision ! « À coup sûr, me dis-je, cette pauvreté-là, si pauvreté il y a, ne doit pas admettre l'économie sordide ; un si noble visage m'en répond. Pourquoi donc reste-t-elle volontairement dans un milieu où elle fait une tache si éclatante ? »

Mais en passant curieusement auprès d'elle, je crus en deviner la raison. La grande veuve tenait par la main un enfant comme elle vêtu de noir ; si modique que fût le prix d'entrée, ce prix suffisait peut-être pour payer un des besoins du petit être, mieux encore, une superfluité, un jouet.

Et elle sera rentrée à pied, méditant et rêvant, seule, toujours seule ; car l'enfant est turbulent, égoïste, sans douceur et sans patience ; et il ne peut même pas, comme le pur animal, comme le chien et le chat, servir de confident aux douleurs solitaires.
Victor Marques Dec 2012
Pétalas são berço para te embalar

Lindas flores com eternos odores,
Escrita em prosa e verso,
Amor dado em excesso,
Pétala no chão para teus amores.

Rebanhos sem dono,
As pétalas muitos vaidosas,
Jardins com cheiro do medronho,
Pétalas roxas e cheirosas.

Conchas e seus colares,
Pétalas para namorares,
Campos de pedras seculares,
Rosas de muitos altares.

Victor Marques
Paul d'Aubin Sep 2016
Automne, casque d'or

Tu flamboies dans l'azur
avec tes sous-bois d'or et de feuilles dorées.
On dirait que le phœnix est venu se mirer,
dans les bois colorés de de fauve, rouge et or.
Automne casque d'or, tu as belle vêture,
Comme un prince amoureux habillé pour sa belle.
Tes couleurs variées, comme des tapis d'orient,
Sont autant des myriades de poussières dorées.
Des pluies de feuilles rousses tournoient dans les jardins,
Qui sont comme une tunique chamarrée et de velours.
Les haies vertes de houx sont parsemées de rouge,
Eh toutes ces couleurs resplendissent en nos cœurs.
Automne, casque d'or tu changes notre ville,
Avec tes arbres en feu et tes tapis de feuille,
La rue est devenue un spectacle incessant
De feuilles qui tournoient et d'un sol jonché d’or.
Automne casque d'or, tu nous fais oublier,
les bleuets de l'été et les coquelicots rouges.
Car tes feuilles rousses, tes Camélias et tes Asters
Nous offrent une palette tellement bariolée.
Automne casque d'or; comment te reprocher.
Tes journées raccourcies, si ton couchant n'éveille,
En nos Esprits ces lueurs boréales,
Qui nous font chavirer sous ton horizon paré d'or et de vermeil.

Paul Arrighi
Alors le Seigneur fit descendre du ciel sur
Sodome et sur Gomorrhe une pluie de soufre et de feu.

25. Et il perdit ces villes avec tous leurs habitant,
Tout le pays à l'entour avec ceux qui l'habitaient,
Et tout ce qui avait quelque verdeur sur la terre.

Genèse.

I.

La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir ?
Tantôt pâle, tantôt rouge et splendide à voir,
Morne comme un été stérile ?
On croit voir à la fois, sur le vent de la nuit,
Fuir toute la fumée ardente et tout le bruit
De l'embrasement d'une ville.

D'où vient-elle ? des cieux, de la mer ou des monts ?
Est-ce le char de feu qui porte les démons
À quelque planète prochaine ?
Ô terreur ! de son sein, chaos mystérieux,
D'où vient que par moments un éclair furieux
Comme un long serpent se déchaîne ?

II.

La mer ! partout la mer ! des flots, des flots encor.
L'oiseau fatigue en vain son inégal essor.
Ici les flots, là-bas les ondes ;
Toujours des flots sans fin par des flots repoussés ;
L'œil ne voit que des flots dans l'abîme entassés
Rouler sous les vagues profondes.

Parfois de grands poissons, à fleur d'eau voyageant,
Font reluire au soleil leurs nageoires d'argent,
Ou l'azur de leurs larges queues.
La mer semble un troupeau secouant sa toison :
Mais un cercle d'airain ferme au **** l'horizon ;
Le ciel bleu se mêle aux eaux bleues.

- Faut-il sécher ces mers ? dit le nuage en feu.
- Non ! - Il reprit son vol sous le souffle de Dieu.

III.

Un golfe aux vertes collines
Se mirant dans le flot clair ! -
Des buffles, des javelines,
Et des chants joyeux dans l'air ! -
C'était la tente et la crèche,
La tribu qui chasse et pêche,
Qui vit libre, et dont la flèche
Jouterait avec l'éclair.

Pour ces errantes familles
Jamais l'air ne se corrompt.
Les enfants, les jeunes filles,
Les guerriers dansaient en rond,
Autour d'un feu sur la grève,
Que le vent courbe et relève,
Pareils aux esprits qu'en rêve
On voit tourner sur son front.

Les vierges aux seins d'ébène,
Belles comme les beaux soirs,
Riaient de se voir à peine
Dans le cuivre des miroirs ;
D'autres, joyeuses comme elles,
Faisaient jaillir des mamelles
De leurs dociles chamelles
Un lait blanc sous leurs doigts noirs.

Les hommes, les femmes nues
Se baignaient au gouffre amer. -
Ces peuplades inconnues,
Où passaient-elles hier ? -
La voix grêle des cymbales,
Qui fait hennir les cavales,
Se mêlait par intervalles
Aux bruits de la grande mer.

La nuée un moment hésita dans l'espace.
- Est-ce là ? - Nul ne sait qui lui répondit : - Passe !

IV.

L'Égypte ! - Elle étalait, toute blonde d'épis,
Ses champs, bariolés comme un riche tapis,
Plaines que des plaines prolongent ;
L'eau vaste et froide au nord, au sud le sable ardent
Se dispute l'Égypte : elle rit cependant
Entre ces deux mers qui la rongent.

Trois monts bâtis par l'homme au **** perçaient les cieux
D'un triple angle de marbre, et dérobaient aux yeux
Leurs bases de cendre inondées ;
Et de leur faîte aigu jusqu'aux sables dorés,
Allaient s'élargissant leurs monstrueux degrés,
Faits pour des pas de six coudées.

Un sphinx de granit rose, un dieu de marbre vert,
Les gardaient, sans qu'il fût vent de flamme au désert
Qui leur fît baisser la paupière.
Des vaisseaux au flanc large entraient dans un grand port.
Une ville géante, assise sur le bord,
Baignait dans l'eau ses pieds de pierre.

On entendait mugir le semoun meurtrier,
Et sur les cailloux blancs les écailles crier
Sous le ventre des crocodiles.
Les obélisques gris s'élançaient d'un seul jet.
Comme une peau de tigre, au couchant s'allongeait
Le Nil jaune, tacheté d'îles.

L'astre-roi se couchait. Calme, à l'abri du vent,
La mer réfléchissait ce globe d'or vivant,
Ce monde, âme et flambeau du nôtre ;
Et dans le ciel rougeâtre et dans les flots vermeils,
Comme deux rois amis, on voyait deux soleils
Venir au-devant l'un de l'autre.

- Où faut-il s'arrêter ? dit la nuée encor.
- Cherche ! dit une voix dont trembla le Thabor.

V.

Du sable, puis du sable !
Le désert ! noir chaos
Toujours inépuisable
En monstres, en fléaux !
Ici rien ne s'arrête.
Ces monts à jaune crête,
Quand souffle la tempête,
Roulent comme des flots !

Parfois, de bruits profanes
Troublant ce lieu sacré,
Passent les caravanes
D'Ophir ou de Membré.
L'œil de **** suit leur foule,
Qui sur l'ardente houle
Ondule et se déroule
Comme un serpent marbré.

Ces solitudes mornes,
Ces déserts sont à Dieu :
Lui seul en sait les bornes,
En marque le milieu.
Toujours plane une brume
Sur cette mer qui fume,
Et jette pour écume
Une cendre de feu.

- Faut-il changer en lac ce désert ? dit la nue.
- Plus **** ! dit l'autre voix du fond des cieux venue.

VI.

Comme un énorme écueil sur les vagues dressé,
Comme un amas de tours, vaste et bouleversé,
Voici Babel, déserte et sombre.
Du néant des mortels prodigieux témoin,
Aux rayons de la lune, elle couvrait au ****
Quatre montagnes de son ombre.

L'édifice écroulé plongeait aux lieux profonds.
Les ouragans captifs sous ses larges plafonds
Jetaient une étrange harmonie.
Le genre humain jadis bourdonnait à l'entour,
Et sur le globe entier Babel devait un jour
Asseoir sa spirale infinie.

Ses escaliers devaient monter jusqu'au zénith.
Chacun des plus grands monts à ses flancs de granit
N'avait pu fournir qu'une dalle.
Et des sommets nouveaux d'autres sommets chargés
Sans cesse surgissaient aux yeux découragés
Sur sa tête pyramidale.

Les boas monstrueux, les crocodiles verts,
Moindres que des lézards sur ses murs entrouverts,
Glissaient parmi les blocs superbes ;
Et, colosses perdus dans ses larges contours,
Les palmiers chevelus, pendant au front des tours,
Semblaient d'en bas des touffes d'herbes.

Des éléphants passaient aux fentes de ses murs ;
Une forêt croissait sous ses piliers obscurs
Multipliés par la démence ;
Des essaims d'aigles roux et de vautours géants
Jour et nuit tournoyaient à ses porches béants,
Comme autour d'une ruche immense.

- Faut-il l'achever ? dit la nuée en courroux. -
Marche ! - Seigneur, dit-elle, où donc m'emportez-vous ?

VII.

Voilà que deux cités, étranges, inconnues,
Et d'étage en étage escaladant les nues,
Apparaissent, dormant dans la brume des nuits,
Avec leurs dieux, leur peuple, et leurs chars, et leurs bruits.
Dans le même vallon c'étaient deux sœurs couchées.
L'ombre baignait leurs tours par la lune ébauchées ;
Puis l'œil entrevoyait, dans le chaos confus,
Aqueducs, escaliers, piliers aux larges fûts,
Chapiteaux évasés ; puis un groupe difforme
D'éléphants de granit portant un dôme énorme ;
Des colosses debout, regardant autour d'eux
Ramper des monstres nés d'accouplements hideux ;
Des jardins suspendus, pleins de fleurs et d'arcades,
Où la lune jetait son écharpe aux cascades ;
Des temples où siégeaient sur de riches carreaux
Cent idoles de jaspe à têtes de taureaux ;
Des plafonds d'un seul bloc couvrant de vastes salles,
Où, sans jamais lever leurs têtes colossales,
Veillaient, assis en cercle, et se regardant tous,
Des dieux d'airain, posant leurs mains sur leurs genoux.
Ces rampes, ces palais, ces sombres avenues
Où partout surgissaient des formes inconnues,
Ces ponts, ces aqueducs, ces arcs, ces rondes tours,
Effrayaient l'œil perdu dans leurs profonds détours ;
On voyait dans les cieux, avec leurs larges ombres,
Monter comme des caps ces édifices sombres,
Immense entassement de ténèbres voilé !
Le ciel à l'horizon scintillait étoilé,
Et, sous les mille arceaux du vaste promontoire,
Brillait comme à travers une dentelle noire.

