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Fierté, pardonne-moi !
Fierté, je t'ai trahie !...
Une fois dans ma vie,
Fierté, j'ai mieux aimé mon pauvre coeur que toi :
Tue, ou pardonne-moi !

Sans souci, sans effroi,
Comme on est dans l'enfance,
J'étais là sans défense ;
Rien ne gardait mon coeur, rien ne veillait sur moi :
Où donc étais-tu, toi ?

Fierté, pardonne-moi !
Fierté, je t'ai trahie !...
Une fois dans ma vie,
Fierté, j'ai mieux aimé mon pauvre coeur que toi :
Tue, ou pardonne-moi !
Mon papa, c'est le plus fort des papas.
Mon papa, c'est le plus beau des papas.
Mon papa, même quand il est fatigué, on dirait Richard Gere.
Mon papa, même si il est carnivore, moi, je l'aime quand même.
Mon papa, quand il mange, on dirait qu'il a 5 ans, mais moi, je l'aime quand même.
Mon papa, il a des voitures super cool qui font vroom.
Mon papa, quand il conduit, on dirait Michel Vaillant, même pas peur.
Mon papa, quand il me dit bonne nuit, j'ai même plus peur.
Les monstres sous mon lit, eux, ils se désintègrent avec la force des bisous de mon papa.
Mon papa, parfois, il ronfle et je l'aime quand même.
Mon papa, quand on est dans la piscine, il joue au crocrodile avec nous.
Mon papa, quand il porte des choses, les manches de sa chemise se déchire sous les   muscles.
Mon papa, avec une barbe, on dirait un homme des caverne, c'est trop cool.
Mon papa, quand il fait des câlins, on disparait sous ses couches d'amour.
Mon papa, quand il nous emmène faire du shopping, il supporte des heures et il sourit.
Mon papa, il nous laisse faire des trucs qui lui font peur, mais il veut nous faire plaisir, alors il dit oui.
Mon papa, il m'a laissé faire du saut en parachute, et je suis même pas morte.
Mon papa, il râle parfois mais on sait qu'en fait, c'est parce qu'il nous aime.
Mon papa, même quand il voyage, il pense à nous.
Mon papa, il nous emmène en voyage avec des photos tout le temps quand il travail.
Mon papa, il nous emmène en voyage tout le temps quand il est en vacances.
Mon papa, il fait des trucs de papa trop génial.
Par exemple, il connait nos restaurants préférés, et il sait ce qui nous fait plaisir.
Alors il nous y emmène.
Mon papa, même quand il est en colère, il est beau.
Mon papa, quand il sourit il est comme Thor, le dieu du tonnerre, il est puissant.
Du coup, parfois, ma maman elle fait un nervous break down.
Parce que mon papa il est trop beau c'est même pas normal.
Mon papa, il a un double menton pour que si un jour Game Of Thrones arrive dans la vraie vie, on pourra pas lui trancher la gorge.
Mon papa, il fait du vélo plus vite que le Tour de France. La preuve, ca fait des années qu'ils sont en France, mon papa, lui, il est déjà à Dubai.
Mon papa, parfois il oublie notre anniversaire quand on lui demande au pif, mais il oublie jamais de le souhaiter, donc on lui pardonne.
Mon papa, il voyage en first class.
Mon papa, il connait les aéroports mieux que James Bond.
Mon papa, il regarde des series TV de jeunes.
Mon papa, il porte des costards.
Mon papa, il nous emmène manger des dans endroits incroyables.
Mon papa, il nous emmène dans des hôtels de luxe.
Mon papa, il devrait être président du monde.
Mon papa, il est mieux que les autres papa parce que c'est le mien.
Mon papa, il est irremplaçable.  
Mon papa, si on m'en donnait un autre, j'en voudrais pas.
Mon papa, je veux que celui la.
Mon papa il est pas toujours là, mais c'est pas grave, parce qu'il est jamais ****.
Mon papa, il traverse le monde mais après il nous raconte, alors c'est cool.
Mon papa, il fait une super vinaigrette. Dommage que j'aime pas la vinaigrette.
Mon papa, quand il fait un barbeque, ca fait beaucoup de fumée et pas beaucoup de feu, mais c'est pour mieux nous impressioner quand il fait rôtir la viande.
Mon papa, il parle Anglais.
Mon papa, c'est le meilleur papa du monde.
Mon papa, je l'aime, même si maintenant, il a presque un demi siècle.
Mon papa, c'est comme un druide.
Ca meurt jamais.
C'est trop cool.
Mon papa, c'est comme une mode indémodable, tu veux jamais le remplacer, il est toujours tendance.
Mon papa, on peut pas le comparer a une mode fashion, parce que c'est un humain.
Mon papa, c'est le meilleur humain que je connaisse.
Avec ma maman et ma soeur et mon chat, mais chuuuuut.
C'est un secret.
Mais ce que je préfère à propos de mon papa, c'est que dès que je le vois, je peux lui dire:
"mon papa, je l'aime."
Tant que mon pauvre cœur, encor plein de jeunesse,
A ses illusions n'aura pas dit adieu,
Je voudrais m'en tenir à l'antique sagesse,
Qui du sobre Épicure a fait un demi-dieu
Je voudrais vivre, aimer, m'accoutumer aux hommes
Chercher un peu de joie et n'y pas trop compter,
Faire ce qu'on a fait, être ce que nous sommes,
Et regarder le ciel sans m'en inquiéter.

Je ne puis ; - malgré moi l'infini me tourmente.
Je n'y saurais songer sans crainte et sans espoir ;
Et, quoi qu'on en ait dit, ma raison s'épouvante
De ne pas le comprendre et pourtant de le voir.
Qu'est-ce donc que ce monde, et qu'y venons-nous faire,
Si pour qu'on vive en paix, il faut voiler les cieux ?
Passer comme un troupeau les yeux fixés à terre,
Et renier le reste, est-ce donc être heureux ?
Non, c'est cesser d'être homme et dégrader son âme.
Dans la création le hasard m'a jeté ;
Heureux ou malheureux, je suis né d'une femme,
Et je ne puis m'enfuir hors de l'humanité.

Que faire donc ? « Jouis, dit la raison païenne ;
Jouis et meurs ; les dieux ne songent qu'à dormir.
- Espère seulement, répond la foi chrétienne ;
Le ciel veille sans cesse, et tu ne peux mourir. »
Entre ces deux chemins j'hésite et je m'arrête.
Je voudrais, à l'écart, suivre un plus doux sentier.
Il n'en existe pas, dit une voix secrète ;
En présence du ciel, il faut croire ou nier.
Je le pense en effet ; les âmes tourmentées
Dans l'un et l'autre excès se jettent tour à tour,
Mais les indifférents ne sont que des athées ;
Ils ne dormiraient plus s'ils doutaient un seul jour.
Je me résigne donc, et, puisque la matière
Me laisse dans le cœur un désir plein d'effroi,
Mes genoux fléchiront ; je veux croire et j'espère.
Que vais-je devenir, et que veut-on de moi ?
Me voilà dans les mains d'un Dieu plus redoutable
Que ne sont à la fois tous les maux d'ici-bas ;
Me voilà seul, errant, fragile et misérable,
Sous les yeux d'un témoin qui ne me quitte pas.
Il m'observer il me suit. Si mon cœur bat trop vite,
J'offense sa grandeur et sa divinité.
Un gouffre est sous mes pas si je m'y précipite,
Pour expier une heure il faut l'éternité.
Mon juge est un bourreau qui trompe sa victime.
Pour moi, tout devient piège et tout change de nom
L'amour est un péché, le bonheur est un crime,
Et l'œuvre des sept jours n'est que tentation
Je ne garde plus rien de la nature humaine ;
Il n'existe pour moi ni vertu ni remord .
J'attends la récompense et j'évite la peine ;
Mon seul guide est la peur, et mon seul but, la mort
On me dit cependant qu'une joie infinie
Attend quelques élus. - Où sont-ils, ces heureux ?
Si vous m'avez trompé, me rendrez-vous la vie ?
Si vous m'avez dit vrai, m'ouvrirez-vous les cieux ?
Hélas ! ce beau pays dont parlaient vos prophètes,
S'il existe là-haut, ce doit être un désert
Vous les voulez trop purs, les heureux que vous faites,
Et quand leur joie arrive, ils en ont trop souffert.
Je suis seulement homme, et ne veux pas moins être,
Ni tenter davantage. - À quoi donc m'arrêter ?
Puisque je ne puis croire aux promesses du prêtre,
Est-ce l'indifférent que je vais consulter ?

Si mon cœur, fatigué du rêve qui l'obsède,
À la réalité revient pour s'assouvir,
Au fond des vains plaisirs que j'appelle à mon aide
Je trouve un tel dégoût, que je me sens mourir
Aux jours même où parfois la pensée est impie,
Où l'on voudrait nier pour cesser de douter,
Quand je posséderais tout ce qu'en cette vie
Dans ses vastes désirs l'homme peut convoiter ;
Donnez-moi le pouvoir, la santé, la richesse,
L'amour même, l'amour, le seul bien d'ici-bas !
Que la blonde Astarté, qu'idolâtrait la Grèce,
De ses îles d'azur sorte en m'ouvrant les bras ;
Quand je pourrais saisir dans le sein de la terre
Les secrets éléments de sa fécondité,
Transformer à mon gré la vivace matière
Et créer pour moi seul une unique beauté ;
Quand Horace, Lucrèce et le vieil Épicure,
Assis à mes côtés m'appelleraient heureux
Et quand ces grands amants de l'antique nature
Me chanteraient la joie et le mépris des dieux,
Je leur dirais à tous : « Quoi que nous puissions faire,
Je souffre, il est trop **** ; le monde s'est fait vieux
Une immense espérance a traversé la terre ;
Malgré nous vers le ciel il faut lever les yeux ! »
Que me reste-t-il donc ? Ma raison révoltée
Essaye en vain de croire et mon cœur de douter
De chrétien m'épouvante, et ce que dit l'athée,
En dépit de mes sens, je ne puis l'écouter.
Les vrais religieux me trouveront impie,
Et les indifférents me croiront insensé.
À qui m'adresserai-je, et quelle voix amie
Consolera ce cœur que le doute a blessé ?

Il existe, dit-on, une philosophie
Qui nous explique tout sans révélation,
Et qui peut nous guider à travers cette vie
Entre l'indifférence et la religion.
J'y consens. - Où sont-ils, ces faiseurs de systèmes,
Qui savent, sans la foi, trouver la vérité,
Sophistes impuissants qui ne croient qu'en eux-mêmes ?
Quels sont leurs arguments et leur autorité ?
L'un me montre ici-bas deux principes en guerre,
Qui, vaincus tour à tour, sont tous deux immortels ;
L'autre découvre au ****, dans le ciel solitaire,
Un inutile Dieu qui ne veut pas d'autels.
Je vois rêver Platon et penser Aristote ;
J'écoute, j'applaudis, et poursuis mon chemin
Sous les rois absolus je trouve un Dieu despote ;
On nous parle aujourd'hui d'un Dieu républicains.
Pythagore et Leibniz transfigurent mon être.
Descartes m'abandonne au sein des tourbillons.
Montaigne s'examine, et ne peut se connaître.
Pascal fuit en tremblant ses propres visions.
Pyrrhon me rend aveugle, et Zénon insensible.
Voltaire jette à bas tout ce qu'il voit debout
Spinoza, fatigué de tenter l'impossible,
Cherchant en vain son Dieu, croit le trouver partout.
Pour le sophiste anglais l'homme est une machine.
Enfin sort des brouillards un rhéteur allemand
Qui, du philosophisme achevant la ruine,
Déclare le ciel vide, et conclut au néant.

Voilà donc les débris de l'humaine science !
Et, depuis cinq mille ans qu'on a toujours douté,
Après tant de fatigue et de persévérance,
C'est là le dernier mot qui nous en est rester
Ah ! pauvres insensés, misérables cervelles,
Qui de tant de façons avez tout expliqué,
Pour aller jusqu'aux cieux il vous fallait des ailes ;
Vous aviez le désir, la foi vous a manqué.
Je vous plains ; votre orgueil part d'une âme blesses,
Vous sentiez les tourments dont mon cœur est rempli
Et vous la connaissiez, cette amère pensée
Qui fait frissonner l'homme en voyant l'infini.
Eh bien, prions ensemble,-abjurons la misère
De vos calculs d'enfants, de tant de vains travaux !
Maintenant que vos corps sont réduits en poussière
J'irai m'agenouiller pour vous sur vos tombeaux.
Venez, rhéteurs païens, maîtres de la science,
Chrétiens des temps passés et rêveurs d'aujourd'hui ;
Croyez-moi' la prière est un cri d'espérance !
Pour que Dieu nous réponde, adressons-nous à lui,
Il est juste, il est bon ; sans doute il vous pardonne.
Tous vous avez souffert, le reste est oublié.
Si le ciel est désert, nous n'offensons personne ;
Si quelqu'un nous entend, qu'il nous prenne en pitié !

Ô toi que nul n'a pu connaître,
Et n'a renié sans mentir,
Réponds-moi, toi qui m'as fait naître,
Et demain me feras mourir !

Puisque tu te laisses comprendre,
Pourquoi fais-tu douter de toi ?
Quel triste plaisir peux-tu prendre
À tenter notre bonne foi ?

Dès que l'homme lève la tête,
Il croit t'entrevoir dans les cieux ;
La création, sa conquête,
N'est qu'un vaste temple à ses yeux.

Dès qu'il redescend en lui-même,
Il l'y trouve ; tu vis en lui.
S'il souffre, s'il pleure, s'il aime,
C'est son Dieu qui le veut ainsi.

De la plus noble intelligence
La plus sublime ambition
Est de prouver ton existence,
Et de faire épeler ton nom.

De quelque façon qu'on t'appelle,
Brahma, Jupiter ou Jésus,
Vérité, Justice éternelle,
Vers toi tous les bras sont tendus.

Le dernier des fils de la terre
Te rend grâces du fond du coeur,
Dès qu'il se mêle à sa misère
Une apparence de bonheur.

Le monde entier te glorifie :
L'oiseau te chante sur son nid ;
Et pour une goutte de pluie
Des milliers d'êtres t'ont béni.

Tu n'as rien fait qu'on ne l'admire ;
Rien de toi n'est perdu pour nous ;
Tout prie, et tu ne peux sourire
Que nous ne tombions à genoux.

Pourquoi donc, ô Maître suprême,
As-tu créé le mal si grand,
Que la raison, la vertu même
S'épouvantent en le voyant ?

Lorsque tant de choses sur terre
Proclament la Divinité,
Et semblent attester d'un père
L'amour, la force et la bonté,

Comment, sous la sainte lumière,
Voit-on des actes si hideux,
Qu'ils font expirer la prière
Sur les lèvres du malheureux ?

Pourquoi, dans ton oeuvre céleste,
Tant d'éléments si peu d'accord ?
À quoi bon le crime et la peste ?
Ô Dieu juste ! pourquoi la mort ?

Ta pitié dut être profonde
Lorsqu'avec ses biens et ses maux,
Cet admirable et pauvre monde
Sortit en pleurant du chaos !

Puisque tu voulais le soumettre
Aux douleurs dont il est rempli,
Tu n'aurais pas dû lui permettre
De t'entrevoir dans l'infini.

Pourquoi laisser notre misère
Rêver et deviner un Dieu ?
Le doute a désolé la terre ;
Nous en voyons trop ou trop peu.

Si ta chétive créature
Est indigne de t'approcher,
Il fallait laisser la nature
T'envelopper et te cacher.

Il te resterait ta puissance,
Et nous en sentirions les coups ;
Mais le repos et l'ignorance
Auraient rendu nos maux plus doux.

Si la souffrance et la prière
N'atteignent pas ta majesté,
Garde ta grandeur solitaire,
Ferme à jamais l'immensité.

Mais si nos angoisses mortelles
Jusqu'à toi peuvent parvenir ;
Si, dans les plaines éternelles,
Parfois tu nous entends gémir,

Brise cette voûte profonde
Qui couvre la création ;
Soulève les voiles du monde,
Et montre-toi, Dieu juste et bon !

Tu n'apercevras sur la terre
Qu'un ardent amour de la foi,
Et l'humanité tout entière
Se prosternera devant toi.

Les larmes qui l'ont épuisée
Et qui ruissellent de ses yeux,
Comme une légère rosée
S'évanouiront dans les cieux.

Tu n'entendras que tes louanges,
Qu'un concert de joie et d'amour
Pareil à celui dont tes anges
Remplissent l'éternel séjour ;

Et dans cet hosanna suprême,
Tu verras, au bruit de nos chants,
S'enfuir le doute et le blasphème,
Tandis que la Mort elle-même
Y joindra ses derniers accents.
On n'offense que Dieu qui seul pardonne. Mais

On centriste son frère, on l'afflige, on le blesse.

On fait gronder sa haine ou pleurer sa faiblesse,

Et c'est un crime affreux qui va troubler la paix

Des simples, et donner au monde sa pâture,

Scandale, cœurs perdus, gros mots et rire épais.


Le plus souvent par un effet de la nature

Des choses, ce péché trouve son châtiment

Même ici-bas, féroce et long communément.

Mais l'Amour tout-puissant donne à la créature

Le sens de son malheur qui mène au repentir

Par une route lente et haute, mais très sûre.


Alors un grand désir, un seul, vient investir -

Le pénitent, après les premières alarmes.

Et c'est d'humilier son front devant les larmes


De naguère, sans rien qui pourrait amollir

Le coup droit pour l'orgueil, et de rendre les armes

Comme un soldat vaincu, - triste de bonne fol.


