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La muse

Depuis que le soleil, dans l'horizon immense,
A franchi le Cancer sur son axe enflammé,
Le bonheur m'a quittée, et j'attends en silence
L'heure où m'appellera mon ami bien-aimé.
Hélas ! depuis longtemps sa demeure est déserte ;
Des beaux jours d'autrefois rien n'y semble vivant.
Seule, je viens encor, de mon voile couverte,
Poser mon front brûlant sur sa porte entr'ouverte,
Comme une veuve en pleurs au tombeau d'un enfant.

Le poète

Salut à ma fidèle amie !
Salut, ma gloire et mon amour !
La meilleure et la plus chérie
Est celle qu'on trouve au retour.
L'opinion et l'avarice
Viennent un temps de m'emporter.
Salut, ma mère et ma nourrice !
Salut, salut consolatrice !
Ouvre tes bras, je viens chanter.

La muse

Pourquoi, coeur altéré, coeur lassé d'espérance,
T'enfuis-tu si souvent pour revenir si **** ?
Que t'en vas-tu chercher, sinon quelque hasard ?
Et que rapportes-tu, sinon quelque souffrance ?
Que fais-tu **** de moi, quand j'attends jusqu'au jour ?
Tu suis un pâle éclair dans une nuit profonde.
Il ne te restera de tes plaisirs du monde
Qu'un impuissant mépris pour notre honnête amour.
Ton cabinet d'étude est vide quand j'arrive ;
Tandis qu'à ce balcon, inquiète et pensive,
Je regarde en rêvant les murs de ton jardin,
Tu te livres dans l'ombre à ton mauvais destin.
Quelque fière beauté te retient dans sa chaîne,
Et tu laisses mourir cette pauvre verveine
Dont les derniers rameaux, en des temps plus heureux,
Devaient être arrosés des larmes de tes yeux.
Cette triste verdure est mon vivant symbole ;
Ami, de ton oubli nous mourrons toutes deux,
Et son parfum léger, comme l'oiseau qui vole,
Avec mon souvenir s'enfuira dans les cieux.

Le poète

Quand j'ai passé par la prairie,
J'ai vu, ce soir, dans le sentier,
Une fleur tremblante et flétrie,
Une pâle fleur d'églantier.
Un bourgeon vert à côté d'elle
Se balançait sur l'arbrisseau ;
Je vis poindre une fleur nouvelle ;
La plus jeune était la plus belle :
L'homme est ainsi, toujours nouveau.

La muse

Hélas ! toujours un homme, hélas ! toujours des larmes !
Toujours les pieds poudreux et la sueur au front !
Toujours d'affreux combats et de sanglantes armes ;
Le coeur a beau mentir, la blessure est au fond.
Hélas ! par tous pays, toujours la même vie :
Convoiter, regretter, prendre et tendre la main ;
Toujours mêmes acteurs et même comédie,
Et, quoi qu'ait inventé l'humaine hypocrisie,
Rien de vrai là-dessous que le squelette humain.
Hélas ! mon bien-aimé, vous n'êtes plus poète.
Rien ne réveille plus votre lyre muette ;
Vous vous noyez le coeur dans un rêve inconstant ;
Et vous ne savez pas que l'amour de la femme
Change et dissipe en pleurs les trésors de votre âme,
Et que Dieu compte plus les larmes que le sang.

Le poète

Quand j'ai traversé la vallée,
Un oiseau chantait sur son nid.
Ses petits, sa chère couvée,
Venaient de mourir dans la nuit.
Cependant il chantait l'aurore ;
Ô ma Muse, ne pleurez pas !
À qui perd tout, Dieu reste encore,
Dieu là-haut, l'espoir ici-bas.

La muse

Et que trouveras-tu, le jour où la misère
Te ramènera seul au paternel foyer ?
Quand tes tremblantes mains essuieront la poussière
De ce pauvre réduit que tu crois oublier,
De quel front viendras-tu, dans ta propre demeure,
Chercher un peu de calme et d'hospitalité ?
Une voix sera là pour crier à toute heure :
Qu'as-tu fait de ta vie et de ta liberté ?
Crois-tu donc qu'on oublie autant qu'on le souhaite ?
Crois-tu qu'en te cherchant tu te retrouveras ?
De ton coeur ou de toi lequel est Le poète ?
C'est ton coeur, et ton coeur ne te répondra pas.
L'amour l'aura brisé ; les passions funestes
L'auront rendu de pierre au contact des méchants ;
Tu n'en sentiras plus que d'effroyables restes,
Qui remueront encor, comme ceux des serpents.
Ô ciel ! qui t'aidera ? que ferai-je moi-même,
Quand celui qui peut tout défendra que je t'aime,
Et quand mes ailes d'or, frémissant malgré moi,
M'emporteront à lui pour me sauver de toi ?
Pauvre enfant ! nos amours n'étaient pas menacées,
Quand dans les bois d'Auteuil, perdu dans tes pensées,
Sous les verts marronniers et les peupliers blancs,
Je t'agaçais le soir en détours nonchalants.
Ah ! j'étais jeune alors et nymphe, et les dryades
Entr'ouvraient pour me voir l'écorce des bouleaux,
Et les pleurs qui coulaient durant nos promenades
Tombaient, purs comme l'or, dans le cristal des eaux.
Qu'as-tu fait, mon amant, des jours de ta jeunesse ?
Qui m'a cueilli mon fruit sur mon arbre enchanté ?
Hélas ! ta joue en fleur plaisait à la déesse
Qui porte dans ses mains la force et la santé.
De tes yeux insensés les larmes l'ont pâlie ;
Ainsi que ta beauté, tu perdras ta vertu.
Et moi qui t'aimerai comme une unique amie,
Quand les dieux irrités m'ôteront ton génie,
Si je tombe des cieux, que me répondras-tu ?

Le poète

Puisque l'oiseau des bois voltige et chante encore
Sur la branche où ses oeufs sont brisés dans le nid ;
Puisque la fleur des champs entr'ouverte à l'aurore,
Voyant sur la pelouse une autre fleur éclore,
S'incline sans murmure et tombe avec la nuit,

Puisqu'au fond des forêts, sous les toits de verdure,
On entend le bois mort craquer dans le sentier,
Et puisqu'en traversant l'immortelle nature,
L'homme n'a su trouver de science qui dure,
Que de marcher toujours et toujours oublier ;

Puisque, jusqu'aux rochers tout se change en poussière ;
Puisque tout meurt ce soir pour revivre demain ;
Puisque c'est un engrais que le meurtre et la guerre ;
Puisque sur une tombe on voit sortir de terre
Le brin d'herbe sacré qui nous donne le pain ;

Ô Muse ! que m'importe ou la mort ou la vie ?
J'aime, et je veux pâlir ; j'aime et je veux souffrir ;
J'aime, et pour un baiser je donne mon génie ;
J'aime, et je veux sentir sur ma joue amaigrie
Ruisseler une source impossible à tarir.

J'aime, et je veux chanter la joie et la paresse,
Ma folle expérience et mes soucis d'un jour,
Et je veux raconter et répéter sans cesse
Qu'après avoir juré de vivre sans maîtresse,
J'ai fait serment de vivre et de mourir d'amour.

Dépouille devant tous l'orgueil qui te dévore,
Coeur gonflé d'amertume et qui t'es cru fermé.
Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore.
Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.
Le long bois de sapins se tord jusqu'au rivage,

L'étroit bois de sapins, de lauriers et de pins,

Avec la ville autour déguisée en village :

Chalets éparpillés rouges dans le feuillage

Et les blanches villas des stations de bains.


