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ALEXANDRE STARK Jan 2014
Il y a des personne qui pour un court instant, comme un petit papillon de Madagascar,
peuvent vous sourie et satisfaire avec une innocence bienveillante si naturelle qu’on ne
trouve dans aucun endroit ou presque :
hammam de luxe !

Il y a des temples enfouis si inouïe qui illumine ma galaxie et te demande, pour guide.…
Oh, steppes arides Mexicaines, mes séculaires puits désert, mes horizons abandonné prés d’
Himalaya qui cherche routard et vie avec.
Huile brulés et larmes séché, enfance volé, démon si prés ne te demande rien : que guide.

Il y à toujours pour nous, les doigts d’une main dans une caresse sublime, parce que tes
bras, courre devant moi, :

Ne t’arête pas, car ton sourire éclate le jade dans blanc si minérale, parfum dans vert
sapin, j’irrigue ainsi et je cultive.Je donne la vie pour que tout ça, anime esprit, Himalaya, donne confiance dans mon éveille,voyage sans fin et vagabonde, les haut plateaux du thé :
« Marquise du haut : regard tout bas ! »

Suis ce fou errant, pour avant ce sale gamin à qui personne dessine :
Ton danse présent pollen mon sens et dans ma voix, je cour couleur de pluie sur ciel pour toi,
libérer mes ailles, un jour pour soie si fine, que tu vêtis dans robe hammam ,
dans Innocence marré Mexique qui Guides ce vol -Vien dans le mien, illumines !

                                                                                                                           ALEXANDRE STARK
Sous la canicule du Sahel
Et sur les terres arides
Les deux chevaliers
Forts comme Charlemagne
Et patients comme le Christ
Avançaient à cheval
Lequel caracolaient infatigablement
Pour couvrir le monde
De la saine tunique « nouvelle »

Mais l’ange noir voulu
Que leur besogne s’éteigne
Et que les yeux des leurs
Se couvrent de brouillard

Mais la fin d’une vie
Ne met point un terme
A l’action du défunt

Un arbre qui se fane
Laisse les grains qui poussent
Et le perpétuent

Ghislaine et Claude
Et leur action pour le bien du monde
Qu’AQMI voulut qu’elle soit fade
N’est que tatouage à la Radio du monde
www.amazon.com/author/bonim007
DITHYRAMBE.

À M. Eugène de Genoude.

Son front est couronné de palmes et d'étoiles ;
Son regard immortel, que rien ne peut ternir,
Traversant tous les temps, soulevant tous les voiles,
Réveille le passé, plonge dans l'avenir !
Du monde sous ses yeux ses fastes se déroulent,
Les siècles à ses pieds comme un torrent s'écoulent ;
A son gré descendant ou remontant leurs cours,
Elle sonne aux tombeaux l'heure, l'heure fatale,
Ou sur sa lyre virginale
Chante au monde vieilli ce jour, père des jours !

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Ecoutez ! - Jéhova s'élance
Du sein de son éternité.
Le chaos endormi s'éveille en sa présence,
Sa vertu le féconde, et sa toute-puissance
Repose sur l'immensité !

Dieu dit, et le jour fut; Dieu dit, et les étoiles
De la nuit éternelle éclaircirent les voiles ;
Tous les éléments divers
A sa voix se séparèrent ;
Les eaux soudain s'écoulèrent
Dans le lit creusé des mers ;
Les montagnes s'élevèrent,
Et les aquilons volèrent
Dans les libres champs des airs !

Sept fois de Jéhova la parole féconde
Se fit entendre au monde,
Et sept fois le néant à sa voix répondit ;
Et Dieu dit : Faisons l'homme à ma vivante image.
Il dit, l'homme naquit; à ce dernier ouvrage
Le Verbe créateur s'arrête et s'applaudit !

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Mais ce n'est plus un Dieu ! - C'est l'homme qui soupire
Eden a fui !... voilà le travail et la mort !
Dans les larmes sa voix expire ;
La corde du bonheur se brise sur sa lyre,
Et Job en tire un son triste comme le sort.

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Ah ! périsse à jamais le jour qui m'a vu naître !
Ah ! périsse à jamais la nuit qui m'a conçu !
Et le sein qui m'a donné l'être,
Et les genoux qui m'ont reçu !

Que du nombre des jours Dieu pour jamais l'efface ;
Que, toujours obscurci des ombres du trépas,
Ce jour parmi les jours ne trouve plus sa place,
Qu'il soit comme s'il n'était pas !

Maintenant dans l'oubli je dormirais encore,
Et j'achèverais mon sommeil
Dans cette longue nuit qui n'aura point d'aurore,
Avec ces conquérants que la terre dévore,
Avec le fruit conçu qui meurt avant d'éclore
Et qui n'a pas vu le soleil.

Mes jours déclinent comme l'ombre ;
Je voudrais les précipiter.
O mon Dieu ! retranchez le nombre
Des soleils que je dois compter !
L'aspect de ma longue infortune
Eloigne, repousse, importune
Mes frères lassés de mes maux ;
En vain je m'adresse à leur foule,
Leur pitié m'échappe et s'écoule
Comme l'onde au flanc des coteaux.

Ainsi qu'un nuage qui passe,
Mon printemps s'est évanoui ;
Mes yeux ne verront plus la trace
De tous ces biens dont j'ai joui.
Par le souffle de la colère,
Hélas ! arraché à la terre,
Je vais d'où l'on ne revient pas !
Mes vallons, ma propre demeure,
Et cet oeil même qui me pleure,
Ne reverront jamais mes pas !

L'homme vit un jour sur la terre
Entre la mort et la douleur ;
Rassasié de sa misère,
Il tombe enfin comme la fleur ;
Il tombe ! Au moins par la rosée
Des fleurs la racine arrosée
Peut-elle un moment refleurir !
Mais l'homme, hélas!, après la vie,
C'est un lac dont l'eau s'est enfuie :
On le cherche, il vient de tarir.