Ô ma sœur, qui m'avez puni, pardonnez-moi !
cindy Oct 2018
J’ai trahi nos discussions tardives
Autour de deux verres, le délice
De te voir pourrait être un indice
D'une passion qui est compulsive

Ce soir-là tu parlais de ces choses
Tes lèvres, orchestres de mélodie
Laissaient en mon coeur une ecchymose
Je ne peux oublier cette nuit

Comblée par tous ces moments d’absences
Mes yeux témoignaient de ta splendeur  
Mais tu n’avais aucun auditeur  
Tout semblait réel dans ma présence

Je n’écoutais plus ta mélodie
J’observais tes traits incomparables
Ta silhouette; je m’y perdis
À l’Empereur, tu étais semblable
À MADEMOISELLE LOUISE B.

I.

- Ainsi donc rien de grand, rien de saint, rien de pur,
Rien qui soit digne, ô ciel ! de ton regret d'azur !
Rien qui puisse anoblir le vil siècle où nous sommes,
Ne sortira du cœur de l'homme enfant des hommes !
Homme ! esprit enfoui sous les besoins du corps !
Ainsi, jouir ; descendre à tâtons chez les morts ;
Être à tout ce qui rampe, à tout ce qui s'envole,
A l'intérêt sordide, à la vanité folle ;
Ne rien savoir - qu'emplir, sans souci du devoir,
Une charte de mots ou d'écus un comptoir ;
Ne jamais regarder les voûtes étoilées ;
Rire du dévouement et des vertus voilées ;
Voilà ta vie, hélas ! et tu n'as, nuit et jour,
Pour espoir et pour but, pour culte et pour amour,
Qu'une immonde monnaie aux carrefours traînée
Et qui te laisse aux mains sa rouille empoissonnée !
Et tu ne comprends pas que ton destin, à toi,
C'est de penser ! c'est d'être un mage et d'être un roi ;
C'est d'être un alchimiste alimentant la flamme
Sous ce sombre alambic que tu nommes ton âme,
Et de faire passer par ce creuset de feu
La nature et le monde, et d'en extraire Dieu !

Quoi ! la brute a sa sphère et l'éléments sa règle !
L'onde est au cormoran et la neige est à l'aigle.
Tout a sa région, sa fonction, son but.
L'écume de la mer n'est pas un vain rebut ;
Le flot sait ce qu'il fait ; le vent sait qui le pousse ;
Comme un temple où toujours veille une clarté douce,
L'étoile obéissante éclaire le ciel bleu ;
Le lys s'épanouit pour la gloire de Dieu ;
Chaque matin, vibrant comme une sainte lyre,
L'oiseau chante ce nom que l'aube nous fait lire.
Quoi ! l'être est plein d'amour, le monde est plein de foi
Toute chose ici-bas suit gravement sa loi,
Et ne sait obéir, dans sa fierté divine,
L'oiseau qu'à son instinct, l'arbre qu'à sa racine !
Quoi ! l'énorme océan qui monte vers son bord,
Quoi ! l'hirondelle au sud et l'aimant vers le nord
La graine ailée allant au **** choisir sa place,
Le nuage entassé sur les îles de glace,
Qui, des cieux tout à coup traversant la hauteur,
Croule au souffle d'avril du pôle à l'équateur,
Le glacier qui descend du haut des cimes blanches,
La sève qui s'épand dans les fibres des branches,
Tous les objets créés, vers un but sérieux,
Les rayons dans les airs, les globes dans les cieux,
Les fleuves à travers les rochers et les herbes,
Vont sans se détourner de leurs chemins superbes !
L'homme a seul dévié ! - Quoi ! tout dans l'univers,
Tous les êtres, les monts, les forêts, les prés verts,
Le jour dorant le ciel, l'eau lavant les ravines,
Ont encore, comme au jour où de ses mains divines
Jéhova sur Adam imprima sa grandeur,
Toute leur innocence et toute leur candeur !
L'homme seul est tombé !- Fait dans l'auguste empire
Pour être le meilleur, il en devient le pire,
Lui qui devait fleurir comme l'arbre choisi,
Il n'est plus qu'un tronc vil au branchage noirci,
Que l'âge déracine et que le vice effeuille,
Dont les rameaux n'ont pas de fruit que Dieu recueille,
Où jamais sans péril nous ne nous appuyons,
Où la société greffe les passions !
Chute immense ! il ignore et nie, ô providence !
Tandis qu'autour de lui la création pense !

Ô honte ! en proie aux sens dont le joug l'asservit,
L'homme végète auprès de la chose qui vit !

II.

Comme je m'écriais ainsi, vous m'entendîtes ;
Et vous, dont l'âme brille en tout ce que vous dites,
Vous tournâtes alors vers moi paisiblement
Votre sourire triste, ineffable et calmant :

- L'humanité se lève, elle chancelle encore,
Et, le front baigné d'ombre, elle va vers l'aurore.
Tout l'homme sur la terre a deux faces, le bien
Et le mal. Blâmer tout, c'est ne comprendre rien.
Les âmes des humains d'or et de plomb sont faites.
L'esprit du sage est grave, et sur toutes les têtes
Ne jette pas sa foudre au hasard en éclats.
Pour le siècle où l'on vit - comme on y souffre, hélas ! -
On est toujours injuste, et tout y paraît crime.
Notre époque insultée a son côté sublime.
Vous l'avez dit vous-même, ô poète irrité ! -

Dans votre chambre, asile illustre et respecté,
C'est ainsi que, sereine et simple, vous parlâtes.
Votre front, au reflet des damas écarlates,
Rayonnait, et pour moi, dans cet instant profond,
Votre regard levé fit un ciel du plafond.

L'accent de la raison, auguste et pacifique,
L'équité, la pitié, la bonté séraphique,
L'oubli des torts d'autrui, cet oubli vertueux
Qui rend à leur insu les fronts majestueux,
Donnaient à vos discours, pleins de clartés si belles,
La tranquille grandeur des choses naturelles,
Et par moments semblaient mêler à votre voix
Ce chant doux et voilé qu'on entend dans les bois.

III.

Pourquoi devant mes yeux revenez-vous sans cesse,
Ô jours de mon enfance et de mon allégresse ?
Qui donc toujours vous rouvre en nos cœurs presque éteints
Ô lumineuse fleur des souvenirs lointains ?

Oh ! que j'étais heureux ! oh ! que j'étais candide !
En classe, un banc de chêne, usé, lustré, splendide,
Une table, un pupitre, un lourd encrier noir,
Une lampe, humble sœur de l'étoile du soir,
M'accueillaient gravement et doucement. Mon maître,
Comme je vous l'ai dit souvent, était un prêtre
A l'accent calme et bon, au regard réchauffant,
Naïf comme un savant, malin comme un enfant,
Qui m'embrassait, disant, car un éloge excite :
- Quoiqu'il n'ait que neuf ans, il explique Tacite. -
Puis près d'Eugène, esprit qu'hélas ! Dieu submergea,
Je travaillais dans l'ombre, - et je songeais déjà.

Tandis que j'écrivais, - sans peur, mais sans système,
Versant le barbarisme à grands flots sur le thème,
Inventant les auteurs de sens inattendus,
Le dos courbé, le front touchant presque au Gradus, -
Je croyais, car toujours l'esprit de l'enfant veille,
Ouïr confusément, tout près de mon oreille,
Les mots grecs et latins, bavards et familiers,
Barbouillés d'encre, et gais comme des écoliers,
Chuchoter, comme font les oiseaux dans une aire,
Entre les noirs feuillets du lourd dictionnaire.
Bruits plus doux que le bruit d'un essaim qui s'enfuit,
Souffles plus étouffés qu'un soupir de la nuit,
Qui faisaient par instants, sous les fermoirs de cuivre,
Frissonner vaguement les pages du vieux livre !

Le devoir fait, légers comme de jeunes daims,
Nous fuyions à travers les immenses jardins,
Éclatant à la fois en cent propos contraires.
Moi, d'un pas inégal je suivais mes grands frères ;
Et les astres sereins s'allumaient dans les cieux,
Et les mouches volaient dans l'air silencieux,
Et le doux rossignol, chantant dans l'ombre obscure,
Enseignait la musique à toute la nature,
Tandis qu'enfant jaseur aux gestes étourdis,
Jetant partout mes yeux ingénus et hardis
D'où jaillissait la joie en vives étincelles,
Je portais sous mon bras, noués par trois ficelles,
Horace et les festins, Virgile et les forêts,
Tout l'Olympe, Thésée, Hercule, et toi Cérès,
La cruelle Junon, Lerne et l'hydre enflammée,
Et le vaste lion de la roche Némée.

Mais, lorsque j'arrivais chez ma mère, souvent,
Grâce au hasard taquin qui joue avec l'enfant,
J'avais de grands chagrins et de grandes colères.
Je ne retrouvais plus, près des ifs séculaires,
Le beau petit jardin par moi-même arrangé.
Un gros chien en passant avait tout ravagé.
Ou quelqu'un dans ma chambre avait ouvert mes cages,
Et mes oiseaux étaient partis pour les bocages,
Et, joyeux, s'en étaient allés de fleur en fleur
Chercher la liberté bien ****, - ou l'oiseleur.
Ciel ! alors j'accourais, rouge, éperdu, rapide,
Maudissant le grand chien, le jardinier stupide,
Et l'infâme oiseleur et son hideux lacet,
Furieux ! - D'un regard ma mère m'apaisait.

IV.

Aujourd'hui, ce n'est pas pour une cage vide,
Pour des oiseaux jetés à l'oiseleur avide,
Pour un dogue aboyant lâché parmi les fleurs,
Que mon courroux s'émeut. Non, les petits malheurs
Exaspèrent l'enfant ; mais, comme en une église,
Dans les grandes douleurs l'homme se tranquillise.
Après l'ardent chagrin, au jour brûlant pareil,
Le repos vient au cœur comme aux yeux le sommeil.
De nos maux, chiffres noirs, la sagesse est la somme.
En l'éprouvant toujours, Dieu semble dire à l'homme :
- Fais passer ton esprit à travers le malheur ;
Comme le grain du crible, il sortira meilleur. -
J'ai vécu, j'ai souffert, je juge et je m'apaise.
Ou si parfois encor la colère mauvaise
Fait pencher dans mon âme avec son doigt vainqueur
La balance où je pèse et le monde et mon cœur ;
Si, n'ouvrant qu'un seul œil, je condamne et je blâme,
Avec quelques mots purs, vous, sainte et noble femme,
Vous ramenez ma voix qui s'irrite et s'aigrit
Au calme sur lequel j'ai posé mon esprit ;
Je sens sous vos rayons mes tempêtes se taire ;
Et vous faites pour l'homme incliné, triste, austère,
Ce que faisait jadis pour l'enfant doux et beau
Ma mère, ce grand cœur qui dort dans le tombeau !

V.

Écoutez à présent. - Dans ma raison qui tremble,
Parfois l'une après l'autre et quelquefois ensemble,
Trois voix, trois grandes voix murmurent.

L'une dit :
- « Courrouce-toi, poète. Oui, l'enfer applaudit
Tout ce que cette époque ébauche, crée ou tente.
Reste indigné. Ce siècle est une impure tente
Où l'homme appelle à lui, voyant le soir venu,
La volupté, la chair, le vice infâme et nu.
La vérité, qui fit jadis resplendir Rome,
Est toujours dans le ciel ; l'amour n'est plus dans l'homme.
« Tout rayon jaillissant trouve tout œil fermé.
Oh ! ne repousse pas la muse au bras armé
Qui visitait jadis comme une austère amie,
Ces deux sombres géants, Amos et Jérémie !
Les hommes sont ingrats, méchants, menteurs, jaloux.
Le crime est dans plusieurs, la vanité dans tous ;
Car, selon le rameau dont ils ont bu la sève,
Ils tiennent, quelques-uns de Caïn, et tous d'Ève.

« Seigneur ! ta croix chancelle et le respect s'en va.
La prière décroît. Jéhova ! Jéhova !
On va parlant tout haut de toi-même en ton temple.
Le livre était la loi, le prêtre était l'exemple ;
Livre et prêtre sont morts. Et la foi maintenant,
Cette braise allumée à ton foyer tonnant,
Qui, marquant pour ton Christ ceux qu'il préfère aux autres,
Jadis purifiait la lèvre des apôtres,
N'est qu'un charbon éteint dont les petits enfants
Souillent ton mur avec des rires triomphants ! » -

L'autre voix dit : - « Pardonne ! aime ! Dieu qu'on révère,
Dieu pour l'homme indulgent ne sera point sévère.
Respecte la fourmi non moins que le lion.
Rêveur ! rien n'est petit dans la création.
De l'être universel l'atome se compose ;
Dieu vit un peu dans tout, et rien n'est peu de chose.
Cultive en toi l'amour, la pitié, les regrets.
Si le sort te contraint d'examiner de près
L'homme souvent frivole, aveugle et téméraire,
Tempère l'œil du juge avec les pleurs du frère.
Et que tout ici-bas, l'air, la fleur, le gazon ;
Le groupe heureux qui joue au seuil de ta maison ;
Un mendiant assis à côté d'une gerbe ;
Un oiseau qui regarde une mouche dans l'herbe ;
Les vieux livres du quai, feuilletés par le vent,
D'où l'esprit des anciens, subtil, libre et vivant,
S'envole, et, souffle errant, se mêle à tes pensées ;
La contemplation de ces femmes froissées
Qui vivent dans les pleurs comme l'algue dans l'eau ;
L'homme, ce spectateur ; le monde, ce tableau ;
Que cet ensemble auguste où l'insensé se blase
Tourne de plus en plus ta vie et ton extase
Vers l'œil mystérieux qui nous regarde tous,
Invisible veilleur ! témoin intime et doux !
Principe ! but ! milieu ! clarté ! chaleur ! dictame !
Secret de toute chose entrevu par toute l'âme !
« N'allume aucun enfer au tison d'aucun feu.
N'aggrave aucun fardeau. Démontre l'âme et Dieu,
L'impérissable esprit, la tombe irrévocable ;
Et rends douce à nos fronts, que souvent elle accable,
La grande main qui grave en signes immortels
JAMAIS ! sur les tombeaux ; TOUJOURS ! sur les autels. »

La troisième voix dit : - « Aimer ? haïr ? qu'importe !
Qu'on chante ou qu'on maudisse, et qu'on entre ou qu'on sorte,
Le mal, le bien, la mort, les vices, les faux dieux,
Qu'est-ce que tout cela fait au ciel radieux ?
La végétation, vivante, aveugle et sombre,
En couvre-t-elle moins de feuillages sans nombre,
D'arbres et de lichens, d'herbe et de goëmons,
Les prés, les champs, les eaux, les rochers et les monts ?
L'onde est-elle moins bleue et le bois moins sonore ?
L'air promène-t-il moins, dans l'ombre et dans l'aurore,
Sur les clairs horizons, sur les flots décevants,
Ces nuages heureux qui vont aux quatre vents ?
Le soleil qui sourit aux fleurs dans les campagnes,
Aux rois dans les palais, aux forçats dans les bagnes,
Perd-il, dans la splendeur dont il est revêtu,
Un rayon quand la terre oublie une vertu ?
Non, Pan n'a pas besoin qu'on le prie et qu'on l'aime.
Ô sagesse ! esprit pur ! sérénité suprême !
Zeus ! Irmensul ! Wishnou ! Jupiter ! Jéhova !
Dieu que cherchait Socrate et que Jésus trouva !
Unique Dieu ! vrai Dieu ! seul mystère ! seule âme !
Toi qui, laissant tomber ce que la mort réclame,
Fis les cieux infinis pour les temps éternels !
Toi qui mis dans l'éther plein de bruits solennels,
Tente dont ton haleine émeut les sombres toiles,
Des millions d'oiseaux, des millions d'étoiles !
Que te font, ô Très-Haut ! les hommes insensés,
Vers la nuit au hasard l'un par l'autre poussés,
Fantômes dont jamais tes yeux ne se souviennent,
Devant ta face immense ombres qui vont et viennent ! »

VI.

Dans ma retraite obscure où, sous mon rideau vert,
Luit comme un œil ami maint vieux livre entrouvert,
Où ma bible sourit dans l'ombre à mon Virgile,
J'écoute ces trois voix. Si mon cerveau fragile
S'étonne, je persiste ; et, sans peur, sans effroi,
Je les laisse accomplir ce qu'elles font en moi.
Car les hommes, troublés de ces métamorphoses,
Composent leur sagesse avec trop peu de choses.
Tous ont la déraison de voir la Vérité
Chacun de sa fenêtre et rien que d'un côté,
Sans qu'aucun d'eux, tenté par ce rocher sublime,
Aille en faire le tour et monte sur sa cime.
Et de ce triple aspect des choses d'ici-bas,
De ce triple conseil que l'homme n'entend pas,
Pour mon cœur où Dieu vit, où la haine s'émousse,
Sort une bienveillance universelle et douce
Qui dore comme une aube et d'avance attendrit
Le vers qu'à moitié fait j'emporte en mon esprit
Pour l'achever aux champs avec l'odeur des plaines
Et l'ombre du nuage et le bruit des fontaines !

Avril 1840.
I


Les prêtres avaient dit : « En ce temps-là, mes frères,

On a vu s'élever des docteurs téméraires,

Des dogmes de la foi censeurs audacieux :

Au fond du Saint des saints l'Arche s'est refermée,

Et le puits de l'abîme a vomi la fumée

Qui devait obscurcir la lumière des cieux.


