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Venez bien près, plus près, qu'on ne puisse m'entendre.
Un bruit vole sur vous, mais qu'il est peu flatteur !
Votre mère en est triste ; elle vous est si tendre !
On dit, mon cher amour, que vous êtes menteur.

Au lieu d'apprendre en paix la leçon qu'on vous donne,
Vous faites le plaintif, vous traînez votre voix,
Et vous criez très haut : Hé ! ma bonne ! ma bonne !
L'écho, qui me dit tout, m'en a parlé deux fois.

Vous avez effrayé cette bonne attentive.
Et, pour vous secourir,
Près de vous, toute pâle, on l'a vue accourir :
Hélas ! vous avez ri de sa bonté craintive,
Enfant ! vous avez ri ! quelle douleur pour nous !
On ne croira donc plus à vos jeunes alarmes ?
Si j'avais eu ce tort, j'irais à deux genoux
Lui demander pardon d'avoir ri de ses larmes ;
J'irais... Ne pleurez pas ; causons avant d'agir ;
Écoutez une histoire, et jugez-la vous-même :
Cachez-vous cependant sur ce coeur qui vous aime ;
Je rougis de vous voir rougir.

« Au loup ! au loup ! à moi ! » criait un jeune pâtre ;
Et les bergers entr'eux suspendaient leurs discours.
Trompé par les clameurs du rustique folâtre,
Tout venait, jusqu'aux chiens, tout volait au secours.
Ayant de tant de cours éveillé le courage,
Tirant l'un du sommeil, et l'autre de l'ouvrage,
Il se mettait à rire, il se croyait bien fin :
« Je suis loup, » disait-il. Mais attendez la fin.
Un jour que les bergers, au fond d'une vallée,
Appelant la gaîté sur leurs aigres pipeaux,
Confondaient leurs repas, leurs chansons, leurs troupeaux,
Et de leurs pieds joyeux pressaient l'herbe foulée
« Au loup ! au loup ! à moi ! » dit le jeune garçon ;
« Au loup ! » répéta-t-il d'une voix lamentable.
Pas un n'abandonna la danse ni la table :
« Il est loup, dirent-ils ; à d'autres la leçon. »

Et toutefois le loup dévorait la plus belle
De ses belles brebis ;
Et pour punir l'enfant qu'il traitait de rebelle,
Il lui montrait les dents, et rompait ses habits :
Et le pauvre menteur, élevant ses prières,
N'attristait que l'écho ; ses cris n'amenaient rien.
Tout riait, tout dansait au **** dans les bruyères :
« Eh quoi ! pas un ami, dit-il, pas même un chien ! »
On ajoute, et vraiment, c'est pitié de le croire !
Qu'il serrait la brebis dans ses deux bras tremblants ;
Et, quand il vint en pleurs raconter son histoire,
On vit que ses deux bras étaient nus et sanglants.
« Il ne ment pas, dit-on, il tremble ! il saigne ! il pleure !
Quoi ! c'est donc vrai, Colas ? » Il s'appelait Colas.

« Nous avons bien ri tout à l'heure ;
Et la brebis est morte ! elle est mangée...hélas ! »
On le plaignit. Un rustre, insensible à ses larmes.
Lui dit : « Tu fus menteur, tu trompas notre effroi :
Or, s'il m'avait trompé, le menteur fût-il roi,
Me crierait vainement aux armes. »

Et vous n'êtes pas roi, mon ange, et vous mentez !
Ici, pas un flatteur dont la voix vous abuse ;
Vous n'avez point d'excuse.
Quand vous aurez perdu tous les cours révoltés,
Vous ne direz qu'à moi votre souffrance amère,
Car on ne ment pas à sa mère.
Tout s'enfuira de vous, j'en pleurerai tout bas ;
Vous n'aurez plus d'amis, je n'aurai plus de joie :
Que ferons-nous alors ? Oh ! ne vous cachez pas !
Prenez un peu courage, enfant ; que je vous voie ;
Vous me touchez le coeur, j'y sens votre pardon ;
Allez, petit chéri, ne trompez plus personne ;
Soyez sage, aimez Dieu, priez qu'il vous pardonne ;
Il est père, il est bon !
Paul d'Aubin Mar 2016
Littérature et Politique