Mes jours fondent comme la neige
Au souffle du courroux divin ;
Mon espérance, qu'il abrège,
S'enfuit comme l'eau de ma main ;
Ouvrez-moi mon dernier asile ;
Là, j'ai dans l'ombre un lit tranquille,
Lit préparé pour mes douleurs !
O tombeau ! vous êtes mon père !
Et je dis aux vers de la terre :
Vous êtes ma mère et mes sœurs !

Mais les jours heureux de l'impie
Ne s'éclipsent pas au matin ;
Tranquille, il prolonge sa vie
Avec le sang de l'orphelin !
Il étend au **** ses racines ;
Comme un troupeau sur les collines,
Sa famille couvre Ségor ;
Puis dans un riche mausolée
Il est couché dans la vallée,
Et l'on dirait qu'il vit encor.

C'est le secret de Dieu, je me tais et l'adore !
C'est sa main qui traça les sentiers de l'aurore,
Qui pesa l'Océan, qui suspendit les cieux !
Pour lui, l'abîme est nu, l'enfer même est sans voiles !
Il a fondé la terre et semé les étoiles !
Et qui suis-je à ses yeux ?

------

Mais la harpe a frémi sous les doigts d'Isaïe ;
De son sein bouillonnant la menace à longs flots
S'échappe ; un Dieu l'appelle, il s'élance, il s'écrie :
Cieux et terre, écoutez ! silence au fils d'Amos !

------

Osias n'était plus : Dieu m'apparut; je vis
Adonaï vêtu de gloire et d'épouvante !
Les bords éblouissants de sa robe flottante
Remplissaient le sacré parvis !

Des séraphins debout sur des marches d'ivoire
Se voilaient devant lui de six ailes de feux ;
Volant de l'un à l'autre, ils se disaient entre eux :
Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux !
Toute la terre est pleine de sa gloire !

Du temple à ces accents la voûte s'ébranla,
Adonaï s'enfuit sous la nue enflammée :
Le saint lieu fut rempli de torrents de fumée.
La terre sous mes pieds trembla !

Et moi ! je resterais dans un lâche silence !
Moi qui t'ai vu, Seigneur, je n'oserais parler !
A ce peuple impur qui t'offense
Je craindrais de te révéler !

Qui marchera pour nous ? dit le Dieu des armées.
Qui parlera pour moi ? dit Dieu : Qui ? moi, Seigneur !
Touche mes lèvres enflammées !
Me voilà ! je suis prêt !... malheur !

Malheur à vous qui dès l'aurore
Respirez les parfums du vin !
Et que le soir retrouve encore
Chancelants aux bords du festin !
Malheur à vous qui par l'usure
Etendez sans fin ni mesure
La borne immense de vos champs !
Voulez-vous donc, mortels avides,
Habiter dans vos champs arides,
Seuls, sur la terre des vivants ?

Malheur à vous, race insensée !
Enfants d'un siècle audacieux,
Qui dites dans votre pensée :
Nous sommes sages à nos yeux :
Vous changez ma nuit en lumière,
Et le jour en ombre grossière
Où se cachent vos voluptés !
Mais, comme un taureau dans la plaine,
Vous traînez après vous la chaîne
Des vos longues iniquités !

Malheur à vous, filles de l'onde !
Iles de Sydon et de Tyr !
Tyrans ! qui trafiquez du monde
Avec la pourpre et l'or d'Ophyr !
Malheur à vous ! votre heure sonne !
En vain l'Océan vous couronne,
Malheur à toi, reine des eaux,
A toi qui, sur des mers nouvelles,
Fais retentir comme des ailes
Les voiles de mille vaisseaux !

Ils sont enfin venus les jours de ma justice ;
Ma colère, dit Dieu, se déborde sur vous !
Plus d'encens, plus de sacrifice
Qui puisse éteindre mon courroux !

Je livrerai ce peuple à la mort, au carnage ;
Le fer moissonnera comme l'herbe sauvage
Ses bataillons entiers !
- Seigneur ! épargnez-nous ! Seigneur ! - Non, point de trêve,
Et je ferai sur lui ruisseler de mon glaive
Le sang de ses guerriers !

Ses torrents sécheront sous ma brûlante haleine ;
Ma main nivellera, comme une vaste plaine,
Ses murs et ses palais ;
Le feu les brûlera comme il brûle le chaume.
Là, plus de nation, de ville, de royaume ;
Le silence à jamais !

Ses murs se couvriront de ronces et d'épines ;
L'hyène et le serpent peupleront ses ruines ;
Les hiboux, les vautours,
L'un l'autre s'appelant durant la nuit obscure,
Viendront à leurs petits porter la nourriture
Au sommet de ses tours !

------

Mais Dieu ferme à ces mots les lèvres d'Isaïe ;
Le sombre Ezéchiel
Sur le tronc desséché de l'ingrat Israël
Fait descendre à son tour la parole de vie.

------

L'Eternel emporta mon esprit au désert :
D'ossements desséchés le sol était couvert ;
J'approche en frissonnant; mais Jéhova me crie :
Si je parle à ces os, reprendront-ils la vie ?
- Eternel, tu le sais ! - Eh bien! dit le Seigneur,
Ecoute mes accents ! retiens-les et dis-leur :
Ossements desséchés ! insensible poussière !
Levez-vous ! recevez l'esprit et la lumière !
Que vos membres épars s'assemblent à ma voix !
Que l'esprit vous anime une seconde fois !
Qu'entre vos os flétris vos muscles se replacent !
Que votre sang circule et vos nerfs s'entrelacent !
Levez-vous et vivez, et voyez qui je suis !
J'écoutai le Seigneur, j'obéis et je dis :
Esprits, soufflez sur eux du couchant, de l'aurore ;
Soufflez de l'aquilon, soufflez !... Pressés d'éclore,
Ces restes du tombeau, réveillés par mes cris,
Entrechoquent soudain leurs ossements flétris ;
Aux clartés du soleil leur paupière se rouvre,
Leurs os sont rassemblés, et la chair les recouvre !
Et ce champ de la mort tout entier se leva,
Redevint un grand peuple, et connut Jéhova !