L'Antéchrist est venu, qui parcourut la terre :

Tout à coup, soulevant un terrible mystère,

L'impie a remué de profanes débats ;

Il a dressé la tête : et des voix hérétiques

Ont outragé la Bible, et chanté les cantiques

Dans le langage impur qui se parle ici-bas.


Mais si le ciel permet que l'Église affligée

Gémisse pour un temps, et ne soit point vengée ;

S'il lui plaît de l'abattre et de l'humilier :

Si sa juste colère, un moment assoupie.

Dans sa gloire d'un jour laisse dormir l'impie,

Et livre ses élus au bras séculier ;


Quand les temps sont venus, le fort qui se relève

Soudain de la main droite a ressaisi le glaive :

Sur les débris épars qui gisaient sans honneur

Il rebâtit le Temple, et ses armes bénites

Abattent sous leurs coups les vils Madianites,

Comme fait les épis la faux du moissonneur.


Allez donc, secondant de pieuses vengeances,

Pour vous et vos parents gagner les indulgences ;

Fidèles, qui savez croire sans examen,

Noble race d'élus que le ciel a choisie,

Allez, et dans le sang étouffez l'hérésie !

Ou la messe, ou la mort !» - Le peuple dit : Amen.


II


A l'hôtel de Soissons, dans une tour mystique,

Catherine interroge avec des yeux émus

Des signes qu'imprima l'anneau cabalistique

Du grand Michel Nostradamus.

Elle a devant l'autel déposé sa couronne ;

A l'image de sa patronne,

En s'agenouillant pour prier.

Elle a dévotement promis une neuvaine,

Et tout haut, par trois fois, conjuré la verveine

Et la branche du coudrier.


« Les astres ont parlé : qui sait entendre, entende !

Ils ont nommé ce vieux Gaspard de Châtillon :

Ils veulent qu'en un jour ma vengeance s'étende

De l'Artois jusqu'au Roussillon.

Les pieux défenseurs de la foi chancelante

D'une guerre déjà trop lente

Ont assez couru les hasards :

A la cause du ciel unissons mon outrage.

Périssent, engloutis dans un même naufrage.

Les huguenots et les guisards ! »


III


C'était un samedi du mois d'août : c'était l'heure

Où l'on entend de ****, comme une voix qui pleure,

De l'angélus du soir les accents retentir :

Et le jour qui devait terminer la semaine

Était le jour voué, par l'Église romaine.

A saint Barthélémy, confesseur et martyr.


Quelle subite inquiétude

A cette heure ? quels nouveaux cris

Viennent troubler la solitude

Et le repos du vieux Paris ?

Pourquoi tous ces apprêts funèbres,

Pourquoi voit-on dans les ténèbres

Ces archers et ces lansquenets ?

Pourquoi ces pierres entassées,

Et ces chaînes de fer placées

Dans le quartier des Bourdonnais ?


On ne sait. Mais enfin, quelque chose d'étrange

Dans l'ombre de la nuit se prépare et s'arrange.

Les prévôts des marchands, Marcel et Jean Charron.

D'un projet ignoré mystérieux complices.

Ont à l'Hôtel-de-Ville assemblé les milices,

Qu'ils doivent haranguer debout sur le perron.


La ville, dit-on, est cernée

De soldats, les mousquets chargés ;

Et l'on a vu, l'après-dînée.

Arriver les chevau-légers :

Dans leurs mains le fer étincelle ;

Ils attendent le boute-selle.

Prêts au premier commandement ;

Et des cinq cantons catholiques,

Sur l'Évangile et les reliques,

Les Suisses ont prêté serment.


Auprès de chaque pont des troupes sont postées :

Sur la rive du nord les barques transportées ;

Par ordre de la cour, quittant leurs garnisons,

Des bandes de soldats dans Paris accourues

Passent, la hallebarde au bras, et dans les rues

Des gens ont été vus qui marquaient des maisons.


On vit, quand la nuit fut venue,

Des hommes portant sur le dos

Des choses de forme inconnue

Et de mystérieux fardeaux.

Et les passants se regardèrent :

Aucuns furent qui demandèrent :

- Où portes-tu, par l'ostensoir !

Ces fardeaux persans, je te prie ?

- Au Louvre, votre seigneurie.

Pour le bal qu'on donne ce soir.


IV


Il est temps ; tout est prêt : les gardes sont placés.

De l'hôtel Châtillon les portes sont forcées ;

Saint-Germain-l'Auxerrois a sonné le tocsin :

Maudit de Rome, effroi du parti royaliste,

C'est le grand-amiral Coligni que la liste

Désigne le premier au poignard assassin.


- « Est-ce Coligni qu'on te nomme ? »

- « Tu l'as dit. Mais, en vérité,

Tu devrais respecter, jeune homme.

Mon âge et mon infirmité.

Va, mérite ta récompense ;

Mais, tu pouvais bien, que je pense,

T'épargner un pareil forfait

Pour le peu de jours qui m'attendent ! »

Ils hésitaient, quand ils entendent

Guise leur criant : « Est-ce fait ? »


Ils l'ont tué ! la tête est pour Rome. On espère

Que ce sera présent agréable au saint père.

Son cadavre est jeté par-dessus le balcon :

Catherine aux corbeaux l'a promis pour curée.

Et rira voir demain, de ses fils entourée,

Au gibet qu'elle a fait dresser à Montfaucon.


Messieurs de Nevers et de Guise,

Messieurs de Tavanne et de Retz,

Que le fer des poignards s'aiguise,

Que vos gentilshommes soient prêts.

Monsieur le duc d'Anjou, d'Entrague,

Bâtard d'Angoulême, Birague,

Faites armer tous vos valets !

Courez où le ciel vous ordonne,

Car voici le signal que donne

La Tour-de-l'horloge au Palais.


Par l'espoir du butin ces hordes animées.

Agitant à la main des torches allumées,

Au lugubre signal se hâtent d'accourir :

Ils vont. Ceux qui voudraient, d'une main impuissante,

Écarter des poignards la pointe menaçante.

Tombent ; ceux qui dormaient s'éveillent pour mourir.


Troupes au massacre aguerries,

Bedeaux, sacristains et curés,

Moines de toutes confréries.

Capucins, Carmes, Prémontrés,

Excitant la fureur civile,

En tout sens parcourent la ville

Armés d'un glaive et d'un missel.

Et vont plaçant des sentinelles

Du Louvre au palais des Tournelles

De Saint-Lazare à Saint-Marcel.


Parmi les tourbillons d'une épaisse fumée

Que répand en flots noirs la résine enflammée,

A la rouge clarté du feu des pistolets,

On voit courir des gens à sinistre visage,

Et comme des oiseaux de funeste présage,

Les clercs du Parlement et des deux Châtelets.


Invoquant les saints et les saintes,

Animés par les quarteniers,

Ils jettent les femmes enceintes

Par-dessus le Pont-aux-Meuniers.

Dans les cours, devant les portiques.

Maîtres, écuyers, domestiques.

Tous sont égorgés sans merci :

Heureux qui peut dans ce carnage,

Traversant la Seine à la nage.

Trouver la porte de Bussi !


C'est par là que, trompant leur fureur meurtrière,

Avertis à propos, le vidame Perrière,

De Fontenay, Caumont, et de Montgomery,

Pressés qu'ils sont de fuir, sans casque, sans cuirasse.

Échappent aux soldats qui courent sur leur trace

Jusque sous les remparts de Montfort-l'Amaury.


Et toi, dont la crédule enfance,

Jeune Henri le Navarrois.

S'endormit, faible et sans défense,

Sur la foi que donnaient les rois ;

L'espérance te soit rendue :

Une clémence inattendue

A pour toi suspendu l'arrêt ;

Vis pour remplir ta destinée,

Car ton heure n'est pas sonnée,

Et ton assassin n'est pas prêt !


Partout des toits rompus et des portes brisées,

Des cadavres sanglants jetés par les croisées,

A des corps mutilés des femmes insultant ;

De bourgeois, d'écoliers, des troupes meurtrières.

Des blasphèmes, des pleurs, des cris et des prières.

Et des hommes hideux qui s'en allaient chantant :


« Valois et Lorraine

Et la double croix !

L'hérétique apprenne

Le pape et ses droits !

Tombant sous le glaive.

Que l'impie élève

Un bras impuissant ;

Archers de Lausanne,

Que la pertuisane

S'abreuve de sang !


Croyez-en l'oracle

Des corbeaux passants,

Et le grand miracle

Des Saints-Innocents.

A nos cris de guerre

On a vu naguère,

Malgré les chaleurs,

Surgir une branche

D'aubépine franche

Couverte de fleurs !


Honni qui pardonne !

Allez sans effroi,

C'est Dieu qui l'ordonne,

C'est Dieu, c'est le roi !

Le crime s'expie ;

Plongez à l'impie

Le fer au côté

Jusqu'à la poignée ;

Saignez ! la saignée

Est bonne en été ! »


V


Aux fenêtres du Louvre, on voyait le roi. « Tue,

Par la mort Dieu ! que l'hydre enfin soit abattue !

Qu'est-ce ? Ils veulent gagner le faubourg Saint-Germain ?

J'y mets empêchement : et, si je ne m'abuse,

Ce coup est bien au droit. - George, une autre arquebuse,

Et tenez toujours prête une mèche à la main.


Allons, tout va bien : Tue ! - Ah. Cadet de Lorraine,

Allez-vous-en quérir les filles de la reine.

Voici Dupont, que vient d'abattre un Écossais :

Vous savez son affaire ? Aussi bien, par la messe,

Le cas était douteux, et je vous fais promesse

Qu'elles auront plaisir à juger le procès.


Je sais comment la meute en plaine est gouvernée ;

Comment il faut chasser, en quel temps de l'année.

Aux perdrix, aux faisans, aux geais, aux étourneaux ;

Comment on doit forcer la fauve en son repaire ;

Mais je n'ai point songé, par l'âme de mon père,

A mettre en mon traité la chasse aux huguenots ! »
Frères, je me confesse, et vais vous confier

Mon sort, pour vous instruire et vous édifier.


Un jour, je me sentis le désir de connaître

Ce qu'enfermait en soi le secret de mon être,

Ignorant jusque-là, je brûlai de savoir ;

J'examinai mon âme et j'eus peur à la voir.

Alors, et quand je l'eus à souhait regardée,

Que je la connus bien, il me vint à l'idée

De m'enquérir un peu pourquoi j'étais ainsi,

Et d'où je pouvais m'être à ce point endurci :

Car je ne pouvais pas me faire à la pensée

Qu'elle se fût si vite et si bas affaissée,

Car j'étais tout confus, car, en y bien cherchant,

Il me semblait à moi n'être pas né méchant.

En effet, je pouvais être bon. Mais j'espère

Que Dieu pardonne et fait miséricorde au père

Qui veut trop pour son fils, et lui fait désirer

Un sort où la raison lui défend d'aspirer !

Mon malheur vient de là, d'avoir pu méconnaître

L'humble condition où Dieu m'avait fait naître.

D'avoir tâché trop ****, et d'avoir prétendu

A m'élever plus haut que je ne l'aurais dû !

Hélas ! j'allai partout, chétif et misérable.

Traîner péniblement ma blessure incurable ;

Comme un pauvre à genoux au bord d'un grand chemin,

J'ai montré mon ulcère, et j'ai tendu la main ;

Malheureux matelot perdu dans un naufrage.

J'ai crié ; mais ma voix s'est mêlée à l'orage ;

Mais je n'ai rencontré personne qui voulût

Me plaindre, et me jeter la planche de salut.

Et moi, je n'allai point, libre et sans énergie.

Exhaler ma douleur en piteuse élégie.

Comme un enfant mutin pleure de ne pouvoir

Atteindre un beau fruit mûr qu'il vient d'apercevoir.

Je gardai mon chagrin pour moi, j'eus le courage

De renfermer ma haine et d'étouffer ma rage,

Personne n'entrevit ce que je ressentais.

Et l'on me crut joyeux parce que je chantais.

Tel s'est passé pour moi cet âge d'innocence

Où des songes riants bercent l'adolescence.

Sans jouir de la vie, et sans avoir jamais

Vu contenter un seul des vœux que je formais :

Jamais l'Illusion, jamais le doux Prestige,

Lutin capricieux qui rit et qui voltige,

Ne vint auprès de moi, dans son vol caressant,

Secouer sur mon front ses ailes en passant,

Et jamais voix de femme, harmonieuse et tendre,

N'a trouvé de doux mots qu'elle me fit entendre.

Une fois, une fois pourtant, sans le savoir,

J'ai cru naître à la vie, au bonheur, j'ai cru voir

Comme un éclair d'amour, une vague pensée

Qui vint luire à mon âme et qui l'a traversée,

A ce rêve si doux je crus quelques instants ;

- Mais elle est sitôt morte et voilà si longtemps !


Je me livrai dès lors à l'ardeur délirante

D'un cerveau maladif et d'une âme souffrante ;

J'entrepris de savoir tout ce que recelait

En soi le cœur humain de difforme et de laid ;

Je me donnai sans honte à ces femmes perdues

Qu'a séduites un lâche, ou qu'un père a vendues.

J'excitai dans leurs bras mes désirs épuisés,

Et je leur prodiguai mon or et mes baisers :

Près d'elles, je voulus contenter mon envie

De voir au plus profond des secrets de la vie.

J'allai, je descendis aussi **** que je pus

Dans les sombres détours de ces cœurs corrompus,

Trop heureux, quand un mot, un signe involontaire

D'un vice, neuf pour moi, trahissait le mystère,

Et qu'aux derniers replis à la fin parvenu,

Mon œil, comme leurs corps, voyait leur âme à nu.


Or, vous ne savez pas, combien à cette vie,

A poursuivre sans fin cette fatale envie

De tout voir, tout connaître, et de tout épuiser,

L'âme est prompte à s'aigrir et facile à s'user.

Malheur à qui, brûlant d'une ardeur insensée

De lire à découvert dans l'homme et sa pensée.

S'y plonge, et ne craint pas d'y fouiller trop souvent,

D'en approcher trop près, et d'y voir trop avant !

C'est ce qui m'acheva : c'est cette inquiétude

A chercher un cœur d'homme où mettre mon étude,

C'est ce mal d'avoir pu, trop jeune, apercevoir

Ce que j'aurais mieux fait de ne jamais savoir.

Désabusé de tout, je me suis vu ravie

La douce illusion qui fait aimer la vie,

Le riant avenir dont mon cœur s'est flétri,

Et ne pouvant plus croire à l'amour, j'en ai ri :

Et j'en suis venu là, que si, par occurrence,

- Je suis si jeune encore, et j'ai tant d'espérance !

- Une vierge aux doux yeux, et telle que souvent

J'en voyais autrefois m'apparaître en rêvant,

Simple, et croyant encore à la magie antique

De ces traditions du foyer domestique.

M'aimait, me le disait, et venait à son tour

Me demander sa part de mon âme en retour ;

Vierge, il faudrait me fuir, et faire des neuvaines

Pour arracher bientôt ce poison de tes veines,

Il faudrait me haïr, car moi, je ne pourrais

Te rendre cet amour que tu me donnerais,

Car je me suis damné, moi, car il faut te dire

Que je passe mes jours et mes nuits à maudire,

Que, sous cet air joyeux, je suis triste et nourris

Pour tout le genre humain le plus profond mépris :

Mais il faudrait me plaindre encore davantage

De m'être fait si vieux et si dur à cet âge,

D'avoir pu me glacer le cœur, et le fermer

A n'y laisser l'espoir ni la place d'aimer.
Muse, un nommé Ségur, évêque, m'est hostile ;
Cet homme violet me damne en mauvais style ;
Sa prose réjouit les hiboux dans leurs trous.
Ô Muse, n'ayons point contre lui de courroux.
Laissons-lui ce joujou qu'il prend pour un tonnerre,
Sa haine.

Il est d'ailleurs à plaindre. Au séminaire,
Un jour que ce petit bonhomme plein d'ennui
Bêlait un oremus au hasard devant lui,
Comme glousse l'oison, comme la vache meugle,
Il s'écria : - Mon Dieu ! Je voudrais être aveugle ! -
Ne trouvant pas qu'il fît assez nuit comme ça.
Le bon Dieu, le faisant idiot, l'exauça.

L'insulte est aujourd'hui très perfectionnée.
On prend un peu de suie en une cheminée,
Un peu d'ordure au coin d'une borne, à l'égoût
De la fange, et cela tient lieu d'esprit, de goût,
De bon sens, de syntaxe et d'honneur ; c'est la mode.
Bons ulémas, tel est le procédé commode
Que votre zèle met au service du ciel,
Et c'est avec la bouche écumante de fiel,
Avec la diatribe en guise de sourire,
Que vous venez, damnant ceux qu'on n'ose proscrire,
Nous faire vos gros yeux, nous montrer vos gros poings,
Nous dire vos gros mots, ô nos chers talapoins !

On vous pardonne. Eh bien, quoi, Ségur m'exorcise.
Après ?

