Submit your work, meet writers and drop the ads. Become a member
Asfd Qwer Sep 2015
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?

Ailleurs, bien **** d'ici! trop ****! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire, 1868
Enfants ! - Oh ! revenez ! Tout à l'heure, imprudent,
Je vous ai de ma chambre exilés en grondant,
Rauque et tout hérissé de paroles moroses.
Et qu'aviez-vous donc fait, bandits aux lèvres roses ?
Quel crime ? quel exploit ? quel forfait insensé ?
Quel vase du Japon en mille éclats brisé ?
Quel vieux portrait crevé ? Quel beau missel gothique
Enrichi par vos mains d'un dessin fantastique ?
Non, rien de tout cela. Vous aviez seulement,
Ce matin, restés seuls dans ma chambre un moment,
Pris, parmi ces papiers que mon esprit colore,
Quelques vers, groupe informe, embryons près d'éclore,
Puis vous les aviez mis, prompts à vous accorder,
Dans le feu, pour jouer, pour voir, pour regarder
Dans une cendre noire errer des étincelles,
Comme brillent sur l'eau de nocturnes nacelles,
Ou comme, de fenêtre en fenêtre, on peut voir
Des lumières courir dans les maisons le soir.

Voilà tout. Vous jouiez et vous croyiez bien faire.

Belle perte, en effet ! beau sujet de colère !
Une strophe, mal née au doux bruit de vos jeux,
Qui remuait les mots d'un vol trop orageux !
Une ode qui chargeait d'une rime gonflée
Sa stance paresseuse en marchant essoufflée !
De lourds alexandrins l'un sur l'autre enjambant
Comme des écoliers qui sortent de leur banc !
Un autre eût dit : - Merci ! Vous ôtez une proie
Au feuilleton méchant qui bondissait de joie
Et d'avance poussait des rires infernaux
Dans l'antre qu'il se creuse au bas des grands journaux.
Moi, je vous ai grondés. Tort grave et ridicule !

Nains charmants que n'eût pas voulu fâcher Hercule,
Moi, je vous ai fait peur. J'ai, rêveur triste et dur,
Reculé brusquement ma chaise jusqu'au mur,
Et, vous jetant ces noms dont l'envieux vous nomme,
J'ai dit : - Allez-vous-en ! laissez-moi seul ! - Pauvre homme !
Seul ! le beau résultat ! le beau triomphe ! seul !
Comme on oublie un mort roulé dans son linceul,
Vous m'avez laissé là, l'oeil fixé sur ma porte,
Hautain, grave et puni. - Mais vous, que vous importe !
Vous avez retrouvé dehors la liberté,
Le grand air, le beau parc, le gazon souhaité,
L'eau courante où l'on jette une herbe à l'aventure,
Le ciel bleu, le printemps, la sereine nature,
Ce livre des oiseaux et des bohémiens,
Ce poème de Dieu qui vaut mieux que les miens,
Où l'enfant peut cueillir la fleur, strophe vivante,
Sans qu'une grosse voix tout à coup l'épouvante !
Moi, je suis resté seul, toute joie ayant fui,
Seul avec ce pédant qu'on appelle l'ennui.
Car, depuis le matin assis dans l'antichambre,
Ce docteur, né dans Londres, un dimanche, en décembre,
Qui ne vous aime pas, ô mes pauvres petits,
Attendait pour entrer que vous fussiez sortis.
Dans l'angle où vous jouiez il est là qui soupire,
Et je le vois bâiller, moi qui vous voyais rire !

Que faire ? lire un livre ? oh non ! - dicter des vers ?
A quoi bon ? - Emaux bleus ou blancs, céladons verts,
Sphère qui fait tourner tout le ciel sur son axe,
Les beaux insectes peints sur mes tasses de Saxe,
Tout m'ennuie, et je pense à vous. En vérité,
Vous partis, j'ai perdu le soleil, la gaîté,
Le bruit joyeux qui fait qu'on rêve, le délire
De voir le tout petit s'aider du doigt pour lire,
Les fronts pleins de candeur qui disent toujours oui,
L'éclat de rire franc, sincère, épanoui,
Qui met subitement des perles sur les lèvres,
Les beaux grands yeux naïfs admirant mon vieux Sèvres,
La curiosité qui cherche à tout savoir,
Et les coudes qu'on pousse en disant : Viens donc voir !