Ah ! villes de l'enfer, folles dans leurs désirs !
Là, chaque heure inventait de monstrueux plaisirs,
Chaque toit recelait quelque mystère immonde,
Et, comme un double ulcère, elles souillaient le monde.

Tout dormait cependant : au front des deux cités,
À peine encor glissaient quelques pâles clartés,
Lampes de la débauche, en naissant disparues,
Derniers feux des festins oubliés dans les rues,
De grands angles de murs, par la lune blanchis,
Coupaient l'ombre, ou tremblaient dans une eau réfléchis.
Peut-être on entendait vaguement dans les plaines
S'étouffer des baisers, se mêler des haleines,
Et les deux villes surs, lasses des feux du jour,
Murmurer mollement d'une étreinte d'amour !

Et le vent, soupirant sous le frais sycomore,
Allait tout parfumé de Sodome à Gomorrhe.
C'est alors que passa le nuage noirci,
Et que la voix d'en haut lui cria : - C'est ici !

VIII.

La nuée éclate !
La flamme écarlate
Déchire ses flancs,
L'ouvre comme un gouffre,
Tombe en flots de soufre
Aux palais croulants,
Et jette, tremblante,
Sa lueur sanglante
Sur leurs frontons blancs !

Gomorrhe ! Sodome !
De quel brûlant dôme
Vos murs sont couverts !
L'ardente nuée
Sur vous s'est ruée,
Ô peuples pervers !
Et ses larges gueules
Sur vos têtes seules
Soufflent leurs éclairs !

Ce peuple s'éveille,
Qui dormait la veille
Sans penser à Dieu.
Les grands palais croulent ;
Mille chars qui roulent
Heurtent leur essieu ;
Et la foule accrue,
Trouve en chaque rue
Un fleuve de feu.

Sur ces tours altières,
Colosses de pierres
Trop mal affermis,
Abondent dans l'ombre
Des mourants sans nombre
Encore endormis.
Sur des murs qui pendent
Ainsi se répandent
De noires fourmis !

Se peut-il qu'on fuie
Sous l'horrible pluie ?
Tout périt, hélas !
Le feu qui foudroie
Bat les ponts qu'il broie,
Crève les toits plats,
Roule, tombe, et brise
Sur la dalle grise
Ses rouges éclats !

Sous chaque étincelle
Grossit et ruisselle
Le feu souverain.
Vermeil et limpide,
Il court plus rapide
Qu'un cheval sans frein ;
Et l'idole infâme,
Croulant dans la flamme,
Tord ses bras d'airain !

Il gronde, il ondule,
Du peuple incrédule
Bat les tours d'argent ;
Son flot vert et rose,
Que le soufre arrose,
Fait, en les rongeant,
Luire les murailles
Comme les écailles
D'un lézard changeant.

Il fond comme cire
Agate, porphyre,
Pierres du tombeau,
Ploie, ainsi qu'un arbre,
Le géant de marbre
Qu'ils nommaient Nabo,
Et chaque colonne
Brûle et tourbillonne
Comme un grand flambeau.

En vain quelques mages
Portent les images
Des dieux du haut lieu ;
En vain leur roi penche
Sa tunique blanche
Sur le soufre bleu ;
Le flot qu'il contemple
Emporte leur temple
Dans ses plis de feu !

Plus **** il charrie
Un palais, où crie
Un peuple à l'étroit ;
L'onde incendiaire
Mord l'îlot de pierre
Qui fume et décroît,
Flotte à sa surface,
Puis fond et s'efface
Comme un glaçon froid !

Le grand-prêtre arrive
Sur l'ardente rive
D'où le reste a fui.
Soudain sa tiare
Prend feu comme un phare,
Et pâle, ébloui,
Sa main qui l'arrache
À son front s'attache,
Et brûle avec lui.

Le peuple, hommes, femmes,
Court... Partout les flammes
Aveuglent les yeux ;
Des deux villes mortes
Assiégeant les portes
À flots furieux,
La foule maudite
Croit voir, interdite,
L'enfer dans les cieux !

IX.

On dit qu'alors, ainsi que pour voir un supplice
Un vieux captif se dresse aux murs de sa prison,
On vit de **** Babel, leur fatale complice,
Regarder par-dessus les monts de l'horizon.

On entendit, durant cet étrange mystère,
Un grand bruit qui remplit le monde épouvanté,
Si profond qu'il troubla, dans leur morne cité,
Jusqu'à ces peuples sourds qui vivent sous la terre.

X.

Le feu fut sans pitié ! Pas un des condamnés
Ne put fuir de ces murs brûlant et calcinés.
Pourtant, ils levaient leurs mains viles,
Et ceux qui s'embrassaient dans un dernier adieu,
Terrassés, éblouis, se demandaient quel dieu
Versait un volcan sur leurs villes.

Contre le feu vivant, contre le feu divin,
De larges toits de marbre ils s'abritaient en vain.
Dieu sait atteindre qui le brave.
Ils invoquaient leurs dieux ; mais le feu qui punit
Frappait ces dieux muets dont les yeux de granit
Soudain fondaient en pleurs de lave !

Ainsi tout disparut sous le noir tourbillon,
L'homme avec la cité, l'herbe avec le sillon !
Dieu brûla ces mornes campagnes ;
Rien ne resta debout de ce peuple détruit,
Et le vent inconnu qui souffla cette nuit
Changea la forme des montagnes.

XI.

Aujourd'hui le palmier qui croît sur le rocher
Sent sa feuille jaunie et sa tige sécher
À cet air qui brûle et qui pèse.
Ces villes ne sont plus ; et, miroir du passé,
Sur leurs débris éteints s'étend un lac glacé,
Qui fume comme une fournaise !

Octobre 1828.
Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses

Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthère
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amère
Qui a rebuté nos destins

Ses regards laissaient une traîne
D'étoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirènes
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fées marraines

Mais en vérité je l'attends
Avec mon cœur avec mon âme
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais revient cette femme
Je lui dirai Je suis content

Mon cœur et ma tête se vident
Tout le ciel s'écoule par eux
Ô mes tonneaux des Danaïdes
Comment faire pour être heureux
Comme un petit enfant candide

Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
Ô marguerite exfoliée
Mon île au **** ma Désirade
Ma rose mon giroflier

Les satyres et les pyraustes
Les égypans les feux follets
Et les destins damnés ou faustes
La corde au cou comme à Calais
Sur ma douleur quel holocauste

Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps incertain
Te fuient ô bûcher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin

Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire
Tes prêtres fous t'ont-ils paré
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleuré
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire

Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
Ô mon ombre ô mon vieux serpent

Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai menée souviens t'en bien
Ténébreuse épouse que j'aime
Tu es à moi en n'étant rien
Ô mon ombre en deuil de moi-même

L'hiver est mort tout enneigé
On a brûlé les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l'avril léger

Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides

Et moi j'ai le cœur aussi gros
Qu'un cul de dame damascène
Ô mon amour je t'aimais trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept épées hors du fourreau

Sept épées de mélancolie
Sans morfil ô claires douleurs
Sont dans mon cœur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie.
À M. Léon Bailby.


Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l'air
À la limite où notre sol brille déjà
Baisse ta deuxième paupière la terre t'éblouit
Quand tu lèves la tête

Et moi aussi de près je suis sombre et terne
Une brume qui vient d'obscurcir les lanternes
Une main qui tout à coup se pose devant les yeux
Une voûte entre vous et toutes les lumières
Et je m'éloignerai m'illuminant au milieu d'ombres
Et d'alignements d'yeux des astres bien-aimés

Oiseau tranquille au vol inverse oiseau
Qui nidifie en l'air
À la limite où brille déjà ma mémoire
Baisse ta deuxième paupière
Ni à cause du soleil ni à cause de la terre
Mais pour ce feu oblong dont l'intensité ira s'augmentant
Au point qu'il deviendra un jour l'unique lumière
Un jour
Un jour je m'attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Pour que je sache enfin celui-là que je suis
Moi qui connais les autres
Je les connais par les cinq sens et quelques autres
Il me suffit de voir leurs pieds pour pouvoir refaire ces gens à milliers
De voir leurs pieds paniques un seul de leurs cheveux
Ou leur langue quand il me plaît de faire le médecin
Ou leurs enfants quand il me plaît de faire le prophète
Les vaisseaux des armateurs la plume de mes confrères
La monnaie des aveugles les mains des muets
Ou bien encore à cause du vocabulaire et non de l'écriture
Une lettre écrite par ceux qui ont plus de vingt ans
Il me suffit de sentir l'odeur de leurs églises
L'odeur des fleuves dans leurs villes
Le parfum des fleurs dans les jardins publics
Ô Corneille Agrippa l'odeur d'un petit chien m'eût suffi
Pour décrire exactement tes concitoyens de Cologne
Leurs rois-mages et la ribambelle ursuline
Qui t'inspirait l'erreur touchant toutes les femmes
Il me suffit de goûter la saveur du laurier qu'on cultive pour que j'aime ou que je bafoue
Et de toucher les vêtements
Pour ne pas douter si l'on est frileux ou non
Ô gens que je connais
Il me suffit d'entendre le bruit de leurs pas
Pour pouvoir indiquer à jamais la direction qu'ils ont prise
Il me suffit de tous ceux-là pour me croire le droit
De ressusciter les autres
Un jour je m'attendais moi-même
Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes
Et d'un lyrique pas s'avançaient ceux que j'aime
Parmi lesquels je n'étais pas
Les géants couverts d'algues passaient dans leurs villes
Sous-marines où les tours seules étaient des îles
Et cette mer avec les clartés de ses profondeurs
Coulait sang de mes veines et fait battre mon cœur
Puis sur terre il venait mille peuplades blanches
Dont chaque homme tenait une rose à la main
Et le langage qu'ils inventaient en chemin
Je l'appris de leur bouche et je le parle encore
Le cortège passait et j'y cherchais mon corps
Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même
On me bâtit peu à peu comme on élève une tour
Les peuples s'entassaient et je parus moi-même
Qu'ont formé tous les corps et les choses humaines

Temps passés Trépassés Les dieux qui me formâtes
Je ne vis que passant ainsi que vous passâtes
Et détournant mes yeux de ce vide avenir
En moi-même je vois tout le passé grandir

Rien n'est mort que ce qui n'existe pas encore
Près du passé luisant demain est incolore
Il est informe aussi près de ce qui parfait
Présente tout ensemble et l'effort et l'effet.
Comme on voit sur la branche au mois de may la rose,
En sa belle jeunesse, en sa premiere fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au poinct du jour l'arrose ;


La grace dans sa feuille, et l'amour se repose,
Embasmant les jardins et les arbres d'odeur ;
Mais batue ou de pluye, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle meurt, fueille à fueille déclose.