Le bois sombre descend d'un plateau de bruyère,

Va, vient, creuse un vallon, puis monte vert et noir

Et redescend en fins bosquets où la lumière

Filtre et dore l'obscur sommeil du cimetière

Qui s'étage bercé d'un vague nonchaloir.


À gauche la tour lourde (elle attend une flèche)

Se dresse d'une église invisible d'ici,

L'estacade très **** ; haute, la tour, et sèche :

C'est bien l'anglicanisme impérieux et rêche

À qui l'essor du cœur vers le ciel manque aussi.


Il fait un de ces temps ainsi que je les aime,

Ni brume ni soleil ! le soleil deviné,

Pressenti, du brouillard mourant dansant à même

Le ciel très haut qui tourne et fuit, rose de crème ;

L'atmosphère est de perle et la mer d'or fané.


De la tour protestante il part un chant de cloche,

Puis deux et trois et quatre, et puis huit à la fois,

Instinctive harmonie allant de proche en proche,

Enthousiasme, joie, appel, douleur, reproche,

Avec de l'or, du bronze et du feu dans la voix ;


Bruit immense et bien doux que le long bois écoute !

La musique n'est pas plus belle. Cela vient

Lentement sur la mer qui chante et frémit toute,

Comme sous une armée au pas sonne une route

Dans l'écho qu'un combat d'avant-garde retient.


La sonnerie est morte. Une rouge traînée

De grands sanglots palpite et s'éteint sur la mer.

L'éclair froid d'un couchant de la nouvelle année

Ensanglante là-bas la ville couronnée

De nuit tombante, et vibre à l'ouest encore clair.


Le soir se fonce. Il fait glacial. L'estacade

Frissonne et le ressac a gémi dans son bois

Chanteur, puis est tombé lourdement en cascade

Sur un rythme brutal comme l'ennui maussade

Qui martelait mes jours coupables d'autrefois :


Solitude du cœur dans le vide de l'âme,

Le combat de la mer et des vents de l'hiver,

L'orgueil vaincu, navré, qui râle et qui déclame,

Et cette nuit où rampe un guet-apens infâme,

Catastrophe flairée, avant-goût de l'Enfer !...


Voici trois tintements comme trois coups de flûtes,

Trois encor, trois encor ! l'Angelus oublié

Se souvient, le voici qui dit : Paix à ces luttes !

Le Verbe s'est fait chair pour relever tes chutes,

Une vierge a conçu, le monde est délié !


Ainsi Dieu parle par la voix de sa chapelle

Sise à mi-côte à droite et sur le bord du bois...

Ô Rome, ô Mère ! Cri, geste qui nous rappelle

Sans cesse au bonheur seul et donne au cœur rebelle

Et triste le conseil pratique de la Croix.


- La nuit est de velours. L'estacade laissée

Tait par degrés son bruit sous l'eau qui refluait,

Une route assez droite heureusement tracée

Guide jusque chez moi ma retraite pressée

Dans ce noir absolu sous le long bois muet.
(Fragment)

Ni ce moine rêveur, ni ce vieux charlatan,
N'ont deviné pourquoi Mariette est mourante.
Elle est frappée au cœur, la belle indifférente ;
Voilà son mal, - elle aime. - Il est cruel pourtant
De voir entre les mains d'un cafard et d'un âne,
Mourir cette superbe et jeune courtisane.
Mais chacun a son jour, et le sien est venu ;
Pour moi, je ne crois guère à ce mal inconnu.
Tenez, - la voyez-vous, seule, au pied de ces arbres,
Chercher l'ombre profonde et la fraîcheur des marbres,
Et plonger dans le bain ses membres en sueur ?
Je gagerais mes os qu'elle est frappée au cœur.
Regardez : - c'est ici, sous ces longues charmilles,
Qu'hier encor, dans ses bras, **** des rayons du jour,
Ont pâli les enfants des plus nobles familles.
Là s'exerçait dans l'ombre un redoutable amour ;
Là, cette Messaline ouvrait ses bras rapaces
Pour changer en vieillards ses frêles favoris,
Et, répandant la mort sous des baisers vivaces,
Buvait avec fureur ses éléments chéris,
L'or et le sang. -
Hélas ! c'en est fait, Mariette,
Maintenant te voilà solitaire et muette.
Tu te mires dans l'eau ; sur ce corps si vanté
Tes yeux cherchent en vain ta fatale beauté.
Va courir maintenant sur les places publiques.
Tire par les manteaux tes amants magnifiques.
Ceux qui, l'hiver dernier, t'ont bâti ton palais,
T'enverront demander ton nom par leurs valets.
Le médecin s'éloigne en haussant les épaules ;
Il soupire, il se dit que l'art est impuissant.
Quant au moine stupide, il ne sait que deux rôles,
L'un pour le criminel, l'autre pour l'innocent ;
Et, voyant une femme en silence s'éteindre,
Ne sachant s'il devait ou condamner ou plaindre,
D'une bouche tremblante il les a dits tous deux.
Maria ! Maria ! superbe créature,
Tu seras ce chasseur imprudent que les dieux
Aux chiens qu'il nourrissait jetèrent en pâture.
Sous le tranquille abri des citronniers en fleurs,
L'infortunée endort le poison qui la mine ;
Et, comme Madeleine, on voit sur sa poitrine
Ruisseler les cheveux ensemble avec les pleurs.

Etait-ce un connaisseur en matière de femme,
Cet écrivain qui dit que, lorsqu'elle sourit,
Elle vous trompe; elle a pleuré toute la nuit ?
Ah ! s'il est vrai qu'un oeil plein de joie et de flamme,
Une bouche riante, et de légers propos,
Cachent des pleurs amers et des nuits de sanglots ;
S'il est vrai que l'acteur ait l'âme déchirée
Quand le masque est fardé de joyeuses couleurs,
Qu'est-ce donc quand la joue est ardente et plombée,
Quand le masque lui-même est inondé de pleurs ?
Je ne sais si jamais l'éternelle justice
A du plaisir des dieux fait un plaisir permis ;
Mais, s'il m'était donné de dire à quel supplice
Je voudrais condamner mon plus fier ennemi,
C'est toi, pâle souci d'une amour dédaignée,
Désespoir misérable et qui meurs ignoré,
Oui, c'est toi, ce serait ta lame empoisonnée
Que je voudrais briser dans un cœur abhorré !
Savez-vous ce que c'est que ce mal solitaire ?
Ce qu'il faut en souffrir seulement pour s'en taire ?
Pour que toute une mer d'angoisses et de maux
Demeure au fond du crâne, entre deux faibles os ?...

Et comment voudrait-il, l'insensé, qu'on le plaigne ?
Sois méprisé d'un seul, c'est à qui t'oubliera.
D'ailleurs, l'inexorable orgueil n'est-il pas là ?
L'orgueil, qui craint les yeux, et, sur son flanc qui saigne,
Retient, comme César, jusque sous le couteau,
De ses débiles mains les plis de son manteau.

.......................................................­......