Il me maudit d'une façon concise ;
Il me peint de son mieux, et voici le pastel
À peu près :

- « Monstre horrible. On n'a rien vu de tel.
Informe, épouvantable et ténébreux. Un homme
Qui brûlerait Paris et démolirait Rome.
Voluptueux. Un peu le chef des assassins.
Bref, capable de tout. Foulant aux pieds les saints,
Les lois, l'église et Dieu. Ruinant son libraire. »
Faisons chorus. Hurler avec le loup, et braire
Avec l'évêque, eh bien, c'est un droit. Usons-en.
J'aime en ce noble abbé ce style paysan.
C'est poissard, c'est exquis. Bravo. Cela vous plonge
Dans une vague extase où l'on sent le mensonge.
Doux prêtre ! On entend rire aux éclats Diderot,
Molière, Rabelais, et l'on ne sait pas trop,
Dans cette vision où le démon chuchote,
Si l'on voit un évêque ayant au dos la hotte
Ou bien un chiffonnier ayant la mitre au front.
L'antienne, quand un peu de bave l'interrompt,
À du charme ; on est prêtre et l'on a de la bile.
D'ailleurs, Muse, chacun sur terre a son Zoïle,
Et Voltaire a Fréron comme Dante a Cecchi.
Et puis cela se vend. Combien ? Six sous. À qui ?
Aux sots. C'est un public. Les mâchoires fossiles
Veulent rire ; le clan moqueur des imbéciles
Veut qu'on l'amuse ; il est fort nombreux aujourd'hui ;
N'a-t-il donc pas le droit qu'on travaille pour lui ?
Depuis quand n'est-il plus permis d'emplir les cruches ?
Tout a son instinct. Comme un frelon vole aux ruches,
Comme à Lucrèce au lit court Alexandre six,
Comme Corydon suit le charmant Alexis,
Comme un loup suit les boucs, et le bouc les cytises,
Comme avril fait des fleurs, Ségur fait des sottises.
Il le faut.

Muse, il sied que le sage indulgent
Rêve, écoute, et devienne un bon homme en songeant,
Qu'il regarde passer les vivants, qu'il les pèse,
Et qu'au lieu de l'aigrir, ce spectacle l'apaise.
Ainsi soit-il.

Et puis, allons au fait. Voyons,
Suis-je correct ? L'hostie avec tous ses rayons
M'éblouit-elle autant que le soleil ? Ce prêtre
Me voit-il le dimanche à sa messe apparaître ?
Ai-je même jamais fait semblant de vouloir
Lui conter mes péchés tous bas dans son parloir ?
Quand suis-je allé chez lui, reniant ma doctrine,
Me donner de grands coups de poing dans la poitrine ?
Je suis un endurci. Ségur s'en aperçoit.
Je suis athée au point de douter que Dieu soit
Charmé de se chauffer les mains au feu du diable,
Qu'il ait mis l'incurable et l'irrémédiable
Dans l'homme, être ignorant, faible, chétif, charnel,
Afin d'en faire hommage au supplice éternel,
Qu'il ait exprès fourré Satan dans la nature,
Et qu'il ait, lui, l'auteur de toute créature,
Pouvant vider l'enfer et le fermer à clé,
Fait un brûleur, afin de créer un brûlé ;
Que les mille soleils dont là-haut le feu tremble
Se mettent un beau jour à tomber tous ensemble,
J'en doute ; et quand je vois, au fond du zénith bleu,
Les sept astres de l'Ourse allumés, je crois peu
Que jamais le plafond céleste se délabre
Jusqu'à ne pouvoir plus porter ce candélabre.
Je sais que dans la bible on trouve ce cliché,
La Fin du Monde ; mais la science a marché.
Moïse est vieux ; est-il sur terre un quadrumane
Qui lève au ciel les yeux pour voir pleuvoir la manne ?
Je trouve par moments plus d'esprit, je le dis,
Aux singes d'à présent qu'aux hommes de jadis.
Pape, Dieu, ce n'est pas le même personnage.
J'aime la cathédrale et non le moyen-âge.

Qu'est-ce qu'un dogme, un culte, un rite ? Un objet d'art.
Je puis l'admirer ; mais s'il égare un soudard,
S'il grise un fou, s'il tue un homme, je l'abhorre.
Plus d'idole ! Et j'oppose à l'encens l'ellébore.
Quand une abbesse, à qui quelque nonne déplaît,
Lui fait brouter de l'herbe à côté d'un mulet,
J'ose dire que c'est mal nourrir une femme ;
J'admire un arbre en fleurs plus qu'un bûcher en flamme ;
Je suis peu furieux ; j'aime Voltaire enfin
Mieux que saint Cupertin et que saint Cucufin,
Et je préfère à tout ce que dit saint Pancrace,
Saint Loup, saint Labre ou saint Pacôme, un vers d'Horace.
Tels sont mes goûts. Je suis incorrigible. Et quand
Floréal, comme un chef qui réveille le camp,
Met les nids en rumeur, et quand mon vers patauge,
Éperdu, dans le thym, la verveine et la sauge,
Quand la plaine est en joie, et quand l'aube est en feu,
Je crois tout bonnement, tout bêtement en Dieu.

En même temps j'ai l'âme âprement enivrée
Du sombre ennui de voir tant d'hommes en livrée,
Tant de deuils, tant de fronts courbés, tant de cœurs bas,
Là, tant de lits de pourpre, et là, tant de grabats.
Mon Dieu n'est ni payen, ni chrétien, ni biblique ;
Ce Dieu-là, je l'implore en la douleur publique ;
C'est vers lui que je suis tourné, vieux lutteur las,
Quand je crie au milieu des ténèbres : - Hélas !
Sur la grève que bat toute la mer humaine,
Grève où le flux apporte, où le reflux remmène
Les flots hideux jetant l'écume aux alcyons,
Qui donc apportera dans l'ombre aux nations
Ou l'éclair de Paris ou le rayon de France ?
Qui donc rallumera ce phare, l'espérance ? -

Donc j'ai ce grave tort de n'être point dévot ;
Je ne le suis pas même au parti qui prévaut ;
Je n'aime pas qu'après la victoire on sévisse ;
C'est affreux, je pardonne ; et je suis au service
Des vaincus ; et, songeant que ma mère aux abois
Fut jadis vendéenne, en fuite dans les bois,
J'ose de la pitié faire la propagande ;
Je suis le fils brigand d'une mère brigande.
Être clément, c'est être atroce ; ou pour le moins,
Stupide. Je le suis, toujours, devant témoins,
Partout. Les autres sont les vautours ; je suis l'oie.
Oui, quand la lâcheté publique se déploie,
Il me plaît d'être seul et d'être le dernier.
Quand le væ victis règne, et va jusqu'à nier
La quantité de droit qui reste à ceux qui tombent,
Quand, nul ne protestant, les principes succombent,
Cette fuite de tous m'attire. Me voilà.

Comment veut-on qu'un prêtre accepte tout cela !
Elizabeth Oyibo Mar 2018
God forgive me,
if you even exist,
please allow me to have your ever so sought after holy privileges.
Dig me a whole at the gates of heaven and bury me there,
six feet deep next to your kingdom, in a casket of my despair,

So close to getting in,
but I am afraid, I have too much adoration for sin.
So as I am floating in this ocean should I sink or should I swim?
and if I called for you, would you offer me your hand or just push me deeper in?
C'est à cause du clair de la lune
Que j'assume ce masque nocturne
Et de Saturne penchant son urne
Et de ces lunes l'une après l'une.

Des romances sans paroles ont,
D'un accord discord ensemble et frais,
Agacé ce coeur fadasse exprès,
Ô le son, le frisson qu'elles ont !

Il n'est pas que vous n'ayez fait grâce
A quelqu'un qui vous jetait l'offense :
Or, moi, je pardonne à mon enfance
Revenant fardée et non sans grâce.

Je pardonne à ce mensonge-là
En faveur en somme du plaisir
Très banal drôlement qu'un loisir
Douloureux un peu m'inocula.
Fable XVII, Livre V.


Polichinelle, à toi nous voilà revenus.
J'y reviens volontiers, c'est un ami d'enfance ;
Garçon d'esprit d'ailleurs, dans son extravagance,
Fertile en mots profonds, des badauds retenus ;
Garçon d'humeur toujours égale,
Non pas comme un quidam que nous avons connu,
Du matin jusqu'au soir plus mauvais que la gale ;
Mais toujours avenant, mais partout bien venu,
Trinquant avec qui le régale,
Et point fier, quoique parvenu.
Rien n'est indifférent dans un homme aussi rare.
Sachez donc, mes amis, quelle ingénuité
En son accoutrement, qui vous paraît bizarre,
Lui fait joindre aux galons, dont le riche se pare,
Les sabots de la pauvreté.
La fortune en tout temps ne lui fut pas prospère.
Il eut un bûcheron pour père ;
Bon homme, en qui l'amour paternel décroissait
Juste dans la mesure où son fils grandissait ;
Et qui disait parfois : « Je crois, Dieu me pardonne,
Que j'aimais mieux l'enfant quand il était petit.
Dieu fait bien ce qu'il fait ; mais d'où vient qu'il me donne
Un fils de si bon appétit ? »
Il est vrai que ce fils, encore à la lisière,
Si j'en crois un voisin qui l'a vu de ses yeux,
Coûtait plus à lui seul que sa famille entière,
Ne faisait rien qui vaille, et n'en mangeait que mieux.
Sur la nature enfin l'avarice l'emporte.
L'indigent est cruel comme l'ambitieux.
Lassé d'une charge aussi forte,
Le bon père, un beau jour, met son fils à la porte.
Voilà Polichinelle à la grâce de Dieu ;
Ce qui, dans le siècle où nous sommes,
Veut dire abandonné des hommes,
Et n'ayant pain, ni feu, ni lieu.
Il ne lui reste rien au monde,
Que deux chemises sans jabots,
Une panse un peu large, une échine un peu ronde,
Un vieil habit et des sabots.
Au surplus, ne sachant rien faire,
Sinon boire et manger, talent assez commun ;
Il apprit vingt métiers, mais il n'en sait pas un :
Comment sortira-t-il d'affaire ?
Il y pense en pleurant. Cet heureux don des pleurs,
Qui dans le cœur d'autrui fait passer nos douleurs,
Bien qu'au cerf rarement l'épreuve en soit utile,
A servi quelquefois l'homme et le crocodile.
Il a sauvé Sinon, je l'ai lu dans Virgile ;
Il sauva notre ami : non pas qu'en larmoyant
Il ait produit l'effet que je viens de décrire,
Au contraire ; on pleurait peut-être en le voyant,
Mais c'était à force de rire.
Cet effet singulier lui tint lieu de talent
Près du sieur Brioché, si fameux dans l'histoire.
« Voilà, dit ce grand homme, un paillasse excellent
Pour mon théâtre de la Foire.
En place de mon grimacier,
Dont le public paraît ne plus se soucier,
Si j'engageais ce bon apôtre ? »
Polichinelle accepte ; il faut gagner son pain.
Hélas ! il serait mort de faim
S'il avait pleuré comme un autre.
Il débute ; en dehors d'abord il se montra,
Et puis en dedans il entra.
Or vous savez, messieurs, mesdames,
Dans son métier s'il prospéra,
S'il fut charmant dans l'opéra,
S'il fut excellent dans les drames.
Auprès de Melpomène il perdit son procès ;
Mais il fit sa fortune en faisant la culbute.
Que d'acteurs contre sa chute
Voudraient changer leurs succès !
Dans son heureux caractère
Rentré pour n'en plus sortir,
Grâce à l'argent des sots qu'il a su divertir,
Il est capitaliste, il est propriétaire.
C'est presque un seigneur, vraiment !
Au reste, employant gaîment
Le bien que gaîment il gagne,
Il a maison de ville et maison de campagne,
Et, ce point-là surtout ne doit pas être omis,
Bonne table pour ses amis.
Aussi, comme il en a ! Bravant mode et coutume,
Chacun sait qu'à sa guise il s'est fait un costume
Où, sans être obligé de se déboutonner,
Il boit, mange et rit tout à l'aise.
Cet habit vaut le nôtre , il l'a fait galonner.
En jabot de dentelle il a changé sa fraise.
Mais quand tout devrait l'inviter
A quitter les sabots, il veut, ne vous déplaise,
Il veut ne les jamais quitter.
La raison qu'il en donne au reste est fort honnête.
« Souvent les parvenus se sont trop oubliés ;
Quand l'orgueil me porte à la tête,
Dit-il, je regarde à mes pieds.
Ils me rappellent tout ; mes parents, leur misère,
La détresse où j'étais quand Brioché me prit. »
« - Polichinelle, en tout le sort te soit prospère !
C'est le fait d'un bon cœur, comme d'un bon esprit
De ne point rougir de son père. »
Déjà j'ai vu le verger
Se parer de fleurs nouvelles ;
Le Zéphyr, toujours léger,
Déjà folâtre autour d'elles.

L'hiver fuit ; tout va changer,
Tout renaît : à ce bocage
Le printemps rend le feuillage,
Aux verts tapis leur fraîcheur,
Aux rossignols leur ramage ;
Et non la paix à mon cœur.

Le soleil, fondant la glace
Qui blanchissait le coteau,
Revêt d'un éclat nouveau
Le gazon qui la remplace.

Le ruisseau libre en son cours,
Avec son ancien murmure,
Reprend ses anciens détours.
Son eau, plus calme et plus pure,
Suit sa pente sans efforts ;
Et, fuyant dans la prairie,
Féconde l'herbe fleurie
Dont Flore embellit ses bords.

Voyez-vous le vieil érable
Couronner de rameaux verts
Son front large et vénérable
Qui se rit de cent hivers ?
Une naissante verdure
Revêt aussi ses vieux bras,
Dégagés des longs frimas
Que suspendait la froidure.

Oh ! que les champs ont d'appas !
La plaine, au ****, se colore
De l'émail changeant des fleurs,
Que n'outragea pas encore
Le fer cruel des faneurs.

La passagère hirondelle
À son nid est de retour :
La douce saison d'amour
Dans nos climats la rappelle.
Elle accourt à tire-d'aile,
L'imprudente, et ne voit pas
L'insidieuse ficelle
Dont l'homme a tissu ses lacs :
À travers l'onde et l'orage,
Quand elle affrontait la mort,
La pauvrette, **** du port,
Ne prévoyait pas le sort
Qui l'attendait au rivage !

Désormais en liberté,
La pastourelle enflammée
Court à l'onde accoutumée
Qui lui peignait sa beauté.
Contre l'infidélité
Le clair miroir la rassure,
Et lui dit que les autans,
Ces fléaux de la nature,
Moins à craindre que le temps,
N'ont pas gâté sa figure.

Déjà j'ai vu les agneaux,
Oubliant la bergerie,
Brouter l'herbe des coteaux
Et bondir dans la prairie.
L'impatient voyageur
Sort de sa retraite oisive,
Et la barque du pêcheur
Flotte plus **** de la rive.

De la cime du rocher
D'où son regard se promène,
Déjà le hardi nocher
Affronte l'humide plaine ;
Fatigué du long repos
Dans lequel l'hiver l'enchaîne,
Il retourne sur les flots.
**** des paternels rivages
Qu'il ne doit jamais revoir,
Il court, hélas ! plein d'espoir,
Chercher de plus riches plages.
Intrépide, il fuit le port.
À la gaîté qui l'anime,
Le croirait-on sur l'abîme
Où cent fois il vit la mort ?

Et moi seul, quand l'espérance
Luit au fond de tous les cœurs,
Je vois la saison des fleurs,
Sans voir finir ma souffrance !
**** de partager mes feux,
Daphné rit de ma tristesse.
Hélas ! le trait qui me blesse
Ne part-il pas de ses yeux ?

Mille fois, dans mon délire,
Ceint de lauriers toujours verts,
J'ai célébré dans mes vers,
Et la beauté que je sers,
Et l'amour qu'elle m'inspire.

Ah ! si d'éternels mépris,
Daphné, sont encor le prix
D'une éternelle constance,
Tremble : l'amour outragé
Peut être à la fin vengé
De ta longue indifférence :
Je puis, de la même voix
Qui te chanta sur ma lyre,
Publier tout à la fois
Tes rigueurs et mon martyre.

Qu'ai-je dit ? pardonne-moi ;
Pardonne, ô ma douce amie !
D'un cœur qui se plaint de toi
Idole toujours chérie.
Un siècle entier, nuit et jour,
J'ai langui dans la contrainte ;
Et c'est un excès d'amour
Qui m'arrache cette plainte.

Mais, ô Daphné ! soit que ton cœur
Dédaigne ou partage ma flamme,
Dans ta pitié, dans ta rigueur,
Sois toujours l'âme de mon âme.

Écrit en 1785.
Bon pauvre, ton vêtement est léger

Comme une brume,

Oui, mais aussi ton cœur, il est léger

Comme une plume,

Ton libre cœur qui n'a qu'à plaire à Dieu,

Ton cœur bien quitte

De toute dette humaine, en quelque lieu

Que l'homme habite,

Ta part de plaisir et d'aise paraît

Peu suffisante.

Ta conscience, en revanche, apparaît

Satisfaisante.

Ta conscience que, précisément,

Tes malheurs mêmes

Ont dégagée, en ce juste moment,

Des soins suprêmes.

Ton boire et ton manger sont, je le crains,

Tristes et mornes ;

Seulement ton corps faible a, dans ses reins

Sans fin ni bornes,

Des forces d'abstinence et de refus

Très glorieuses,

Et des ailes vers les cieux entrevus

Impérieuses.

Ta tête, franche de mets et de vin,

Toute pensée,

Tout intellect, conforme au plan divin,

Haut redressée,

Ta tête est prête à tout enseignement

De la parole

Et, de l'exemple de Jésus clément

Et bénévole.

Et de Jésus terrible, prêt au pleur

Qu'il faut qu'on verse,

A l'affront vil qui poigne, à la douleur

Lente qui perce.

Le monde pour toi seul, le monde affreux

Devient possible,

T'environnant, toi qu'il croit malheureux,

D'oubli paisible.

Même t'ayant d'étonnantes douceurs

Et ces caresses !