Ainsi en ta premiere et jeune nouveauté,
Quand la Terre et le Ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuee, et cendre tu reposes.


Pour obseques reçoy mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
Comme on voit sur la branche, au mois de Mai, la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le Ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube, de ses pleurs, au point du jour, l'arrose :

La Grâce dans sa feuille, et l'Amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur :
Mais battue ou de pluie ou d'excessive ardeur,
Languissante, elle meurt feuille à feuille déclose.

Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le Ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tué, et cendre tu reposes.

Pour obsèques reçoit mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.

Il est doux, à travers les brumes, de voir naître
L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre,
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
L'Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D'évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.
Ainda sou ontem um espasmo em flores abundantes
Sou voz em noite no silêncio limite
Sou ser em curvas para o infinito de vermelhas luxúrias
Sou visão balbuciante & gritos
                                             Fugas
                                             Devaneios
Ainda sou sempre no espaço presente
Sou micro-vácuo buscando a partida precipitada do fim
Sou andarilho descalço nos jardins do horizonte
Sou emanação do abscôndito mítico mistério
                                                                  Sou longe
                                                                   Limite
                                                                   Extremo
Ainda sou hoje febre poética do fogo
Sou raiz aquém do líquen ardoso
Sou litígio pecado & asas sem ar
Sou brilho abstrato & ser viagem às sombras platônicas
                                                                                 Símbolo
                                                                                 Signo
                                                                                 Mito
Ainda sou ontem um vôo futuro
Sou vício perdido em tormentos astrais
Sou real transcendência entregue à musa
Sou consciência da angústia do (eterno) re-torno
                                                                         Re-nascimento
                                                                         Trans-lúcido
“...& em tudo há profecia se sou eterno”
Jeune homme ! je te plains ; et cependant j'admire
Ton grand parc enchanté qui semble nous sourire,
Qui fait, vu de ton seuil, le tour de l'horizon,
Grave ou joyeux suivant le jour et la saison,  
Coupé d'herbe et d'eau vive, et remplissant huit lieues
De ses vagues massifs et de ses ombres bleues.
J'admire ton domaine, et pourtant je te plains !
Car dans ces bois touffus de tant de grandeur pleins,
Où le printemps épanche un faste sans mesure,
Quelle plus misérable et plus pauvre masure
Qu'un homme usé, flétri, mort pour l'illusion,
Riche et sans volupté, jeune et sans passion,  
Dont le coeur délabré, dans ses recoins livides,
N'a plus qu'un triste amas d'anciennes coupes vides,  
Vases brisés qui n'ont rien gardé que l'ennui,
Et d'où l'amour, la joie et la candeur ont fui !

Oui, tu me fais pitié, toi qui crois faire envie !
Ce splendide séjour sur ton coeur, sur ta vie,
Jette une ombre ironique, et rit en écrasant
Ton front terne et chétif d'un cadre éblouissant.

Dis-moi, crois-tu, vraiment posséder ce royaume
D'ombre et de fleurs, où l'arbre arrondi comme un dôme,
L'étang, lame d'argent que le couchant fait d'or,
L'allée entrant au bois comme un noir corridor,
Et là, sur la forêt, ce mont qu'une tour garde,
Font un groupe si beau pour l'âme qui regarde !
Lieu sacré pour qui sait dans l'immense univers,
Dans les prés, dans les eaux et dans les vallons verts,
Retrouver les profils de la face éternelle
Dont le visage humain n'est qu'une ombre charnelle !

Que fais-tu donc ici ? Jamais on ne te voit,
Quand le matin blanchit l'angle ardoisé du toit,
Sortir, songer, cueillir la fleur, coupe irisée
Que la plante à l'oiseau tend pleine de rosée,
Et parfois t'arrêter, laissant pendre à ta main
Un livre interrompu, debout sur le chemin,
Quand le bruit du vent coupe en strophes incertaines
Cette longue chanson qui coule des fontaines.

Jamais tu n'as suivi de sommets en sommets
La ligne des coteaux qui fait rêve ; jamais
Tu n'as joui de voir, sur l'eau qui reflète,
Quelque saule noueux tordu comme un athlète.
Jamais, sévère esprit au mystère attaché,
Tu n'as questionné le vieux orme penché
Qui regarde à ses pieds toute la pleine vivre
Comme un sage qui rêve attentif à son livre.

L'été, lorsque le jour est par midi frappé,
Lorsque la lassitude a tout enveloppé,
A l'heure où l'andalouse et l'oiseau font la sieste,
Jamais le faon peureux, tapi dans l'antre agreste,
Ne te vois, à pas lents, **** de l'homme importun,
Grave, et comme ayant peur de réveiller quelqu'un,
Errer dans les forêts ténébreuses et douces
Où le silence dort sur le velours des mousses.

Que te fais tout cela ? Les nuages des cieux,
La verdure et l'azur sont l'ennui de tes yeux.
Tu n'est pas de ces fous qui vont, et qui s'en vantent,
Tendant partout l'oreille aux voix qui partout chantent,
Rendant au Seigneur d'avoir fait le printemps,
Qui ramasse un nid, ou contemple longtemps
Quelque noir champignon, monstre étrange de l'herbe.
Toi, comme un sac d'argent, tu vois passer la gerbe.
Ta futaie, en avril, sous ses bras plus nombreux
A l'air de réclamer bien des pas amoureux,
Bien des coeurs soupirants, bien des têtes pensives ;

Toi qui jouis aussi sous ses branches massives,
Tu songes, calculant le taillis qui s'accroît,
Que Paris, ce vieillard qui, l'hiver, a si froid,
Attend, sous ses vieux quais percés de rampes neuves,
Ces longs serpents de bois qui descendent les fleuves !
Ton regard voit, tandis que ton oeil flotte au ****,
Les blés d'or en farine et la prairie en foin ;
Pour toi le laboureur est un rustre qu'on paie ;
Pour toi toute fumée ondulant, noire ou gaie,
Sur le clair paysage, est un foyer impur
Où l'on cuit quelque viande à l'angle d'un vieux mur.
Quand le soir tend le ciel de ses moires ardentes
Au dos d'un fort cheval assis, jambes pendantes,
Quand les bouviers hâlés, de leur bras vigoureux
Pique tes boeufs géants qui par le chemin creux
Se hâtent pêle-mêle et s'en vont à la crèche,
Toi, devant ce tableau tu rêves à la brèche
Qu'il faudra réparer, en vendant tes silos,
Dans ta rente qui tremble aux pas de don Carlos !

Au crépuscule, après un long jour monotone,
Tu t'enfermes chez toi. Les tièdes nuits d'automne
Versent leur chaste haleine aux coteaux veloutés.
Tu n'en sais rien. D'ailleurs, qu'importe ! A tes côtés,
Belles, leur bruns cheveux appliqués sur les tempes,
Fronts roses empourprés par le reflet des lampes,
Des femmes aux yeux purs sont assises, formant
Un cercle frais qui borde et cause doucement ;
Toutes, dans leurs discours où rien n'ose apparaître,
Cachant leurs voeux, leur âmes et leur coeur que peut-être
Embaume un vague amour, fleur qu'on ne cueille pas,
Parfum qu'on sentirait en se baissant tout bas.
Tu n'en sais rien. Tu fais, parmi ces élégies,
Tomber ton froid sourire, où, sous quatre bougies,
D'autres hommes et toi, dans un coin attablés
Autour d'un tapis vert, bruyants, vous querellez
Les caprices du whist, du brelan ou de l'hombre.
La fenêtre est pourtant pleine de lune et d'ombre !

Ô risible insensé ! vraiment, je te le dis,
Cette terre, ces prés, ces vallons arrondis,
Nids de feuilles et d'herbe où jasent les villages,
Ces blés où les moineaux ont leurs joyeux pillages,
Ces champs qui, l'hiver même, ont d'austères appas,
Ne t'appartiennent point : tu ne les comprends pas.

Vois-tu, tous les passants, les enfants, les poètes,
Sur qui ton bois répand ses ombres inquiètes,
Le pauvre jeune peintre épris de ciel et d'air,
L'amant plein d'un seul nom, le sage au coeur amer,
Qui viennent rafraîchir dans cette solitude,
Hélas ! l'un son amour et l'autre son étude,
Tous ceux qui, savourant la beauté de ce lieu,
Aiment, en quittant l'homme, à s'approcher de Dieu,
Et qui, laissant ici le bruit vague et morose
Des troubles de leur âme, y prennent quelque chose
De l'immense repos de la création,
Tous ces hommes, sans or et sans ambition,
Et dont le pied poudreux ou tout mouillé par l'herbe
Te fait rire emporté par ton landau superbe,
Sont dans ce parc touffu, que tu crois sous ta loi,
Plus riches, plus chez eux, plus les maîtres que toi,
Quoique de leur forêt que ta main grille et mure
Tu puisses couper l'ombre et vendre le murmure !

Pour eux rien n'est stérile en ces asiles frais.
Pour qui les sait cueillir tout a des dons secrets.
De partout sort un flot de sagesse abondante.
L'esprit qu'a déserté la passion grondante,
Médite à l'arbre mort, aux débris du vieux pont.
Tout objet dont le bois se compose répond
A quelque objet pareil dans la forêt de l'âme.
Un feu de pâtre éteint parle à l'amour en flamme.
Tout donne des conseils au penseur, jeune ou vieux.
On se pique aux chardons ainsi qu'aux envieux ;
La feuille invite à croître ; et l'onde, en coulant vite,
Avertit qu'on se hâte et que l'heure nous quitte.
Pour eux rien n'est muet, rien n'est froid, rien n'est mort.
Un peu de plume en sang leur éveille un remord ;
Les sources sont des pleurs ; la fleur qui boit aux fleuves,
Leur dit : Souvenez-vous, ô pauvres âmes veuves !

Pour eux l'antre profond cache un songe étoilé ;
Et la nuit, sous l'azur d'un beau ciel constellé,
L'arbre sur ses rameaux, comme à travers ses branches,
Leur montre l'astre d'or et les colombes blanches,
Choses douces aux coeurs par le malheur ployés,
Car l'oiseau dit : Aimez ! et l'étoile : Croyez !