Oh ! certes, les esprits, les sylphes et les fées
Que le vent dans ma chambre apporte par bouffées,
Les gnomes accroupis là-haut, près du plafond,
Dans les angles obscurs que mes vieux livres font,
Les lutins familiers, nains à la longue échine,
Qui parlent dans les coins à mes vases de Chine.
Tout l'invisible essaim de ces démons joyeux
A dû rire aux éclats, quand là, devant leurs yeux,
Ils vous ont vus saisir dans la boîte aux ébauches
Ces hexamètres nus, boiteux, difformes, gauches,
Les traîner au grand jour, pauvres hiboux fâchés,
Et puis, battant des mains, autour du feu penchés,
De tous ces corps hideux soudain tirant une âme,
Avec ces vers si laids faire une belle flamme !

Espiègles radieux que j'ai fait envoler,
Oh ! revenez ici chanter, danser, parler,
Tantôt, groupe folâtre, ouvrir un gros volume,
Tantôt courir, pousser mon bras qui tient ma plume,
Et faire dans le vers que je viens retoucher
Saillir soudain un angle aigu comme un clocher
Qui perce tout à coup un horizon de plaines.
Mon âme se réchauffe à vos douces haleines.
Revenez près de moi, souriant de plaisir,
Bruire et gazouiller, et sans peur obscurcir
Le vieux livre où je lis de vos ombres penchées,
Folles têtes d'enfants ! gaîtés effarouchées !

J'en conviens, j'avais tort, et vous aviez raison.
Mais qui n'a quelquefois grondé hors de saison ?
Il faut être indulgent. Nous avons nos misères.
Les petits pour les grands ont tort d'être sévères.
Enfants ! chaque matin, votre âme avec amour
S'ouvre à la joie ainsi que la fenêtre au jour.
Beau miracle, vraiment, que l'enfant, *** sans cesse,
Ayant tout le bonheur, ait toute la sagesse !
Le destin vous caresse en vos commencements.
Vous n'avez qu'à jouer et vous êtes charmants.
Mais nous, nous qui pensons, nous qui vivons, nous sommes
Hargneux, tristes, mauvais, ô mes chers petits hommes !
On a ses jours d'humeur, de déraison, d'ennui.
Il pleuvait ce matin. Il fait froid aujourd'hui.
Un nuage mal fait dans le ciel tout à l'heure
A passé. Que nous veut cette cloche qui pleure ?
Puis on a dans le coeur quelque remords. Voilà
Ce qui nous rend méchants. Vous saurez tout cela,
Quand l'âge à votre tour ternira vos visages,
Quand vous serez plus grands, c'est-à-dire moins sages.

J'ai donc eu tort. C'est dit. Mais c'est assez punir,
Mais il faut pardonner, mais il faut revenir.
Voyons, faisons la paix, je vous prie à mains jointes.
Tenez, crayons, papiers, mon vieux compas sans pointes,
Mes laques et mes grès, qu'une vitre défend,
Tous ces hochets de l'homme enviés par l'enfant,
Mes gros chinois ventrus faits comme des concombres,
Mon vieux tableau trouvé sous d'antiques décombres,
Je vous livrerai tout, vous toucherez à tout !
Vous pourrez sur ma table être assis ou debout,
Et chanter, et traîner, sans que je me récrie,
Mon grand fauteuil de chêne et de tapisserie,
Et sur mon banc sculpté jeter tous à la fois
Vos jouets anguleux qui déchirent le bois !
Je vous laisserai même, et gaîment, et sans crainte,
Ô prodige ! en vos mains tenir ma bible peinte,
Que vous n'avez touchée encor qu'avec terreur,
Où l'on voit Dieu le père en habit d'empereur !