Les femmes qui sont parfois d'âpres sœurs,

D'aigres maîtresses,

Et de douloureux compagnons toujours

Ou toujours presque,

Te jaugeant malfringant, aux gestes lourds,

Un peu grotesque,

Tout à fait incapable de n'aimer

Qu'à les voir belles.

Qu'à les trouver bonnes et de n'aimer

Qu'elles en elles,

Et le pesant si léger que ce n'es

Rien de le dire,

Te dispenseront, tous comptes au net,

De leur sourire.

Et te voilà libre, à dîner, en roi.

Seul à ta table,

Sans nul flatteur, quel fléau pour un roi,

Plus détestable ?

L'assassin, l'escroc et l'humble voleur

Qui n'y voient guère

De nuance, t'épargnent comme leur

Plus jeune frère.

Des vertus surérogatoires, la

Prudence humaine,

(L'autre, la cardinale, ah ! celle-là

Que Dieu t'y mène!)

L'amabilité, l'affabilité

Quasi célestes,

Sans rien d'affecté, sans rien d'apprêté,

Franches modestes,

Nimbent le destin, que Dieu te voulut

Tendre et sévère.

Dans l'intérêt surtout de ton salut,

A bien parfaire

Et pour ange contre le lourd méchant

Toujours stupide

La clairvoyance te guide en marchant,

Fine et rapide,

La clairvoyance, qui n'est pas du tout,

La Méfiance

Et qui plutôt serait pour sommer tout,

La Prévoyance,

Élicitant les gens de prime-saut

Sous les grimaces

Faisant sortir la sottise du sot,

Trouvant des traces.

Et médusant la curiosité

De l'hypocrite

Par un regard entre les yeux planté

Qui brûle vite...

Et s'il ose rester des ennemis

A ta misère,

Pardonne-leur, ainsi que l'a promis

Ton Notre-Père...

Afin que Dieu te pardonne aussi, Lui,

Prends cette avance.

Car, dans le mal fait au prochain, c'est Lui

Seul qu'on offense.
Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,
Le gouffre à l'étambot,
La célérité de la rampe,
L'énorme passade du courant,
Mènent par les lumières inouïes
Et la nouveauté chimique
Les voyageurs entourés des trombes du val
Et du strom.

Ce sont les conquérants du monde
Cherchant la fortune chimique personnelle ;
Le sport et le confort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l'éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce vaisseau.
Repos et vertige
A la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d'étude.

Car de la causerie parmi les appareils, le sang, les fleurs, le feu, les bijoux,
Des comptes agités à ce bord fuyard,
- On voit, roulant comme une digue au-delà de la route hydraulique motrice,
Monstrueux, s'éclairant sans fin, - leur stock d'études ;
Eux chassés dans l'extase harmonique,
Et l'héroïsme de la découverte.
Aux accidents atmosphériques les plus surprenants,
Un couple de jeunesse s'isole sur l'arche,
- Est-ce ancienne sauvagerie qu'on pardonne ? -
Et chante et se poste.
Vous avez pris pitié de sa longue douleur !
Vous me rendez le jour, Dieu que l'amour implore !
Déjà mon front couvert d'une molle pâleur,
Des teintes de la vie à ses yeux se colore ;
Déjà dans tout mon être une douce chaleur
Circule avec mon sang, remonte dans mon coeur
Je renais pour aimer encore !

Mais la nature aussi se réveille en ce jour !
Au doux soleil de mai nous la voyons renaître ;
Les oiseaux de Vénus autour de ma fenêtre
Du plus chéri des mois proclament le retour !
Guidez mes premiers pas dans nos vertes campagnes !
Conduis-moi, chère Elvire, et soutiens ton amant :
Je veux voir le soleil s'élever lentement,
Précipiter son char du haut de nos montagnes,
Jusqu'à l'heure où dans l'onde il ira s'engloutir,
Et cédera les airs au nocturne zéphyr !
Viens ! que crains-tu pour moi ? Le ciel est sans nuage !
Ce plus beau de nos jours passera sans orage ;
Et c'est l'heure où déjà sur les gazons en fleurs
Dorment près des troupeaux les paisibles pasteurs !

Dieu ! que les airs sont doux ! que la lumière est pure !
Tu règnes en vainqueur sur toute la nature,
Ô soleil ! et des cieux, où ton char est porté,
Tu lui verses la vie et la fécondité !
Le jour où, séparant la nuit de la lumière,
L'éternel te lança dans ta vaste carrière,
L'univers tout entier te reconnut pour roi !
Et l'homme, en t'adorant, s'inclina devant toi !
De ce jour, poursuivant ta carrière enflammée,
Tu décris sans repos ta route accoutumée ;
L'éclat de tes rayons ne s'est point affaibli,
Et sous la main des temps ton front n'a point pâli !

Quand la voix du matin vient réveiller l'aurore,
L'Indien, prosterné, te bénit et t'adore !
Et moi, quand le midi de ses feux bienfaisants
Ranime par degrés mes membres languissants,
Il me semble qu'un Dieu, dans tes rayons de flamme,
En échauffant mon sein, pénètre dans mon âme !
Et je sens de ses fers mon esprit détaché,
Comme si du Très-Haut le bras m'avait touché !
Mais ton sublime auteur défend-il de le croire ?
N'es-tu point, ô soleil ! un rayon de sa gloire ?
Quand tu vas mesurant l'immensité des cieux,
Ô soleil ! n'es-tu point un regard de ses yeux ?

Ah ! si j'ai quelquefois, aux jours de l'infortune,
Blasphémé du soleil la lumière importune ;
Si j'ai maudit les dons que j'ai reçus de toi,
Dieu, qui lis dans les coeurs, ô Dieu ! pardonne-moi !
Je n'avais pas goûté la volupté suprême
De revoir la nature auprès de ce que j'aime,
De sentir dans mon coeur, aux rayons d'un beau jour,
Redescendre à la fois et la vie et l'amour !
Insensé ! j'ignorais tout le prix de la vie !
Mais ce jour me l'apprend, et je te glorifie !
Sur un écueil battu par la vague plaintive,
Le nautonier de **** voit blanchir sur la rive
Un tombeau près du bord par les flots déposé ;
Le temps n'a pas encor bruni l'étroite pierre,
Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre
On distingue... un sceptre brisé !

Ici gît... point de nom !... demandez à la terre !
Ce nom ? il est inscrit en sanglant caractère
Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar,
Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves,
Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d'esclaves
Qu'il foulait tremblants sous son char.

Depuis ces deux grands noms qu'un siècle au siècle annonce,
Jamais nom qu'ici-bas toute langue prononce
Sur l'aile de la foudre aussi **** ne vola.
Jamais d'aucun mortel le pied qu'un souffle efface
N'imprima sur la terre une plus forte trace,
Et ce pied s'est arrêté là !...

Il est là !... sous trois pas un enfant le mesure !
Son ombre ne rend pas même un léger murmure !
Le pied d'un ennemi foule en paix son cercueil !
Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne,
Et son ombre n'entend que le bruit monotone
D'une vague contre un écueil !

Ne crains rien, cependant, ombre encore inquiète,
Que je vienne outrager ta majesté muette.
Non. La lyre aux tombeaux n'a jamais insulté.
La mort fut de tout temps l'asile de la gloire.
Rien ne doit jusqu'ici poursuivre une mémoire.
Rien !... excepté la vérité !

Ta tombe et ton berceau sont couverts d'un nuage,
Mais pareil à l'éclair tu sortis d'un orage !
Tu foudroyas le monde avant d'avoir un nom !
Tel ce Nil dont Memphis boit les vagues fécondes
Avant d'être nommé fait bouilloner ses ondes
Aux solitudes de Memnom.

Les dieux étaient tombés, les trônes étaient vides ;
La victoire te prit sur ses ailes rapides
D'un peuple de Brutus la gloire te fit roi !
Ce siècle, dont l'écume entraînait dans sa course
Les mœurs, les rois, les dieux... refoulé vers sa source,
Recula d'un pas devant toi !

Tu combattis l'erreur sans regarder le nombre ;
Pareil au fier Jacob tu luttas contre une ombre !
Le fantôme croula sous le poids d'un mortel !
Et, de tous ses grands noms profanateur sublime,
Tu jouas avec eux, comme la main du crime
Avec les vases de l'autel.

Ainsi, dans les accès d'un impuissant délire
Quand un siècle vieilli de ses mains se déchire
En jetant dans ses fers un cri de liberté,
Un héros tout à coup de la poudre s'élève,
Le frappe avec son sceptre... il s'éveille, et le rêve
Tombe devant la vérité !

Ah ! si rendant ce sceptre à ses mains légitimes,
Plaçant sur ton pavois de royales victimes,
Tes mains des saints bandeaux avaient lavé l'affront !
Soldat vengeur des rois, plus grand que ces rois même,
De quel divin parfum, de quel pur diadème
L'histoire aurait sacré ton front !

Gloire ! honneur! liberté ! ces mots que l'homme adore,
Retentissaient pour toi comme l'airain sonore
Dont un stupide écho répète au **** le son :
De cette langue en vain ton oreille frappée
Ne comprit ici-bas que le cri de l'épée,
Et le mâle accord du clairon !

Superbe, et dédaignant ce que la terre admire,
Tu ne demandais rien au monde, que l'empire !
Tu marchais !... tout obstacle était ton ennemi !
Ta volonté volait comme ce trait rapide
Qui va frapper le but où le regard le guide,
Même à travers un cœur ami !

Jamais, pour éclaircir ta royale tristesse,
La coupe des festins ne te versa l'ivresse ;
Tes yeux d'une autre pourpre aimaient à s'enivrer !
Comme un soldat debout qui veille sous les armes,
Tu vis de la beauté le sourire ou les larmes,
Sans sourire et sans soupirer !

Tu n'aimais que le bruit du fer, le cri d'alarmes !
L'éclat resplendissant de l'aube sur tes armes !
Et ta main ne flattait que ton léger coursier,
Quand les flots ondoyants de sa pâle crinière
Sillonnaient comme un vent la sanglante poussière,
Et que ses pieds brisaient l'acier !

Tu grandis sans plaisir, tu tombas sans murmure !
Rien d'humain ne battait sous ton épaisse armure :
Sans haine et sans amour, tu vivais pour penser :
Comme l'aigle régnant dans un ciel solitaire,
Tu n'avais qu'un regard pour mesurer la terre,
Et des serres pour l'embrasser !

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S'élancer d'un seul bon au char de la victoire,
Foudroyer l'univers des splendeurs de sa gloire,
Fouler d'un même pied des tribuns et des rois ;
Forger un joug trempé dans l'amour et la haine,
Et faire frissonner sous le frein qui l'enchaîne
Un peuple échappé de ses lois !

Etre d'un siècle entier la pensée et la vie,
Emousser le poignard, décourager l'envie ;
Ebranler, raffermir l'univers incertain,
Aux sinistres clarté de ta foudre qui gronde
Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde,
Quel rêve ! et ce fut ton destin !...

Tu tombas cependant de ce sublime faîte !
Sur ce rocher désert jeté par la tempête,
Tu vis tes ennemis déchirer ton manteau !
Et le sort, ce seul dieu qu'adora ton audace,
Pour dernière faveur t'accorda cet espace
Entre le trône et le tombeau !

Oh ! qui m'aurait donné d'y sonder ta pensée,
Lorsque le souvenir de te grandeur passée
Venait, comme un remords, t'assaillir **** du bruit !
Et que, les bras croisés sur ta large poitrine,
Sur ton front chauve et nu, que la pensée incline,
L'horreur passait comme la nuit !

Tel qu'un pasteur debout sur la rive profonde
Voit son ombre de **** se prolonger sur l'onde
Et du fleuve orageux suivre en flottant le cours ;
Tel du sommet désert de ta grandeur suprême,
Dans l'ombre du passé te recherchant toi-même,
Tu rappelais tes anciens jours !

Ils passaient devant toi comme des flots sublimes
Dont l'oeil voit sur les mers étinceler les cimes,
Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux !
Et, d'un reflet de gloire éclairant ton visage,
Chaque flot t'apportait une brillante image
Que tu suivais longtemps des yeux !

Là, sur un pont tremblant tu défiais la foudre !
Là, du désert sacré tu réveillais la poudre !
Ton coursier frissonnait dans les flots du Jourdain !
Là, tes pas abaissaient une cime escarpée !
Là, tu changeais en sceptre une invincible épée !
Ici... Mais quel effroi soudain ?

Pourquoi détournes-tu ta paupière éperdue ?
D'où vient cette pâleur sur ton front répandue ?
Qu'as-tu vu tout à coup dans l'horreur du passé ?
Est-ce d'une cité la ruine fumante ?
Ou du sang des humains quelque plaine écumante ?
Mais la gloire a tout effacé.

La gloire efface tout !... tout excepté le crime !
Mais son doigt me montrait le corps d'une victime ;
Un jeune homme! un héros, d'un sang pur inondé !
Le flot qui l'apportait, passait, passait, sans cesse ;
Et toujours en passant la vague vengeresse
Lui jetait le nom de Condé !...

Comme pour effacer une tache livide,
On voyait sur son front passer sa main rapide ;
Mais la trace du sang sous son doigt renaissait !
Et, comme un sceau frappé par une main suprême,
La goutte ineffaçable, ainsi qu'un diadème,
Le couronnait de son forfait !

C'est pour cela, tyran! que ta gloire ternie
Fera par ton forfait douter de ton génie !
Qu'une trace de sang suivra partout ton char !
Et que ton nom, jouet d'un éternel orage,
Sera par l'avenir ballotté d'âge en âge
Entre Marius et César !

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Tu mourus cependant de la mort du vulgaire,
Ainsi qu'un moissonneur va chercher son salaire,
Et dort sur sa faucille avant d'être payé !
Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse,
Et tu fus demander récompense ou justice
Au dieu qui t'avait envoyé !

On dit qu'aux derniers jours de sa longue agonie,
Devant l'éternité seul avec son génie,
Son regard vers le ciel parut se soulever !
Le signe rédempteur toucha son front farouche !...
Et même on entendit commencer sur sa bouche
Un nom !... qu'il n'osait achever !

Achève... C'est le dieu qui règne et qui couronne !
C'est le dieu qui punit ! c'est le dieu qui pardonne !
Pour les héros et nous il a des poids divers !
Parle-lui sans effroi ! lui seul peut te comprendre !
L'esclave et le tyran ont tous un compte à rendre,
L'un du sceptre, l'autre des fers !

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Son cercueil est fermé ! Dieu l'a jugé ! Silence !
Son crime et ses exploits pèsent dans la balance :
Que des faibles mortels la main n'y touche plus !
Qui peut sonder, Seigneur, ta clémence infinie ?
Et vous, fléaux de Dieu ! qui sait si le génie
N'est pas une de vos vertus ?...
Que mon sort est affreux ! S'écriait un hibou :
Vieux, infirme, souffrant, accablé de misère,
Je suis isolé sur la terre,
Et jamais un oiseau n'est venu dans mon trou
Consoler un moment ma douleur solitaire.
Un pigeon entendit ces mots,
Et courut auprès du malade :
Hélas ! Mon pauvre camarade,
Lui dit-il, je plains bien vos maux.
Mais je ne comprends pas qu'un hibou de votre âge
Soit sans épouse, sans parents,
Sans enfants ou petits-enfants.
N'avez-vous point serré les nœuds du mariage
Pendant le cours de vos beaux ans ?
Le hibou répondit : non vraiment, mon cher frère :
Me marier ! Et pourquoi faire ?
J'en connaissais trop le danger.
Vouliez-vous que je prisse une jeune chouette,
Bien étourdie et bien coquette,
Qui me trahît sans cesse ou me fît enrager,
Qui me donnât des fils d'un méchant caractère,
Ingrats, menteurs, mauvais sujets,
Désirant en secret le trépas de leur père ?
Car c'est ainsi qu'ils sont tous faits.
Pour des parents, je n'en ai guère,
Et ne les vis jamais : ils sont durs, exigeants,
Pour le moindre sujet s'irritent,
N'aiment que ceux dont ils héritent ;
Encor ne faut-il pas qu'ils attendent longtemps.
Tout frère ou tout cousin nous déteste et nous pille.
Je ne suis pas de votre avis,
Répondit le pigeon : mais parlons des amis ;
Des orphelins c'est la famille :
Vous avez dû près d'eux trouver quelques douceurs.
- Les amis ! Ils sont tous trompeurs.
J'ai connu deux hiboux qui tendrement s'aimèrent
Pendant quinze ans, et, certain jour,
Pour une souris s'égorgèrent.
Je crois à l'amitié moins encor qu'à l'amour.
- Mais ainsi, Dieu me le pardonne !
Vous n'avez donc aimé personne ?
- Ma foi, non, soit dit entre nous.
- En ce cas-là, mon cher, de quoi vous plaignez-vous ?
Alfred, j'ai vu des jours où nous vivions en frères,
Servant les mêmes dieux aux autels littéraires :
Le ciel n'avait formé qu'une âme pour deux corps ;
Beaux jours d'épanchement, d'amour et d'harmonie,
Où ma voix à la tienne incessamment unie
Allait se perdre au ciel en de divins accords.

Qui de nous a changé ? Pourquoi dans la carrière
L'un court-il en avant, laissant l'autre en arrière ?
Lequel des deux soldats a déserté les rangs ?
Pourquoi ces deux vaisseaux qui naviguaient ensemble,
Désespérant déjà d'un port qui les rassemble,
Vont-ils chercher si **** des bords si différents ?

Je n'ai pas dévoué mon maître aux gémonies,
Je n'ai pas abreuvé de fiel et d'avanies
L'idole où mes genoux s'usaient à se plier :
Je n'ai point du passé répudié la trace,
J'y suis resté fidèle, et n'ai point, comme Horace,
Au milieu du combat jeté mon bouclier.