Voilà ce que chez toi verse aux âmes souffrantes
La chaste obscurité des branches murmurantes !
Mais toi, qu'en fais tu ? dis. - Tous les ans, en flots d'or,
Ce murmure, cette ombre, ineffable trésor,
Ces bruits de vent qui joue et d'arbre qui tressaille,
Vont s'enfouir au fond de ton coffre qui bâille ;
Et tu changes ces bois où l'amour s'enivra,
Toute cette nature, en loge à l'opéra !

Encor si la musique arrivait à ton âme !
Mais entre l'art et toi l'or met son mur infâme.
L'esprit qui comprend l'art comprend le reste aussi.
Tu vas donc dormir là ! sans te douter qu'ainsi
Que tous ces verts trésors que dévore ta bourse,
Gluck est une forêt et Mozart une source.

Tu dors ; et quand parfois la mode, en souriant,
Te dit : Admire, riche ! alors, joyeux, criant,
Tu surgis, demandant comment l'auteur se nomme,
Pourvu que toutefois la muse soit un homme !
Car tu te roidiras dans ton étrange orgueil
Si l'on t'apporte, un soir, quelque musique en deuil,
Urne que la pensée a chauffée à sa flamme,
Beau vase où s'est versé tout le coeur d'une femme.

Ô seigneur malvenu de ce superbe lieu !
Caillou vil incrusté dans ces rubis en feu !
Maître pour qui ces champs sont pleins de sourdes haines !
Gui parasite enflé de la sève des chênes !
Pauvre riche ! - Vis donc, puisque cela pour toi
C'est vivre. Vis sans coeur, sans pensée et sans foi.
Vis pour l'or, chose vile, et l'orgueil, chose vaine.
Végète, toi qui n'as que du sang dans la veine,
Toi qui ne sens pas Dieu frémir dans le roseau,
Regarder dans l'aurore et chanter dans l'oiseau !

Car, - et bien que tu sois celui qui rit aux belles
Et, le soir, se récrie aux romances nouvelles, -
Dans les coteaux penchants où fument les hameaux,
Près des lacs, près des fleurs, sous les larges rameaux,
Dans tes propres jardins, tu vas aussi stupide,
Aussi peu clairvoyant dans ton instinct cupide,
Aussi sourd à la vie à l'harmonie, aux voix,
Qu'un loup sauvage errant au milieu des grands bois !

Le 22 mai 1837.
Rui Serra Mar 2014
Permaneço hoje aqui
nesta promíscua cabana
onde tu e eu nascemos
Existe um objectivo
meta final, fim
O FIM
Praia ofuscante
noite
alimentação sistemática
do desregramento de todos os sentidos
Modificadores de consciência
levam-te pela estrada de coral
até ao palácio da sabedoria
Aí vive O Rei
Homenzinhos de fatinho escarlate
acampam
nos teus jardins privativos
em frente à tua mansão
Sais porta fora, pelos fundos
Criados vestidos de madrepérola
fazem-te vénias ao passar
Um sonho, acordas, é dia.
À Madame Desloges, née Leurs.

Dans l'enclos d'un jardin gardé par l'innocence
J'ai vu naître vos fleurs avant votre naissance,
Beau jardin, si rempli d'oeillets et de lilas
Que de le regarder on n'était jamais las.

En me haussant au mur dans les bras de mon frère
Que de fois j'ai passé mes bras par la barrière
Pour atteindre un rameau de ces calmes séjours
Qui souple s'avançait et s'enfuyait toujours !
Que de fois, suspendus aux frêles palissades,
Nous avons savouré leurs molles embrassades,
Quand nous allions chercher pour le repos du soir
Notre lait à la cense, et longtemps nous asseoir
Sous ces rideaux mouvants qui bordaient la ruelle !
Hélas ! qu'aux plaisirs purs la mémoire est fidèle !
Errant dans les parfums de tous ces arbres verts,
Plongeant nos fronts hardis sous leurs flancs entr'ouverts,
Nous faisions les doux yeux aux roses embaumées
Qui nous le rendaient bien, contentes d'être aimées !
Nos longs chuchotements entendus sans nous voir,
Nos rires étouffés pleins d'audace et d'espoir
Attirèrent un jour le père de famille
Dont l'aspect, tout d'un coup, surmonta la charmille,
Tandis qu'un tronc noueux me barrant le chemin
M'arrêta par la manche et fit saigner ma main.

Votre père eut pitié... C'était bien votre père !
On l'eût pris pour un roi dans la saison prospère...
Et nous ne partions pas à sa voix sans courroux :
Il nous chassait en vain, l'accent était si doux !
En écoutant souffler nos rapides haleines,
En voyant nos yeux clairs comme l'eau des fontaines,
Il nous jeta des fleurs pour hâter notre essor ;
Et nous d'oser crier : « Nous reviendrons encor ! »

Quand on lavait du seuil la pierre large et lisse
Où dans nos jeux flamands l'osselet roule et glisse,
En rond, silencieux, penchés sur leurs genoux,
D'autres enfants jouaient enhardis comme nous ;
Puis, poussant à la fois leurs grands cris de cigales
Ils jetaient pour adieux des clameurs sans égales,
Si bien qu'apparaissant tout rouges de courroux
De vieux fâchés criaient : « Serpents ! vous tairez-vous ! »
Quelle peur ! ... Jamais plus n'irai-je à cette porte
Où je ne sais quel vent par force me remporte ?
Quoi donc ! quoi ! jamais plus ne voudra-t-il de moi
Ce pays qui m'appelle et qui s'enfuit ? ... Pourquoi ?

Alors les blonds essaims de jeunes Albertines,
Qui hantent dans l'été nos fermes citadines,
Venaient tourner leur danse et cadencer leurs pas
Devant le beau jardin qui ne se fermait pas.
C'était la seule porte incessamment ouverte,
Inondant le pavé d'ombre ou de clarté verte,
Selon que du soleil les rayons ruisselants
Passaient ou s'arrêtaient aux feuillages tremblants.
On eût dit qu'invisible une indulgente fée
Dilatait d'un soupir la ruelle étouffée,
Quand les autres jardins enfermés de hauts murs
Gardaient sous les verroux leur ombre et leurs fruits mûrs.
Tant pis pour le passant ! À moins qu'en cette allée,
Élevant vers le ciel sa tête échevelée,
Quelque arbre, de l'enclos habitant curieux,
Ne franchît son rempart d'un front libre et joyeux.

On ne saura jamais les milliers d'hirondelles
Revenant sous nos toits chercher à tire d'ailes
Les coins, les nids, les fleurs et le feu de l'été,
Apportant en échange un goût de liberté.
Entendra qui pourra sans songer aux voyages
Ce qui faisait frémir nos ailes sans plumages,
Ces fanfares dans l'air, ces rendez-vous épars
Qui s'appelaient au **** : « Venez-vous ? Moi, je pars ! »

C'est là que votre vie ayant été semée
Vous alliez apparaître et charmante et charmée,
C'est là que préparée à d'innocents liens
J'accourais... Regardez comme je m'en souviens !

Et les petits voisins amoureux d'ombre fraîche
N'eurent pas sitôt vu, comme au fond d'une crèche,
Un enfant rose et nu plus beau qu'un autre enfant,
Qu'ils se dirent entre eux : « Est-ce un Jésus vivant ? »

C'était vous ! D'aucuns noeuds vos mains n'étaient liées,
Vos petits pieds dormaient sur les branches pliées,
Toute libre dans l'air où coulait le soleil,
Un rameau sous le ciel berçait votre sommeil,
Puis, le soir, on voyait d'une femme étoilée
L'abondante mamelle à vos lèvres collée,
Et partout se lisait dans ce tableau charmant
De vos jours couronnés le doux pressentiment.

De parfums, d'air sonore incessamment baisée,
Comment n'auriez-vous pas été poétisée ?
Que l'on s'étonne donc de votre amour des fleurs !
Vos moindres souvenirs nagent dans leurs couleurs,
Vous en viviez, c'étaient vos rimes et vos proses :
Nul enfant n'a jamais marché sur tant de roses !

Mon Dieu ! S'il n'en doit plus poindre au bord de mes jours,
Que sur ma soeur de Flandre il en pleuve toujours !
I


Las de ce calme plat où d'avance fanées,

Comme une eau qui s'endort, croupissent nos années ;

Las d'étouffer ma vie en un salon étroit,

Avec de jeunes fats et des femmes frivoles,

Echangeant sans profit de banales paroles ;

Las de toucher toujours mon horizon du doigt.


Pour me refaire au grand et me rélargir l'âme,

Ton livre dans ma poche, aux tours de Notre-Dame ;

Je suis allé souvent, Victor,

A huit heures, l'été, quand le soleil se couche,

Et que son disque fauve, au bord des toits qu'il touche,

Flotte comme un gros ballon d'or.


Tout chatoie et reluit ; le peintre et le poète

Trouvent là des couleurs pour charger leur palette,

Et des tableaux ardents à vous brûler les yeux ;

Ce ne sont que saphirs, cornalines, opales,

Tons à faire trouver Rubens et Titien pâles ;

Ithuriel répand son écrin dans les cieux.


Cathédrales de brume aux arches fantastiques ;

Montagnes de vapeurs, colonnades, portiques,

Par la glace de l'eau doublés,

La brise qui s'en joue et déchire leurs franges,

Imprime, en les roulant, mille formes étranges

Aux nuages échevelés.


Comme, pour son bonsoir, d'une plus riche teinte,

Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte,

Ébauchée à grands traits à l'horizon de feu ;

Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre,

Semblent les deux grands bras que la ville en prière,

Avant de s'endormir, élève vers son Dieu.


Ainsi que sa patronne, à sa tête gothique,

La vieille église attache une gloire mystique

Faite avec les splendeurs du soir ;

Les roses des vitraux, en rouges étincelles,

S'écaillent brusquement, et comme des prunelles,

S'ouvrent toutes rondes pour voir.


La nef épanouie, entre ses côtes minces,

Semble un crabe géant faisant mouvoir ses pinces,

Une araignée énorme, ainsi que des réseaux,

Jetant au front des tours, au flanc noir des murailles,

En fils aériens, en délicates mailles,

Ses tulles de granit, ses dentelles d'arceaux.


Aux losanges de plomb du vitrail diaphane,

Plus frais que les jardins d'Alcine ou de Morgane,

Sous un chaud baiser de soleil,

Bizarrement peuplés de monstres héraldiques,

Éclosent tout d'un coup cent parterres magiques

Aux fleurs d'azur et de vermeil.