Sur les flots engourdis de ces mers indolentes,
Le nonchalant Octave, insolemment paré,
Ferme et soulève, au bruit des valses turbulentes,
Ses yeux, ses beaux yeux bleus, qui n'ont jamais pleuré.
C'est un chétif enfant ; - il commence à paraître,
Personne jusqu'ici ne l'avait aperçu.
On raconte qu'un jour, au pied de sa fenêtre,
La belle Mariette en gondole l'a vu.
Une vieille ce soir l'arrête à son passage :
« Hélas ! a-t-elle dit d'une tremblante voix,
Elle voudrait vous voir une dernière fois. »
Mais Octave, à ces mots, découvrant son visage,  
A laissé voir un front où la joie éclatait :
« Mariette se meurt ! est-on sûr qu'elle meure ?
Dit-il. - Le médecin lui donne encore une heure.
- Alors, réplique-t-il, porte-lui ce billet. »
Il écrivit ces mots du bout de son stylet :
« Je suis femme, Maria ; tu m'avais offensée.
Je puis te pardonner, puisque tu meurs par moi.
Tu m'as vengée ! adieu. - Je suis la fiancée
De Petruccio Balbi qui s'est noyé pour toi. »
Quand le fil de ma vie (hélas ! il tient à peine )
Tombera du fuseau qui le retient encor ;
Quand ton nom, mêlé dans mon sort,
Ne se nourrira plus de ma mourante haleine ;
Quand une main fidèle aura senti ma main
Se refroidir sans lui répondre ;
Quand mon dernier espoir, qu'un souffle va confondre,
Ne trouvera plus ton chemin,
Prends mon deuil : un pavot, une feuille d'absinthe,
Quelques lilas d'avril, dont j'aimai tant la fleur ;
Durant tout un printemps qu'ils sèchent sur ton cœur,
Je t'en prie : un printemps ! cette espérance est sainte !
J'ai souffert, et jamais d'importunes clameurs
N'ont rappelé vers moi ton amitié distraite ;
Va ! j'en veux à la mort qui sera moins discrète,
Moi, je ne serai plus quand tu liras : « Je meurs. »

Porte en mon souvenir un parfum de tendresse ;
Si tout ne meurt en moi, j'irai le respirer.
Sur l'arbre, où la colombe a caché son ivresse,
Une feuille, au printemps, suffit pour l'attirer.

S'ils viennent demander pourquoi ta fantaisie
De cette couleur sombre attriste un temps d'amour,
Dis que c'est par amour que ton cœur l'a choisie ;
Dis-leur que l'amour est triste, ou le devient un jour.
Que c'est un vœu d'enfance, une amitié première ;
Oh ! dis-le sans froideur, car je t'écouterai !
Invente un doux symbole où je me cacherai :
Cette ruse entre nous encor . . . c'est la dernière.

Dis qu'un jour, dont l'aurore avait eu bien des pleurs,
Tu trouvas sans défense une abeille endormie ;
Qu'elle se laissa prendre et devint ton amie ;
Qu'elle oublia sa route à te chercher des fleurs.
Dis qu'elle oublia tout sur tes pas égarée,
Contente de brûler dans l'air choisi par toi.
Sous cette ressemblance avec pudeur livrée,
Dis-leur, si tu le peux, ton empire sur moi.

Dis que l'ayant blessée, innocemment peut-être,
Pour te suivre elle fit des efforts superflus ;
Et qu'un soir accourant, sûr de la voir paraître,
Au milieu des parfums, tu ne la trouvas plus.
Que ta voix, tendre alors, ne fut pas entendue ;
Que tu sentis sa trame arrachée à tes jours ;
Que tu pleuras sans honte une abeille perdue ;
Car ce qui nous aima, nous le pleurons toujours.

Qu'avant de renouer ta vie à d'autres chaînes,
Tu détachas du sol où j'avais dû mourir
Ces fleurs, et qu'à travers les plus brillantes scènes,
De ton abeille encor le deuil vient t'attendrir.

Ils riront : que t'importe ? Ah ! sans mélancolie,
Reverras-tu des fleurs retourner la saison ?
Leur miel, pour toi si doux, me devint un poison :
Quand tu ne l'aimas plus, il fit mal à ma vie.

Enfin, l'été s'incline, et tout va pâlissant :
Je n'ai plus devant moi qu'un rayon solitaire,
Beau comme un soleil pur sur un front innocent
Là-bas . . . c'est ton regard : il retient à la terre !
Ma guiterre, je te chante,
Par qui seule je deçoy,
Je deçoy, je romps, j'enchante
Les amours que je reçoy.

Nulle chose, tant soit douce,
Ne te sçauroit esgaler,
Toi qui mes ennuis repousse
Si tost qu'ils t'oyent parler.

Au son de ton harmonie
Je refreschy ma chaleur ;
Ardante en flamme infinie,
Naissant d'infini malheur.

Plus chèrement je te garde
Que je ne garde mes yeux,
Et ton fust que je regarde
Peint dessus en mille lieux,

Où le nom de ma déesse
En maint amoureux lien,
En mains laz d'amour se laisse,
Joindre en chiffre avec le mien ;

Où le beau Phebus, qui baigne
Dans le Loir son poil doré,
Du luth aux Muses enseigne
Dont elles m'ont honoré,

Son laurier preste l'oreille,
Si qu'au premier vent qui vient,
De reciter s'apareille
Ce que par cœur il retient.

Icy les forests compagnes
Orphée attire, et les vents,
Et les voisines campagnes,
Ombrage de bois suivants.

Là est Ide la branchue,
Où l'oiseau de Jupiter
Dedans sa griffe crochue
Vient Ganymede empieter,

Ganymede délectable,
Chasserot délicieux,
Qui ores sert à la table
D'un bel échanson aux Dieux.

Ses chiens après l'aigle aboient,
Et ses gouverneurs aussi,
En vain étonnez, le voient
Par l'air emporter ainsi.

Tu es des dames pensives
L'instrument approprié,
Et des jeunesses lascives
Pour les amours dédié.

Les amours, c'est ton office,
Non pas les assaus cruels,
Mais le joyeux exercice
De souspirs continuels.

Encore qu'au temps d'Horace
Les armes de tous costez
Sonnassent par la menace
Des Cantabres indomtez,

Et que le Romain empire
Foullé des Parthes fust tant,
Si n'a-il point à sa lyre
Bellonne accordé pourtant,

Mais bien Venus la riante,
Ou son fils plein de rigueur,
Ou bien Lalagé fuyante
Davant avecques son cœur.

Quand sur toy je chanteroye
D'Hector les combas divers,
Et ce qui fut fait à Troye
Par les Grecs en dix hyvers,

Cela ne peut satisfaire
A l'amour qui tant me mord :
Que peut Hector pour moy faire ?
Que peut Ajax, qui est mort ?

Mieux vaut donc de ma maistresse
Chanter les beautez, afin
Qu'à la douleur qui me presse
Daigne mettre heureuse fin ;

Ces yeux autour desquels semble
Qu'amour vole, ou que dedans
II se cache, ou qu'il assemble
Cent traits pour les regardants.

Chantons donc sa chevelure,
De laquelle Amour vainqueur
Noua mille rets à l'heure
Qu'il m'encordela le cœur,

Et son sein, rose naïve,
Qui va et vient tout ainsi
Que font deux flots à leur rive
Poussez d'un vent adoucy.
Fable VII, Livre II.


Toi qui te dis mon camarade,
Devrais-je ici te rencontrer,
Bonnet ridicule et maussade ?
Le jour, peux-tu bien te montrer,
Si ce n'est au front d'un malade ?
Quel espoir te retient céans ?
De l'indolence épais emblème,
Te crois-tu chez ces fainéants
Qui te ceignaient pour diadème ?
Va, le prince à qui j'appartiens
Porte autrement qu'eux la couronne.
Vois tout l'éclat qui m'environne,
C'est de lui seul que je le tiens.
Actif dans la paix, dans la guerre,
Ce roi ne se repose guère ;
S'il me permet quelque repos,
C'est lorsque, des mains de la Gloire,
II prend le casque des héros
Ou le laurier de la Victoire.