Non, c'est toi qui changeas. Un nom qui se révèle
T'éblouit des rayons de sa gloire nouvelle.
Tu vois dans le bourgeon le fruit qui doit mûrir :
Mécène du Virgile et saint Jean du Messie,
Tu répands en tous lieux la saint Prophétie,
Tu sèmes la parole et tu la fais fleurir.

Je ne suis pas de ceux qui vont dans les ******
S'inspirer aux lueurs blafardes des bougies,
Qui dans l'air obscurci par les vapeurs du vin,
Tentent de ranimer leur muse exténuée,
Comme un vieillard flétri qu'une prostituée
Sous ses baisers impurs veut réchauffer en vain.

C'est ainsi que j'entends l'œuvre de poésie :
Chacun de nous s'est fait l'art à sa fantaisie,
Chacun de nous l'a vu d'un différent côté.
Prisme aux mille couleurs, chaque œil en saisit une
Suivant le point divers où l'a mis la fortune :
Dieu lui seul peut tout voir dans son immensité.

Conserve la croyance et respecte la nôtre,
Apôtre dévoué de la gloire d'un autre ;
Fais-toi du nouveau Dieu confesseur et martyr,
Ne crois pas que mon cœur cède comme une argile
Ni que ta voix, prêchant le nouvel Évangile,
Si chaude qu'elle soit, puisse me convertir.

Adieu. Garde ta foi, garde ton opulence.
Laisse-moi recueillir mon cœur dans le silence,
Laisse-moi consumer mes jours comme un reclus ;
Pardonne cependant à cette rêverie,
C'est le chant d'un proscrit en quittant la patrie,
C'est la voix d'un ami que tu n'entendras plus.
Inexplicable cœur, énigme de toi-même,
Tyran de ma raison, de la vertu que j'aime,
Ennemi du repos, amant de la douleur,
Que tu me fais de mal, inexplicable cœur !

Si l'horizon plus clair me permet de sourire,
De mon sort désarmé tu trompes le dessein ;
Dans ma sécurité tu ne vois qu'un délire ;
D'une vague frayeur tu soulèves mon sein.
Si de tes noirs soupçons l'amertume m'oppresse,
Si je veux par la fuite apaiser ton effroi,
Tu demandes du temps, quelques jours, rien ne presse ;
J'hésite, tu gémis, je cède malgré moi.
Que je crains, ô mon cœur, ce tyrannique empire !
Que d'ennuis, que de pleurs il m'a déjà coûté !
Rappelle-toi ce temps de liberté,
Ce bien perdu dont ma fierté soupire.
Tu me trahis toujours, et tu me fais pitié.
Crois-moi, rends à l'amour un sentiment trop tendre ;
Pour ton repos, si tu voulais m'entendre,
Tu n'en aurais encor que trop de la moitié !
Non, dis-tu, non, jamais ! trop faible esclave, écoute,
Écoute ! Et ma raison te pardonne et t'absout :
Rends-lui du moins les pleurs ! Tu vas céder sans doute ?
Hélas ! non ! toujours non ! Ô mon cœur ! prends donc tout.
Nourrissez votre cœur du feu des charités,
Filles du Fils de l'homme, aux yeux pleins de clartés.
Aimez celle qu'un peuple appelle politesse.
Avant Notre-Seigneur, savoir vivre, qu'était-ce ?
Quelque chose au dehors, mais au fond, presque rien.
Etre civilisé, c'est bien ; poli, très bien ;
La politesse, fleur de l'homme charitable,
Règle notre attitude et rit à notre table,
Et donne un sens exquis aux choses du repas.
Science qui s'apprend, et qui ne s'apprend pas :
Code intime et profond, né dans la quiétude
Du cloître, et dont le monde, après, fit son étude.
L'âme où passa Jésus toujours en garde un pli,
Et c'est encor rester chrétien qu'être poli,
La politesse est reine et fait son doux royaume
Des cœurs purs, c'est un lis royal qui les embaume !
Non celle qui se montre en chapeaux élégants,
Bien qu'un homme se lise aux couleurs de ses gants,
Ni celle qui fatigue, ou bien qui complimente,
Obligée à se taire à moins qu'elle ne mente :
Mais celle-là qui règne avec simplicité,
Qui sait servir le miel pur de la vérité ;
Qui veut laisser chacun ou chacune à sa place,
Qui calme les transports, comme elle rompt la glace.
Parmi les charités, si légères au sol
Qu'elles foulent si peu, que l'on dirait un vol
Timide, à fleur déterre, ou d'ange ou d'hirondelle ;
Au nom des tout petits qui soupent sans chandelle
Sous les arbres, les yeux dans leurs cheveux trop longs,
Et viennent d'Italie avec leurs violons ;
Du vieux joueur de flûte, aux mèches toutes grises,
Et du pauvre, à genoux sur le seuil des églises,
Qui marmotte une antienne ou qui froisse les grains
Du rosaire, à la fête où vont les pèlerins ;
Parmi les charités, porteuses d'escarcelles,
D'un vers reconnaissant je veux célébrer celle
Qui passe en écoutant les plaintes des roseaux,
Et qui donne aux petits comme on donne aux oiseaux !
Fais ton miel admirable, ô reine des abeilles,
Charité, donne encor tes jours, ton cœur, tes veilles ;
Jésus multiplia les poissons et les pains.
Voyez, dans ce palais, dont les plafonds sont peints,
Où les lustres ont plus de branches que les arbres,
Où le peuple des sphinx taillés au cœur des marbres
Garde la cour sonore et les vastes paliers,
Château plein de frontons, d'urnes et de piliers,
Cette royale entant toute belle, qui foule,
Comme un jardin fleuri, l'éloge de la foule !
Eh bien, la charité qui lui parle à mi-voix
Saura lui retirer les bagues de ses doigts,
La perle éclose au coin de son oreille en flamme,
Sa chevelure où rit la gloire de la femme,
Sa chambre où le soleil allonge dans la paix
Sa large griffe d'or sur les tapis épais,
Ses miroirs éclatants, les servantes accortes,
Ce vestibule altier, plein de dessus de portes
Où des gens, dont le vent chiffonne le manteau,
Sont poudrés par Boucher et fardés par Watteau,
Et l'œil de ces bergers diseurs de douces choses,
Les grands vases de fleurs, où Sèvre a peint les roses !
Ses pieds si délicats chaussés de gros souliers,
Sa taille consacrée à d'humbles tabliers,
Sous sa coiffe de tulle et d'épingles légères,
L'enfant ira, parmi les âmes étrangères,
Fermer les yeux des morts, coudre le drap fatal,
Ou, sous les crucifix des murs de l'hôpital,
Au chevet d'un mourant dont la bouche blasphème,
Pour lui dire : « Je suis votre sœur qui vous aime ! »
Cette charité-là se nomme amour divin,
Elle enivre les cœurs, plus forte que le vin.
Père des charités, dont le Père pardonne,
Jésus, ô doux Jésus, pour qu'enfin l'on se donne
À vous, dont on tient l'âme et le cœur que l'on a,
Vous qui changiez en vin l'eau claire de Cana
Qui chantait en entrant sonore au col des vases,
Changez la boue en or dans nos cœurs lourds de vases.
Vous qui rendiez la vue à ceux dont les bâtons
Tâtent le pied des murs, nous marchons à tâtons,
Et nous sommes des sourds, et la pierre est pareille
À nous. Maître, mettez le doigt sur notre oreille !
Vous, dont l'ordre, au soleil qui sur le peuple luit,
Tirait Lazare blanc des brunies de la nuit,
Seigneur, ressuscitez aussi nos cœurs de roche,
S'il est vrai, ô Seigneur, que votre règne approche !
Près des ruisseaux, près des cascades,

Dans les champs d'oliviers fleuris,

Sur les rochers, sous les arcades

Dont le temps sape les débris,

Sous les murs du vieux monastère.

Dans le bois qu'aime le mystère,

Sous l'ombre du pin solitaire,

Sous le platane aux frais abris ;


A l'heure où, sous l'humble chaumière.

Le chevrier prend son repas,

A l'heure où brille la lumière,

A l'heure où le jour ne luit pas ;

L'été, quand sous le vert ombrage

Tu viens t'asseoir après l'ouvrage :

L'hiver, par le froid, par l'orage ;

Toujours, partout, je suis tes pas.


Lorsque les cloches argentines

Réveillent l'oiseau dans son nid,

C'est moi qui te suis à matines :

Et quand la prière finit.

Au sortir du temple gothique,

C'est moi qui vais sous le portique

T'offrir, suivant l'usage antique.

L'eau sainte et le rameau bénit.


Quand, vers la fin de la journée,

Tu vas près du saint tribunal,

Devant l'ermite prosternée.

Incliner ton front virginal,

C'est moi qui d'un air humble et tendre.

Quand l'Angélus s'est fait entendre,

Esclave assidu, vais t'attendre

Auprès du confessionnal.


Viens, je te dirai le cantique

Que je suis allé, ce matin.

Choisir pour toi dans la boutique

D'un colporteur napolitain,

Et contre la dent meurtrière

Des loups errants dans la clairière,

Je t'apprendrai quelle prière

Il faut réciter en latin.


Je mettrai dans ton oratoire

Un missel à fermoirs dorés,

Où des moines ont peint l'histoire

De nos anciens livres sacrés ;

Des apôtres les douze images,

La bonne Vierge, et les trois Mages

Au Christ apportant leurs hommages,

Et baisant ses pieds adorés.


Oh, regarde-moi sans colère !

Promets-moi que tu m'aimeras :

Ne me défends pas de te plaire,

Laisse-toi serrer dans mes bras !

Que cette froideur t'abandonne ;

A péché secret Dieu pardonne,

Et je mettrai sur ta madone

Le voile que tu quitteras.
Soudain je t'ai si fort pressée
Pour sentir ton cœur bien à moi,
Que je t'en ai presque blessée,
Et tu m'as demandé pourquoi.

Un mot, un rien, m'a tout à l'heure
Fait étreindre ainsi mon trésor,
Comme, au moindre vent qui l'effleure,
L'avare en hâte étreint son or ;

La porte de sa cave est sûre,
Il en tient dans son poing la clé,
Mais, par le trou de la serrure,
Un filet d'air froid a soufflé ;

Et pendant qu'il comptait dans l'ombre
Son trésor écu par écu,
Savourant le titre et le nombre,
Il a senti le souffle aigu !

Il serre en vain sa clé chérie,
Vainement il s'est verrouillé,
Avant d'y réfléchir il crie
Comme s'il était dépouillé !

C'est que l'instinct fait sentinelle,
C'est que l'âme du possesseur
N'ose jamais plier qu'une aile,
Ô ma sainte amie, ô ma sœur !

C'est que ma richesse tardive,
Fruit de mes soupirs quotidiens,
Me semble encore fugitive
Au moment même où je la tiens !

Et cette épargne que j'amasse
A beau grandir en sûreté,
Je crois, au moindre vent qui passe,
Qu'un ravisseur a fureté...

Et je fais aussitôt l'épreuve
De tout le deuil qui peut tenir
Dans une âme absolument veuve
Où l'amour n'a plus d'avenir.

Alors je tremble et te supplie
D'un anxieux et long regard...
Oh ! Pardonne-moi la folie
De trembler encore ; si **** !

Hélas ! L'habitude en est prise :
Tu n'as que si **** deviné
Combien le doute martyrise,
Impérissable une fois né.

Dans l'âge (qui n'est plus le nôtre)
Où bat le cœur à découvert,
Le mien, plus exposé qu'un autre,
Puisqu'il t'aimait, a plus souffert ;

Ah ! Tout cœur où l'amour habite
Recèle un pouvoir de souffrir
Dont il ignore la limite,
Tant qu'il souffre sans en mourir ;

Et j'ignorais, naïf encore,
Combien le calice est profond
Que ta main douce emmielle et dore
Sans jamais en montrer le fond ;

Car tu savais, déjà coquette,
Ménager longtemps la douleur
En faisant, d'un coup de baguette,
Naître un mirage dans un pleur.

Que de froideurs instantanées
Ont ébranlé longtemps ma foi !
Enfin la pente des années
T'a fait pencher le front sur moi,

Et j'ai cru que ma jalousie,
Humble tigresse aux reins ployés,
Bien rompue à ta fantaisie,
Dormait de fatigue à tes pieds ;

Voilà pourtant qu'une pensée,
Moins qu'un soupçon, moins qu'une erreur,
- Une rêverie insensée
M'a fait tressaillir de terreur ;

Cet éclair de peur indicible
Tout à coup m'a fait entrevoir,
Aux obscurs confins du possible,
Un abîme de désespoir.
Quel trouble inattendu semble agiter les âmes ?

Pourquoi ces cris ? pourquoi tous ces apprêts nouveaux ?

Pourquoi ces artisans, ces enfants et ces femmes

Ont-ils déserté leurs travaux ?

Un désir inquiet se peint sur leur visage ;

Est-ce un espoir ? Est-ce un présage ?

Oh voyez ! comme ils sont empressés d'accourir !

Une sourde rumeur s'élève dans la nue :

Quel est cet appareil, cette fête inconnue ?

C'est un homme qui va mourir.


Son crime fut d'un jour. D'une peine éternelle

La loi va déployer l'appareil menaçant,

Car le sang qui coula sous sa main criminelle

Doit être expié par le sang.

J'entends. Mais que lui veut cette foule empressée

Qui, sur les chemins amassée.

Va chercher des horreurs qui puissent l'émouvoir ?

- ils viennent prodiguer à sa lente agonie

De leurs transports bruyants la farouche ironie !

- Ils vont le plaindre ? - Ils vont le voir !


Marqués aussi du sceau d'un destin redoutable,

Sur leurs têtes aussi l'anathème est lancé :

Ils doivent tous subir l'arrêt inévitable

Qu'un autre Juge a prononcé.

Cet homme, son voisin, tous pourraient cesser d'être

Quand cet autre qui va paraître

Portera sous la hache un stérile remord ;

Car il faut tôt ou **** que la loi s'accomplisse ;

Mais, ignorant du moins le moment du supplice,

Comme lui condamnés à mort,


Ils cherchent sur son front quelque lueur nouvelle ;

Ils vont interroger ses gestes, ils ont faim

D'aller dans tous ses traits chercher ce que révèle

L'œil d'un homme qui voit la fin,

Qui, des profonds secrets dérobés à la terre,

Près de percer le grand mystère,

Voit le terme fatal s'approcher pas à pas,

Dans chaque son qui fuit, dans chaque instant qui passe,

Et qui peut calculer, au juste, quel espace

Le sépare encor du trépas.


Mais des gardes déjà devant le char placés

Aux rayons du soleil les sabres ont relui,

Et sur les hauts balcons les femmes entassées

Nous ont crié déjà : C'est lui !

A l'aspect de ce peuple, un moment il relève

Cette tête promise au glaive

Dont la justice humaine a brisé le fourreau ;

Puis au sort qui l'attend muet il s'abandonne,

Entre l'homme qui frappe et le Dieu qui pardonne.

Entre le prêtre et le bourreau.


Il vient - à reculons assis dans la charrette.

Pas plus ****, pas plus ****. - On dit qu'il a parlé !

- Il descend. - Puis il faut remonter. - Il s'arrête !

- Toi qui vois, a-t-il chancelé ?

Tout est là, tout est prêt ; le panier est à droite :

C'est par cette ouverture étroite...

Silence ! il est saisi par les exécuteurs !

C'est fait. Que de bravos la place retentisse ;

C'est fait : il est où ceux qu'a jugés leur justice

Ont leur tour d'être accusateurs.
Fou
Que je sois un fou, qu'on le dise,
Je trouve ça tout naturel,
Ayant eu ma part de bêtise
Et commis plus d'une sottise,
Depuis que je suis... temporel.

Je suis un fou, quel avantage,
Madame ! un fou, songez-y bien,
Peut crier... se tromper d'étage,
Vous proposer... le mariage,
On ne lui dira jamais rien,

C'est un fou ; mais lui peut tout dire,
Lâcher parfois un terme vil,
Dans ce cas le mieux c'est d'en rire,
Se fâcher serait du délire,
À quoi cela servirait-il ?

C'est un fou. Si c'est un bonhomme
Laissant les gens à leurs métiers,
Peu contrariant, calme... en somme,
Distinguant un nez d'une pomme,
On lui pardonne volontiers.

Donc, je suis fou, je le révèle.
Nous l'avons, Madame, en dormant,
Comme dit l'autre, échappé belle ;
J'aime mieux être un sans cervelle
Que d'être un sage, assurément.

Songez donc ! si j'étais un sage,
Je fuirais les joyeux dîners ;
Je n'oserais voir ton corsage ;
J'aurais un triste et long visage
Et des lunettes sur le nez ;

Mais, je ne suis qu'un fou, je danse,
Je tambourine avec mes doigts
Sur la vitre de l'existence.
Qu'on excuse mon insistance,
C'est un fou qu'il faut que je sois !

C'est trop fort, me dit tout le monde,
Qu'est-ce que vous nous chantez là ?
Pourquoi donc, partout à la ronde,
À la brune comme à la blonde,
Parler de la sorte ? - Ah ! voilà !

Je vais même plus ****, personne
Ne pourra jamais me guérir,
Ni la sagesse qui sermonne,
Ni le bon Dieu, ni la Sorbonne,
Et c'est fou que je veux mourir.