Légendes d'autrefois, merveilleuses histoires

Écrites dans la pierre, enfers et purgatoires,

Dévotement taillés par de naïfs ciseaux ;

Piédestaux du portail, qui pleurent leurs statues,

Par les hommes et non par le temps abattues,

Licornes, loups-garous, chimériques oiseaux,


Dogues hurlant au bout des gouttières ; tarasques,

Guivres et basilics, dragons et nains fantasques,

Chevaliers vainqueurs de géants,

Faisceaux de piliers lourds, gerbes de colonnettes,

Myriades de saints roulés en collerettes,

Autour des trois porches béants.


Lancettes, pendentifs, ogives, trèfles grêles

Où l'arabesque folle accroche ses dentelles

Et son orfèvrerie, ouvrée à grand travail ;

Pignons troués à jour, flèches déchiquetées,

Aiguilles de corbeaux et d'anges surmontées,

La cathédrale luit comme un bijou d'émail !


II


Mais qu'est-ce que cela ? Lorsque l'on a dans l'ombre

Suivi l'escalier svelte aux spirales sans nombre

Et qu'on revoit enfin le bleu,

Le vide par-dessus et par-dessous l'abîme,

Une crainte vous prend, un vertige sublime

A se sentir si près de Dieu !


Ainsi que sous l'oiseau qui s'y perche, une branche

Sous vos pieds qu'elle fuit, la tour frissonne et penche,

Le ciel ivre chancelle et valse autour de vous ;

L'abîme ouvre sa gueule, et l'esprit du vertige,

Vous fouettant de son aile en ricanant voltige

Et fait au front des tours trembler les garde-fous,


Les combles anguleux, avec leurs girouettes,

Découpent, en passant, d'étranges silhouettes

Au fond de votre œil ébloui,

Et dans le gouffre immense où le corbeau tournoie,

Bête apocalyptique, en se tordant aboie,

Paris éclatant, inouï !


Oh ! le cœur vous en bat, dominer de ce faîte,

Soi, chétif et petit, une ville ainsi faite ;

Pouvoir, d'un seul regard, embrasser ce grand tout,

Debout, là-haut, plus près du ciel que de la terre,

Comme l'aigle planant, voir au sein du cratère,

****, bien ****, la fumée et la lave qui bout !


De la rampe, où le vent, par les trèfles arabes,

En se jouant, redit les dernières syllabes

De l'hosanna du séraphin ;

Voir s'agiter là-bas, parmi les brumes vagues,

Cette mer de maisons dont les toits sont les vagues ;

L'entendre murmurer sans fin ;


Que c'est grand ! Que c'est beau ! Les frêles cheminées,

De leurs turbans fumeux en tout temps couronnées,

Sur le ciel de safran tracent leurs profils noirs,

Et la lumière oblique, aux arêtes hardies,

Jetant de tous côtés de riches incendies

Dans la moire du fleuve enchâsse cent miroirs.


Comme en un bal joyeux, un sein de jeune fille,

Aux lueurs des flambeaux s'illumine et scintille

Sous les bijoux et les atours ;

Aux lueurs du couchant, l'eau s'allume, et la Seine

Berce plus de joyaux, certes, que jamais reine

N'en porte à son col les grands jours.


Des aiguilles, des tours, des coupoles, des dômes

Dont les fronts ardoisés luisent comme des heaumes,

Des murs écartelés d'ombre et de clair, des toits

De toutes les couleurs, des résilles de rues,

Des palais étouffés, où, comme des verrues,

S'accrochent des étaux et des bouges étroits !


Ici, là, devant vous, derrière, à droite, à gauche,

Des maisons ! Des maisons ! Le soir vous en ébauche

Cent mille avec un trait de feu !

Sous le même horizon, Tyr, Babylone et Rome,

Prodigieux amas, chaos fait de main d'homme,

Qu'on pourrait croire fait par Dieu !


III


Et cependant, si beau que soit, ô Notre-Dame,

Paris ainsi vêtu de sa robe de flamme,

Il ne l'est seulement que du haut de tes tours.

Quand on est descendu tout se métamorphose,

Tout s'affaisse et s'éteint, plus rien de grandiose,

Plus rien, excepté toi, qu'on admire toujours.


Car les anges du ciel, du reflet de leurs ailes,

Dorent de tes murs noirs les ombres solennelles,

Et le Seigneur habite en toi.

Monde de poésie, en ce monde de prose,

A ta vue, on se sent battre au cœur quelque chose ;

L'on est pieux et plein de foi !


Aux caresses du soir, dont l'or te damasquine,

Quand tu brilles au fond de ta place mesquine,

Comme sous un dais pourpre un immense ostensoir ;

A regarder d'en bas ce sublime spectacle,

On croit qu'entre tes tours, par un soudain miracle,

Dans le triangle saint Dieu se va faire voir.


Comme nos monuments à tournure bourgeoise

Se font petits devant ta majesté gauloise,

Gigantesque sœur de Babel,

Près de toi, tout là-haut, nul dôme, nulle aiguille,

Les faîtes les plus fiers ne vont qu'à ta cheville,

Et, ton vieux chef heurte le ciel.


Qui pourrait préférer, dans son goût pédantesque,

Aux plis graves et droits de ta robe Dantesque,

Ces pauvres ordres grecs qui se meurent de froid,

Ces panthéons bâtards, décalqués dans l'école,

Antique friperie empruntée à Vignole,

Et, dont aucun dehors ne sait se tenir droit.


Ô vous ! Maçons du siècle, architectes athées,

Cervelles, dans un moule uniforme jetées,

Gens de la règle et du compas ;

Bâtissez des boudoirs pour des agents de change,

Et des huttes de plâtre à des hommes de fange ;

Mais des maisons pour Dieu, non pas !


Parmi les palais neufs, les portiques profanes,

Les parthénons coquets, églises courtisanes,

Avec leurs frontons grecs sur leurs piliers latins,

Les maisons sans pudeur de la ville païenne ;

On dirait, à te voir, Notre-Dame chrétienne,

Une matrone chaste au milieu de catins !
Fiaso Jul 2015
Teu nome é poesia
Dele eu tiro maresias
Luz, claridade
Força, raízes, jardins
Para enfrentar a vida
Alors, si l'homme est juste et si le monde est sage,
Offrant tout à Jésus, sa joie et ses douleurs,
Ceux-là, dont le poète apporte un doux message,
Viendront comme un bel arbre épanouit ses fleurs.

Alors, si l'Homme est sage et si la Vierge est forte,
Tous les enfants divins du royaume charmant
Dont l'esprit du poète entrebâille la porte,
Tous les prédestinés dès le commencement,

Ceux que le monde attend dans l'ombre et dans le rêve,
Ceux qu'implorent les jours, ceux que nomment les nuits,
Eloignés par Adam et refusés par Eve,
Viendront, comme sur l'arbre on détache les fruits.

Qu'ils sont beaux, les enfants que le Seigneur envoie !
Leur face est éclatante et leur esprit vainqueur ;
Conçus dans la justice, enfantés dans la joie,
Comme ils comblent nos yeux, ils comblent notre coeur !

Ils grandissent autour de leur mère fleurie,
Près du lait virginal, sous les chastes tissus ;
Et ce sont des Jésus et des Saintes-Maries
À qui sourit Marie, à qui sourit Jésus !

Que leurs rêves sont purs ! que leur pensée est belle !
Comme ils tiennent le ciel dans leurs petites mains !
S'ils songent tout à coup, c'est Dieu qui les appelle ;
Quand nous nous égarons, ils savent les chemins.

Quand on offre, prenant ; donnant, quand on demande ;
Ils grandissent. L'amour fait ces adolescents
Dociles à la voix de l'époux qui commande ;
Tous ces rois sont soumis, ces dieux obéissants !

Comme ils sont beaux ! Jetant sur nos laideurs un voile,
Qu'ils portent de jolis vêtements de couleurs !
Le soleil est vivant sur leur front, et l'étoile
Rit derrière leurs cils avec leur âme en fleurs.

Avec leur chevelure éparse sur leurs têtes,
Bouclant le long du dos, les bras nus dans le vent,
Ce sont des laboureurs et ce sont des poètes,
Aimant tous les travaux que l'on fait en rêvant.

Ils ont le regard sûr des yeux que rien n'étonne,
Et sur le terrain neuf de nos lucidités,
Comme les semeurs bruns sur les labours d'automne,
Ils vont ouvrir leurs mains pleines de vérités.

Ensemençant les coeurs, ensemençant les terres,
Répandant autour d'eux les grains et la leçon,
Ils viennent préparer en leurs doux ministères,
La moisson annuelle et la sainte moisson.

Comme au temps des troupeaux, comme au temps des églogues,
Avec leurs courts sayons aux poils longs et soyeux,
Ce sont de fins bergers et de bons astrologues,
Lisant au fond du ciel comme au fond de nos yeux.

Charmés de se plier à la règle commune,
En cadençant leurs pas, en modulant leurs voix,
Sous leurs vêtements blancs et doux comme la lune,
Ils marchent au soleil dans les temps que je vois.

Ce sont des vignerons et des maîtres de danse,
Buvant, à pleins poumons, l'air joyeux des matins,
Et les grammairiens parlant avec prudence,
La lèvre façonnée aux vocables latins.

Ce sont des charpentiers et des tailleurs de pierre,
De divins ouvriers dont le ciel est content,
Et dont l'art qui rayonne a fleuri la paupière,
Aimant tous les travaux que l'on fait en chantant.

Ce sont des peintres doux et des tailleurs tranquilles,
Sachant prêter une âme aux plis d'un vêtement,
Et suspendre des cieux aux plafonds de nos villes,
Aimant tous les travaux que l'on fait en aimant.

Plus charmants que les Dieux de marbre Pentélique,
C'est l'Olympe, ô Seigneur, rangé sous votre loi ;
C'est Apollon chrétien, c'est Vénus catholique,
Se levant sur le monde enchanté par sa foi.

Par ces fleurs du pardon, par ces fruits de la preuve,
Au lieu de ces jardins tristement dévastés,
Vous rendez un Eden à l'humanité veuve,
Seigneur, roi des Printemps ! Seigneur, roi des Etés !

Et les lys les plus purs, les roses souveraines,
Et les astres des nuits, les longs ciels tout en feu,
Sur les pas de ces rois, sous les yeux de ces reines,
Filles du Fils Unique, enfants du fils de Dieu,

S'inclinent, car ils sont la gloire du mystère,
La promesse du ciel paternel et clément,
Qui va refleurissant les rochers de la terre
Sous l'azur rajeuni de l'ancien firmament !
Ô poète ! pourquoi tes stances favorites
Marchent-elles toujours cueillant des marguerites,
Toujours des liserons et toujours des bleuets,
Et vont-elles s'asseoir au fond des bois muets
Laissant sur leurs pieds nus, lavés par les eaux pures,
Ruisseler les cressons comme des chevelures ?
Pourquoi toujours les champs et jamais les jardins ?
D'où te viennent, rêveur, ces étranges dédains ?
**** des buis rehaussant le sable des allées,
**** du riant parterre aux touffes étoilées,
Bordé d'oeillets en foule empressés à s'ouvrir,
Pourquoi fuir, et pourquoi ne pas faire fleurir
Dans tes vers, où sourit l'heureux printemps qui t'aime,
Le blanc camélia, le jaune chrysanthème ?