Mais le bonnet, jusqu'à ce jour,
Vit-il jamais venir son tour ?
Pourquoi donc sort-il de l'armoire ?
Crois-moi, si tu crains les railleurs,
À la cour grand en est le nombre,
Crois-moi, rentre au plus tôt dans l'ombre,
Ou va chercher fortune ailleurs.
- C'est ici que je dois l'attendre.
Répond humblement le bonnet ;
Et je puis vous le prouver net,
Si vous consentez à m'entendre.
Partout où le trône est placé,
De droit vous vous dites admise ;
Eh bien ! moi, je me crois de mise
Partout où le lit est dressé.
N'en est-il en cette demeure ?
Nature y perd-elle ses droits ?
Ou, par bonheur, les yeux des rois
Seraient-ils ouverts à toute heure ?
Quand vient minuit, nous le voyons,
Votre noble poids les chagrine,
Et l'on dirait que quelque épine
Les tourmente sous vos rayons.
Mon règne alors succède au vôtre :
Le front de toute majesté
Qui veut dormir en liberté
Doit être coiffé comme un autre.
Et puis, mais soit dit entre nous,
N'est-il pas d'autres soins plus doux
Qui font quitter la compagnie
Et l'habit de cérémonie ?
À moi la nuit, à vous le jour :
Oui, bien que votre orgueil en gronde,
Mon crédit, même ici, se fonde
Sur les premiers besoins du monde :
Sur le sommeil et sur l'amour.
Quand je te voy seule assise à par-toy,
Toute amusée avecques ta pensée,
Un peu la ***** encontre bas baissée,
Te retirant du vulgaire et de moy :

Je veux souvent pour rompre ton esmoy,
Te saluer, mais ma voix offensée,
De trop de peur se retient amassée
Dedans la bouche, et me laisse tout coy.

Souffrir ne puis les rayons de ta veuë :
Craintive au corps, mon ame tremble esmeuë :
Langue ne voix ne font leur action :

Seuls mes souspirs, seul mon triste visage
Parlent pour moy, et telle passion
De mon amour donne assez tesmoignage.
Fable XVII, Livre II.


À qui diable en veut cet Anglais ?
Il sort du lit avant l'aurore,
Laisse dormir sa femme, éveille ses valets,
Et court déjà les champs qu'il n'est pas jour encore.
Le silence a fui **** des bois ;
Comme ceux des murs où nous sommes,
Leur écho redit à la fois
Les jurements, les cris, les voix
Des chiens, des chevaux et des hommes.
Mais quoi ! le limier est lâché ;
Sur ses pas, en hurlant, le chien courant détale :
La queue en l'air, le nez à la terre attaché,
Des bassets suit la meute intrépide et bancale.
Un commun espoir les soutient.
On trotte, on court, on va, l'on vient ;
On se rejoint, on se sépare ;
On presse, on retient son essor,
Au gré des sons bruyants du cor,
Au caprice de la fanfare.
Point de repos : bêtes et gens,
À qui mieux mieux chacun s'excite.
Mais tombe enfin qui va si vite ;
Tout l'équipage est sur les dents.
Couvert d'écume et de fumée,
Le coursier du maître est rendu ;
Plus d'un chien haletant sur l'herbe est étendu,
Et de sa gueule en feu pend sa langue enflammée.
Milord, qui de chemise a besoin de changer,
Et lentement chez soi retourne à la nuit noire,
À passé le jour sans manger,
Et, qui pis est pour lui, sans boire !
Et pourquoi tant de bruit, tant de soins, tant de mal ?
Pour forcer un triste animal
Qui perd, aussitôt qu'on l'attrape,
Le prix qu'il semble avoir alors qu'il nous échappe ;
Et, **** de nous valoir ce qu'il nous a coûté,
N'offre à l'heureux vainqueur de tous ses stratagèmes,
Qu'un mets auquel deux fois on n'a jamais goûté,
Et dont les chiens à jeun ne veulent pas eux-mêmes !

Toi qui possèdes la grandeur,
Et t'es éreinté sur sa trace,
S'il se peut, parle avec candeur ;
As-tu fait plus heureuse chasse ?
Oui, vous avez un ange ; un jeune ange qui pleure ;
Il pleure, car il aime... et vous ne pleurez pas ;
Il s'en plaint doucement dans le ciel, puis dans l'heure,
Quand elle sonne triste à ralentir vos pas.
Voyez comme il vous donne et couve sous son aile
Des mots harmonieux tièdes d'âme et d'encens :
Et, quand vous les prenez dans sa main fraternelle,
Comme ils forment aux yeux de célestes accents.

Nous avons tous notre ange, et je tiens de ma mère,
Qu'on ne marche pas seul dans une voie amère.
Le rayon de soleil qui passe et vient vous voir,
L'haleine de vos fleurs que vous buvez le soir ;
Un pauvre qui bénit votre obole furtive,
Dont la prière à Dieu s'achève moins plaintive ;
La fraîche voix d'enfant qui vous jette : Bonjour !
Comptez que c'est votre ange et votre ange d'amour !

D'autres fois, je croyais qu'on nous coupait les ailes,
Pour nous faire oublier le chemin des oiseaux.
Puis, qu'elles renaissaient plus vives et plus belles,
Quand nous avions marché longtemps, quand les roseaux
Ne se relevaient plus près des dormantes eaux :
Nous remontions alors raconter nos voyages
Aux frères parcourant leurs villes de nuages ;
Et las de cette terre où tombent toutes fleurs,
Nous chantions au soleil avec des voix sans pleurs !
Rêves d'enfant pensif et bercé de prières,
Dont quelque doux cantique assoupit les paupières ;
Indigent, mais comblé de biens mystérieux,
Au foyer calme et nu qu'ornait le buis pieux !

À présent je suis femme à la terre exilée,
Descendue à l'école où vous brûlez vos jours ;
Toujours en pénitence ou d'un livre accablée,
N'apprenant rien du monde et l'épelant toujours !

Ce livre, c'est ma vie et ses mobiles pages
Où le cyprès serpente à chaque ligne. Eh quoi !
N'avez-vous pas des pleurs à cacher comme moi,
Sous l'album périssable et lourd de trop d'images ?

Dans ces jours embaumés respirés par le cœur,
N'avez-vous pas aussi vu tomber bien des roses ?
N'aviez-vous pas choisi parmi ces frêles choses,  
Un intime trésor qui s'appela : Malheur !

Mais je crois ! mais quelque ange à l'aveugle écolière,
Ouvre parfois son aile et sa pitié de feu :
Il me laisse à genoux ; mais il desserre un peu
L'anneau qui **** de lui me retient prisonnière !
Le ciel... prodigue en leur faveur les miracles.
La postérité de Joseph rentre dans la terre de Gessen ;
Et cette conquête, due aux larmes des vainqueurs,
Ne coûte pas une larme aux vaincus.
Chateaubriand, Martyrs.

I.

Savez-vous, voyageur, pourquoi, dissipant l'ombre,
D'innombrables clartés brillent dans la nuit sombre ?
Quelle immense vapeur rougit les cieux couverts ?
Et pourquoi mille cris, frappant la nue ardente,
Dans la ville, au **** rayonnante,
Comme un concert confus, s'élèvent dans les airs ?