(Prose poétique en  souvenir de la lecture de Carlo Levi docteur, peintre, militant antifasciste  et écrivain)

Je ne pourrais assez remercier mon père, André (Candria en Corse),  qui pour me permettre un jour de comprendre la langue Corse qu'il n'avait pas eu le temps de m'apprendre car il enseignait déjà l'anglais,  me fit choisir l'Italien, en seconde langue au Lycée Raymond Naves.
Cette classe d'Italien cristallise les meilleurs souvenirs que j'ai eus de ce Lycée qui n'était pas d'élite,  au sens  social de ce terme menteur mais bien plus important, jouait alors,  ce  rôle de creuset social dont nous semblons avoir quelque peu  perdu le secret. J’eus la grande chance d’y connaître  mon meilleur ami, Roland P.., qui aujourd’hui, hélas, n’est hélas plus  mais dont l’Esprit demeure et qui  fut  l'ami si compatissant et fraternel  de mon adolescence tourmentée,  quelque peu Rimbaldienne.  Mes Professeures d'Italien étaient toutes des passionnées et si nous ne nous mîmes pas suffisamment, par paresse, à la grammaire; elles réussirent, tout de même,  à nous  ouvrir grand la porte de cette langue somptueuse,  l’Italien,  si variée et l’amour  de la civilisation Italienne qui a tant irrigué l'art et le bonheur de vivre. Parmi les romans que ces professeures de ce Lycée Laïque  et quelque peu «contestataire» (encore un terme qui s’est évaporé sous la gangue de l’aigreur et de la passion funeste d’une nouvelle intolérance pseudo-jacobine et pseudo « nationaliste »  )  nous firent connaître, il y a  dans ma mémoire et au plus haut de mon panthéon personnel, «Le Christ s’est arrêté à Eboli» écrit par le docteur de Médecine,   devenu rapidement, peintre et militant antifasciste de «Giustizia e Libertà», l’ écrivain Carlo Levi. Son  chef d'œuvre incontesté : «Christo si é fermato a Eboli» («Le Christ s’est pas arrêté à Eboli.») a fait le tour du Monde.

Envoyé  en relégation par  le «Tribunal pour la sûreté de l’Etat» créé par les fascisme (dans ce que l’on nommait le  «confino», dans le petit village d’Aliano en Basilicate,  pour le punir de ses mauvaises pensées et  de ses quelques minuscules actions politiques menée sous la chape de plomb totalitaire en ce  lieu, si perdu que même le Christ, lui-même,  semble-t-il, avait oublié, tout au moins métaphoriquement de s’y arrêter, Carlo Levi, au travers d’un roman presque naturaliste fait un véritable reportage ethnologique sur la condition des paysans et journaliers pauvres que l’on nommait alors : «I cafoni», (les culs terreux, les humbles, les oubliés d'hier et  toujours).