------

Mais Dieu de ses enfants a perdu la mémoire ;
La fille de Sion, méditant ses malheurs,
S'assied en soupirant, et, veuve de sa gloire,
Ecoute Jérémie, et retrouve des pleurs.

------

Le seigneur, m'accablant du poids de sa colère,
Retire tour à tour et ramène sa main ;
Vous qui passez par le chemin,
Est-il une misère égale à ma misère ?

En vain ma voix s'élève, il n'entend plus ma voix ;
Il m'a choisi pour but de ses flèches de flamme,
Et tout le jour contre mon âme
Sa fureur a lancé les fils de son carquois !

Sur mes os consumés ma peau s'est desséchée ;
Les enfants m'ont chanté dans leurs dérisions ;
Seul, au milieu des nations,
Le Seigneur m'a jeté comme une herbe arrachée.

Il s'est enveloppé de son divin courroux ;
Il a fermé ma route, il a troublé ma voie ;
Mon sein n'a plus connu la joie,
Et j'ai dit au Seigneur : Seigneur, souvenez-vous,
Souvenez-vous, Seigneur, de ces jours de colère ;
Souvenez-vous du fiel dont vous m'avez nourri ;
Non, votre amour n'est point tari :
Vous me frappez, Seigneur, et c'est pourquoi j'espère.

Je repasse en pleurant ces misérables jours ;
J'ai connu le Seigneur dès ma plus tendre aurore :
Quand il punit, il aime encore ;
Il ne s'est pas, mon âme, éloigné pour toujours.

Heureux qui le connaît ! heureux qui dès l'enfance
Porta le joug d'un Dieu, clément dans sa rigueur !
Il croit au salut du Seigneur,
S'assied au bord du fleuve et l'attend en silence.

Il sent peser sur lui ce joug de votre amour ;
Il répand dans la nuit ses pleurs et sa prière,
Et la bouche dans la poussière,
Il invoque, il espère, il attend votre jour.

------

Silence, ô lyre ! et vous silence,
Prophètes, voix de l'avenir !
Tout l'univers se tait d'avance
Devant celui qui doit venir !
Fermez-vous, lèvres inspirées ;
Reposez-vous, harpes sacrées,
Jusqu'au jour où sur les hauts lieux
Une voix au monde inconnue,
Fera retentir dans la nue :
PAIX A LA TERRE, ET GLOIRE AUX CIEUX !
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

J'aime le vrai soldat, effroi de Bélial.
Son turban évasé rend son front plus sévère,
Il baise avec respect la barbe de son père,
Il voue à son vieux sabre un amour filial,
Et porte un doliman, percé dans les mêlées
De plus de coups, que n'a de taches étoilées
La peau du tigre impérial.

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Un bouclier de cuivre à son bras sonne et luit,
Rouge comme la lune au milieu d'une brume.
Son cheval hennissant mâche un frein blanc d'écume ;
Un long sillon de poudre en sa course le suit.
Quand il passe au galop sur le pavé sonore,
On fait silence, on dit : C'est un cavalier maure !
Et chacun se retourne au bruit.

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Quand dix mille giaours viennent au son du cor,
Il leur répond ; il vole, et d'un souffle farouche
Fait jaillir la terreur du clairon qu'il embouche,
Tue, et parmi les morts sent croître son essor,
Rafraîchit dans leur sang son caftan écarlate,
Et pousse son coursier qui se lasse, et le flatte
Pour en égorger plus encor !

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

J'aime, s'il est vainqueur, quand s'est tû le tambour,
Qu'il ait sa belle esclave aux paupières arquées,
Et, laissant les imans qui prêchent aux mosquées
Boire du vin la nuit, qu'il en boive au grand jour ;
J'aime, après le combat, que sa voix enjouée
Rie, et des cris de guerre encor tout enrouée,
Chante les houris et l'amour !

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Qu'il soit grave, et rapide à venger un affront ;
Qu'il aime mieux savoir le jeu du cimeterre
Que tout ce qu'à vieillir on apprend sur la terre ;
Qu'il ignore quel jour les soleils s'éteindront ;
Quand rouleront les mers sur les sables arides ;
Mais qu'il soit brave et jeune, et préfère à des rides
Des cicatrices sur son front.

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Tel est, coparadgis, spahis, timariots,
Le vrai guerrier croyant ! Mais celui qui se vante,
Et qui tremble au moment de semer l'épouvante,
Qui le dernier arrive aux camps impériaux,
Qui, lorsque d'une ville on a forcé la porte,
Ne fait pas, sous le poids du butin qu'il rapporte,
Plier l'essieu des chariots ;

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Celui qui d'une femme aime les entretiens ;
Celui qui ne sait pas dire dans une orgie
Quelle est d'un beau cheval la généalogie ;
Qui cherche ailleurs qu'en soi force, amis et soutiens,
Sur de soyeux divans se couche avec mollesse,
Craint le soleil, sait lire, et par scrupule laisse
Tout le vin de Chypre aux chrétiens ;

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Celui-là, c'est un lâche, et non pas un guerrier.
Ce n'est pas lui qu'on voit dans la bataille ardente
Pousser un fier cheval à la housse pendante,
Le sabre en main, debout sur le large étrier ;
Il n'est bon qu'à presser des talons une mule,
En murmurant tout bas quelque vaine formule,
Comme un prêtre qui va prier !

Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.