C'est fou que je mourrai du reste,
Mais oui, Madame, j'en suis sûr,
Et d'abord... de ton moindre geste,
Fou... de ton passage céleste
Qui laisse un parfum de fruit mûr,

De ton allure alerte et franche,
Oui, fou d'amour, oui, fou d'amour,
Fou de ton sacré... coup de hanche,
Qui vous fiche au cœur la peur... blanche,
Mieux... qu'un roulement de tambour ;

Fou de ton petit pied qui vole
Et que je suivrais n'importe où,
Je veux dire... au Ciel ;... ma parole !
J'admire qu'on ne soit pas folle,
Je plains celui qui n'est pas fou.
Volez, nobles coursiers, franchissez la distance !
Pour le prix disputé, luttez avec constance !
Sous un soleil de feu, le sol est éclatant ;
Pour vous voir aujourd'hui, tout est bruit et lumière ;
Ainsi qu'un flot d'encens, la légère poussière,
Devant vos pas, s'envole au but qui vous attend.
Que l'air rapide et vif, soulevant vos poitrines,
S'échappe palpitant de vos larges narines !
Laissez sous l'éperon votre flanc s'entr'ouvrir...
Volez, nobles coursiers, dussiez-vous en mourir !

Au milieu des bravos, votre course s'achève ;
Le silence revient - puis, je pense et je rêve...
Notre vie est l'arène où se hâtent nos pas ;
Nous volons vers le but que l'on ne connaît pas.
Fatigués, épuisés, prêts à tomber, qu'importe !
Nous marchons à grands pas, le torrent nous emporte.
Oubliant le passé, repoussant le présent,
Nos regards inquiets se portent en avant ;
Rien n'est beau que plus ****... et notre flanc palpite,
Sous l'éperon caché qui nous dit : « Marche vite ! »
Nous marchons. - Quelquefois, à travers les déserts,
Une oasis répand ses parfums dans les airs,
Un doux chant retentit sur le bord de la route :

L'oasis, on la fuit ; le chant, nul ne l'écoute.
Sans garder du chemin regret ou souvenir,
D'un avide regard, on cherche l'avenir ;
L'avenir, c'est le but ! l'avenir, c'est la vie !
Bientôt, à notre gré, la distance est franchie ;
Haletants de la course, épuisés de l'effort,
Nous touchons l'avenir... L'avenir, c'est la mort !

Qu'ai-je dit ? - Ô mon Dieu ! toi qui m'entends, pardonne !...
L'avenir, c'est le ciel, où ton soleil rayonne
Sans que la nuit succède à l'éclat d'un beau jour,
Sans que l'oubli succède aux paroles d'amour !
L'avenir, c'est le ciel où s'arrête l'orage !
C'est le port qui reçoit les débris du naufrage ;
C'est la fin des regrets ; c'est l'éternel printemps ;
C'est l'ange dont la voix a de divins accents.
L'avenir, ô mon Dieu ! c'est la sainte auréole
Que pose sur nos fronts ta main qui nous console.
Oui, marchons ! et vers toi levant souvent les yeux,
Avançons vers le but que nous montrent les cieux.

Chut ! voici le signal, franchissez la distance.
Volez, nobles coursiers, luttez avec constance !
Sous un soleil de feu, le sol est éclatant ;
Pour vous voir aujourd'hui, tout est bruit et lumière ;
Ainsi qu'un flot d'encens, la légère poussière,
Devant vos pas, s'envole au but qui vous attend.
Que l'air rapide et vif, soulevant vos poitrines,
S'échappe palpitant de vos larges narines !
Laissez sous l'éperon votre flanc s'entr'ouvrir...
Volez, nobles coursiers, dussiez-vous en mourir !
L'année avait trois fois noué mon humble trame,
Et modelé ma forme en y broyant ses fleurs ,
Et trois fois de ma mère acquitté les douleurs,
Quand le Banc de la tienne éclata : ma jeune âme
Eut dès lors sa promise et l'attira toujours,
Toujours ; tant qu'à la fin elle entra dans mes jours.
Et lorsqu'à ton insu tu venais vers ma vie,
J'inventais par le monde un chemin jusqu'à toi ;
C'était **** ; mais l'étoile allait, cherchait pour moi,
Et me frayait la terre où tu m'avais suivie,
Ou tu me reconnus d'autre part ; oui, des cieux ;
Moi de même ; il restait tant de ciel dans tes jeux !

Mais le sais-tu ? trois fois le jour de la naissance
Baisa mon front limpide assoupi d'innocence,
Avant que ton étoile à toi, lente à venir,
Descendît marier notre double avenir.
Oh ! devions-nous ainsi naître absents de nous-mêmes !
Toi, tu ne le sais pas en ce moment ; tu m'aimes,
Je ne suis pas l'aînée. Encor vierge au bonheur,
J'avais un pur aimant pour attirer ton cœur ;
Car le mien, fleur tardive en soi-même exilée,
N'épanouit qu'à toi sa couronne voilée,
Cœur d'attente oppressé dans un tremblant séjour
Où ma mère enferma son nom de femme : Amour.

Comme le rossignol qui meurt de mélodie
Souffle sur son enfant sa tendre maladie,
Morte d'aimer, ma mère, à son regard d'adieu,
Me raconta son âme et me souffla son Dieu.
Triste de me quitter, cette mère charmante,
Me léguant à regret la flamme qui tourmente,
Jeune, à son jeune enfant tendit longtemps sa main,
Comme pour le sauver par le même chemin.
Et je restai longtemps, longtemps, sans la comprendre,
Et longtemps à pleurer son secret sans l'apprendre,
A pleurer de sa mort le mystère inconnu,
Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu,
Ce cœur signé d'amour comme sa tendre proie,
Où pas un chant mortel n'éveillait une joie.
On eût dit, à sentir ses faibles battements,
Une montre cachée où s'arrêtait le temps ;
On eût dit qu'à plaisir il se retint de vivre.
Comme un enfant dormeur qui n'ouvre pas son livre,
Je ne voulais rien lire à mon sort, j'attendais ;
Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.
Par ma ceinture noire à la terre arrêtée,
Ma mère était partie et tout m'avait quittée :
Le monde était trop grand, trop défait, trop désert ;
Une voix seule éteinte en changeait le concert :
Je voulais me sauver de ses dures contraintes,
J'avais peur de ses lois, de ses morts, de ses craintes,
Et ne sachant où fuir ses échos durs et froids,
Je me prenais tout haut à chanter mes effrois !

Mais quand tu dis : « Je viens ! » quelle cloche de fête
Fit bondir le sommeil attardé sur ma tête ;
Quelle rapide étreinte attacha notre sort,
Pour entre-ailer nos jours d'un fraternel essor !
Ma vie, elle avait froid, s'alluma dans la tienne,
Et ma vie a brillé, comme on voit au soleil
Se dresser une fleur sans que rien la soutienne,
Rien qu'un baiser de l'air, rien qu'un rayon vermeil...
Aussi, dès qu'en entier ton âme m'eut saisie,
Tu fus ma piété ! Mon ciel ! Ma poésie !
Aussi, sans te parler, je te nomme souvent
Mon frère devant Dieu ! Mon âme ! Ou mon enfant !
Tu ne sauras jamais, comme je sais moi-même,
A quelle profondeur je t'atteins et je t'aime !
Tu serais par la mort arraché de mes vœux,
Que pour te ressaisir mon âme aurait des yeux,
Des lueurs, des accents, des larmes, des prières,
Qui forceraient la mort à rouvrir tes paupières !
Je sais de quels frissons ta mère a dû frémir
Sur tes sommeils d'enfant : moi, je t'ai vu dormir :
Tous ses effrois charmants ont tremblé dans mon âme ;
Tu dis vrai, tu dis vrai ; je ne suis qu'une femme ;
Je ne sais qu'inventer pour te faire un bonheur ;
Une surprise à voir s'émerveiller ton cœur !

Toi, ne sois pas jaloux ! Quand tu me vois penchée,
Quand tu me vois me taire, et te craindre et souffrir,
C'est que l'amour m'accable. Oh ! Si j'en dois mourir,
Attends : je veux savoir si, quand tu m'as cherchée,
Tu t'es dit : « Voici l'âme où j'attache mon sort
Et que j'épouserai dans la vie ou la mort. »
Oh ! Je veux le savoir. Oh ! L'as-tu dit ? ... pardonne !
On est étrange, on veut échanger ce qu'on donne.
Ainsi, pour m'acquitter de ton regard à toi,
Je voudrais être un monde et te dire : « Prends-moi ! »
Née avant toi... douleur ! Tu le verrais peut-être,
Si je vivais trop ****. Ne le fais point paraître,
Ne dis pas que l'amour sait compter, trompe-moi :
Je m'en ressouviendrai pour mourir avant toi !
Fable I, Livre II.

À M. Andrieux, de L'Institut.


Toi qui vis vraiment comme un sage,
Sans te montrer, sans te cacher,
Sans fuir les grands, sans les chercher,
Exemple assez rare en notre âge ;
Pardonne-moi, cher Andrieux,
Dans ces vers qu'aux vents je confie,
De dévoiler à tous les yeux
Ta secrète philosophie.

Certain Lapon des plus trapus,
Certain Cafre des plus camus,
Équipaient, comme on dit, de la bonne manière,
Un homme qui, fermant l'oreille à leurs raisons
Vantait l'astre éclatant qui préside aux saisons,
Enfante la chaleur, et produit la lumière.
- Peut-il ériger, s'il n'est fou,
En bienfaiteur de la nature,
Un astre qui, six mois, me cache sa figure,
Et va briller je ne sais où,
Tandis que je gèle en mon trou,
Malgré ma femme et ma fourrure ?
On conçoit que celui qui s'exprimait ainsi
N'était pas l'habitant de la zone torride.
Pour moi, disait cet autre, en mon climat aride,
Je ne gèle pas, Dieu merci !
Mais je rôtis en récompense ;
Et sans avoir l'honneur d'être Lapon, je pense
Qu'un fou, lui seul, a pu vanter
La douce et bénigne influence
Du soleil, qui ne luit que pour me tourmenter ;
Qui, d'un bout de l'année à l'autre,
Embrase la terre, les airs,
Et porte en mon pays, jusques au fond des mers,
La chaleur qu'il refuse au vôtre.
Le fou, qui cependant célébrait les bienfaits
Du roi de la plaine éthérée,
Fils de la zone tempérée,
N'était rien moins que fou, quoiqu'il fût né Français.
Sans se formaliser des vives apostrophes
Du nègre et du nain philosophes,
Seigneur Lapon, dit-il, votre raisonnement
Est sans réplique, en Sibérie ;
Comme le vôtre en Cafrerie,
Monsieur le noir ; mais franchement,
Autre part, c'est tout autrement.
En France, par exemple, on ne vous croirait guère.
L'astre à qui vous faites la guerre,
Là, par ses rayons bienfaisants,
De fleurs et de fruits, tous les ans,
Couvre mes champs et mon parterre ;
S'éloignant sans trop me geler,
S'approchant sans trop me brûler,
De mon climat, qu'il favorise ;
À la faucille, au soc, il livre tour à tour
Mes campagnes, qu'il fertilise
Par son départ et son retour.
Vous qui craignez le feu, vous qui craignez la glace
Venez donc à Paris. Gens d'excellent conseil
Disent qu'un sage ne se place
Trop près ni trop **** du soleil.
Vous connaissez que j'ai pour mie
Une Andalouse à l'oeil lutin,
Et sur mon coeur, tout endormie,
Je la berce jusqu'au matin.

Voyez-la, quand son bras m'enlace,
Comme le col d'un cygne blanc,
S'enivrer, oublieuse et lasse,
De quelque rêve nonchalant.

Gais chérubins ! veillez sur elle.
Planez, oiseaux, sur notre nid ;
Dorez du reflet de votre aile
Son doux sommeil, que Dieu bénit !

Car toute chose nous convie
D'oublier tout, fors notre amour :
Nos plaisirs, d'oublier la vie ;
Nos rideaux, d'oublier le jour.

Pose ton souffle sur ma bouche,
Que ton âme y vienne passer !
Oh ! restons ainsi dans ma couche,
Jusqu'à l'heure de trépasser !

Restons ! L'étoile vagabonde
Dont les sages ont peur de ****
Peut-être, en emportant le monde,
Nous laissera dans notre coin.

Oh ! viens ! dans mon âme froissée
Qui saigne encor d'un mal bien grand,
Viens verser ta blanche pensée,
Comme un ruisseau dans un torrent !

Car sais-tu, seulement pour vivre,
Combien il m'a fallu pleurer ?
De cet ennui qui désenivre
Combien en mon coeur dévorer ?

Donne-moi, ma belle maîtresse,
Un beau baiser, car je te veux
Raconter ma longue détresse,
En caressant tes beaux cheveux.

Or voyez qui je suis, ma mie,
Car je vous pardonne pourtant
De vous être hier endormie
Sur mes lèvres, en m'écoutant.

Pour ce, madame la marquise,
Dès qu'à la ville il fera noir,
De par le roi sera requise
De venir en notre manoir ;

Et sur mon coeur, tout endormie,
La bercerai jusqu'au matin,
Car on connaît que j'ai pour mie
Une Andalouse à l'oeil lutin.
Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
******, où les baisers, languissants ou joyeux,
Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,
Font l'ornement des nuits et des jours glorieux,
Mère des jeux latins et des voluptés grecques,

******, où les baisers sont comme les cascades
Qui se jettent sans peur dans les gouffres sans fonds
Et courent , sanglotant et gloussant par saccades,
Orageux et secrets, fourmillants et profonds ;
******, où les baisers sont comme les cascades !

******, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent,
Où jamais un soupir ne resta sans écho,
A l'égal de Paphos les étoiles t'admirent,
Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho !
******, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent,

******, terre des nuits chaudes et langoureuses,
Qui font qu'à leurs miroirs, stérile volupté !
Les filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses,
Caressent les fruits mûrs de leur nubilité ;
******, terre des nuits chaudes et langoureuses,

Laisse du vieux Platon se froncer l'oeil austère ;
Tu tires ton pardon de l'excès des baisers,
Reine du doux empire, aimable et noble terre,
Et des raffinements toujours inépuisés.
Laisse du vieux Platon se froncer l'oeil austère.

Tu tires ton pardon de l'éternel martyre,
Infligé sans relâche aux coeurs ambitieux,
Qu'attire **** de nous le radieux sourire
Entrevu vaguement au bord des autres cieux !
Tu tires ton pardon de l'éternel martyre !

Qui des Dieux osera, ******, être ton juge
Et condamner ton front pâli dans les travaux,
Si ses balances d'or n'ont pesé le déluge
De larmes qu'à la mer ont versé tes ruisseaux ?
Qui des Dieux osera, ******, être ton juge ?

Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ?
Vierges au coeur sublime, honneur de l'Archipel,
Votre religion comme une autre est auguste,
Et l'amour se rira de l'Enfer et du Ciel !
Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ?

Car ****** entre tous m'a choisi sur la terre
Pour chanter le secret de ses vierges en fleurs,
Et je fus dès l'enfance admis au noir mystère
Des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs ;
Car ****** entre tous m'a choisi sur la terre.

Et depuis lors je veille au sommet de Leucate,
Comme une sentinelle à l'oeil perçant et sûr,
Qui guette nuit et jour brick, tartane ou frégate,
Dont les formes au **** frissonnent dans l'azur ;
Et depuis lors je veille au sommet de Leucate,

Pour savoir si la mer est indulgente et bonne,
Et parmi les sanglots dont le roc retentit
Un soir ramènera vers ******, qui pardonne,
Le cadavre adoré de Sapho qui partit
Pour savoir si la mer est indulgente et bonne !

De la mâle Sapho, l'amante et le poète,
Plus belle que Vénus par ses mornes pâleurs !
- L'oeil d'azur est vaincu par l'oeil noir que tachète
Le cercle ténébreux tracé par les douleurs
De la mâle Sapho, l'amante et le poète !

- Plus belle que Vénus se dressant sur le monde
Et versant les trésors de sa sérénité
Et le rayonnement de sa jeunesse blonde
Sur le vieil Océan de sa fille enchanté ;
Plus belle que Vénus se dressant sur le monde !

- De Sapho qui mourut le jour de son blasphème,
Quand, insultant le rite et le culte inventé,
Elle fit son beau corps la pâture suprême
D'un brutal dont l'orgueil punit l'impiété
De celle qui mourut le jour de son blasphème.

Et c'est depuis ce temps que ****** se lamente,
Et, malgré les honneurs que lui rend l'univers,
S'enivre chaque nuit du cri de la tourmente
Que poussent vers les cieux ses rivages déserts.
Et c'est depuis ce temps que ****** se lamente !
Ode
(Au Révérend Père Delidel de la Compagnie de
Jésus, sur son traité de la Théologie des Saints.)

Toi qui nous apprends de la Grâce
Quelle est la force et la douceur,
Comme elle descend dans un cœur,
Comme elle agit, comme elle passe,
Docte Ecrivain, dont l'œil perçant,
Va jusqu'au sein du Tout-puissant
Pénétrer ce profond abîme,
Que les hommes te vont devoir !
Et que le prix en est ineffable et sublime,
De ces biens que par-là tu mets en leur pouvoir !

Oui, tant que durera ta course,
Tu peux, mortel, à pleines mains ;
Puiser des bonheurs souverains
En cette inépuisable source.
Un guide si bien éclairé,
Te conduit d'un pas assuré
Au vivant Soleil qui l'éclaire ;
Suis, mais avec zèle, avec foi,
Suis, dis-je, tu verras tout ce qu'il te faut faire,
Et si tu ne le fais, il ne tiendra qu'à toi.