Et puis, brûlez les vers dont ma table est semée,
Si vous tenez à voir ce qu'ils font de fumée !
Brûlez ou déchirez ! - Je serais moins clément
Si c'était chez Méry, le poète charmant,
Que Marseille la grecque, heureuse et noble ville,
Blonde fille d'Homère, a fait fils de Virgile.
Je vous dirais : - " Enfants, ne touchez que des yeux
A ces vers qui demain s'envoleront aux cieux.
Ces papiers, c'est le nid, retraite caressée,
Où du poète ailé rampe encor la pensée.
Oh ! n'en approchez pas ! car les vers nouveau-nés,
Au manuscrit natal encore emprisonnés,
Souffrent entre vos mains innocemment cruelles.
Vous leur blessez le pied, vous leur froissez les ailes ;
Et, sans vous en douter, vous leur faites ces maux
Que les petits enfants font aux petits oiseaux. "

Mais qu'importe les miens ! - Toute ma poésie,
C'est vous, et mon esprit suit votre fantaisie.
Vous êtes les reflets et les rayonnements
Dont j'éclaire mon vers si sombre par moments.
Enfants, vous dont la vie est faite d'espérance,
Enfants, vous dont la joie est faite d'ignorance,
Vous n'avez pas souffert et vous ne savez pas,
Quand la pensée en nous a marché pas à pas,
Sur le poète morne et fatigué d'écrire
Quelle douce chaleur répand votre sourire !
Combien il a besoin, quand sa tête se rompt,
De la sérénité qui luit sur votre front ;
Et quel enchantement l'enivre et le fascine,
Quand le charmant hasard de quelque cour voisine,
Où vous vous ébattez sous un arbre penchant,
Mêle vos joyeux cris à son douloureux chant !

Revenez donc, hélas ! revenez dans mon ombre,
Si vous ne voulez pas que je sois triste et sombre,
Pareil, dans l'abandon où vous m'avez laissé,
Au pêcheur d'Etretat, d'un long hiver lassé,
Qui médite appuyé sur son coude, et s'ennuie
De voir à sa fenêtre un ciel rayé de pluie.
Il est un nom caché dans l'ombre de mon âme,
Que j'y lis nuit et jour et qu'aucun oeil n'y voit,
Comme un anneau perdu que la main d'une femme
Dans l'abîme des mers laissa glisser du doigt.

Dans l'arche de mon coeur, qui pour lui seul s'entrouvre,
Il dort enseveli sous une clef d'airain ;
De mystère et de peur mon amour le recouvre,
Comme après une fête on referme un écrin.

Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse,
Mais, tel qu'un talisman formé d'un mot secret,
Quand seul avec l'écho ma bouche le prononce,
Ma nuit s'ouvre, et dans l'âme un être m'apparaît.

En jour éblouissant l'ombre se transfigure ;
Des rayons, échappés par les fentes des cieux,
Colorent de pudeur une blanche figure
Sur qui l'ange ébloui n'ose lever les yeux.

C'est une vierge enfant, et qui grandit encore ;
Il pleut sur ce matin des beautés et des jours ;
De pensée en pensée on voit son âme éclore,
Comme son corps charmant de contours en contours.

Un éblouissement de jeunesse et de grâce
Fascine le regard où son charme est resté.
Quand elle fait un pas, on dirait que l'espace
S'éclaire et s'agrandit pour tant de majesté.

Dans ses cheveux bronzés jamais le vent ne joue.
Dérobant un regard qu'une boucle interrompt,
Ils serpentent collés au marbre de sa joue,
Jetant l'ombre pensive aux secrets de son front.

Son teint calme, et veiné des taches de l'opale,
Comme s'il frissonnait avant la passion,
Nuance sa fraîcheur des moires d'un lis pâle,
Où la bouche a laissé sa moite impression.

Sérieuse en naissant jusque dans son sourire,
Elle aborde la vie avec recueillement ;
Son coeur, profond et lourd chaque fois qu'il respire,
Soulève avec son sein un poids de sentiment.