Contrairement à trop d'écrivains contemporains qui fuient les questions qui fâchent et surtout la question sociale  ( il est vrai que j’entends dire même par nombre de mes chers amis d’aujourd’hui  qu’il n’y aurait plus d’ouvriers, ce qui est inexact ;  il est  hélas bien exact qu’il n’y a plus guère d’écrivains provenant des milieux ouvriers, paysans et plus largement populaires. ) A l'inverse de notre littérature européenne contemporaine, laquelle s'est très largement abimée dans le nombrilisme ou,  pire,  la rancœur racornie et nihiliste, Carlo Levi,  lui, a réussi à atteindre la profondeur la condition humaine  et la véracité des plus grands peintres de l'Esprit ,  tels les écrivains Russes comme Gogol , Gorki , Tolstoï et Soljenitsyne, dans «le pavillon des cancéreux» ainsi que les écrivains Méditerranéens à la « générosité solaire » comme le crétois Nikos Kazantzakis  (dans la liberté ou la mort), Albert Camus, dans «la Peste» et  Mouloud Feraoun  (dans son  «Journal»).  Bref dans son roman, Carlo Levi va au plus profond de la tragédie intime et collective des êtres et ne masque pas les ébranlements sociaux,  et les Révolutions à venir qui font tant peur à notre époque de «nouveaux rentiers» de la finance et de la pensée  sans jamais verser dans le prêchi-prêcha. Ce sont de tels écrivains, sortis du terreau de leurs Peuples,  le connaissant  et l’aimant profondément,  qui nous manquent tant aujourd’hui. Ces écrivains furent d’irremplaçables témoins de leur époque comme Victor Hugo, avec «Les Misérables» avec ses personnages  littérairement immortels comme  le forçat en rédemption,  Jean Valjean, la touchante Cosette et bien sûr le jeune et éclatant  Gavroche. Ils restent au-delà de toute mode et atteignent l'Universel en s’appropriant la vérité profonde de ce qu’en Occitan,  l’on nomme nos  «Pais» ou la diversité de nos terroirs. Encore un immense merci à mon père et à mes professeures; il faut lire ou relire : «Le Christ s'est arrêté à Eboli». Car si nous regardions un  peu au-delà de notre Europe  tétanisée de peur et barricadée,  il  y a encore bien d'autres Eboli et encore tant de «Cafoni » méprisés, brutalisés et tyrannisés dans le Monde d'aujourd'hui !
Paul Arrighi
Peins-moi, Janet, peins-moi, je te supplie
Dans ce tableau les beautés de m'amie
De la façon que je te les dirai.
Comme importun je ne te supplierai
D'un art menteur quelque faveur lui faire :
Il suffit bien si tu la sais portraire
Ainsi qu'elle est, sans vouloir déguiser
Son naturel pour la favoriser,
Car la faveur n'est bonne que pour celles
Qui se font peindre, et qui ne sont pas belles.

Fais-lui premier les cheveux ondelés,
Noués, retors, recrêpés, annelés,
Qui de couleur le cèdre représentent ;
Ou les démêle, et que libres ils sentent
Dans le tableau, si par art tu le peux,
La même odeur de ses propres cheveux,
Car ses cheveux comme fleurettes sentent,
Quand les Zéphyrs au printemps les éventent.

Que son beau front ne soit entrefendu
De nul sillon en profond étendu,
Mais qu'il soit tel qu'est la pleine marine,
Quand tant soit peu le vent ne la mutine,
Et que gisante en son lit elle dort,
Calmant ses flots sillés d'un somme mort.
Tout au milieu par la grève descende
Un beau rubis, de qui l'éclat s'épande
Par le tableau, ainsi qu'on voit de nuit
Briller les rais de la Lune qui luit
Dessus la neige au fond d'un val coulée,
De trace d'homme encore non foulée.

Après fais-lui son beau sourcil voûtis
D'ébène noir, et que son pli tortis
Semble un croissant qui montre par la nue
Au premier mois sa voûture cornue.
Ou si jamais tu as vu l'arc d'Amour,
Prends le portrait dessus le demi-tour
De sa courbure à demi-cercle dose,
Car l'arc d'Amour et lui n'est qu'une chose.
Mais las ! mon Dieu, mon Dieu je ne sais pas
Par quel moyen, ni comment, tu peindras
(Voire eusses-tu l'artifice d'Apelle)
De ses beaux yeux la grâce naturelle,
Qui font vergogne aux étoiles des Cieux.
Que l'un soit doux, l'autre soit furieux,
Que l'un de Mars, l'autre de Vénus tienne ;
Que du bénin toute espérance vienne,

Et du cruel vienne tout désespoir ;
L'un soit piteux et larmoyant à voir,
Comme celui d'Ariane laissée
Aux bords de Die, alors que l'insensée,
Près de la mer, de pleurs se consommait,
Et son Thésée en vain elle nommait ;
L'autre soit ***, comme il est bien croyable
Que l'eut jadis Pénélope louable
Quand elle vit son mari retourné,
Ayant vingt ans **** d'elle séjourné.
Après fais-lui sa rondelette oreille,
Petite, unie, entre blanche et vermeille,
Qui sous le voile apparaisse à l'égal
Que fait un lis enclos dans un cristal,
Ou tout ainsi qu'apparaît une rose
Tout fraîchement dedans un verre enclose.