Du 1 au 2 mai 1828.
Mon rêve le plus cher et le plus caressé,

Le seul qui rit encore à mon cœur oppressé,

C'est de m'ensevelir au fond d'une chartreuse,

Dans une solitude inabordable, affreuse ;

****, bien ****, tout là-bas, dans quelque Sierra

Bien sauvage, où jamais voix d'homme ne vibra,

Dans la forêt de pins, parmi les âpres roches,

Où n'arrive pas même un bruit lointain de cloches ;

Dans quelque Thébaïde, aux lieux les moins hantés,

Comme en cherchaient les saints pour leurs austérités ;

Sous la grotte où grondait le lion de Jérôme,

Oui, c'est là que j'irais pour respirer ton baume

Et boire la rosée à ton calice ouvert,

Ô frêle et chaste fleur, qui crois dans le désert

Aux fentes du tombeau de l'Espérance morte !

De non cœur dépeuplé je fermerais la porte

Et j'y ferais la garde, afin qu'un souvenir

Du monde des vivants n'y pût pas revenir ;

J'effacerais mon nom de ma propre mémoire ;

Et de tous ces mots creux : Amour, Science et Gloire

Qu'aux jours de mon avril mon âme en fleur rêvait,

Pour y dormir ma nuit j'en ferais un chevet ;

Car je sais maintenant que vaut cette fumée

Qu'au-dessus du néant pousse une renommée.

J'ai regardé de près et la science et l'art :

J'ai vu que ce n'était que mensonge et hasard ;

J'ai mis sur un plateau de toile d'araignée

L'amour qu'en mon chemin j'ai reçue et donnée :

Puis sur l'autre plateau deux grains du vermillon

Impalpable, qui teint l'aile du papillon,

Et j'ai trouvé l'amour léger dans la balance.

Donc, reçois dans tes bras, ô douce somnolence,

Vierge aux pâles couleurs, blanche sœur de la mort,

Un pauvre naufragé des tempêtes du sort !

Exauce un malheureux qui te prie et t'implore,

Egraine sur son front le pavot inodore,

Abrite-le d'un pan de ton grand manteau noir,

Et du doigt clos ses yeux qui ne veulent plus voir.

Vous, esprits du désert, cependant qu'il sommeille,

Faites taire les vents et bouchez son oreille,

Pour qu'il n'entende pas le retentissement

Du siècle qui s'écroule, et ce bourdonnement

Qu'en s'en allant au but où son destin la mène

Sur le chemin du temps fait la famille humaine !


Je suis las de la vie et ne veux pas mourir ;

Mes pieds ne peuvent plus ni marcher ni courir ;

J'ai les talons usés de battre cette route

Qui ramène toujours de la science au doute.

Assez, je me suis dit, voilà la question.


Va, pauvre rêveur, cherche une solution

Claire et satisfaisante à ton sombre problème,

Tandis qu'Ophélia te dit tout haut : Je t'aime ;

Mon beau prince danois marche les bras croisés,

Le front dans la poitrine et les sourcils froncés,

D'un pas lent et pensif arpente le théâtre,

Plus pâle que ne sont ces figures d'albâtre,

Pleurant pour les vivants sur les tombeaux des morts ;

Épuise ta vigueur en stériles efforts,

Et tu n'arriveras, comme a fait Ophélie,

Qu'à l'abrutissement ou bien à la folie.

C'est à ce degré-là que je suis arrivé.

Je sens ployer sous moi mon génie énervé ;

Je ne vis plus ; je suis une lampe sans flamme,

Et mon corps est vraiment le cercueil de mon âme.


Ne plus penser, ne plus aimer, ne plus haïr,

Si dans un coin du cœur il éclot un désir,

Lui couper sans pitié ses ailes de colombe,

Être comme est un mort, étendu sous la tombe,

Dans l'immobilité savourer lentement,

Comme un philtre endormeur, l'anéantissement :

Voilà quel est mon vœu, tant j'ai de lassitude,

D'avoir voulu gravir cette côte âpre et rude,

Brocken mystérieux, où des sommets nouveaux

Surgissent tout à coup sur de nouveaux plateaux,

Et qui ne laisse voir de ses plus hautes cimes

Que l'esprit du vertige errant sur les abîmes.


C'est pourquoi je m'assieds au revers du fossé,

Désabusé de tout, plus voûté, plus cassé

Que ces vieux mendiants que jusques à la porte

Le chien de la maison en grommelant escorte.

C'est pourquoi, fatigué d'errer et de gémir,

Comme un petit enfant, je demande à dormir ;

Je veux dans le néant renouveler mon être,

M'isoler de moi-même et ne plus me connaître ;

Et comme en un linceul, sans y laisser un seul pli,

Rester enveloppé dans mon manteau d'oubli.


J'aimerais que ce fût dans une roche creuse,

Au penchant d'une côte escarpée et pierreuse,

Comme dans les tableaux de Salvator Rosa,

Où le pied d'un vivant jamais ne se posa ;

Sous un ciel vert, zébré de grands nuages fauves,

Dans des terrains galeux clairsemés d'arbres chauves,

Avec un horizon sans couronne d'azur,

Bornant de tous côtés le regard comme un mur,

Et dans les roseaux secs près d'une eau noire et plate

Quelque maigre héron debout sur une patte.

Sur la caverne, un pin, ainsi qu'un spectre en deuil

Qui tend ses bras voilés au-dessus d'un cercueil,

Tendrait ses bras en pleurs, et du haut de la voûte

Un maigre filet d'eau suintant goutte à goutte,

Marquerait par sa chute aux sons intermittents

Le battement égal que fait le cœur du temps.

Comme la Niobé qui pleurait sur la roche,

Jusqu'à ce que le lierre autour de moi s'accroche,

Je demeurerais là les genoux au menton,

Plus ployé que jamais, sous l'angle d'un fronton,

Ces Atlas accroupis gonflant leurs nerfs de marbre ;

Mes pieds prendraient racine et je deviendrais arbre ;

Les faons auprès de moi tondraient le gazon ras,

Et les oiseaux de nuit percheraient sur mes bras.


C'est là ce qu'il me faut plutôt qu'un monastère ;

Un couvent est un port qui tient trop à la terre ;

Ma nef tire trop d'eau pour y pouvoir entrer

Sans en toucher le fond et sans s'y déchirer.