Soutenant sur sa main sa tête renversée,
Et fronçant les sourcils qui couvrent son oeil noir,
Elle semble lancer l'éclair de sa pensée
Jusqu'à des horizons qu'aucun oeil ne peut voir.

Comme au sein de ces nuits sans brumes et sans voiles,
Où dans leur profondeur l'oeil surprend les cieux nus,
Dans ses beaux yeux d'enfant, firmament plein d'étoiles,
Je vois poindre et nager des astres inconnus.

Des splendeurs de cette âme un reflet me traverse ;
Il transforme en Éden ce morne et froid séjour.
Le flot mort de mon sang s'accélère, et je berce
Des mondes de bonheur sur ces vagues d'amour.

- Oh ! dites-nous ce nom, ce nom qui fait qu'on aime ;
Qui laisse sur la lèvre une saveur de miel !
- Non, je ne le dis pas sur la terre à moi-même ;
Je l'emporte au tombeau pour m'embellir le ciel.
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien **** d'ici ! trop **** ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
J 'atterris sur la planète Vulvae
En haut du Mont de Vénus
Vulvae c'est le coeur battant de ma Muse.
Ma muse est un dragon à quatre-vingt-huit têtes
Et chacune de ses têtes me sourit
Et m'offre là un thé vert, là une camomille
Là un morceau de pain, là un verre d'eau de vie de mirabelle,
Là un ballon de vin clairet
Et comme je ne veux peiner aucune de ses têtes
Qui tournoient autour de moi
Je les cajole toutes en faisant une fumaison de musc
Ainsi comme les abeilles les têtes se calment sevrées .
Des quatre-vingt-huit têtes de ma muse
Qui défilent sur le podium
En me faisant les yeux doux de Chimène
Celle que je préfère c'est la numéro trois
Bien sûr je ne le lui ai jamais dit
Je ne veux fâcher personne
et surtout les numéros dix-neuf et quatorze,
Ces succédanés de ma Muse,
Dont j'apprécie les atours virevoltants de jaune et orange.
Mais Coconchine c'est ma tête préférée
Mon mannequin à moi
Ne me demandez pas pourquoi
Sa ***** minora
Sa ***** majora
Sa flore vaginale
Son petit air coquin et absent en même temps
Tout concourt à ce que ce soit ma prima donna.
C'est peut-être sa couleur qui me chavire
Ce bleu océan ou outre-mer
Je sens que la cyprine qui en coulera
Déteindra sur mes lèvres
Soudain bleues à l 'unisson de ses envies.
C'est une énigme
Et son énigme me fascine.
C'est un condensé de Vulvae
La vulve de ma Muse.
C'est la Vulve rêvée, fantasmée
Intemporelle comme une pierre gravée
Une vulve versatile, gredine.
Faussement pudique
Elle bat des cils
Et volette comme une nymphe
De morpho bleu et léger
Au-dessus des orphies qui volettent elles aussi.
Elle m'invite,
Elle m'a choisi,
Je suis l'Elu,
Son cheval barbu
Elle me désire,
Elle me charrie
Dans les tourbillons de la cyprine
Qui m'entrouvre la porte de son vestibule
et en pénétrant dans ce labyrinthe
Je grave de mon silex
Les flammes bleues du feu qui me dévore.
Domremy, 182...

Moi, que je sois royaliste !
C'est à peu près comme si
Le ciel devait rester triste
Quand l'aube a dit : Me voici !

Un roi, c'est un homme équestre,
Personnage à numéro,
En marge duquel de Maistre
Écrit : Roi, lisez : Bourreau.

Je n'y crois plus. Est-ce un crime
Que d'avoir, par ma cloison,
Vu ce point du jour sublime,
Le lever de la raison !

J'étais jadis à l'école
Chez ce pédant, le Passé ;
J'ai rompu cette bricole ;
J'épelle un autre A B C.

Mon livre, ô fils de Lutèce,
C'est la nature, alphabet
Où le lys n'est point altesse,
Où l'arbre n'est point gibet.

Maintenant, je te l'avoue,
Je ne crois qu'au droit divin
Du coeur, de l'enfant qui joue,
Du franc rire et du bon vin.