Mais pour néant tu aurais fait si beau
Tout l'ornement de ton riche tableau,
Si tu n'avais de la linéature
De son beau nez bien portrait la peinture.
Peins-le-moi donc grêle, long, aquilin,
Poli, traitis, où l'envieux malin,
Quand il voudrait, n'y saurait que reprendre,
Tant proprement tu le feras descendre
Parmi la face, ainsi comme descend
Dans une plaine un petit mont qui pend.
Après au vif peins-moi sa belle joue
Pareille au teint de la rose qui noue
Dessus du lait, ou au teint blanchissant
Du lis qui baise un oeillet rougissant.
Dans le milieu portrais une fossette,
Fossette, non, mais d'Amour la cachette,
D'où ce garçon de sa petite main
Lâche cent traits, et jamais un en vain,
Que par les yeux droit au coeur il ne touche.

Hélas ! Janet, pour bien peindre sa bouche,
A peine Homère en ses vers te dirait
Quel vermillon égaler la pourrait,
Car pour la peindre ainsi qu'elle mérite,
Peindre il faudrait celle d'une Charite.
Peins-la-moi donc, qu'elle semble parler,
Ores sourire, ores embaumer l'air
De ne sais quelle ambrosienne haleine.
Mais par sur tout fais qu'elle semble pleine
De la douceur de persuasion.
Tout à l'entour attache un million
De ris, d'attraits, de jeux, de courtoisies,
Et que deux rangs de perlettes choisies
D'un ordre égal en la place des dents
Bien poliment soient arrangés dedans.
Peins tout autour une lèvre bessonne,
Qui d'elle-même, en s'élevant, semonne,
D'être baisée, ayant le teint pareil
Ou de la rose, ou du corail vermeil,
Elle flambante au Printemps sur l'épine,
Lui rougissant au fond de la marine.

Peins son menton au milieu fosselu,
Et que le bout en rondeur pommelu
Soit tout ainsi que l'on voit apparaître
Le bout d'un coin qui jà commence à croître.

Plus blanc que lait caillé dessus le jonc
Peins-lui le col, mais peins-le un petit long,
Grêle et charnu, et sa gorge douillette
Comme le col soit un petit longuette.

Après fais-lui, par un juste compas,
Et de Junon les coudes et les bras,
Et les beaux doigts de Minerve, et encore
La main pareille à celle de l'Aurore.

Je ne sais plus, mon Janet, où j'en suis,
Je suis confus et muet : je ne puis,
Comme j'ai fait, te déclarer le reste
De ses beautés, qui ne m'est manifeste.
Las ! car jamais tant de faveurs je n'eus
Que d'avoir vu ses beaux tétins à nu.
Mais si l'on peut juger par conjecture,
Persuadé de raisons, je m'assure
Que la beauté qui ne s'apparaît, doit
Du tout répondre à celle que l'on voit.
Doncque peins-la, et qu'elle me soit faite

Parfaite autant comme l'autre est parfaite.
Ainsi qu'en bosse élève-moi son sein,
Net, blanc, poli, large, profond et plein,
Dedans lequel mille rameuses veines
De rouge sang tressaillent toutes pleines.
Puis, quand au vif tu auras découvert
Dessous la peau les muscles et les nerfs,
Enfle au-dessus deux pommes nouvelettes,
Comme l'on voit deux pommes verdelettes
D'un oranger, qui encore du tout
Ne font qu'à l'heure à se rougir au bout.

Tout au plus haut des épaules marbrines,
Peins le séjour des Charites divines,
Et que l'Amour sans cesse voletant
Toujours les couve, et les aille éventant,
Pensant voler avec le Jeu son frère
De branche en branche ès vergers de Cythère.

Un peu plus bas, en miroir arrondi,
Tout poupellé, grasselet, rebondi,
Comme celui de Vénus, peins son ventre ;
Peins son nombril ainsi qu'un petit centre,
Le fond duquel paraisse plus vermeil
Qu'un bel oeillet entrouvert au Soleil.

Qu'attends-tu plus ? portrais-moi l'autre chose
Qui est si belle, et que dire je n'ose,
Et dont l'espoir impatient me point ;
Mais je te prie, ne me l'ombrage point,
Si ce n'était d'un voile fait de soie,
Clair et subtil, à fin qu'on l'entrevoie.