Et le poète dit : « Nous y viendrons un jour.
Versez dans vos jardins plus de joie et d'amour.
La rêverie a peur des portes et des grilles.
La Liberté, parmi les socs et les faucilles,
Chante dans les prés-verts et rit sous le ciel bleu.
L'homme fait le jardin, les champs sont faits par Dieu. »

Le 19 juin 1839.
Vos premières saisons à peine sont écloses,

Enfant, et vous avez déjà vu plus de choses

Qu'un vieillard qui trébuche au seuil de son tombeau.

Tout ce que la nature a de grand et de beau,

Tout ce que Dieu nous fit de sublimes spectacles,

Les deux mondes ensemble avec tous leurs miracles.

Que n'avez-vous pas vu ? Les montagnes, la mer,

La neige et les palmiers, le printemps et l'hiver,

L'Europe décrépite et la jeune Amérique ;

Car votre peau cuivrée aux ardeurs du tropique,

Sous le soleil en flamme et les cieux toujours bleus,

S'est faite presque blanche à nos étés frileux.

Votre enfance joyeuse a passé comme un rêve

Dans la verte savane et sur la blonde grève ;

Le vent vous apportait des parfums inconnus ;

Le sauvage Océan baisait vos beaux pieds nus,

Et comme une nourrice au seuil de sa demeure

Chante et jette un hochet au nouveau-né qui pleure,

Quand il vous voyait triste, il poussait devant vous

Ses coquilles de moire et son murmure doux.

Pour vous laisser passer, jam-roses et lianes

Écartaient dans les bois leurs rideaux diaphanes ;

Les tamaniers en fleurs vous prêtaient des abris ;

Vous aviez pour jouer des nids de colibris ;

Les papillons dorés vous éventaient de l'aile ;

L'oiseau-mouche valsait avec la demoiselle ;

Les magnolias penchaient la tête en souriant ;

La fontaine au flot clair s'en allait babillant ;

Les bengalis coquets, se mirant à son onde,

Vous chantaient leur romance ; et, seule et vagabonde,

Vous marchiez sans savoir par les petits chemins,

Un refrain à la bouche et des fleurs dans les mains !

Aux heures du midi, nonchalante créole,

Vous aviez le hamac et la sieste espagnole,

Et la bonne négresse aux dents blanches qui rit

Chassant les moucherons d'auprès de votre lit.

Vous aviez tous les biens, heureuse créature,

La belle liberté dans la belle nature ;

Et puis un grand désir d'inconnu vous a pris,

Vous avez voulu voir et la France et Paris.

La brise a du vaisseau fait onder la bannière,

Le vieux monstre Océan, secouant sa crinière

Et courbant devant vous sa tête de lion,

Sur son épaule bleue, avec soumission,

Vous a jusques aux bords de la France vantée,

Sans rugir une fois, fidèlement portée.

Après celles de Dieu, les merveilles de l'art

Ont étonné votre âme avec votre regard :

Vous avez vu nos tours, nos palais, nos églises,

Nos monuments tout noirs et nos coupoles grises,

Nos beaux jardins royaux, où, de Grèce venus,

Étrangers comme vous, frissonnent les dieux nus,

Notre ciel morne et froid, notre horizon de brume,

Où chaque maison dresse une gueule qui fume.

Quel spectacle pour vous, ô fille du soleil,

Vous toute brune encore de son baiser vermeil.

La pluie a ruisselé sur vos vitres jaunies,

Et, triste entre vos sœurs au foyer réunies,

En entendant pleurer les bûches dans le feu,

Vous avez regretté l'Amérique au ciel bleu,

Et la mer amoureuse avec ses tièdes lames

Qui se brodent d'argent et chantent sous les rames ;

Les beaux lataniers verts, les palmiers chevelus,

Les mangliers traînant leurs bras irrésolus ;

Toute cette nature orientale et chaude,

Où chaque herbe flamboie et semble une émeraude ;

Et vous avez souffert, votre cœur a saigné,

Vos yeux se sont levés vers ce ciel gris baigné

D'une vapeur étrange et d'un brouillard de houille,

Vers ces arbres chargés d'un feuillage de rouille ;

Et vous avez compris, pâle fleur du désert,

Que **** du sol natal votre arôme se perd,

Qu'il vous faut le soleil et la blanche rosée

Dont vous étiez là-bas toute jeune arrosée ;

Les baisers parfumés des brises de la mer,

La place libre au ciel, l'espace et le grand air ;

Et, pour s'y renouer, l'hymne saint des poètes

Au fond de vous trouva des fibres toutes prêtes ;

Au chœur mélodieux votre voix put s'unir ;

Le prisme du regret dorant le souvenir

De cent petits détails, de mille circonstances,

Les vers naissaient en foule et se groupaient par stances.

Chaque larme furtive échappée à vos yeux

Se condensait en perle, en joyau précieux ;

Dans le rythme profond votre jeune pensée

Brillait plus savamment, chaque jour enchâssée ;

Vous avez pénétré les mystères de l'art.

Aussi, tout éplorée, avant votre départ,

Pour vous baiser au front, la belle poésie

Vous a parmi vos sœurs avec amour choisie ;

Pour dire votre cœur vous avez une voix,

Entre deux univers Dieu vous laissait le choix ;

Vous avez pris de l'un, heureux sort que le vôtre !

De quoi vous faire aimer et regretter dans l'autre.
Nuit, des amours ministre et sergente fidèle
Des arrêts de Venus, et des saintes lois d'elle,
Qui secrète accompagne
L'impatient ami de l'heure accoutumée,
Ô l'aimée des Dieux, mais plus encore aimée
Des étoiles compagnes,

Nature de tes dons adore l'excellence,
Tu caches les plaisirs dessous muet silence
Que l'amour jouissante
Donne, quand ton obscur étroitement assemble
Les amants embrassés, et qu'ils tombent ensemble
Sous l'ardeur languissante.

Lorsque l'amie main court par la cuisse, et ores
Par les tétins, auxquels ne se compare encore
Nul ivoire qu'on voie,
Et la langue en errant sur la joue, et la face,
Plus d'odeurs, et de fleurs, là naissantes, amasse
Que I'Orient n'envoie.

C'est toi qui les soucis, et les gênes mordantes,
Et tout le soin enclos en nos âmes ardentes
Par ton présent arraches.
C'est toi qui rends la vie aux vergers qui languissent,
Aux jardins la rosée, et aux cieux qui noircissent
Les idoles attaches.

Mais, si te plaît déesse une fin à ma peine,
Et donte sous mes bras celle qui est tant pleine  
De menaces cruelles.  
Afin que de ses yeux (yeux qui captifs me tiennent)  
Les trop ardents flambeaux plus brûler ne me viennent  
Le fond de mes mouelles.
Rien encore n'a germé de vos rameaux flottants
Sur notre jeune terre où, depuis quarante ans,
Tant d'âmes se sont échouées,
Doctrines aux fruits d'or, espoir des nations,
Que la hâtive main des révolutions
Sur nos têtes a secouées !

Nous attendons toujours ! Seigneur, prenez pitié
Des peuples qui, toujours satisfaits à moitié,
Vont d'espérance en espérance ;
Et montrez-nous enfin l'homme de votre choix
Parmi tous ces tribuns et parmi tous ces rois
Que vous essayez à la France !

Qui peut se croire fort, puissant et souverain ?
Qui peut dire en scellant des barrières d'airain :
Jamais vous ne serez franchies !
Dans ce siècle de bruit, de gloire et de revers,
Où les roseaux penchés au bord des étangs verts
Durent plus que les monarchies !

Rois ! la bure est souvent jalouse du velours.
Le peuple a froid l'hiver, le peuple a faim toujours.
Rendez-lui son sort plus facile.
Le peuple souvent porte un bien rude collier.
Ouvrez l'école aux fils, aux pères l'atelier,
À tous vos bras, auguste asile !

Par la bonté des rois rendez les peuples bons.
Sous d'étranges malheurs souvent nous nous courbons.
Songez que Dieu seul est le maître.
Un bienfait par quelqu'un est toujours ramassé.
Songez-y, rois minés sur qui pèse un passé
Gros du même avenir peut-être !

Donnez à tous. Peut-être un jour tous vous rendront !
Donnez, - on ne sait pas quels épis germeront
Dans notre siècle autour des trônes ! -
De la main droite aux bons, de la gauche aux méchants !
Comme le laboureur sème sa graine aux champs,
Ensemencez les cœurs d'aumônes !

Ô rois ! le pain qu'on porte au vieillard desséché,
La pauvre adolescente enlevée au marché,
Le bienfait souriant, toujours prêt à toute heure,
Qui vient, riche et voilé, partout où quelqu'un pleure,
Le cri reconnaissant d'une mère à genoux,
L'enfant sauvé qui lève, entre le peuple et vous,
Ses deux petites mains sincères et joyeuses,
Sont la meilleure digue aux foules furieuses.

Hélas ! je vous le dis, ne vous endormez pas
Tandis que l'avenir s'amoncelle là-bas !

Il arrive parfois, dans le siècle où nous sommes,
Qu'un grand vent tout à coup soulève à flots les hommes ;
Vent de malheur, formé, comme tous les autans,
De souffles quelque part comprimés trop longtemps ;
Vent qui de tout foyer disperse la fumée ;
Dont s'attise l'idée à cette heure allumée ;
Qui passe sur tout homme, et, torche ou flot amer,
Le fait étinceler ou le fait écumer ;
Ebranle tout digue et toute citadelle ;
Dans la société met à nu d'un coup d'aile
Des sommets jusqu'alors par des brumes voilés,
Des gouffres ténébreux ou des coins étoilés ;
Vent fatal qui confond les meilleurs et les pires,
Arrache mainte tuile au vieux toit des empires,
Et prenant dans l'état, en haut, en bas, partout,
Tout esprit qui dérive et toute âme qui bout,
Tous ceux dont un zéphyr fait remuer les têtes,
Tout ce qui devient onde à l'heure des tempêtes,
Amoncelant dans l'ombre et chassant à la fois
Ces flots, ces bruits, ce peuple, et ces pas et ces voix,
Et ces groupes sans forme et ces rumeurs sans nombre,
Pousse tout cet orage au seuil d'un palais sombre !

