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Paul d'Aubin Feb 2016
Trois Poèmes sur l’été en Corse et Letia
L’été Corse

L'été est la saison bleue
tant attendue, tant espérée
quand le froid de l'hiver vous glace,
quand le printemps pleure à grands eaux.
L'été s'installe quand le soleil
brule, hardi, de tous ses feux,
que la lumière devient reine de jour
et que les soirs s'étirent et se prélassent
Les fleurs et plantes du Maquis
ne sont pas encoure roussies
et forment comme un tapis bariolé de couleurs.
Les senteurs nous embaument
de leurs sucs capiteux
et nous nous croirons presque
dans une vaste parfumerie à ciel ouvert.
La mer parfois ridée de mousse blanche
devient parfois turquoise, émeraude ou bleu outre-mer.
Mais le soir venu le soleil se plonge
dans des rougeoiements varies
qui irritent et bariolent l'horizon.
Alors que s'assombrit ces curieuses tours génoises trapues ou rondes qui faisaient mine de protéger les anciens.
Et sont autant de rappels des périls barbaresques durant les temps médiévaux et modernes



                                                      *
Le café de Letia Saint Roch

Il est dans ce gracieux village de Letia, à flanc de Rocher, un endroit ayant résisté à la disparition des commerces. C'est le café de Toussaint Rossi, placé au cœur du village et tenant lieu de salle commune. Ce centre de vies, de rires et de joie comporte un antique et majestueux poêle en fonte, et des décors muraux faits de multiples coupes d'anciennes victoires aux tournois de boules et de foot et chargé des espoirs à venir. Surtout, les murs sont décorés de gravures austères de Sanpiero Corsu et de Pascal Paoli, attestant de l'attachement des villageois aux temps forts de l'histoire Corse. L'hospitalité est depuis bien longtemps assurée par l'excellent Toussaint Rossi, lequel fait aussi le partenaire des parties de belotes contrées. Maintenant sa nièce Emmanuelle apporte aujourd'hui, à ce café,  son dynamisme souriant et son sourire enjôleur. A l'occasion de la Saint-Roch et du tournoi de boules, «Vincent Battesti»,  la salle prend des airs de café-concert et cousins, amis et villageois entonnent le répertoire des chants «nustrale», lequel dure parfois **** dans la nuit quand scintille un peu l'Esprit du village. Aux anciennes chansons de nos parents : «la boudeuse» et «Il pescatore dell'onda» s’ajoutent les succès nouveaux comme «Amerindianu» et l'admirable chant du Catalan, Lluis Llach,  «l'Estaca», traduit en langue Corse. Les voix s'accordent et les chœurs vibrent à l'unisson, sur ce répertoire commun qui arrive à élever le sentiment d'unité et à souder les valeurs des êtres.

                                                               *


Le pont de l’embouchure du Liamone,

Sous la fausse apparence d'une large rivière tranquille se perdant dans les sables,
Le «Liamone», prenant sa source sur les montagnes de Letia peut se révéler torrent furieux.
Cependant il se jette mollement dans le grand bleu en s’infiltrant par un mole de sable.
Cet endroit est magique car il mêle, mer et rivière, poissons d'eau douce et de mer,
La plaine alluviale qui l'entoure est large et propice aux cultures,
ce qui est rare dans cette partie de la Corse aux côtes déchiquetés.
Il annonce les vastes plages de Sagone dont la plus belle,
mais non la moins dangereuse fait face à l'hôtel «Santana».
Le nouveau pont du Liamone a des formes de grand oiseau bleu,
Et déploie des deux ailes blanches sur les eaux vertes de la rivière.
Cet endroit peu hospitalier aux nageurs car l’on à pied que peu de temps sur de fins galets tranchants
Il l'est en revanche très agréable aux poissons et aux pêcheurs,
car il mêle les eaux et le plancton
C’est aussi un endroit magique pour celles et ceux qui goûtent par-dessus tout,
La Liberté sans contrainte, le soleil, une vaste étendue de sable et les points de vue,
car plusieurs promontoires ou collines inspirées sont encore coiffées de vestiges de tour,
et le regard porte **** comme pour surveiller et protéger les populations des antiques razzias barbaresques.

Paul Arrighi.
Thomas Jan 2022
Cette ville écrasée sous les signaux hallucinés
De commerces blindés et de business débridé
Jonchée des ordures mentales et des pourritures verbales,
à grignoté cet espace comme un rat patriarcal

Hantés par les chimères implantées au scalpel
Qui s’éclipsent dans un râle à chaque fois qu’on se réveille
Sur des trottoirs miteux qu'on arpente avec peine
Avec la boue sous nos pieds, et la crasse dans nos veines

On a plié sous le poids de ce que la ville nous a privé.
Dans les formes sa nuit odorante et gluante
Influencés par les gangs d'une valeur anarchisante
Et plongés en abimes au fond de cette nuit sanguine

On voudrait tout rejouer, vacillant, comme le phare
Qui contemple, hagard, la ruée des cafards
Et dans un dernier effort pour nous hypnotiser,
La ville nous livre en pâture aux chiens carbonisés

Le tintement des coupes dans la brume artificielle
Neutralise les rampants de cette tour de Babel
Et les sons du stylos sur papier parano
Sont remplacés par les cris des couteaux tranchant la peau

Et la chair et les os
Et du sang et des larmes
Du vacarme infernal
Des détonations cérébrales
Des entrailles putréfiées
Jailli un souffle empoisonné
Et nous restons médusé
Par l'absence d'humanité

Les rues scintillantes
Éclairées par la tété
La lueur violente  
Des bouches noircies et enfumées
Les grouillants salissants
Anonymes agonisants
Des cris que personne n’entend,
Des invisibles que personne ne défend

Figé comme crétin qui de colère crispe les poings
Étranger parmi les siens humilié comme un larbin
On reste allongés dans la poussière face contre terre
Mais on reste assuré que notre rage est salutaire

Déjà ça tremble sous les pieds des biens pensants
Déjà ça grogne aux oreilles des bienveillants
Alors on reste là à observer impunément
Des remparts occultants qui se fissurent singulièrement

Et du fond des cimetières revient une herbe un peu plus verte
Et du fond des ghettos un asticot rejoint la secte
De ceux qui croulent sous la promesse d'une existence
Qui maintiendra leur cerveau dans un état de complaisance

Mais on sait qu’un jour, notre printemps reviendra
Et on sait qu’un jour la chaleur nous stimulera
Et la lumière brillera pour tous les anges et les salauds
Et elle consumera tous les faisans et collabo

Et ils sentiront toute la menace des renégats
Et ils comprendront que c'en est fini ici-bas
Et ils trembleront devant la détermination
De ceux qui n'ont rien a perdre armés de pierres et de bâtons

Enfin on pourra se tirer
Briser les chaines a nos poignets
Et on pourra se libérer
De la douleur et de la fièvre
Finis les temps répréhensifs
Emplis de ténèbres et de peines
On cherchera la saveur
Et le parfum des jours meilleurs

Mais y'a personne aux commandes
Et dans une crise d'indifférence
On supprimera de nos états
Le ciment de paranoïa
Et on pourra s'envoler
Vers une idée de liberté
Et on pourra se reposer
Car on n'est pas fait pour vivre de cauchemars et de haine

— The End —