Ses cuisses soient comme faites au tour
A pleine chair, rondes tout à l'entour,
Ainsi qu'un Terme arrondi d'artifice
Qui soutient ferme un royal édifice.

Comme deux monts enlève ses genoux,
Douillets, charnus, ronds, délicats et mous,
Dessous lesquels fais-lui la grève pleine,
Telle que l'ont les vierges de Lacène,
Allant lutter au rivage connu
Du fleuve Eurote, ayant le corps tout nu,
Ou bien chassant à meutes découplées
Quelque grand cerf ès forêts Amyclées.
Puis, pour la fin, portrais-lui de Thétis
Les pieds étroits, et les talons petits.

Ha, je la vois ! elle est presque portraite,
Encore un trait, encore un, elle est faite !
Lève tes mains, ha mon Dieu ! je la vois !
Bien peu s'en faut qu'elle ne parle à moi.
Eugene Solomon Jul 2011
" A poet doesn't invent;
he is a liar who speaks
the truth and listens.

Un poete n'invente pas,
il est un menteur qui dit
la verite et a l'ecoute ."
Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour

Et la blessure est encore vibrante,

Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.


Ô mon Dieu, votre crainte m'a frappé

Et la brûlure est encor là qui tonne,

Ô mon Dieu, votre crainte m'a frappé.


Ô mon Dieu, j'ai connu que tout est vil

Et votre gloire en moi s'est installée,

Ô mon Dieu, j'ai connu que tout est vil.


Noyez mon âme aux flots de votre Vin,

Fondez ma vie au Pain de votre table,

Noyez mon âme aux flots de votre Vin.


Voici mon sang que je n'ai pas versé,

Voici ma chair indigne de souffrance,

Voici mon sang que je n'ai pas versé.


Voici mon front qui n'a pu que rougir,

Pour l'escabeau de vos pieds adorables,

Voici mon front qui n'a pu que rougir.


Voici mes mains qui n'ont pas travaillé,

Pour les charbons ardents et l'encens rare,

Voici mes mains qui n'ont pas travaillé.


Voici mon coeur qui n'a battu qu'en vain,

Pour palpiter aux ronces du Calvaire,

Voici mon coeur qui n'a battu qu'en vain.


Voici mes pieds, frivoles voyageurs,

Pour accourir au cri de votre grâce,

Voici mes pieds, frivoles voyageurs.


Voici ma voix, bruit maussade et menteur,

Pour les reproches de la Pénitence,

Voici ma voix, bruit maussade et menteur.


Voici mes yeux, luminaires d'erreur,

Pour être éteints aux pleurs de la prière,

Voici mes yeux, luminaires d'erreur.


Hélas ! Vous, Dieu d'offrande et de pardon,

Quel est le puits de mon ingratitude,

Hélas ! Vous, Dieu d'offrande et de pardon,


Dieu de terreur et Dieu de sainteté,

Hélas ! ce noir abîme de mon crime,

Dieu de terreur et Dieu de sainteté,


Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,

Toutes mes peurs, toutes mes ignorances,

Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,


Vous connaissez tout cela, tout cela,

Et que je suis plus pauvre que personne,

Vous connaissez tout cela, tout cela,


Mais ce que j'ai, mon Dieu, je vous le donne.
À Victor Hugo.

I

Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,
Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
L'immense majesté de vos douleurs de veuve,
Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,

A fécondé soudain ma mémoire fertile,
Comme je traversais le nouveau Carrousel.
Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel) ;

Je ne vois qu'en esprit, tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.

Là s'étalait jadis une ménagerie ;
Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux
Froids et clairs le travail s'éveille, où la voirie
Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,

Un cygne qui s'était évadé de sa cage,
Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec

Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
Et disait, le coeur plein de son beau lac natal :
" Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ? "
Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,

Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,
Comme s'il adressait des reproches à Dieu !

II

Paris change ! mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.

Aussi devant ce Louvre une image m'opprime :
Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,
Comme les exilés, ridicule et sublime,
Et rongé d'un, désir sans trêve ! et puis à vous,

Andromaque, des bras d'un grand époux tombée,
Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,
Auprès d'un tombeau vide en extase courbée ;
Veuve d'Hector, hélas ! et femme d'Hélénus !

Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,
Piétinant dans la boue, et cherchant, l'oeil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard ;

A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais ! à ceux qui s'abreuvent de pleurs
Et tètent la douleur comme une bonne louve !
Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !

Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile
Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor !
Je pense aux matelots oubliés dans une île,
Aux captifs, aux vaincus !... à bien d'autres encor !
Seigneur, vous m'avez laissé vivre

Pour m'éprouver jusqu'à la fin.

Vous châtiez cette chair ivre,

Par la douleur et par la faim !

Et Vous permîtes que le diable

Tentât mon âme misérable

Comme l'âme forte de Job,

Puis Vous m'avez envoyé l'ange

Qui gagea le combat étrange

Avec le grand aïeul Jacob


Mon enfance, elle fut joyeuse :

Or je naquis choyé, béni

Et je crûs, chair insoucieuse,

Jusqu'au temps du trouble infini

Qui nous prend comme une tempête,

Nous poussant comme par la tête

Vers l'abîme et prêts à tomber ;

Quant à moi, puisqu'il faut le dire.

Mes sens affreux et leur délire

Allaient me faire succomber,


Quand Vous parûtes, Dieu de grâce

Qui savez tout bien arranger,

Qui Vous mettez bien à la place,

L'auteur et l'ôteur du danger,

Vous me punîtes par moi-même

D'un supplice cru le suprême

(Oui, ma pauvre âme le croyait)

Mais qui n'était au fond rien qu'une

Perche tendue, ô qu'opportune !

A mon salut qui se noyait.


Comprises les dures délices,

J'ai marché dans le droit sentier,

Y cueillant sous des cieux propices

Pleine paix et bonheur entier,

Paix de remplir enfin ma tâche,

Bonheur de n'être plus un lâche

Épris des seules voluptés

De l'orgueil et de la luxure,

Et cette fleur, l'extase pure

Des bons projets exécutés,


C'est alors que la mort commence

Son œuvre inexpiable ? Non,

Mais qui me saisit de démence

Bien qu'encor criant Votre nom.

L'Ami me meurt, aussi la Mère,

Une rancune plus qu'amère

Me piétine en ce dur moment

Et me cantonne en la misère,

Dans la littérale misère,

Du froid, et du délaissement !


Tout s'en mêle : la maladie

Vient en aide à l'autre fléau.

Le guignon, comme un incendie

Dans un pays où manque l'eau,

Ravage et dévaste ma vie,

Traînant à sa suite l'envie,

L'ordre, l'obsèque trahison,

La sale pitié dérisoire,

Jusqu'à cette rumeur de gloire

Comme une insulte à la raison !


Ces mystères, je les pénètre ;

Tous les mystères, je les connais,

Oui, certes, Vous êtes le maître

Dont les rigueurs sont les bienfaits.

Mais, ô Vous, donnez-moi la force,

Donnez, comme à l'arbre l'écorce.

Comme l'instinct à l'animal,

Donnez à ce cœur votre ouvrage,

Seigneur, la force et le courage

Pour le bien et contre le mal.


Mais, hélas ! je ratiocine

Sur mes fautes et mes douleurs,

Espèce de mauvais Racine

Analysant jusqu'à mes pleurs.

Dans ma raison mal assagie,

Je fais de la psychologie

Au lieu d'être un cœur pénitent

Tout simple et tout aimable en somme.

Sans plus l'astuce du vieil homme

Et sans plus l'orgueil protestant...


Je crois en l'Église romaine,

Catholique, apostolique et

La seule humaine qui nous mène

Au but que Jésus indiquait,

La seule divine qui porte

Notre croix jusques à la porte

Des libres cieux enfin ouverts.

Qui la porte par vos bras même,

O grand Crucifié suprême

Donnant pour nous vos maux soufferts.


Je crois en la toute-présense,

A la messe de Jésus-Christ,

Je crois à la toute-puissance

Du Sang que pour nous il offrit

Et qu'il offre au seul Juge encore

Par ce mystère que j'adore

Qui fait qu'un homme vain, menteur,

Pourvu qu'il porte le vrai signe

Qui le consacre entre tous digne,

Puisse créer le Créateur.


Je confesse la Vierge unique,

Reine de la neuve Sion,

Portant aux plis de sa tunique

La grâce et l'intercession.