Palais sombre en effet, et plongé dans la nuit !
D'où les illusions s'envolent à grand bruit,
Quelques-unes en pleurs, d'autres qu'on entend rire !
C'en est fait. L'heure vient, le voile se déchire,
Adieu les songes d'or ! On se réveille, on voit
Un spectre aux mains de chair qui vous touche du doigt.
C'est la réalité ! qu'on sent là, qui vous pèse.
On rêvait Charlemagne, on pense à Louis seize !

Heure grande et terrible où, doutant des canons,
La royauté, nommant ses amis par leurs noms,
Recueillant tous les bruits que la tempête apporte,
Attend, l'œil à la vitre et l'oreille à la porte !
Où l'on voit dans un coin, ses filles dans ses bras,
La reine qui pâlit, pauvre étrangère, hélas !

Où les petits enfants des familles royales
De quelque vieux soldat pressent les mains loyales,
Et demandent, avec des sanglots superflus,
Aux valets, qui déjà ne leur répondent plus,
D'où viennent ces rumeurs, ces terreurs, ce mystère,
Et les ébranlements de cette affreuse terre
Qu'ils sentent remuer comme la mer aux vents,
Et qui ne tremble pas sous les autres enfants !

Hélas ! vous crénelez vos mornes Tuileries,
Vous encombrez les ponts de vos artilleries,
Vous gardez chaque rue avec un régiment,
À quoi bon ? à quoi bon ? De moment en moment
La tourbe s'épaissit, grosse et désespérée
Et terrible, et qu'importe, à l'heure où leur marée
Sort et monte en hurlant du fond du gouffre amer,
La mitraille à la foule et la grêle à la mer !

Ô redoutable époque ! et quels temps que les nôtres !
Où, rien qu'en se serrant les uns contre les autres,
Les hommes dans leurs plis écrasent tours, châteaux,
Donjons que les captifs rayaient de leurs couteaux,
Créneaux, portes d'airain comme un carton ployées,
Et sur leurs boulevards vainement appuyées
Les pâles garnisons, et les canons de fer
Broyés avec le mur comme l'os dans la chair !

Comment se défendra ce roi qu'un peuple assiège ?
Plus léger sur ce flot que sur l'onde un vain liège,
Plus vacillant que l'ombre aux approches du soir,
Ecoutant sans entendre et regardant sans voir,
Il est là qui frissonne, impuissant, infertile,
Sa main tremble, et sa tête est un crible inutile,
Hélas ! hélas ! les rois en ont seuls de pareils !
Qui laisse tout passer, hors les mauvais conseils !

Que servent maintenant ces sabres, ces épées,
Ces lignes de soldats par des caissons coupées,
Ces bivouacs, allumés dans les jardins profonds,
Dont la lueur sinistre empourpre ses plafonds,
Ce général choisi, qui déjà, vaine garde,
Sent peut-être à son front sourdre une autre cocarde,
Et tous ces cuirassiers, soldats vieux ou nouveaux,
Qui plantent dans la cour des pieux pour leurs chevaux ?
Que sert la grille close et la mèche allumée ?
Il faudrait une tête, et tu n'as qu'une armée !

Que faire de ce peuple à l'immense roulis,
Mer qui traîne du moins une idée en ses plis,
Vaste inondation d'hommes, d'enfants, de femmes,
Flots qui tous ont des yeux, vagues qui sont des âmes ?

Malheur alors ! O Dieu ! faut-il que nous voyions
Le côté monstrueux des révolutions !
Qui peut dompter la mer ? Seigneur ! qui peut répondre
Des ondes de Paris et des vagues de Londres,
Surtout lorsque la ville, ameutée aux tambours
Sent ramper dans ses flots l'hydre de ses faubourgs !

Dans ce palais fatal où l'empire s'écroule,
Dont la porte bientôt va ployer sous la foule,
Où l'on parle tout bas de passages secrets,
Où le roi sent déjà qu'on le sert de moins près,
Où la mère en tremblant rit à l'enfant qui pleure,
Ô mon Dieu ! que va-t-il se passer tout à l'heure ?
Comment vont-ils jouer avec ce nid de rois ?
Pourquoi faut-il qu'aux jours où le pauvre aux abois
Sent sa haine des grands de ce qu'il souffre accrue,
Notre faute ou la leur le lâchent dans la rue ?
Temps de deuil où l'émeute en fureur sort de tout !
Où le peuple devient difforme tout à coup !

Malheur donc ! c'est fini. Plus de barrière au trône !
Mais Dieu garde un trésor à qui lui fit l'aumône.
Si le prince a laissé, dans des temps moins changeants,
L'empreinte de ses pas à des seuils indigents,
Si des bienfaits cachés il fut parfois complice,
S'il a souvent dit : grâce ! où la loi dit : supplice !
Ne désespérez pas. Le peuple aux mauvais jours
A pu tout oublier, Dieu se souvient toujours !

Souvent un cri du cœur sorti d'une humble bouche
Désarme, impérieux, une foule farouche
Qui tenait une proie en ses poings triomphants.
Les mères aux lions font rendre les enfants !

Oh ! dans cet instant même où le naufrage gronde,
Où l'on sent qu'un boulet ne peut rien contre une onde,
Où, liquide et fangeuse et pleine de courroux,
La populace à l'œil stupide, aux cheveux roux,
Aboyant sur le seuil comme un chien pour qu'on ouvre,
Arrive, éclaboussant les chapiteaux du Louvre,
Océan qui n'a pas d'heure pour son reflux !
Au moment où l'on voit que rien n'arrête plus
Ce flot toujours grossi, que chaque instant apporte,
Qui veut monter, qui hurle et qui mouille la porte,...
C'est un spectacle auguste et que j'ai vu déjà
Souvent, quand mon regard dans l'histoire plongea,
Qu'une bonne action, cachée en un coin sombre,
Qui sort subitement toute blanche de l'ombre,
Et comme autrefois Dieu qu'elle prend à témoin,
Dit au peuple écumant : Tu n'iras pas plus **** !

Le 28 décembre 1834.
Souvenez-vous des humbles cimetières
Que voile aux villages voisins
Le pli d'un coteau pâle où pendent les raisins,
Qu'éveille, au point du jour, l'air du casseur de pierres.
Seuls, les vieux fossoyeurs ont d'eux quelque souci.
Et c'est à peine si -
Comme des brebis étonnées,
**** du troupeau fumant des douces cheminées,
**** du clocher, ce pâtre amoureux d'horizons -
Quelques maisons
Abandonnées,
Toutes fanées
Par les saisons,
Du vide de leurs yeux dans leur face hagarde,
Contemplent - par-dessus l'enclos au portail veuf
Parfois de l'auvent qui le garde -
La chapelle en ruine à la grande lézarde,
Les tertres anciens et les croix de bois neuf.

Mais l'été que l'ange envoie aux vallées,
Pour les églogues étoilées,
Aux grands blés roux buvant ses haleines de feu,
Et vers les rivières vermeilles,
L'été, sur un signe de Dieu,
Fait, avec ses rayons, de sauvages corbeilles
De ces asiles tout en fleurs où les abeilles,
Dans l'herbe haute et drue ainsi que des remords,
D'un long bourdonnement ensommeillent les morts.

À midi, le soleil silencieux qui tombe,
Grave, comme un chat d'or s'allonge sur la tombe
Dont la blancheur brûle, éclatant
Parmi l'argile rose ou les avoines folles,
Pendant que le lézard entend
Passer, dans les bruits vains et les vagues paroles,
La robe, ayant l'odeur de nos amours défunts,
De la Mort, mère et reine des parfums.

Tramée avec les fils du rêve,
Voici s'assombrir l'heure où la lune se lève,
Et le lourd laboureur qui rentre réfléchit
Sur la route où l'air pur fraîchit,
Le long des murs sacrés, et son coeur croit entendre
Une voix étouffée ou tendre,
Dans la nuit bleue et noire ainsi que le corbeau...
La nuit donne la vie aux choses du tombeau.

Cependant, là-bas, dans les nécropoles,
Sur qui la nue ardente ébauche des coupoles,
Et qu'endorment les cris confus et les oiseaux
Des villes, dont le vaste oubli pèse à ses os,
Une immobile multitude
Poursuit le même rêve en la même attitude ;
Et depuis tant d'hivers que les soleils lassés
Ne comptent plus les noms par les vents effacés,
Malgré leur solitude qui s'ennuie
Au cantique filtré sur leur front par la pluie,
Elles peuvent goûter encor des jours bénis,
Ces pauvres âmes désolées,
Vers la douce époque des nids,
Sous les funéraires feuillées,
Quand Mai, de sa main fine, aux grilles des caveaux
Attache des bouquets et des regrets nouveaux
Ou quand leur commune patronne,
Leur fête, fait éclore une triste couronne :
Ce jour-là, plus d'un deuil charmant qui vient errer
Dans les sombres jardins, tressaille à rencontrer,
Sous les branches d'automne à peine encore vertes,
L'impériale odeur des tombes entrouvertes.
Et tous, ceux du village et ceux de la cité,
Ceux qui sourient d'avoir été
De gais bouviers dans la campagne,
Et ceux dont la statue en marbre est la compagne,
Ces morts que Dieu sema comme on sème le blé,
Tous dorment d'un sommeil si peu troublé,
Qu'il semble que la vie,
À ces mornes reclus
Lugubrement ravie,
Ne doive jamais plus
Monter ni redescendre
Des yeux pleins de nuit noire au coeur tombant en cendre.

Aucun orchestre en floraison
Sous les bosquets royaux dans la chaude saison,
Aucune orfèvrerie amoncelant ses bagues,
Aucun océan soucieux
Des perles qu'il charrie aux plis lourds de ses vagues,
Aucun Messidor sous les cieux
Qui couvrent la splendeur des terres éventrées,
Ni le soleil de ces contrées
Où son regard luit si hautain,
Sur les monts que couronne une âpre odeur de thym,
Qu'il semble à la stupeur physique
Que le rayon fait la musique ;
Ni lune en fleur d'aucun été,
Ni comètes semant de diamants leur voie,
Ne roulent plus d'ivresse en versant plus de joie,
Que la solennelle clarté
Qui, tenant de la rose et de la primevère,
Jaillira par la fente en rumeur des cercueils,
Comme un vin parfumé des blessures du verre,
Quand, sonnant la fuite des deuils,
L'ange du Jugement, sur le tombeau du Juste,
Soulèvera la pierre avec un geste auguste !
À M. A. de V*.