Puisque tu me fais visite
Sous mon chaume, à Domremy,
À toi le Grec, moi le Scythe,
J'ouvre mon âme à demi...

Pas tout à fait. - La feuillée
Doit voiler le carrefour,
Et la porte entrebâillée
Convient au timide amour.

J'aime, en ces bois que j'habite,
L'aurore ; et j'ai dans mon trou
Pour pareil, lé cénobite,
Pour contraire, le hibou.

Une femme me fascine ;
Comme Properce, j'entends
Une flûte tibicine
Dans les branches du printemps.

J'ai pour jeu la poésie ;
J'ai pour torture un minois,
Vieux style, et la jalousie,
Ce casse-tête chinois.

Je suis fou d'une charmeuse,
De Paris venue ici,
Dont les saules de la Meuse
Sont tous amoureux aussi.

Je l'ai suivie en Sologne,
Je la suis à Vaucouleurs.
Mon coeur rit, ma raison grogne,
Et me voilà dans les fleurs.

Je l'ai nommée Euryanthe.
J'en perds l'âme et l'appétit.
Circonstance atténuante :
Elle a le pied très petit.

Plains-moi. Telle est ma blessure.
Cela dit, amusons-nous.
Oublions tout, la censure,
Rome, et l'abbé Frayssinous.

Cours les bals, danse aux kermesses.
Les filles ont de la foi ;
Fais-toi tenir les promesses
Qu'elles m'ont faites à moi.

Ris, savoure, aime, déguste,
Et, libres, narguons un peu
Le roi, ce faux nez auguste
Que le prêtre met à Dieu.
Voyez-vous, un parfum éveille la pensée.
Repliez, belle enfant par l'aube caressée,
Cet éventail ailé, pourpre, or et vermillon,
Qui tremble dans vos mains comme un grand papillon,
Et puis écoutez-moi. - Dieu fait l'odeur des roses
Comme il fait un abîme, avec autant de choses.
Celui-ci, qui se meurt sur votre sein charmant,
N'aurait pas ce parfum qui monte doucement
Comme un encens divin vers votre beauté pure,
Si sa tige, parmi l'eau, l'air et la verdure,
Dans la création prenant sa part de tout,
N'avait profondément plongé par quelque bout,
Pauvre et fragile fleur pour tous les vents béante,
Au sein mystérieux de la terre géante.
Là, par un lent travail que Dieu lui seul connaît,
Fraîcheur du flot qui court, blancheur du jour qui naît,
Souffle de ce qui coule, ou végète, ou se traîne,
L'esprit de ce qui vit dans la nuit souterraine,
Fumée, onde, vapeur, de **** comme de près,
- Non sans faire avec tout des échanges secrets, -
Elle a dérobé tout, son calme à l'antre sombre,
Au diamant sa flamme, à la forêt son ombre,
Et peut-être, qui sait ? sur l'aile du matin
Quelque ineffable haleine à l'océan lointain !
Et vivant alambic que Dieu lui-même forme,
Où filtre et se répand la terre, vase énorme,
Avec les bois, les champs, les nuages, les eaux,
Et l'air tout pénétré des chansons des oiseaux,
La racine, humble, obscure, au travail résignée,
Pour la superbe fleur par le soleil baignée,
A, sans en rien garder, fait ce parfum si doux,
Qui vient si mollement de la nature à vous,
Qui vous charme, et se mêle à votre esprit, madame,
Car l'âme d'une fleur parle au cœur d'une femme.

Encore un mot, et puis je vous laisse rêver.
Pour qu'atteignant au but où tout doit s'élever,
Chaque chose ici-bas prenne un attrait suprême,
Pour que la fleur embaume et pour que la vierge aime,
Pour que, puisant la vie au grand centre commun,
La corolle ait une âme et la femme un parfum,
Sous le soleil qui luit, sous l'amour qui fascine,
Il faut, fleur de beauté, tenir par la racine,
L'une au monde idéal, l'autre au monde réel,
Les roses à la terre et les femmes au ciel.

Le 16 mai 1837.

— The End —