II.

Ô joie ! ô triomphe ! ô mystère !
Il est né, l'enfant glorieux,
L'ange que promit à la terre
Un martyr partant pour les cieux :
L'avenir voilé se révèle.
Salut à la flamme nouvelle
Qui ranime l'ancien flambeau !
Honneur à ta première aurore,
Ô jeune lys qui viens d'éclore,
Tendre fleur qui sors d'un tombeau !

C'est Dieu qui l'a donné, le Dieu de la prière.
La cloche, balancée aux tours du sanctuaire,
Comme aux jours du repos, y rappelle nos pas.
C'est Dieu qui l'a donné, le Dieu de la victoire !
Chez les vieux martyrs de la gloire
Les canons ont tonné, comme au jour des combats.

Ce bruit, si cher à ton oreille,
Joint aux voix des temples bénis,
N'a-t-il donc rien qui te réveille,
Ô toi qui dors à Saint-Denis ?
Lève-toi ! Henri doit te plaire
Au sein du berceau populaire ;
Accours, ô père triomphant !
Enivre sa lèvre trompée,
Et viens voir si ta grande épée
Pèse aux mains du royal enfant.

Hélas ! il est absent, il est au sein des justes.
Sans doute, en ce moment, de ses aïeux augustes
Le cortège vers lui s'avance consolé :
Car il rendit, mourant sous des coups parricides,
Un héros à leurs tombes vides,
Une race de rois à leur trône isolé.

Parmi tous ces nobles fantômes,
Qu'il élève un front couronné,
Qu'il soit fier dans les saints royaumes,
Le père du roi nouveau-né !
Une race longue et sublime
Sort de l'immortelle victime ;
Tel un fleuve mystérieux,
Fils d'un mont frappé du tonnerre,
De son cours fécondant la terre,
Cache sa source dans les cieux.

Honneur au rejeton qui deviendra la tige !
Henri, nouveau Joas, sauvé par un prodige,
À l'ombre de l'autel croîtra vainqueur du sort ;
Un jour, de ses vertus notre France embellie,
À ses sœurs, comme Cornélie,
Dira : « Voilà mon fils, c'est mon plus beau trésor. »

III.

Ô toi, de ma pitié profonde
Reçois l'hommage solennel,
Humble objet des regards du monde
Privé du regard paternel !
Puisses-tu, né dans la souffrance,
Et de ta mère et de la France
Consoler la longue douleur !
Que le bras divin, t'environne,
Et puisse, ô Bourbon ! la couronne
Pour toi ne pas être un malheur !

Oui, souris, orphelin, aux larmes de ta mère !
Ecarte, en te jouant, ce crêpe funéraire
Qui voile ton berceau des couleurs du cercueil ;
Chasse le noir passé qui nous attriste encore ;
Sois à nos yeux comme une aurore !
Rends le jour et la joie à notre ciel en deuil !

Ivre d'espoir, ton roi lui-même,
Consacrant le jour où tu nais,
T'impose, avant le saint baptême,
Le baptême du Béarnais.
La veuve t'offre à l'orpheline ;
Vers toi, conduit par l'héroïne,
Vient ton aïeul en cheveux blancs ;
Et la foule, bruyante et fière,
Se presse à ce Louvre, où naguère,
Muette, elle entrait à pas lents.

Guerriers, peuple, chantez ; Bordeaux, lève ta tête,
Cité qui, la première, aux jours de la conquête,
Rendue aux fleurs de lys, as proclamé ta foi.
Et toi, que le martyr aux combats eût guidée,
Sors de ta douleur, ô Vendée !
Un roi naît pour la France, un solda naît pour toi.

IV.

Rattachez la nef à la rive :
La veuve reste parmi nous,
Et de sa patrie adoptive
Le ciel lui semble enfin plus doux.
L'espoir à la France l'enchaîne ;
Aux champs où fut frappé le chêne
Dieu fait croître un frêle roseau.
L'amour retient l'humble colombe ;
Il faut prier sur une tombe,
Il faut veiller sur un berceau.

Dis, qu'irais-tu chercher au lieu qui te vit naître,
Princesse ? Parthénope outrage son vieux maître :
L'étranger, qu'attiraient des bords exempts d'hivers
Voit Palerme en fureur, voit Messine en alarmes,
Et, plaignant la Sicile en armes,
De ce funèbre éden fuit les sanglantes mers.

Mais que les deux volcans s'éveillent !
Que le souffle du Dieu jaloux
Des sombres géants qui sommeillent
Rallume enfin l'ardent courroux ;
Devant les flots brûlants des laves
Que seront ces hautains esclaves,
Ces chefs d'un jour, ces grands soldats ?
Courage ! ô vous, vainqueurs sublimes !
Tandis que vous marchez aux crimes,
La terre tremble sous vos pas !

Reste au sein des français, ô fille de Sicile !
Ne fuis pas, pour des bords d'où le bonheur s'exile,
Une terre où le lys se relève immortel ;
Où du peuple et des rois l'union salutaire
N'est point cet ***** adultère
Du trône et des partis, des camps et de l'autel.

V.

Nous, ne craignons plus les tempêtes !
Bravons l'horizon menaçant !
Les forfaits qui chargeaient nos têtes
Sont rachetés par l'innocent !
Quand les nochers, dans la tourmente,
Jadis, voyaient l'onde écumante
Entr'ouvrir leurs frêle vaisseau,
Sûrs de la clémence éternelle,
Pour sauver la nef criminelle
Ils y suspendaient un berceau.

Octobre 1820.
Jeune femme aux yeux noirs, étourdie, inconstante,
Entre mille pensers indécise et flottante,
Qui veut et ne veut pas, et bientôt ne sait plus
Où prendre ni fixer, tes voeux irrésolus,
Qui n'aime point le mal et pourtant ne peut faire
Un seul pas vers le bien que ton âme préfère,
Insouciante, et va livrant chaque matin,
Tes projets au hasard et ta vie au destin,
Sais-tu pourquoi je t'aime, et quelle main cachée
Retiens mon âme au char où tu l'as attachée,
Pourquoi je me plains tant dans tes bras, et ressens
Quelque chose de plus que l'ivresse des sens ?
C'est qu'il est, vois-tu bien, certaines destinées
Par des liens secrets l'une à l'autre enchaînées :
C'est qu'il peut arriver, parfois, que deux esprits
Se soient du premier coup reconnus et compris ;
Une triste clarté, de long regrets suivie,
De ses illusions a dépouillé ma vie ;
Elle a flétri ma joie, et n'a plus rien laissé
Dans le fond de mon coeur profondément blessé ;
Et toi, ton âme aussi, triste et désenchantée
De ces vestiges vains qui l'avaient trop flattée,
A reconnu leur vide et va bientôt finir
Ces rêves dissipés pour ne plus revenir.
C'est ce que j'aime en toi, c'est cette connaissance
Des misères de l'homme et de son impuissance ;
C'est ce bizarre aspect d'une femme à vingt ans
Dont la raison précoce a devancé le temps,
Que rien ne touche plus, et qui, jeune et jolie,
Ne croit pas à l'amour et sait comme on oublie,
C'est ce qui me ravit, m'enchante, et sur tes pas
Me retient malgré moi, car enfin n'est-ce pas
Quelque chose de neuf que de nous voir ensemble
Vieillards prématurés qu'un même esprit rassemble,
Avec ces cheveux noirs, avec ce jeune front
Qui des ans destructeurs n'a pas subi l'affront,
Discourir gravement des choses de la vie,
Railler, d'un rire amer, ces plaisirs qu'on envie,
Oublier le présent, ne pas nous souvenir
Que nous sommes tout seuls et parler d'avenir ?
C'est ce qui m'a frappé, moi, c'est ce caractère
Sérieux à la fois et léger, ce mystère
D'une humeur si mobile et d'un coeur si changeant,
De désirs en désirs sans cesse voltigeant.
Je t'aime, si fantasque et si capricieuse ;
Bonne femme d'ailleurs, point avaricieuse,
Au contraire prodigue, et jetant sans regrets
Son or, quand elle en a, sauf à compter après.
On est moins seul au fond d'une église déserte :
De son père inquiet c'est la porte entr'ouverte ;
Lui qui bénit l'enfant, même après son départ,
Lui, qui ne dit jamais : « N'entrez plus, c'est trop **** ! »