Dût sombrer le navire avec toute sa charge,

J'aime mieux errer seul sur l'eau profonde et large.

Aux barques de pêcheur l'anse à l'abri du vent,

Aux simples naufragés de l'âme, le couvent.

À moi la solitude effroyable et profonde,

Par dedans, par dehors !


Par dedans, par dehors ! Un couvent, c'est un monde ;

On y pense, on y rêve, on y prie, on y croit :

La mort n'est que le seuil d'une autre vie ; on voit

Passer au long du cloître une forme angélique ;

La cloche vous murmure un chant mélancolique ;

La Vierge vous sourit, le bel enfant Jésus

Vous tend ses petits bras de sa niche ; au-dessus

De vos fronts inclinés, comme un essaim d'abeilles,

Volent les Chérubins en légions vermeilles.

Vous êtes tout espoir, tout joie et tout amour,

À l'escalier du ciel vous montez chaque jour ;

L'extase vous remplit d'ineffables délices,

Et vos cœurs parfumés sont comme des calices ;

Vous marchez entourés de célestes rayons

Et vos pieds après vous laissent d'ardents sillons !


Ah ! grands voluptueux, sybarites du cloître,

Qui passez votre vie à voir s'ouvrir et croître

Dans le jardin fleuri de la mysticité,

Les pétales d'argent du lis de pureté,

Vrais libertins du ciel, dévots Sardanapales,

Vous, vieux moines chenus, et vous, novices pâles,

Foyers couverts de cendre, encensoirs ignorés,

Quel don Juan a jamais sous ses lambris dorés

Senti des voluptés comparables aux vôtres !

Auprès de vos plaisirs, quels plaisirs sont les nôtres !

Quel amant a jamais, à l'âge où l'œil reluit,

Dans tout l'enivrement de la première nuit,

Poussé plus de soupirs profonds et pleins de flamme,

Et baisé les pieds nus de la plus belle femme

Avec la même ardeur que vous les pieds de bois

Du cadavre insensible allongé sur la croix !

Quelle bouche fleurie et d'ambroisie humide,

Vaudrait la bouche ouverte à son côté livide !

Notre vin est grossier ; pour vous, au lieu de vin,

Dans un calice d'or perle le sang divin ;

Nous usons notre lèvre au seuil des courtisanes,

Vous autres, vous aimez des saintes diaphanes,

Qui se parent pour vous des couleurs des vitraux

Et sur vos fronts tondus, au détour des arceaux,

Laissent flotter le bout de leurs robes de gaze :

Nous n'avons que l'ivresse et vous avez l'extase.

Nous, nos contentements dureront peu de jours,

Les vôtres, bien plus vifs, doivent durer toujours.

Calculateurs prudents, pour l'abandon d'une heure,

Sur une terre où nul plus d'un jour ne demeure,

Vous achetez le ciel avec l'éternité.

Malgré ta règle étroite et ton austérité,

Maigre et jaune Rancé, tes moines taciturnes

S'entrouvrent à l'amour comme des fleurs nocturnes,

Une tête de mort grimaçante pour nous

Sourit à leur chevet du rire le plus doux ;

Ils creusent chaque jour leur fosse au cimetière,

Ils jeûnent et n'ont pas d'autre lit qu'une bière,

Mais ils sentent vibrer sous leur suaire blanc,

Dans des transports divins, un cœur chaste et brûlant ;

Ils se baignent aux flots de l'océan de joie,

Et sous la volupté leur âme tremble et ploie,

Comme fait une fleur sous une goutte d'eau,

Ils sont dignes d'envie et leur sort est très-beau ;

Mais ils sont peu nombreux dans ce siècle incrédule

Creux qui font de leur âme une lampe qui brûle,

Et qui peuvent, baisant la blessure du Christ,

Croire que tout s'est fait comme il était écrit.

Il en est qui n'ont pas le don des saintes larmes,

Qui veillent sans lumière et combattent sans armes ;

Il est des malheureux qui ne peuvent prier

Et dont la voix s'éteint quand ils veulent crier ;

Tous ne se baignent pas dans la pure piscine

Et n'ont pas même part à la table divine :

Moi, je suis de ce nombre, et comme saint Thomas,

Si je n'ai dans la plaie un doigt, je ne crois pas.


Aussi je me choisis un antre pour retraite

Dans une région détournée et secrète

D'où l'on n'entende pas le rire des heureux

Ni le chant printanier des oiseaux amoureux,

L'antre d'un loup crevé de faim ou de vieillesse,

Car tout son m'importune et tout rayon me blesse,

Tout ce qui palpite, aime ou chante, me déplaît,

Et je hais l'homme autant et plus que ne le hait

Le buffle à qui l'on vient de percer la narine.

De tous les sentiments croulés dans la ruine,

Du temple de mon âme, il ne reste debout

Que deux piliers d'airain, la haine et le dégoût.

Pourtant je suis à peine au tiers de ma journée ;

Ma tête de cheveux n'est pas découronnée ;

À peine vingt épis sont tombés du faisceau :

Je puis derrière moi voir encore mon berceau.

Mais les soucis amers de leurs griffes arides

M'ont fouillé dans le front d'assez profondes rides

Pour en faire une fosse à chaque illusion.

Ainsi me voilà donc sans foi ni passion,

Désireux de la vie et ne pouvant pas vivre,

Et dès le premier mot sachant la fin du livre.

Car c'est ainsi que sont les jeunes d'aujourd'hui :

Leurs mères les ont faits dans un moment d'ennui.