Tu pèches, mais un Dieu pardonne,
Et pour mériter ce pardon,
II te sait ce précieux don,
II n'en est avare à personne.
Reçois avec humilité,
Conserve avec fidélité,
Ce grand appui de ta faiblesse.
Avec lui ton vouloir peut tout,
Sans lui tu n'es qu'ordure, impuissance, bassesse,
Fais-en un bon usage, et la gloire est au bout.

C'en est la digne récompense ;
Mais aussi, tu le dois savoir,
Cet usage est en ton pouvoir,
II dépend de ta vigilance :
Tu peux t'endormir, t'arrêter,
Tu peux même le rejeter
Ce don, sans qui ta perte est sûre,
Et n'en tireras aucun fruit,
Si tu défères plus aux sens, à la nature ;
Qu'aux mouvement sacrés qu'en ton âme il produit.

J'en connaît par toi l'efficace,
Savant et pieux Ecrivain,
Qui jadis de ta propre main
M'as élevé sur le Parnasse ;
C'était trop peu pour ta bonté
Que ma jeunesse eût profité
Des leçons que tu m'as données ;  
Tu portes plus **** ton amour,
Et tu veux qu'aujourd'hui mes dernières années
De tes instructions profitent à leur tour.

Je suis ton disciple, et peut-être
Que l'heureux éclat de mes vers
Éblouit assez l'univers,
Pour faire peu de honte au Maître.
Par une plus sainte leçon
Tu m'apprends de quelle façon
Au vice on doit faire la guerre.
Puissé-je en user encore mieux,
Et comme je te dois ma gloire sur la terre !
Puissé-je te devoir un jour celle des cieux !
Marie, baisez-moi ; non, ne me baisez pas,
Mais tirez-moi le coeur de votre douce haleine ;
Non, ne le tirez pas, mais hors de chaque veine
Sucez-moi toute l'âme éparse entre vos bras ;

Non, ne la sucez pas ; car après le trépas
Que serais-je sinon une semblance vaine,
Sans corps, dessus la rive, où l'amour ne démène
(Pardonne-moi, Pluton) qu'en feintes ses ébats ?

Pendant que nous vivons, entr'aimons-nous, Marie,
Amour ne règne pas sur la troupe blêmie
Des morts, qui sont sillés d'un long somme de fer.

C'est abus que Pluton ait aimé Proserpine ;
Si doux soin n'entre point en si dure poitrine :
Amour règne en la terre et non point en enfer.
N'ai-je pas pour toi, belle juive,
Assez dépeuplé mon sérail ?
Souffre qu'enfin le reste vive.
Faut-il qu'un coup de hache suive
Chaque coup de ton éventail ?

Repose-toi, jeune maîtresse.
Fais grâce au troupeau qui me suit.
Je te fais sultane et princesse :
Laisse en paix tes compagnes, cesse
D'implorer leur mort chaque nuit.

Quand à ce penser tu t'arrêtes,
Tu viens plus tendre à mes genoux ;
Toujours je comprends dans les fêtes
Que tu vas demander des têtes
Quand ton regard devient plus doux.

Ah ! jalouse entre les jalouses !
Si belle avec ce coeur d'acier !
Pardonne à mes autres épouses.
Voit-on que les fleurs des pelouses
Meurent à l'ombre du rosier ?

Ne suis-je pas à toi ? Qu'importe,
Quand sur toi mes bras sont fermés,
Que cent femmes qu'un feu transporte
Consument en vain à ma porte
Leur souffle en soupirs enflammés ?

Dans leur solitude profonde,
Laisse-les t'envier toujours ;
Vois-les passer comme fuit l'onde ;
Laisse-les vivre : à toi le monde !
A toi mon trône, à toi mes jours !

A toi tout mon peuple - qui tremble !
A toi Stamboul qui, sur ce bord
Dressant mille flèches ensemble,
Se berce dans la mer, et semble
Une flotte à l'ancre qui dort !

A toi, jamais à tes rivales,
Mes spahis aux rouges turbans,
Qui, se suivant sans intervalles,
Volent courbés sur leurs cavales
Comme des rameurs sur leurs bancs !

A toi Bassoral, Trébizonde,
Chypre où de vieux noms sont gravés,
Fez où la poudre d'or abonde,
Mosul où trafique le monde,
Erzeroum aux chemins pavés !

A toi Smyrne et ses maisons neuves
Où vient blanchir le flot amer !
Le Gange redouté des veuves !
Le Danube qui par cinq fleuves
Tombe échevelé dans la mer !

Dis, crains-tu les filles de Grèce ?
Les lys pâles de Damanhour ?
Ou l'oeil ardent de la négresse
Qui, comme une jeune tigresse,
Bondit rugissante d'amour ?

Que m'importe, juive adorée,
Un sein d'ébène, un front vermeil !
Tu n'es point blanche ni cuivrée,
Mais il semble qu'on t'a dorée
Avec un rayon de soleil.

N'appelle donc plus la tempête,
Princesse, sur ces humbles fleurs,
Jouis en paix de ta conquête,
Et n'exige pas qu'une tête
Tombe avec chacun de tes pleurs !

Ne songe plus qu'aux vrais platanes
Au bain mêlé d'ambre et de nard,
Au golfe où glissent les tartanes...
Il faut au sultan des sultanes ;
Il faut des perles au poignard !
"Où tu vas, mon gros matou
Libellule, mon fils
La virgule en l'air
De monticule en monticule
Où tu vas mon agneau,
Mon miel, mon mielule ?
Où tu vas mon chéri,
Mon chéri bibi d'amour,
Ma bibilule ? Ma bibi lune ?
Mon bibendum ? Mon termite ?
Ma fourmi volante "
Je viens à confesse, ma muse,
Ma Déesse, maîtresse et seigneurie sur terre
Et dans confesse il y a fesse
Et bien que tu te revendiques muse minuscule
J'aime qu'agenouillé sur un banc de poissons
En sarabande
On me bouscule d'ovules
Et de péchés dans le confessionnal brute
Juste avant la communion de la grand-messe orthodoxe.
Prends ma vie vénielle et mortelle !
Je donne ma vie éternelle contre Ton matricule
Et dans chaque versicule
Mes testicules pour la vie extatique
Ma mie, ma minette, ma mamica, oremus !

Dieu aime
Dieu savoure
Dieu châtie
Dieu bande
Dieu ovule
Dieu tressaille
Dieu frissonne
Dieu jouit
Dieu pardonne
Dieu exauce
Dieu gicle
Amen
Caroline Sep 2019
Ma mère est la douceur de l’Everest
L’instant avant que le torticolis n’apparaisse
Ma mère nourrit ma rage d’anxiété
Ma douce mère je la fais parfois pleurer

Ma mère est la quiétude d’un tsunami
La paupière pourpre du sommeil trahi
Ma petite mère a les épaules qui tombent, exténuées
.
.
.
Pardonne-moi maman, je suis si désolée
#mère #mother #anxiété #anxiety
Qu'un jeune amour plein de mystère
Pardonne à la vieille amitié
D'avoir troublé son sanctuaire.

D'une belle âme qui m'est chère
Si j'ai jamais eu la moitié,
Je vous la lègue tout entière.
John F McCullagh Jun 2018
Un vieil homme noir, dans un mois chaud et sec,
assis à l'ombre du Baobab.
Les prairies autrefois verdoyantes
étaient secs avec la sécheresse,
victimes des vents du changement.

"Vieux, ils m'appellent vieux." Il pensait,
"Mes soixante-dix étés m'ont rendu gris,
mais cet arbre baobab est devenu grand et fort
Quand les légions romaines ont passé par là. "

Le vieil homme mâchait le fruit du baobab
et a coulé dans un état de transe comme.
Il était dans un état d'esprit;
Pas tout à fait endormi, pas tout à fait réveillé.

Il a entendu une voix: "J'ai soif".
Bien qu'il soit sûr qu'il était seul.
Cela ne semblait pas une voix humaine:
un monotone sec et sans discernement.

"Pour les générations, les hommes comme vous
J'ai cherché mon abri du soleil,
Mais maintenant c'est fini; la terre est desséchée
Et je meurs, mon petit.

Le vieil homme a pleuré pour entendre ces mots
Car quand ces arbres meurent, comme ils le doivent,
Ils s'effondrent sur le sol stérile
Donc, rapidement, ils reviennent à la poussière.

"Le monde a changé pour vous et moi,
Les vents sont secs sous le soleil.
Je pardonne au monde des hommes
Car ils ne savent pas ce qu'ils ont fait. "

Le vieil homme s'est réveillé avec un début
et s'est soulevé avec sa canne.
Il a pleuré de penser que cet arbre mourrait

mais les larmes ne peuvent pas remplacer la pluie.
Le Baobab est appelé "L'arbre de vie" pour le fruit dense en nutriments qu'il fournit en saison sèche en Afrique. Alors que le climat du continent change et que la désertification a lieu, le plus vieux des arbres meurt de soif
Fable IX, Livre IV.


Prétendons-nous au même office ;
Aspirons-nous au même objet,
Sous-lieutenance ou bénéfice,
Trône ou fauteuil ; en ce projet,
Mes bons amis, que Dieu nous serve !
Mais, comme entre nous tous il n'en peut servir qu'un,
D'un travers, dès longtemps commun,
Qu'au moins sa bonté nous préserve !
Des vœux sont-ils des droits ?
Non, camarade : hé bien !
Qu'au bonheur d'un rival notre raison pardonne.
Nous a-t-il dépouillé, pour s'emparer d'un bien
Qui n'appartenait à personne ?

xxDeux braconniers chassaient le long d'un bois,
Etrangers l'un à l'autre et pour gain et pour perte ;
Mais bons amis : l'un d'eux était un vieux matois ;
L'autre jeune, et parfois plus étourdi qu'alerte.
Il voit passer un lièvre, et ses cris aussitôt
D'ébruiter ce qu'il doit taire.

Le vieux routier, tout au contraire,
D'ajuster sans dire un seul mot ;
Et, pan ! voilà le lièvre à terre.
« Quoi ! » dit le bavard étonné,
Et qui, dans son dépit, avait presque la fièvre,
« Quoi ! venir jusque sous mon né,
Venir me prendre ainsi mon lièvre !  »
« - Lui ! ton lièvre ? es-tu fou ? te moques-tu des gens ?  »
Dit l'autre en se jetant sur la pièce abattue.
« Ton lièvre ? » dis le mien. « Lièvre qui court les champs
N'appartient, mon ami, qu'au chasseur qui le tue. »
I

Tu me dois ta photographie

À la condition que je

Serai bien sage - et tu t'y fies !


Apprends, ma chère, que je veux

Être, en échange de ce don

Précieux, un libertin que


L'on pardonne après sa fredaine

Dernière en faveur d'un second

Crime et peut-être d'un troisième.


Celle image que tu me dois

Et que je ne mérite pas,

Moyennant ta condition


Je l'aurais quand même tu me

La refuserais, puisque je

L'ai là dans mon cœur, nom de Dieu !


II


Là ! je l'ai, ta photographie

Quand t'étais cette galopine,

Avec, jà, tes yeux de défi,


Tes petits yeux en trous de vrille,

Avec alors de fiers tétins

Promus en fiers seins aujourd'hui.


Sous la longue robe si bien

Qu'on portait vers soixante-seize

Et sous la traîne et tout son train,


On devine bien ton manège

D'abord jà, cuisse alors mignonne,

Ce jourd'huy belle et toujours fraîche ;


Hanches ardentes et luronnes,

Croupe et bas ventre jamais las,

À présent le puissant appât,


Les appas, mûrs mais durs qu'appètent

Ma fressure quand tu es là

Et quand tu n'es pas là, ma tête !


III


Et puisque ta photographie

M'est émouvante et suggestive

À ce point et qu'en outre vit


Près de moi, jours et nuits, lascif

Et toujours prêt, ton corps en chair

Et en os et en muscles vifs


Et ton âme amusante, ô chère

Méchante, je ne serai « sage »

Plus du tout et zut aux bergères


Autres que toi que je vais sac-

Cager de si belle manière ;

- Il importe que tu le saches -


Que j'en mourrai, de ce plus fier

Que de toute gloire qu'on prise

Et plus heureux que le bonheur !


Et pour la tombe où mes gens gisent,

Toute belle ainsi que la vie,

Mets, dans son cadre de peluche,


Sur mon cœur, ta photographie.
À M. le comte Gaspard de Pons.


Voici ce qu'ont dit les prophètes,
Aux jours où ces hommes pieux
Voyaient en songe sur leurs têtes
L'Esprit-Saint descendre des cieux :
« Dès qu'un siècle, éteint pour le monde,
Redescend dans la nuit profonde,
De gloire ou de honte chargé,
Il va répondre et comparaître
Devant le Dieu qui le fit naître,
Seul juge qui n'est pas jugé. »

Or écoutez, fils de la terre,
Vil peuple à la tombe appelé,
Ce qu'en un rêve solitaire
La vision m'a révélé. -
C'était dans la cité flottante,
De joie et de gloire éclatante,
Où le jour n'a pas de soleil,
D'où sortit la première aurore,
Et d'où résonneront encore
Les clairons du dernier réveil.

Adorant l'essence inconnue,
Les saints, les martyrs glorieux
Contemplaient, sous l'ardente nue,
Le triangle mystérieux.
Près du trône où dort le tonnerre
Parut un spectre centenaire
Par l'ange des français conduit ;
Et l'ange, vêtu d'un long voile,
Etait pareil à l'humble étoile
Qui mène au ciel la sombre nuit.

Dans les cieux et dans les abîmes
Une voix alors s'entendit,
Qui, jusque parmi ses victimes,
Fit trembler l'archange maudit.
Le char des séraphins fidèles,
Semé d'yeux, brillant d'étincelles
S'arrêta sur son triple essieu ;
Et la roue, aux flammes bruyantes,
Et les quatre ailes tournoyantes
Se turent au souffle de Dieu.

LA VOIX.

« Déjà du livre séculaire
La page a dix-sept fois tourné ;
Le gouffre attend que ma colère
Te pardonne ou t'ait condamné.
Approche : - je tiens la balance ;
Te voilà nu dans ma présence,
Siècle innocent ou criminel.
Faut-il que ton souvenir meure ?
Réponds : « un siècle est comme une heure
Devant mon regard éternel. »

LE SIÈCLE.

« J'ai, dans mes pensers magnanimes,
Tout divisé, tout réuni ;
J'ai soumis à mes lois sublimes
Et l'immuable et l'infini ;
J'ai pesé tes volontés mêmes... »

LA VOIX.

« Fantôme, arrête ! tes blasphèmes
Troublent mes saints d'un juste effroi ;
Sors de ton orgueilleuse ivresse ;
Doute aujourd'hui de ta sagesse ;
Car tu ne peux douter de moi.

« Fier de tes aveugles sciences,
N'as-tu pas ri, dans tes clameurs,
Et de mon être et des croyances
Qui gardent les lois et les mœurs ?
De la mort souillant le mystère,
N'as-tu pas effrayé la terre
D'un crime aux humains inconnu ?
Des rois, avant les temps céleste,
N'as-tu pas réveillé les restes ? »

LE SIÈCLE.

« Ô Dieu ! votre jour est venu ! »

LA VOIX.

« Pleure, ô siècle ! D'abord timide,
L'erreur grandit comme un géant ;
L'athée invite au régicide ;
Le chaos est fils du néant.
J'aimais une terre lointaine ;
Un roi bon, une belle reine,
Conduisaient son peuple joyeux,
Je bénissais leurs jours augustes ;
Réponds, qu'as-tu fait de ces justes ? »

LE SIÈCLE.

« Seigneur, je les vois dans vos cieux. »

LA VOIX.

« Oui, l'épouvante enfin t'éclaire !
C'est moi qui marque leur séjour
Aux réprouvés de ma colère,
Comme aux élus de mon amour.
Qu'un rayon tombe de ma face,
Soudain tout s'anime ou s'efface
Tout naît ou retourne au tombeau.
Mon souffle, propice ou terrible,
Allume l'incendie horrible,
Comme il éteint le pur flambeau !
Que l'oubli muet te dévore ! »

LE SIÈCLE.

« Eh bien donc ! l'âge qui va naître
Absoudra les forfaits plus odieux ! »
Ici gémit l'humble Espérance,
Et le bel ange de la France
De son aile voila ses yeux.

LA VOIX.

« Va, ma main t'ouvre les abîmes ;
Un siècle nouveau prend l'essor,
Mais, **** de t'absoudre, ses crimes,
Maudit ! t'accuseront encor. »

Et, comme l'ouragan qui gronde
Chasse à grand bruit jusque sur l'onde
Le flocon vers les mers jeté,
Longtemps la voix inexorable
Poursuit le siècle coupable,
Qui tombait dans l'éternité.

Septembre 1821.
Si ta vie obscure et charmée
Coule à l'ombre de quelques fleurs,
Âme orageuse mais calmée
Dans ce rêve pur et sans pleurs,
Sur les biens que le ciel te donne,
Crois-moi :
Pour que le sort te les pardonne,
Tais-toi !

Mais si l'amour d'une main sûre
T'a frappée à ne plus guérir,
Si tu languis de ta blessure
Jusqu'à souhaiter d'en mourir,
Devant tous, et devant toi-même,
Crois-moi :
Par un effort doux et suprême,
Tais-toi !

Vois-tu ! Les profondes paroles
Qui sortent d'un vrai désespoir
N'entrent pas aux âmes frivoles
Si cruelles sans le savoir !
Ne dis qu'à Dieu ce qu'il faut dire,
Crois-moi :
Et couvrant ta mort d'un sourire,
Tais-toi !

— The End —