Moi, j'ai tardé, seigneur, j'ai fui votre colère,
Comme l'enfant qui tremble à la voix de son père,
Se dérobe au jardin tout pâle, tout en pleurs,
Retient son souffle et met sa tête dans les fleurs ;
J'ai tardé ! Retenant le souffle de ma plainte,
J'ai levé mes deux mains entre vous et ma crainte ;
J'ai fait la morte ; et puis, en fermant bien les yeux,
Me croyant invisible aux lumières des cieux,
Triste comme à ténèbre au milieu de mon âme,
Je fuyais. Mais, Seigneur ! votre incessante flamme,
Perçait de mes détours les fragiles remparts,
Et dans mon cœur fermé rentrait de toutes parts !

C'est là que j'ai senti, de sa fuite lassée,
Se retourner vers vous mon âme délaissée ;
Et me voilà pareille à ce volage enfant,
Dépouillé par la ville, et qui n'a bien souvent
Que ses débiles mais pour voiler son visage,
Quand il dit à son père : Oh ! que n'ai-je été sage !
D'illusions fantastiques

Quel doux esprit t'a bercé ?

Qui t'a dit ces airs antiques,

Ces contes du temps passé ?

Que j'aime quand tu nous chantes

Ces complaintes si touchantes,

Ces cantiques de la foi,

Que m'avait chantés mon père,

Et que chanteront, j'espère,

Ceux qui viendront après moi.


Quand le soir, à la chaumière,

La lampe unit tristement

La pâleur de sa lumière

Au vif éclat du sarment,

Assis dans le coin de l'âtre,

Sans doute tu vis le pâtre

Rappeler des anciens jours,

Récits d'amour, de constance.

Et redire à l'assistance

Ces airs qu'on retient toujours.


Il a de vieilles ballades,

Il a de joyeux refrains :

Et pour les brebis malades

Des remèdes souverains :

Il connaît les noirs présages :

Perçant le voile des âges

Son œil lit dans l'avenir,

Il donne des amulettes,

Et prédit aux bachelettes

Quand l'amour doit leur venir.


Il ta montré la relique

Et la croix qu'un pénitent

A la sainte basilique

A fait bénir en partant.

Il t'a dit les eaux fangeuses

Où dans les nuits orageuses

Errent de pâles lueurs,

Puis sur l'autel de la Vierge

Il fa fait brûler un cierge

A la mère des douleurs.


Il a deviné ta peine,

Il t'a conseillé parfois

D'aller faire une neuvaine

A Notre-Dame-des-Bois ;

De partir pour la Galice ;

Ou, vêtu du noir cilice

D'aller, pieux voyageur,

Déposer ton humble hommage

Au pied de la vieille image

De Saint Jacques-le-Majeur.


Dans une chapelle basse,

Devers la Saint-Jean d'été,

Il t'a fait baiser la châsse

Dont l'antique sainteté

Donne à la foi populaire

Le précieux scapulaire

Qui du malin nous défend,

Et sans travail, ni souffrance,

Abrège la délivrance

Des femmes en mal d'enfant.


Il t'a fait dans les bruyères

Voir, de ****, les lieux maudits

Où l'on dit que les sorcières

S'assemblent les samedis ;

Où pour d'impurs sortilèges

A leurs festins sacrilèges

S'asseoit l'archange déchu ;

Où le voyageur qui passe

S'enfuit en voyant la trace

Qu'y grava son pied fourchu.


Mais à l'angle de deux routes

Il te recommande à Dieu :

Il part ; et toi tu l'écoutes

Après qu'il t'a dit adieu.

Puis tu reviens et nous chantes

Ces complaintes si touchantes,

Ces cantiques de la foi

Que m'avait chantés mon père,

Et que chanteront, j'espère.

Ceux qui viendront après moi.
Sommeil, fils de la nuit et frère de la mort ;

Écoute-moi, Sommeil : lasse de sa veillée,

La lune, au fond du ciel, ferme l'œil et s'endort

Et son dernier rayon, à travers la feuillée,

Comme un baiser d'adieu, glisse amoureusement,

Sur le front endormi de son bleuâtre amant,

Par la porte d'ivoire et la porte de corne.

Les songes vrais ou faux de l'Grèbe envolés,

Peuplent seuls l'univers silencieux et morne ;

Les cheveux de la nuit, d'étoiles d'or mêlés,

Au long de son dos brun pendent tout débouclés ;

Le vent même retient son haleine, et les mondes,

Fatigués de tourner sur leurs muets pivots,

S'arrêtent assoupis et suspendent leurs rondes.


Ô jeune homme charmant ! couronné de pavots,

Qui tenant sur la main une patère noire,

Pleine d'eau du Léthé, chaque nuit nous fais boire,

Mieux que le doux Bacchus, l'oubli de nos travaux ;

Enfant mystérieux, hermaphrodite étrange,

Où la vie, au trépas, s'unit et se mélange,

Et qui n'as de tous deux que ce qu'ils ont de beau ;

Sous les épais rideaux de ton alcôve sombre,

Du fond de ta caverne inconnue au soleil ;

Je t'implore à genoux, écoute-moi, sommeil !


Je t'aime, ô doux sommeil ! Et je veux à ta gloire,

Avec l'archet d'argent, sur la lyre d'ivoire,

Chanter des vers plus doux que le miel de l'Hybla ;

Pour t'apaiser je veux tuer le chien obscène,

Dont le rauque aboiement si souvent te troubla,

Et verser l'***** sur ton autel d'ébène.

Je te donne le pas sur Phébus-Apollon,

Et pourtant c'est un dieu jeune, sans barbe et blond,

Un dieu tout rayonnant, aussi beau qu'une fille ;

Je te préfère même à la blanche Vénus,

Lorsque, sortant des eaux, le pied sur sa coquille,

Elle fait au grand air baiser ses beaux seins nus,

Et laisse aux blonds anneaux de ses cheveux de soie

Se suspendre l'essaim des zéphirs ingénus ;

Même au jeune Iacchus, le doux père de joie,

A l'ivresse, à l'amour, à tout divin sommeil.


Tu seras bienvenu, soit que l'aurore blonde

Lève du doigt le pan de son rideau vermeil,

Soit, que les chevaux blancs qui traînent le soleil

Enfoncent leurs naseaux et leur poitrail dans l'onde,

Soit que la nuit dans l'air peigne ses noirs cheveux.