Et qui les voit auprès des blancs sexagénaires

Plutôt que les enfants les estime les pères ;

Ils sont venus au monde avec des cheveux gris ;

Comme ces arbrisseaux frêles et rabougris

Qui, dès le mois de mai, sont pleins de feuilles mortes,

Ils s'effeuillent au vent, et vont devant leurs portes

Se chauffer au soleil à côté de l'aïeul,

Et du jeune et du vieux, à coup sûr, le plus seul,

Le moins accompagné sur la route du monde,

Hélas ! C'est le jeune homme à tête brune ou blonde

Et non pas le vieillard sur qui l'âge a neigé ;

Celui dont le navire est le plus allégé

D'espérance et d'amour, lest divin dont on jette

Quelque chose à la mer chaque jour de tempête,

Ce n'est pas le vieillard, dont le triste vaisseau

Va bientôt échouer à l'écueil du tombeau.

L'univers décrépit devient paralytique,

La nature se meurt, et le spectre critique

Cherche en vain sous le ciel quelque chose à nier.

Qu'attends-tu donc, clairon du jugement dernier ?

Dis-moi, qu'attends-tu donc, archange à bouche ronde

Qui dois sonner là-haut la fanfare du monde ?

Toi, sablier du temps, que Dieu tient dans sa main,

Quand donc laisseras-tu tomber ton dernier grain ?
Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.


Où donc est le bonheur ? disais-je. - Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l'enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l'âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l'homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus ****, aimer, - garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d'un ineffable *****,
Envier l'eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d'une parole,
Connaître un pas qu'on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,
Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d'avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu'un regard, qu'une fleur, qu'un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d'une main jalouse
Les boutons d'orangers sur le front de l'épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;
Voir aux feux de midi, sans espoir qu'il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l'illusion, l'espérance, et sentir
Qu'on vieillit au fardeau croissant du repentir,
Effacer de son front des taches et des rides ;
S'éprendre d'art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s'égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l'on ne dormait pas ;
Se dire qu'on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s'enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d'amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,
Être sage, et railler l'amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d'un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l'homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d'ombre.
C'est donc avoir vécu ! c'est donc avoir été !
Dans la joie et l'amour et la félicité
C'est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !

Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l'enfance où le coeur dort,
Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !

Où donc est le bonheur, disais-je ? - Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné !

Le 28 mai 1830.
Si j'étais la feuille que roule
L'aile tournoyante du vent,
Qui flotte sur l'eau qui s'écoule,
Et qu'on suit de l'oeil en rêvant ;

Je me livrerais, fraîche encore,
De la branche me détachant,
Au zéphyr qui souffle à l'aurore,
Au ruisseau qui vient du couchant.

Plus **** que le fleuve, qui gronde,
Plus **** que les vastes forêts,
Plus **** que la gorge profonde,
Je fuirais, je courrais, j'irais !

Plus **** que l'antre de la louve,
Plus **** que le bois des ramiers,
Plus **** que la plaine où l'on trouve
Une fontaine et trois palmiers ;

Par delà ces rocs qui répandent
L'orage en torrent dans les blés,
Par delà ce lac morne, où pendent
Tant de buissons échevelés ;

Plus **** que les terres arides
Du chef maure au large ataghan,
Dont le front pâle a plus de rides
Que la mer un jour d'ouragan.

Je franchirais comme la flèche
L'étang d'Arta, mouvant miroir,
Et le mont dont la cime empêche
Corinthe et Mykos de se voir.

Comme par un charme attirée,
Je m'arrêterais au matin
Sur Mykos, la ville carrée,
La ville aux coupoles d'étain.

J'irais chez la fille du prêtre,
Chez la blanche fille à l'oeil noir,
Qui le jour chante à sa fenêtre,
Et joue à sa porte le soir.

Enfin, pauvre feuille envolée,
Je viendrais, au gré de mes voeux,
Me poser sur son front, mêlée
Aux boucles de ses blonds cheveux ;

Comme une perruche au pied leste
Dans le blé jaune, ou bien encor
Comme, dans un jardin céleste,
Un fruit vert sur un arbre d'or.

Et là, sur sa tête qui penche,
Je serais, fût-ce peu d'instants,
Plus fière que l'aigrette blanche
Au front étoilé des sultans.
Aimez vos mains afin qu'un jour vos mains soient belles,
Il n'est pas de parfum trop précieux pour elles,
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux,
Il n'est pas d'instruments trop délicats pour eux.

C'est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles ;
Elles ont pris leur neige au lys des Séraphins,
Au jardin de la chair ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.

Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bluet sourit ;
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines ;
Les mains disent aux yeux les secrets de l'esprit.

Les peintres les plus grands furent amoureux d'elles,
Et les peintres des mains sont les peintres modèles.

Comme deux cygnes blancs l'un vers l'autre nageant,
Deux voiles sur la mer fondant leurs pâleurs mates,
Livrez vos mains à l'eau dans les bassins d'argent,
Préparez-leur le linge avec les aromates.

Les mains sont l'homme, ainsi que les ailes l'oiseau ;
Les mains chez les méchants sont des terres arides ;
Celles de l'humble vieille, où tourne un blond fuseau,
Font lire une sagesse écrite dans leurs rides.

Les mains des laboureurs, les mains des matelots
Montrent le hâle d'or des Cieux sous leur peau brune.
L'aile des goélands garde l'odeur des flots,
Et les mains de la Vierge un baiser de la lune.

Les plus belles parfois font le plus noir métier,
Les plus saintes étaient les mains d'un charpentier.

Les mains sont vos enfants et sont deux sœurs jumelles,
Les dix doigts sont leurs fils également bénis ;
Veillez bien sur leurs jeux, sur leurs moindres querelles,
Sur toute leur conduite aux détails infinis.

Les doigts font les filets et d'eux sortent les villes ;
Les doigts ont révélé la lyre aux temps anciens ;
Ils travaillent, pliés aux tâches les plus viles,
Ce sont des ouvriers et des musiciens.

Lâchés dans la forêt des orgues le dimanche,
Les doigts sont des oiseaux, et c'est au bout des doigts
Que, rappelant le vol des geais de branche en branche,
Rit l'essaim familier des Signes de la Croix.