Arrêtons-nous sur la colline
A l'heure où, partageant les jours,
L'astre du matin qui décline
Semble précipiter son cours !
En avançant dans sa carrière,
Plus faible il rejette en arrière
L'ombre terrestre qui le suit,
Et de l'horizon qu'il colore
Une moitié le voit encore,
C'est l'heure où, sous l'ombre inclinée,
Le laboureur dans le vallon
Suspend un moment sa journée,
Et s'assied au bord du sillon !
C'est l'heure où, près de la fontaine,
Le voyageur reprend haleine
Après sa course du matin
Et c'est l'heure où l'âme qui pense
Qui l'abandonne en son chemin !

Ainsi notre étoile pâlie,
Jetant de mourantes lueurs
Sur le midi de notre vie,
De notre rapide existence
L'ombre de la mort qui s'avance
Obscurcit déjà la moitié !
Et, près de ce terme funeste,
Comme à l'aurore, il ne nous reste
Que l'espérance et l'amitié !

Ami qu'un même jour vit naître,
Compagnon depuis le berceau,
Et qu'un même jour doit peut-être
Endormir au même tombeau !
Voici la borne qui partage

Qu'un même sort nous a tracé !
De ce sommet qui nous rassemble,
Viens, jetons un regard ensemble
Sur l'avenir et le passé !

Repassons nos jours, si tu l'oses !
Jamais l'espoir des matelots
Le navire qu'on lance aux flots ?
Jamais d'une teinte plus belle
L'aube en riant colora-t-elle
Le front rayonnant du matin ?
Jamais, d'un oeil perçant d'audace,
L'aigle embrassa-t-il plus d'espace
Que nous en ouvrait le destin ?

En vain sur la route fatale,
Dont les cyprès tracent le bord,
Quelques tombeaux par intervalle
Nous avertissaient de la mort !
Ces monuments mélancoliques
Nous semblaient, comme aux jours antiques,
Un vain ornement du chemin !
Nous nous asseyions sous leur ombre,
Et nous rêvions des jours sans nombre,
Hélas ! entre hier et demain !

Combien de fois, près du rivage
Où Nisida dort sur les mers,
La beauté crédule ou volage
Accourut à nos doux concerts !
Combien de fois la barque errante
Berça sur l'onde transparente
Deux couples par l'Amour conduits !
Tandis qu'une déesse amie
Jetait sur la vague endormie
Le voile parfumé des nuits !

Combien de fois, dans le délire
Qui succédait à nos festins,
Aux sons antiques de la lyre,
J'évoquai des songes divins !
Aux parfums des roses mourantes,
Aux vapeurs des coupes fumantes,
Ils volaient à nous tour à tour !
Et sur leurs ailes nuancées,
Dans les dédales de l'Amour !

Mais dans leur insensible pente,
Les jours qui succédaient aux jours
Entraînaient comme une eau courante
Et nos songes et nos amours ;
Pareil à la fleur fugitive
Qui du front joyeux d'un convive
Tombe avant l'heure du festin,
Ce bonheur que l'ivresse cueille,
De nos fronts tombant feuille à feuille,

Et maintenant, sur cet espace
Que nos pas ont déjà quitté,
Retourne-toi ! cherchons la trace
De l'amour, de la volupté !
En foulant leurs rives fanées,
Remontons le cours des années,
Tandis qu'un souvenir glacé,
Comme l'astre adouci des ombres,
Eclaire encor de teintes sombres
La scène vide du passé !

Ici, sur la scène du monde,
Se leva ton premier soleil !
Regarde ! quelle nuit profonde
A remplacé ce jour vermeil !
Tout sous les cieux semblait sourire,
La feuille, l'onde, le zéphire
Murmuraient des accords charmants !
Ecoute ! la feuille est flétrie !
Et les vents sur l'onde tarie
Rendent de sourds gémissements !

Cette mer aux flots argentés,
Qui ne fait que bercer l'image
Des bords dans son sein répétés ?
Un nom chéri vole sur l'onde !...
Mais pas une voix qui réponde,
Que le flot grondant sur l'écueil !
Malheureux ! quel nom tu prononces !
Ne vois-tu pas parmi ces ronces
Ce nom gravé sur un cercueil ?...

Plus **** sur la rive où s'épanche
Vois-tu ce palais qui se penche
Et jette une ombre au sein des eaux ?
Là, sous une forme étrangère,
Un ange exilé de sa sphère
D'un céleste amour t'enflamma !
Pourquoi trembler ? quel bruit t'étonne ?
Ce n'est qu'une ombre qui frissonne
Aux pas du mortel qu'elle aima !

Hélas ! partout où tu repasses,
C'est le deuil, le vide ou la mort,
Et rien n'a germé sur nos traces
Que la douleur ou le remord !
Voilà ce coeur où ta tendresse
Sema des fruits que ta vieillesse,
Hélas ! ne recueillera pas :
Là, l'oubli perdit ta mémoire !
Là, l'envie étouffa ta gloire !
Là, ta vertu fit des ingrats !

Là, l'illusion éclipsée
S'enfuit sous un nuage obscur !
Ici, l'espérance lassée
Replia ses ailes d'azur !
Là, sous la douleur qui le glace,
Ton sourire perdit sa grâce,
Ta voix oublia ses concerts !
Tes sens épuisés se plaignirent,
Et tes blonds cheveux se teignirent
Au souffle argenté des hivers !

Ainsi des rives étrangères,
Quand l'homme, à l'insu des tyrans,
Vers la demeure de ses pères
Porte en secret ses pas errants,
L'ivraie a couvert ses collines,
Son toit sacré pend en ruines,
Dans ses jardins l'onde a tari ;
Et sur le seuil qui fut sa joie,
Dans l'ombre un chien féroce aboie
Contre les mains qui l'ont nourri !

Mais ces sens qui s'appesantissent
Et du temps subissent la loi,
Ces yeux, ce coeur qui se ternissent,
Cette ombre enfin, ce n'est pas toi !
Sans regret, au flot des années,
Livre ces dépouilles fanées
Qu'enlève le souffle des jours,
La feuille aride et vagabonde
Que l'onde entraîne dans son cours !

Ce n'est plus le temps de sourire
A ces roses de peu de jours !
De mêler aux sons de la lyre
Les tendres soupirs des amours !
De semer sur des fonds stériles
Ces voeux, ces projets inutiles,
Par les vents du ciel emportés,
A qui le temps qui nous dévore
Ne donne pas l'heure d'éclore
Pendant nos rapides étés !

Levons les yeux vers la colline
Où luit l'étoile du matin !
Saluons la splendeur divine
Qui se lève dans le lointain !
Cette clarté pure et féconde
Aux yeux de l'âme éclaire un monde
Où la foi monte sans effort !
D'un saint espoir ton coeur palpite ;
Ami ! pour y voler plus vite,
Prenons les ailes de la mort !

En vain, dans ce désert aride,
Sous nos pas tout s'est effacé !
Viens ! où l'éternité réside,
On retrouve jusqu'au passé !
Là, sont nos rêves pleins de charmes,
Et nos adieux trempés de larmes,
Nos voeux et nos espoirs perdus !
Là, refleuriront nos jeunesses ;
Et les objets de nos tristesses
A nos regrets seront rendus !

Ainsi, quand les vents de l'automne
Ont balayé l'ombre des bois,
L'hirondelle agile abandonne
Le faîte du palais des rois !
Suivant le soleil dans sa course,
Elle remonte vers la source
D'où l'astre nous répand les jours ;
Et sur ses pas retrouve encore
Un autre ciel, une autre aurore,
Un autre nid pour ses amours !

Ce roi, dont la sainte tristesse
Immortalisa les douleurs,
Vit ainsi sa verte jeunesse
Se renouveler sous ses pleurs !
Sa harpe, à l'ombre de la tombe,
Soupirait comme la colombe
Sous les verts cyprès du Carmel !
Et son coeur, qu'une lampe éclaire,
Résonnait comme un sanctuaire
Où retentit l'hymne éternel !
À Victor Hugo.


I.

Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements,
Je guette, obéissant à mes humeurs fatales
Des êtres singuliers, décrépits et charmants.

Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,
Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus
Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes.
Sous des jupons troués et sous de froids tissus

Ils rampent, flagellés par les bises iniques,
Frémissant au fracas roulant des omnibus,
Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,
Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;

Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ;
Se traînent, comme font les animaux blessés,
Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes
Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés

Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,
Luisants comme ces trous où l'eau dort dans la nuit ;
Ils ont les yeux divins de la petite fille
Qui s'étonne et qui rit à tout ce qui reluit.

- Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles
Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ?
La Mort savante met dans ces bières pareilles
Un symbole d'un goût bizarre et captivant,

Et lorsque j'entrevois un fantôme débile
Traversant de Paris le fourmillant tableau,
Il me semble toujours que cet être fragile
S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;

A moins que, méditant sur la géométrie,
Je ne cherche, à l'aspect de ces membres discords,
Combien de fois il faut que l'ouvrier varie
La forme de la boîte où l'on met tous ces corps.

- Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,
Des creusets qu'un métal refroidi pailleta...
Ces yeux mystérieux ont d'invincibles charmes
Pour celui que l'austère Infortune allaita !

II.

De Frascati défunt Vestale enamourée ;
Prêtresse de Thalie, hélas ! dont le souffleur
Enterré sait le nom ; célèbre évaporée
Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,

Toutes m'enivrent ; mais parmi ces êtres frêles
Il en est qui, faisant de la douleur un miel
Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes :
Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu'au ciel !

L'une, par sa patrie au malheur exercée,
L'autre, que son époux surchargea de douleurs,
L'autre, par son enfant Madone transpercée,
Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !

III.

Ah ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles !
Une, entre autres, à l'heure où le soleil tombant
Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,
Pensive, s'asseyait à l'écart sur un banc,

Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,
Dont les soldats parfois inondent nos jardins,
Et qui, dans ces soirs d'or où l'on se sent revivre,
Versent quelque héroïsme au coeur des citadins.

Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle,
Humait avidement ce chant vif et guerrier ;
Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ;
Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier !

IV.

Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,
A travers le chaos des vivantes cités,
Mères au coeur saignant, courtisanes ou saintes,
Dont autrefois les noms par tous étaient cités.

Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,
Nul ne vous reconnaît ! un ivrogne incivil
Vous insulte en passant d'un amour dérisoire ;
Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.

Honteuses d'exister, ombres ratatinées,
Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ;
Et nul ne vous salue, étranges destinées !
Débris d'humanité pour l'éternité mûrs !

Mais moi, moi qui de **** tendrement vous surveille,
L'oeil inquiet, fixé sur vos pas incertains,
Tout comme si j'étais votre père, ô merveille !
Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins :

Je vois s'épanouir vos passions novices ;
Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;
Mon coeur multiplié jouit de tous vos vices !
Mon âme resplendit de toutes vos vertus !

Ruines ! ma famille ! ô cerveaux congénères !
Je vous fais chaque soir un solennel adieu !
Où serez-vous demain, Èves octogénaires,
Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu ?

— The End —