Sous les arceaux muets de la grotte profonde,

Où les songes légers mènent sans bruit leur ronde,

Reçois bénignement mon encens et mes vœux,

Sommeil, dieu triste et doux, consolateur du monde !
Ceux qui tiennent le soc, la truelle ou la lime,
Sont plus heureux que vous, enfants de l'art sublime !
Chaque jour les vient secourir
Dans leurs quotidiennes misères ;
Mais vous, les travailleurs pensifs aux mains légères,
Vos ouvrages vous font mourir.
L'austère paysan laboure pour les autres,
Et ses rudes travaux sont pires que les vôtres ;
Mais il retient, pour se nourrir,
Sa part des gerbes étrangères ;
Vous qui chantez, tressant des guirlandes légères,
Les moissons vous laissent mourir.
Le rouge forgeron, dans la nuit de sa forge,
Sue au brasier brûlant qui lui sèche la gorge ;
Mais il boit, sans les voir tarir,
Les petits vins dans les gros verres ;
Et vous qui ciselez l'or des coupes légères,
Les celliers vous laissent mourir.
Le pâle tisserand, courbé devant ses toiles,
Ne contemple jamais l'azur ni les étoiles ;
Mais il parvient à se couvrir,
La froidure ne l'atteint guères ;
Vous qui tramez le rêve en dentelles légères,
Les longs hivers vous font mourir.
L'audacieux maçon qui, d'étage en étage,
Suspend sa vie au mince et frêle échafaudage
À bien des dangers à courir ;
Mais ses fils auront des chaumières ;
Vous qui dressez vers Dieu des échelles légères,
Sans foyer vous devez mourir.
Tous vaincus, mais en paix avec la destinée,
Aux approches du soir, la tâche terminée,
Reviennent aimer sans souffrir
Près des robustes ménagères ;
Vous qui poursuivez l'âme aux caresses légères,
Les tendresses vous font mourir.
Un tout petit enfant s'en allait à l'école.
On avait dit : Allez !... il tâchait d'obéir ;
Mais son livre était lourd, il ne pouvait courir.
Il pleure et suit des yeux une abeille qui vole.

« Abeille, lui dit-il, voulez-vous me parler ?
Moi, je vais à l'école : il faut apprendre à lire ;
Mais le maître est tout noir, et je n'ose pas rire :
Voulez-vous rire, abeille, et m'apprendre à voler ? »

« Non, dit-elle ; j'arrive et je suis très pressée.
J'avais froid ; l'aquilon m'a longtemps oppressée :
Enfin, j'ai vu les fleurs, je redescends du ciel,
Et je vais commencer mon doux rayon de miel.
Voyez ! j'en ai déjà puisé dans quatre roses ;
Avant une heure encor nous en aurons d'écloses.
Vite, vite à la ruche ! on ne rit pas toujours :
C'est pour faire le miel qu'on nous rends les beaux jours. »

Elle fuit et se perd sur la route embaumée.
Le frais lilas sortait d'un vieux mur entr'ouvert ;
Il saluait l'aurore, et l'aurore charmée
Se montrait sans nuage et riait de l'hiver.

Une hirondelle passe : elle effleure la joue
Du petit nonchalant qui s'attriste et qui joue.
Et dans l'air suspendue, en redoublant sa voix,
Fait tressaillir l'écho qui dort au fond des bois.

« Oh ! bonjour ! dit l'enfant, qui se souvenait d'elle ;
Je t'ai vue à l'automne ; oh ! bonjour, hirondelle.
Viens ! tu portais bonheur à ma maison, et moi
Je voudrais du bonheur. Veux-tu m'en donner, toi ?
Jouons. » - « Je le voudrais, répond la voyageuse,
Car je respire à peine, et je me sens joyeuse.
Mais j'ai beaucoup d'amis qui doutent du printemps ;
Ils rêveraient ma mort si je tardais longtemps.
Non, je ne puis jouer. Pour finir leur souffrance,
J'emporte un brin de mousse en signe d'espérance.
Nous allons relever nos palais dégarnis :
L'herbe croît, c'est l'instant des amours et des nids.
J'ai tout vu. Maintenant, fidèle messagère,
Je vais chercher mes soeurs, là-bas, sur le chemin.
Ainsi que nous, enfant, la vie est passagère,
Il faut en profiler. Je me sauve... À demain ! »

L'enfant reste muet ; et, la tête baissée,
Rêve et compte ses pas, pour tromper son ennui,
Quand le livre importun, dont sa main est lassée,
Rompt ses fragiles noeuds, et tombe auprès de lui.

Un dogue l'observait du seuil de sa demeure.
Stentor, gardien sévère et prudent à la fois,
De peur de l'effrayer retient sa grosse voix.
Hélas ! peut-on crier contre un enfant qui pleure ?
« Bon dogue, voulez-vous que je m'approche un peu,
Dit l'écolier plaintif ? Je n'aime pas mon livre ;
Voyez ! ma main est rouge, il en est cause. Au jeu
Rien ne fatigue, on rit ; et moi je voudrais vivre
Sans aller à l'école, où l'on tremble toujours ;
Je m'en plains tous les soirs, et j'y vais tous les jours ;
J'en suis très mécontent. Je n'aime aucune affaire.
Le sort des chiens me plaît, car ils n'ont rien à faire. »

« Écolier ! voyez-vous ce laboureur aux champs ?
Eh bien ! ce laboureur, dit Stentor, c'est mon maître.
Il est très vigilant ; je le suis plus, peut-être.
Il dort la nuit, et moi j'écarte les méchants.
J'éveille aussi ce boeuf qui, d'un pied lent, mais ferme,
Va creuser les sillons quand je garde la ferme.
Pour vous même on travaille ; et, grâce à vos brebis,
Votre mère, en chantant, vous file des habits.
Par le travail tout plaît, tout s'unit, tout s'arrange. »

« Allez donc à l'école ; allez, mon petit ange !
Les chiens ne lisent pas, mais la chaîne est pour eux :
L'ignorance toujours mène à la servitude.
L'homme est fin, l'homme est sage, il nous défend l'étude,
« Enfant, vous serez homme, et vous serez heureux ;
Les chiens vous serviront. » L'enfant l'écouta dire,
Et même il le baisa.
Son livre était moins lourd.
En quittant le bon dogue, il pense, il marche, il court.
L'espoir d'être homme un jour lui ramène un sourire.
À l'école, un peu ****, il arrive gaîment,
Et dans le mois des fruits il lisait couramment.
Oh dear Aida ! Ma soprano lyrique
Je te mordille le lobule de l 'auricule
Je grignote l'hélix et je fouine dans l 'anthélix
Je visite ton auricule.
Ce soir je suis chaton de lynx
Ténor lyrique
Je te danse ma marche triomphale
Je suis Général cinq étoiles
Radamès l'Egyptien
Et je m'entortille la trompette dans le labyrinthe de tes cheveux
Comme dans une pelote de laine
Et je miaule et je ronronne :
"Aïda, mon éthiopienne,
Fille d'Amonasro,
Ci-devant esclave d'Amnéris, ta rivale,
Je suis ton esclave patenté
Ensevelis-moi vivant
Quand le moment viendra
et pends un de mes osselets à tes boucles d'oreille
Pour chanter ma mémoire "
Et joignant l'acte à la parole
Je t'administre un gentil piercing de mes griffes.
Et pendant que je te fais mon piercing
Toi tu joues aux osselets avec mon marteau,
Mon enclume et mon étrier.
Tu me dévores le vestige de mon oreille
Et tu me dis : "tu m'aimes maintenant !"