Le pouce dur, avec sa taille courte et grasse,
A la force ; il a l'air d'Hercule triomphant ;
Le plus faible de tous, le plus doux a la grâce,
Et c'est le petit doigt qui sut rester enfant.

Servez vos mains, ce sont vos servantes fidèles ;
Donnez à leur repos un lit tout en dentelles.
Ce sont vos mains qui font la caresse ici-bas ;
Croyez qu'elles sont sœurs des lys et sœurs des ailes :
Ne les méprisez pas, ne les négligez pas,
Et laissez-les fleurir comme des asphodèles.

Portez à Dieu le doux trésor de vos parfums,
Le soir, à la prière éclose sur les lèvres,
Ô mains, et joignez-vous pour les pauvres défunts,
Pour que Dieu dans les mains rafraîchisse nos fièvres,

Pour que le mois des fruits vous charge de ses dons :
Mains, ouvrez-vous toujours sur un nid de pardons.

Et vous dites, - ô vous, qui, détestant les armes,
Mirez votre tristesse au fleuve de nos larmes,
Vieillard dont les cheveux vont tout blancs vers le jour,
Jeune homme aux yeux divins où se lève l'amour,
Douce femme mêlant ta rêverie aux anges,

Le cœur gonflé parfois au fond des soirs étranges,
Sans songer qu'en vos mains fleurit la volonté -
Tous, vous dites : « Où donc est-il, en vérité,
Le remède, ô Seigneur, car nos maux sont extrêmes ? »

- Mais il est dans vos mains, mais il est vos mains mêmes.
I.

Je voyais s'élever, dans le lointain des âges,
Ces monuments, espoir de cent rois glorieux ;
Puis je voyais crouler les fragiles images
De ces fragiles demi-dieux.
Alexandre, un pêcheur des rives du Pirée
Foule ta statue ignorée
Sur le pavé du Parthénon ;
Et les premiers rayons de la naissante aurore
En vain dans le désert interrogent encore
Les muets débris de Memnon.

Qu'ont-ils donc prétendu, dans leur esprit superbe,
Qu'un bronze inanimé dût les rendre immortels ?
Demain le temps peut-être aura caché sous l'herbe
Leurs imaginaires autels.
Le proscrit à son tour peut remplacer l'idole ;
Des piédestaux du Capitole
Sylla détrône Marius.
Aux outrages du sort insensé qui s'oppose !
Le sage, de l'affront dont frémit Théodose,
Sourit avec Démétrius.

D'un héros toutefois l'image auguste et chère
Hérite du respect qui payait ses vertus ;
Trajan domine encore les champs que de Tibère
Couvrent les temples abattus.
Souvent, lorsqu'en l'horreur des discordes civiles,
La terreur planait sur les villes,
Aux cris des peuples révoltés,
Un héros, respirant dans le marbre immobile,
Arrêtait tout à coup par son regard tranquille
Les factieux épouvantés.

II.

Eh quoi ! sont-ils donc ****, ces jours de notre histoire
Où Paris sur son prince osa lever son bras ?
Où l'aspect de Henri, ses vertus, sa mémoire,
N'ont pu désarmer des ingrats ?
Que dis-je ? ils ont détruit sa statut adorée.
Hélas ! cette horde égarée
Mutilait l'airain renversé ;
Et cependant, des morts souillant le saint asile,
Leur sacrilège main demandait à l'argile
L'empreinte de son front glacé !

Voulaient-ils donc jouir d'un portrait plus fidèle
Du héros dont leur haine a payé les bienfaits ?
Voulaient-ils, réprouvant leur fureur criminelle,
Le rendre à nos yeux satisfaits ?
Non ; mais c'était trop peu de briser son image ;
Ils venaient encor, dans leur rage,
Briser son cercueil outragé ;
Tel, troublant le désert d'un rugissement sombre,
Le tigre, en se jouant, cherche à dévorer l'ombre
Du cadavre qu'il a rongé.

Assis près de la Seine, en mes douleurs amères,
Je me disais : « La Seine arrose encore Ivry,
Et les flots sont passés où, du temps de nos père,
Se peignaient les traits de Henri.
Nous ne verrons jamais l'image vénérée
D'un roi qu'à la France éplorée
Enleva sitôt le trépas ;
Sans saluer Henri nous irons aux batailles,
Et l'étranger viendra chercher dans nos murailles
Un héros qu'il n'y verra pas. »

III.

Où courez-vous ? - Quel bruit naît, s'élève et s'avance ?
Qui porte ces drapeaux, signe heureux de nos rois ?
Dieu ! quelle masse au **** semble, en sa marche immense,
Broyer la terre sous son poids ?
Répondez... Ciel ! c'est lui ! je vois sa noble tête...
Le peuple, fier de sa conquête,
Répète en chœur son nom chéri.
Ô ma lyre ! tais-toi dans la publique ivresse ;
Que seraient tes concerts près des chants d'allégresse
De la France aux pieds de Henri ?

Par mille bras traîné, le lourd colosse roule.
Ah ! volons, joignons-nous à ces efforts pieux.
Qu'importe si mon bras est perdu dans la foule !
Henri me voit du haut des cieux.
Tout un peuple a voué ce bronze à ta mémoire,
Ô chevalier, rival en gloire
Des Bayard et des Duguesclin !
De l'amour des français reçois la noble preuve,
Nous devons ta statue au denier de la veuve,
À l'obole de l'orphelin.

N'en doutez pas, l'aspect de cette image auguste
Rendra nos maux moins grands, notre bonheur plus doux ;
Ô français ! louez Dieu, vous voyez un roi juste,
Un français de plus parmi vous.
Désormais, dans ses yeux, en volant à la gloire,
Nous viendrons puiser la victoire ;
Henri recevra notre foi ;
Et quand on parlera de ses vertus si chères,
Nos enfants n'iront pas demander à nos pères
Comment souriait le bon roi !

IV.