Elle protège l'innocence,

Accueille la résipiscence,

Et debout quand tous à genoux,

Impêtre le pardon du Père

Pour le pécheur qui désespère...

Mère du fils, priez pour nous !
Gorba Apr 2020
Je suis compliqué
Je suis bizarre
Je suis fou
Je suis un extrême compétiteur
Je suis borné
Je suis lunatique
Je suis pragmatique
Je suis trop rationnel
Je suis français
Je suis intelligent
Je suis (une) personne
Je suis con
Je suis ignorant
Je suis un menteur
Je suis sexiste
Je suis un amant
Je suis xénophobe
Je suis curieux
Je suis inquisiteur
Je suis hésitant
Je suis un auteur
Je suis myope
Je suis droitier
Je suis gauche
Je suis égocentrique
Je suis doué
Je suis un scientifique
Je suis démuni
Je peux être dogmatique
Je suis lent
Je suis sensible
Je suis un rêveur
Je suis très fier
J’ai des principes
Je suis un procrastinateur
J’ai tort
Je suis égoïste
Je suis en forme
Je suis relativement calme
Je suis partial
Je suis susceptible
Je suis un étranger
Je suis un gamin, un garçon, un homme

Non, rien!
Je suis humain.
I.

Mon besoin de songe et de fable,
La soif malheureuse que j'ai
De quelque autre vie ineffable,
Me laisse tout découragé.

Quand d'un beau vouloir je m'avise,
Je me répète en vain : « Je veux. »
- « À quoi bon ? » répond la devise
Qui rend stériles tous les voeux.

À quoi bon nos miettes d'automne ?
Si la plèbe veut s'assouvir ;
Ou nos rêves d'état sans trône ?
S'il plaît au peuple de servir.

À quoi bon rapprendre la guerre ?
S'il faut toujours qu'elle ait pour but
Le gain menteur, cher au vulgaire,
D'une auréole et d'un tribut.

À quoi bon la lente science ?
Si l'homme ne peut entrevoir,
Après tant d'âpre patience,
Que les bornes de son savoir.

À quoi bon l'amour ? Si l'on aime
Pour propager un cœur souffrant,
Le cœur humain, toujours le même
Sous le costume différent.

À quoi bon, si la terre est ronde,
Notre infinie avidité ?
On est si vite au bout d'un monde,
Quand il n'est pas illimité !

Or ma soif est celle de l'homme ;
Je n'ai pas de désir moyen,
Il me faut l'élite et la somme,
Il me faut le souverain bien !

II.

Ainsi mon orgueil dissimule
Les défaillances de ma foi,
Mais je sens bientôt un scrupule
Qui s'élève et murmure en moi :

Mon fier désespoir n'est peut-être
Qu'une excuse à ne point agir,
Et, comme au fond je me sens traître,
Un prétexte à n'en point rougir,

Un dédain paresseux qui ruse
Avec la rigueur du devoir,
Et de l'idéal même abuse
Pour me dispenser de vouloir.

Parce que la terre est bornée,
N'y faut-il voir qu'une prison,
Et faillir à la destinée
Qu'embrasse et clôt son horizon ?

Parce que l'amour perpétue
La vie et ses âpres combats,
Vaudra-t-il mieux qu'Adam se tue
Et qu'Athènes n'existe pas ?

Parce que la science est brève
Et le mystère illimité,
Faut-il lui préférer le rêve
Ou la complète cécité ?

Parce que la guerre nous lasse,
Faut-il, par mépris des plus forts,
Tendant la gorge au coup de grâce,
Leur fumer nos champs de nos corps ?

Parce que la force nombreuse
Appelle droit son bon plaisir,
Songe creux le savoir qui creuse,
Et l'art qui plane : vain loisir,

Faut-il laisser cette sauvage
Brûler les œuvres des neuf soeurs
Pour venger l'antique esclavage
Nourricier des premiers penseurs ?

Ah ! Faut-il que de la justice
Et de l'amour, désespérant,
Le cœur déçu se rapetisse
Dans un exil indifférent ?