Je n'entends plus que le bruit de l'eau
Qui se mélange aux violons et aux cymbales
De l'orchestre philharmonique
Qui m'envahit comme le déluge
Et je te livre tous mes secrets

Et je m'accroche à tes cheveux
Soudain bleus avec des reflets verts
Comme tes ongles d'ailleurs
Tous verts sauf les pouces qui sont bleus
Pour combiner avec mes oreilles noyées.

N'est pas chaton de lynx qui veut
N'est pas maîtresse de chaton de lynx qui veut
Il faut accepter d'être lacérée de coups de griffes
Certes le félin se retient
Mais il a beau retenir ses griffes
Il est encore gamin
Il ne sait pas qu'il blesse
Il ignore que tu saignes
Il est innocent, le petiot,
Il a tout juste un mois bientôt
Et aux innocents les griffes pleines.

Et tu es maternelle
Tu lui prépares son lait
Et quand il pleure la nuit
Tu l'accueilles volontiers dans ta couche

Heureux les chatons de lynx
Gloria in excelsis deo
Car c'est enterrés vivants avec leur muse
Qu'ils connaîtront le paradis.
Petit Jésus qui souffrez déjà dans votre chair

Pour obéir au premier précepte de la Loi,

Or, nous venons en ce jour saintement doux-amer,

Vous offrir les prémices aussi de notre foi.


Pour obéir, nous autres, à votre obéissance,

Nous apportons sur l'autel le parfait hommage

De nos péchés pénitents à votre innocence,

Sur l'autel blanc où votre sang si pur, notre otage,


Coule mystiquement comme il coula littéral

Au Golgotha, comme il stilla, pas plus réel

Mais littéral aussi, ce jour, dont le rituel

Retient l'anniversaire cruel et lilial.


Et nous circoncisons nos cœurs suivant votre exemple,

Et nous voudrons ressembler à Vous-même, qui fites

Le vieux Siméon, dans la solennité du temple,

Exhaler vers vous une allégresse sans limites.


L'ancien Adam qui se désolait dans son espoir

Toujours remis d'enfin voir, de ses yeux, nous meilleurs,

Nous très doux sans plus d'ire rouge ou d'orgueil noir,

Va chanter un fier cantique de joie et de pleurs,


Et dans les cieux les bienheureux et bienheureuses

S'éjouiront plus que de coutume, et les anges,

Pour ce que cette année, elle à peine dans les langes,

Dès son premier souffle, a ces haleines amoureuses.
Me voilà revenu de ce voyage sombre,
Où l'on n'a pour flambeaux et pour astre dans l'ombre
Que les yeux du hibou ;
Comme, après tout un jour de labourage, un buffle
S'en retourne à pas lents, morne et baissant le mufle,
Je vais ployant le cou.

Me voilà revenu du pays des fantômes,
Mais je conserve encor, **** des muets royaumes
Le teint pâle des morts.
Mon vêtement, pareil au crêpe funéraire
Sur une urne jeté, de mon dos jusqu'à terre
Pend au long de mon corps.

Je sors d'entre les mains d'une mort plus avare
Que celle qui veillait au tombeau de Lazare ;
Elle garde son bien :
Elle lâche le corps, mais elle retient l'âme ;
Elle rend le flambeau, mais elle éteint la flamme,
Et Christ n'y pourrait rien.

Je ne suis plus, hélas ! Que l'ombre de moi-même,
Que la tombe vivante où gît tout ce que j'aime,
Et je me survis seul ;
Je promène avec moi les dépouilles glacées
De mes illusions, charmantes trépassées
Dont je suis le linceul.

Je suis trop jeune encor, je veux aimer et vivre,
Ô mort... et je ne puis me résoudre à te suivre
Dans le sombre chemin ;
Je n'ai pas eu le temps de bâtir la colonne
Où la gloire viendra suspendre ma couronne ;
Ô mort, reviens demain !

Vierge aux beaux seins d'albâtre, épargne ton poète,
Souviens-toi que c'est moi, qui le premier, t'ai faite
Plus belle que le jour ;
J'ai changé ton teint vert en pâleur diaphane,
Sous de beaux cheveux noirs j'ai caché ton vieux crâne,
Et je t'ai fait la cour.

Laisse-moi vivre encor, je dirai tes louanges ;
Pour orner tes palais, je sculpterai des anges,
Je forgerai des croix ;
Je ferai, dans l'église et dans le cimetière,
Fondre le marbre en pleurs et se plaindre la pierre
Comme au tombeau des rois !

Je te consacrerai mes chansons les plus belles :
Pour toi j'aurai toujours des bouquets d'immortelles
Et des fleurs sans parfum.
J'ai planté mon jardin, ô mort, avec tes arbres ;
L'if, le buis, le cyprès y croisent sur les marbres
Leurs rameaux d'un vert brun.

J'ai dit aux belles fleurs, doux honneur du parterre,
Au lis majestueux ouvrant son blanc cratère,
À la tulipe d'or,
À la rose de mai que le rossignol aime,
J'ai dit au dahlia, j'ai dit au chrysanthème,
À bien d'autres encor :

Ne croissez pas ici ! Cherchez une autre terre,
Frais amours du printemps ; pour ce jardin austère
Votre éclat est trop vif ;
Le houx vous blesserait de ses pointes aiguës,
Et vous boiriez dans l'air le poison des ciguës,
L'odeur âcre de l'if.

Ne m'abandonne pas, ô ma mère, ô nature,
Tu dois une jeunesse à toute créature,
À toute âme un amour ;
Je suis jeune et je sens le froid de la vieillesse,
Je ne puis rien aimer. Je veux une jeunesse,
N'eût-elle qu'un seul jour !
Elle fait au milieu du jour son petit somme ;
Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme,
Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel !
L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.
Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions,
Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons,
Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages
D'étoiles qui font signe aux enfants d'être sages,
Ces apparitions, ces éblouissements !
Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants,
Quand toute la nature écoute et se recueille,
Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
La plus tremblante oublie un instant de frémir,
Jeanne a cette habitude aimable de dormir ;
Et la mère un moment respire et se repose,
Car on se lasse, même à servir une rose.
Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr
Dorment ; et son berceau, qu'entoure un vague azur
Ainsi qu'une auréole entoure une immortelle,
Semble un nuage fait avec de la dentelle ;
On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là,
Voir une lueur rose au fond d'un falbala ;
On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse,
Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse ;
L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer ;
Le vent retient son souffle et n'ose respirer.
Soudain, dans l'humble et chaste alcôve maternelle,
Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle,
Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant,
Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement
Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre,
Elle gazouille... - Alors, de sa voix la plus tendre,
Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner,
Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner
À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère :
- Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère.
douces gouttes de pluie faisant fredonner la nature
douces molécules soulageant l'air
silence régnant dans ma chambre

corps léger sur mon matelas
ma respiration s'y mélange

le sommeil me sussurant des tentations
non éternelles, malheureusement
le 09 décembre 2024
Philip Salt Sep 6
Petit homme, petit homme
Forte en bras
Pied Sur Terre
Endessous des ailes
Bien bien bien
Combien de fois faut ils jette votre Couer au Ciel pour etre attrappe par les anges

Petit homme, petit home
Forte en bras
Pied Sur Terre
Endessous des ailes
Bien bien bien
Combien de fois peu tu ascended au Ciel pour attrappe votre propre Couer.

Petit homme, petit homme
Forte en bras, retient votre couer
Pied Sur Terre, rest ici
Endessous des ailes, protege par Les plume
Bien bien bien
Bientot la Ciel viendra vous visite

— The End —