Jeunes amis, dansez autour de cette enceinte ;
Mêlez vos pas joyeux, mêlez vos heureux chants ;
Henri, car sa bonté dans ses traits est empreinte,
Bénira vos transports touchants.
Près des vains monuments que des tyrans s'élèvent,
Qu'après de longs siècles achèvent
Les travaux d'un peuple opprimé.
Qu'il est beau, cet airain où d'un roi tutélaire
La France aime à revoir le geste populaire
Et le regard accoutumé !

Que le fier conquérant de la Perse avilie,
Las de léguer ses traits à de frêles métaux,
Menace, dans l'accès de sa vaste folie,
D'imposer sa forme à l'Athos ;
Qu'un Pharaon cruel, superbe en sa démence,
Couvre d'un obélisque immense
Le grand néant de son cercueil ;
Son nom meurt, et bientôt l'ombre des Pyramides
Pour l'étranger, perdu dans ces plaines arides,
Est le seul bienfait de l'orgueil.

Un jour (mais repoussons tout présage funeste !)
Si des ans ou du sort les coups encor vainqueurs
Brisaient de notre amour le monument modeste,
Henri, tu vivrais dans nos cœurs ;
Cependant que du Nil les montagnes altières,
Cachant cent royales poussières,
Du monde inutile fardeau,
Du temps et de la mort attestent le passage,
Et ne sont déjà plus, à l'œil ému du sage,
Que la ruine d'un tombeau.

Février 1819.
Un bon père cheval, veuf, et n'ayant qu'un fils,
L'élevait dans un pâturage
Où les eaux, les fleurs et l'ombrage
Présentaient à la fois tous les biens réunis.
Abusant pour jouir, comme on fait à cet âge,
Le poulain tous les jours se gorgeait de sainfoin,
Se vautrait dans l'herbe fleurie,
Galopait sans objet, se baignait sans envie,
Ou se reposait sans besoin.
Oisif et gras à lard, le jeune solitaire
S'ennuya, se lassa de ne manquer de rien ;
Le dégoût vint bientôt ; il va trouver son père :
Depuis longtemps, dit-il, je ne me sens pas bien ;
Cette herbe est malsaine et me tue,
Ce trèfle est sans saveur, cette onde est corrompue,
L'air qu'on respire ici m'attaque les poumons ;
Bref, je meurs si nous ne partons.
Mon fils, répond le père, il s'agit de ta vie,
À l'instant même il faut partir.
Sitôt dit, sitôt fait, ils quittent leur patrie.
Le jeune voyageur bondissait de plaisir :
Le vieillard, moins joyeux, allait un train plus sage ;
Mais il guidait l'enfant, et le faisait gravir
Sur des monts escarpés, arides, sans herbage,
Où rien ne pouvait le nourrir.
Le soir vint, point de pâturage ;
On s'en passa. Le lendemain,
Comme l'on commençait à souffrir de la faim,
On prit du bout des dents une ronce sauvage.
On ne galopa plus le reste du voyage ;
À peine, après deux jours, allait-on même au pas.
Jugeant alors la leçon faite,
Le père va reprendre une route secrète
Que son fils ne connaissait pas,
Et le ramène à sa prairie
Au milieu de la nuit. Dès que notre poulain
Retrouve un peu d'herbe fleurie,
Il se jette dessus : ah ! L'excellent festin !
La bonne herbe ! Dit-il : comme elle est douce et tendre !
Mon père, il ne faut pas s'attendre
Que nous puissions rencontrer mieux ;
Fixons-nous pour jamais dans ces aimables lieux :
Quel pays peut valoir cet asile champêtre ?
Comme il parlait ainsi, le jour vint à paraître :
Le poulain reconnaît le pré qu'il a quitté ;
Il demeure confus. Le père, avec bonté,
Lui dit : mon cher enfant, retiens cette maxime :
Quiconque jouit trop est bientôt dégoûté,
Il faut au bonheur du régime.
Image de la mort, effroi du tendre amour,
Sommeil, emporte au **** ce songe épouvantable !
La mort est dans l'adieu d'un ami véritable :
Ah ! ne m'avertis pas que l'on se quitte un jour !

Dans ton vol escorté de fantômes livides,
Va rendre, s'il se peut, la mémoire aux ingrats ;
Passe comme un miroir devant ces cœurs arides,
Et sous leurs traits hideux va leur tendre les bras !

Que l'avare, étendu dans son étroite couche,
Rêve une fausse clef près d'atteindre son or ;
Qu'il crie, et que sa voix meurt au fond de sa bouche,
Et qu'un bras invisible entr'ouvre son trésor !

Qu'il entende compter ses richesses cachées ;
Que la lampe expirante y jette sa lueur ;
Paralyse ses mains sur lui-même attachées,
Et qu'il tremble, inondé d'une froide sueur !

Va tromper des tyrans les pâles sentinelles,
Fais circuler la crainte autour de leurs rideaux ;
Dissipe les grandeurs qu'ils croyaient éternelles,
Et de pavots sanglants épaissis leurs bandeaux !

Force de ce palais l'enceinte inaccessible ;
Ose annoncer la mort au cœur d'un mauvais roi ;
Ordonne à ce cœur insensible
D'être au moins sensible à l'effroi !

Montre-lui la vengeance implacable, dans l'ombre,
Sous les traits d'un esclave armé de tous ses fers ;
Montre-lui le poignard au feu mourant et sombre
Des yeux qu'il fit pleurer : c'est le feu des enfers.

Que le beffroi s'ébranle, et tinte à son oreille
La fureur populaire et son nom abhorré ;
Que sa porte d'airain en tombant le réveille
Et qu'il ne puisse fuir par la peur égaré !

Mais laisse à l'amour pur des songes sans alarmes ;
Laisse au temps à dissoudre un nœud si doux, si fort !
Malheureux, quand l'amour daigne enchanter nos larmes,
On ne veut plus croire à la mort !

— The End —