Non, toute la phalange auguste
Des créateurs doit pour ses dieux,
Qui sont le vrai, le beau, le juste,
Combattre en dessillant les yeux,

Et du temple où chaque âge apporte
Le fruit sacré de ses efforts,
Ouvrir à deux battants la porte,
En défendre à mort les trésors !
Amour qui voles dans les nues,
Baisers blancs, fuyant sur l'azur,
Et qui palpites dans les mues,
Au nid sourd des forêts émues ;

Qui cours aux fentes des vieux murs,
Dans la mer qui de joie écume,
Au flanc des navires, et sur
Les grandes voiles de lin pur ;

Amour sommeillant sur la plume
Des aigles et des traversins,
Que clame la sibylle à Cume,
Amour qui chantes sur l'enclume ;

Amour qui rêves sur les seins
De Lucrèce et de Messaline,
Noir dans les yeux des assassins,
Rouge aux lèvres des spadassins ;

Amour riant à la babine
Des dogues noirs et des taureaux,
Au bout de la patte féline
Et de la rime féminine ;

Amour qu'on noie au fond des brocs
Ou qu'on reporte sur la lune,
Cher aux galons des caporaux,
Doux aux guenilles des marauds ;

Aveugle qui suis la fortune,
Menteur naïf dont les leçons
Enflamment, dans l'ombre opportune,
L'oreille rose de la brune ;

Amour bu par les nourrissons
Aux boutons sombres des Normandes ;
Amour des ducs et des maçons,
Vieil amour des jeunes chansons ;

Amour qui pleures sur les brandes
Avec l'angélus du matin,
Sur les steppes et sur les landes
Et sur les polders des Hollandes ;

Amour qui voles du hautain
Et froid sourire des poètes
Aux yeux des filles dont le teint
Semble de fleur et de satin ;

Qui vas, sous le ciel des prophètes,
Du chêne biblique au palmier,
De la reine aux anachorètes,
Du coeur de l'homme au coeur des bêtes ;

De la tourterelle au ramier,
Du valet à la demoiselle,
Des doigts du chimiste à l'herbier,
De la prière au bénitier ;

Du prêtre à l'hérétique belle,
D'Abel à Caïn réprouvé ;
Amour, tu mêles sous ton aile
Toute la vie universelle !

Mais, ô vous qui m'avez trouvé,
Moi, pauvre pécheur que Dieu pousse
Diseur de Pater et d'Ave,
Sans oreiller que le pavé,

Votre présence me soit douce.
La sainte, ta patronne, est surtout vénérée

Dans nos pays du Nord et toute la contrée

Dont je suis à demi, la Lorraine et l'Ardenne.

Elle fut courageuse et douce et mourut vierge

Et martyre. Or il faut lui brûler un beau cierge

En ce jour de ta fête et de quelque fredaine

De plus, peut-être, en son honneur, ô ma païenne !


Tu n'es pas vierge, hélas ! mais encore martyre

Non pour Dieu, mais qui te plut. (Qu'ont-ils à rire ?)

A cause de ton cœur saignant resté sublime.

Courageuse, tu l'es, pauvre chère adorée,

Pour supporter tant de douleur démesurée

Avec cette fierté qui pare une victime,

Avec tout ce pardon joyeux et longanime.


Et douce ? Ah oui ! malgré ton allure si vive

Et si forte et rude parfois. Douce et naïve

Comme ta voix d'enfant aux notes paysannes.

Douce au pauvre et naïve envers tous et que bonne

Sous un dehors souvent brutal qui vous étonne,

Vous, les gens, mais dont j'ai vite su les arcanes !


Douce et bonne et naïve, âme exquise qui planes

Au-dessus de tout préjugé bête ou féroce,

Au-dessus de l'hypocrisie et du cant rosse

Et du jargon menteur et de l'argot fétide

Dans la région pure où la haine s'ignore,

Où la rancune expire, où l'amour pur arbore

Sur la blancheur des cieux sa bannière candide.

Ô résignation infiniment splendide.


En ce jour de ta fête et malgré nos frivoles

Préoccupations moins coupables que folles

De baisers redoublés pour le cas, et l'antienne

Plus gentille encor qu'excessive des mots lestes,

Recueillons-nous pourtant, pensons aux fins célestes

Afin qu'après ma mort ou, las ! après la tienne,

Le survivant pour l'absent prie, ô ma chrétienne !

— The End —